Encore une autre journée qui tirait sur sa fin. Mon dernier rendez-vous venant de sortir, je remplis le dossier avant de le fermer en soupirant. J'étais épuisée. En fait plus les jours avançaient plus je m'épuisais de mes journées rapidement. Ont m'avait bien avertie qu'une grossesse à mon âge serait plus demandant, mais je ne pensais pas à ce point. Une chance que je n'avais pas suivie mon idée d'attendre à l'anniversaire de Xavier pour lui annoncer la nouvelle, je n'aurais jamais tenue. Il était plus qu'évident que je devrais rapidement arrêter de travailler. Lentement, je fermai mon bureau pour aller à ma voiture y attendre mon neveu. Nous allions devoir discuter des activités des fêtes pour les enfants hospitalisés, car il commençait à être évident que je ne pourrais pas y participer cette année. Je voulais de toute façon profiter de ce moment seul avec Andrian pour lui annoncer la nouvelle. Il était hors de question que j'en parle avec les patrons de l'hôpital avant d'avoir mis mes proches au courant et évidemment Andrian fait partie des personnes qui m'étaient les plus proches. Appuyé contre le capot de ma voiture, j'attendais l'arrivé de mon neveu, regardant le personnel de l'hôpital entrer ou sortir et en saluant un ici ou là, un peu perdue dans mes pensées. Pourquoi ne pas profiter de ce moment pour aller manger avec lui, passer un moment seul à seul avec mon neveu, s'il n'avait rien de prévue…
Je récupère mes affaires et referme le casier. Je mets tout de suite ma blouse et c’est à ce moment-là que je réalise que j’ai oublié mon écharpe. Je lâche un soupir, quel con, j’ai passé toute une journée à me dire que j’ai oublié un truc et il a fallu que ce soit au moment où je vais rentrer que je trouve ce que c’est: Mon écharpe que j’ai abandonné sur le porte manteau. Bon ce n’est pas trop grave, je ne rentre pas par le métro ce soir. Je ne serais pas à l’extérieur assez longtemps de toute manière. Hope va me ramener chez moi, on s’était vu ce matin assez rapidement. J’ai voulu manger avec elle et discuter sur les activités des fêtes, mais je n’ai pas pu avec les urgences de ce midi. Un passant s’était fait renversé par une voiture et j’ai passé un bon moment pour lui sauver la vie, il va s’en sortir sûrement, je n’en suis pas sûr, mais au moins je lui ai augmenté les chances de survie.
Puis une autre patiente qui s’est ouvert la jambe… Enfin, une journée tout à fait normale aux urgences. Je suis bien content de pouvoir rentrer chez moi et manger le repas que j’ai préparé et qui m’attend sagement dans le tupperware. Je n’ai pas la foi d’aller au bar ce soir. Je n’ai pas forcément envie de parler aux gens et surtout, j’ai du sommeil à rattraper. Enfin, Hope est une exception, parce qu’elle est de ma famille, c’est ma tante et j’aime bien parler avec elle contrairement à Xavier où je me sens légèrement agressé. Sûrement est-ce à cause du secret qui plane dans l’ombre depuis des années… Le secret que je partage malgré moi et je ne trouve toujours pas comment le dire. Au moins une fois dans l’année, j’ai toujours cette intention de le faire, mais les regards heureux de Hope m’en dissuadent. Je n’arrive même pas avec Emil, ne serait-ce le mettre sur la piste…
Je soupire alors que je remarque que Lyvia n’est plus là, elle a dû déjà partir pour rejoindre ses colocataires ou son fiancé. Dans tous les cas, beaucoup de choses ont changé depuis, on ne s’attend plus et elle doit être débordée dans les préparatifs du mariage. Enfin, je sors dehors et respire l’air frais. Je dis au revoir à certains de mes collègues sur le passage alors que je me dirige vers la voiture de Hope, avec elle qui m’attend assis sur le capot. J’aborde un petit sourire. « ¡ Holà Tia ! » Je marche et m’arrête près d’elle en posant la main sur son bras pour la saluer. « Comment ça va ? » Je fronce légèrement les sourcils, avec un léger air concerné, voyant son air fatigué. On n’allait pas tarder à monter dans sa voiture dans tous les cas.
Appuyé sur le capot de ma voiture, j'attendais que mon neveu sorte. Je saluais distraitement les employés qui entraient et sortaient de l'hôpital, connaissant presque tout le monde depuis le temps que j'étais là. J'étais perdue dans mes pensées, réfléchissant à tout ce que cette grossesse impliquait. Je devrais arrêter de travailler assez rapidement et me tenir tranquille, me reposant lorsque j'en avais besoin. Je voyais déjà que mon niveau d'énergie baissait rapidement d'ailleurs puisque j'étais plus fatiguée que normalement lorsque la fin de mes journées de travaille arrivait. Arrêter de travailler voulait aussi dire que cette année, je ne pourrais pas participer aux activités des fêtes qu'Andrian et moi organisions chaque année pour les enfants. Ce fut finalement la voix de mon neveu qui me tira de ma rêverie. Un sourire apparaissant sur mes lèvres, je tournai mon regard dans le sien alors que sa main ce posait sur mon bras. Salut Andrian. J'aimais les entendre lui et Emil m'appeler Tia. Cela sonnait beaucoup moins vieille que ma tante. Me demandant si ça allait, il fronça légèrement des sourcils en me regardant. Je lui fis un petit sourire rassurant en posant ma main sur la sienne. