joy&solal - i crumble underneath the weight

Je suis tendu à l'idée d'aller voir Leroy et ce n'est pas normal. Leroy, c'est mon pote et je devrais être ravi de le voir... et je le suis au fond, seulement aujourd'hui, il y a un petit truc en plus. C'est un léger détail qui n'est pas si négligeable que ça quand j'y pense et qui a à voir avec le fait que j'ai embrassé son petit frère lors d'une soirée il y a quelques jours... et que je ne peux pas blâmer uniquement l'alcool pour ça. Faut vraiment que j'arrête mes conneries avec les cadets de mes potes. Noé, Thea et maintenant Joy... Comment se compliquer la vie. Le souvenir d'Ilyès apprenant la nouvelle à propos de son frère et moi me fait sourire. J'ai cru qu'il allait me tuer. Non, ce n'est pas le moment de penser à lui et aux autres. J'aimerais que New-York et Paris n'aient pas un océan qui les sépare, ou alors que voyager soit juste moins cher. Ça me permettrait de voir ma mère et mes potes plus souvent. Allez, on referme la page nostalgie. Je sais qu'il faudrait d'abord que je parle à Joy de ce qui s'est passé avant de songer à parler de ça avec Leroy. Enfin ça me paraît logique... pourquoi lui en parler en sachant que si ça se trouve, ça ne se reproduira jamais ? Parce que je sais pas trop ce que ça va donner tout ça, je suis un peu perdu.  Tout ce que je sais, c'est que Leroy va me tuer, ça c'est la seule certitude que j'ai. Mon but n'est pas de lui mentir mais j'aimerais juste en parler à Joy d'abord... ugh. Pourquoi ? En tout cas si je me rends chez Leroy aujourd'hui, dans la maison où il vit en coloc' avec un tas d'autres personnes, c'est juste pour lui rendre un jeu vidéo qu'il m'avait passé. Je vous l'accorde, lui parler tranquille en sachant qu'il me tuerait en sachant ce que j'ai fait va être... compliqué mais bon... Au secours. Je continue de marcher vers la maison, un sac sur le dos avec le jeu dedans. Leroy n'est pas au courant que je viens parce que j'ai un peu décidé de venir à la dernière minute et parce que je sais qu'il est chez lui à ce moment de la journée. Je tourne dans la rue où est située la maison et... c'est une blague ? Je me fige. Une silhouette descend la rue et s'avance dans ma direction. C'est Joy. Je peux pas croire que je le croise maintenant, à quelques mètres de la maison de son frère. Merde, j'étais pas du tout préparé à devoir faire ça maintenant. Je fais un ou deux pas, il est presque à mon niveau. « Salut... »

Tu es celui de la fratrie qui garde ta vie privée pour toi en général. Qu'est-ce que t'es pas mal pudique d'ailleurs, tu souhaites jamais vraiment partager ce qui se passe dans ta vie amoureuse mais ce n'est pas forcément de ta faute. C'est comme cela que t'as grandit après tout, il y a certaines choses qui ne seront jamais révélées et d'autres qui attendre à l'être. Tu ne sais pas encore pour cette situation particulière, cette homme à cette soirée … Tu n'en aurais pas fait une affaire d'état si c'était pas pour le fait qu'il était un ami proche de ton frère Leroy. Alors tes pensées se battent autant qu'elles te torturent, devrais-tu en faire part à ton frère ? Ou bien il réagirait d'une manière bien trop exagérée ? T'as peur et t'essaies de ne pas le faire paraître plus que ça non plus. Alors tu poses le DVD que tu lui as emprunté plus tôt, Mad Men, une bonne série d'ailleurs, et tu lui dis au revoir un léger sourire sur le visage. Tu sors de chez lui et tu continues ta marche dans ton petit jogging gris et ton gros pull tricoté rouge foncé. Et là tu t'arrêtes brusquement quand tu le vois, l'homme de tes pensées, cet abruti qui t'avait tenté quand t'avais un verre en trop enfin, c'est ce que tu te dis alors que tu sais très bien que t'as été aussi bête que lui à l'embrasser.

T'as des flashbacks de la soirée, de vous deux qui aviez décidé de batifoler dans les toilettes d'un bar. Quel cliché, t'en étais pas fier, mais tu peux pas dire non plus que c'était horrible, tu mentirais bien fort. Tu essaies de l'éviter, une main cachant ton visage quand-- Ah, il te dit salut … Tu le regardes alors, un air faussement surpris. Lorsque tu arrives finalement en face de lui et tu te forces un léger sourire chaleureux.

' Hey !' Tu te souvenais pas qu'il était aussi grand, tu le regardes de ta hauteur. Tu te mordilles la lèvre inférieure avant de soupirer un bon coup. Un silence de cinq secondes bien trop gênant. ' A propos de la soirée … ' Il fallait en parler. ' Il faut le garder pour nous, si Leroy l'apprenait-- Mais, en même temps qui suis-je ? Il faut lui dire. ' Aussi indécis que toi, y'a pas.  

Tomber sur Joy là, tout de suite, ne faisait pas vraiment partie de mon programme. Pourtant j'aurais dû me préparer. Après tout, ça fait quelques jours que cette fameuse soirée a eu lieu et il fallait bien qu'à un moment, on retombe l'un sur l'autre. On ne sait même pas envoyés de messages, rien. En même temps qu'est-ce qu'on se serait dit ? Moi-même j'ai encore un peu de mal à comprendre ce qui s'est passé. Du coup, je dois le prendre comment le fait de le recroiser à quelques pas de la maison où Leroy habite ? Certains y verraient sûrement un signe. Quand je vois Joy avancer vers moi sans pour autant me voir, j'ai comme un mouvement de recul. Je pourrais me casser, faire semblant de ne pas l'avoir vu mais le temps que je me décide, c'est trop tard. Il m'a vu. Et de toute façon, faut qu'on se parle. Sauf que là encore, je ne suis pas sûr de savoir quoi dire. Je sais que Joy ma vu mais jusqu'à ce que je le salue, il fait comme si. Je le comprends. Il est aussi mal à l'aise que moi, c'est naturel de vouloir trouver une porte de sortie dans ce genre de situation. On se retrouve l'un en face de l'autre, à ne plus savoir où se mettre. « Hey ! » Forcément, des images de la soirée me reviennent en tête. Les moments où c'était une soirée où il ne se passait rien de spécial et les moments d'après où je me retrouve, je sais pas comment, à coincer Joy entre mon corps et la paroi des toilettes du bar. J'ai un peu loupé le moment de transition mais je pense qu'il a un rapport avec l'alcool qui nous a poussés à nous lâcher. J'adore blâmer l'alcool mais là, je sais très bien que ce n'est pas l'unique responsable. « A propos de la soirée …  Il faut le garder pour nous, si Leroy l'apprenait-- Mais, en même temps qui suis-je ? Il faut lui dire. » dit-il après un silence un peu trop long. Nous y voilà. Il a raison, autant ne pas tourner autour du pot, ça serait ridicule. Il a l'air perturbé par toute la situation. J'imagine que le fait qu'il sorte de chez Leroy ne doit pas arranger les choses. J'esquisse un sourire. « Si ton frère l'apprenait, il me ferait la peau, c'est la seule chose qui est sûre dans tout ça. Mais si ça peut te rassurer, je pense que c'est logique qu'on parle ensemble avant de faire quoi que ce soit d'autre. » Je ne dis pas ça sur un ton d'avertissement qui voudrait dire qu'il ne doit surtout pas en parler à son frère, je dis juste ce qui est, point. Ça me rappelle ce que j'ai vécu avec Ilyès. Il m'aurait peut-être tué s'il n'avait pas vu à quel point je tenais à Noé. Je chasse ces pensées de mon esprit. Il y a beau avoir des points communs entre les deux situations, les personnes sont différentes. Je fais un signe de tête à Joy. « Viens. J'ai pas très envie qu'il le découvre dès maintenant. » Traduction, j'ai pas envie de rester dans sa rue avec la maison, où il se trouve en ce moment, à quelques pas. Nous sortons de la rue et faisons quelques pas supplémentaires pour nous éloigner. « Si t'as envie de lui dire, je suis personne pour t'en empêcher. »  ai-je dit simplement. Quoi qu'il fasse, j'assumerai auprès de Leroy. J'essaie d'enfouir la peur de perdre ce dernier au plus profond de moi, cette même peur que j'avais ressenti pour Ilyès. Si Joy ne lui dit pas, est-ce que je serai celui qui finira par lui dire ? Wow, du calme, une chose à la fois. « Pour ce qui s'est passé à la soirée, je sais pas vraiment quoi dire... juste que je sais que j'avais pas assez pu pour blâmer uniquement l'alcool. » ai-je commencé en passant une main dans mes cheveux courts. Erreur ? Envie ? Les deux ? Aucune idée. J'ignore ce que ça voulait dire, mais je sais aussi que depuis un certain temps, les choses avaient pris une autre tournure entre nous. Depuis que je lui avais donné un coup de main lors de cette autre soirée, on ne se regardait plus de la même façon.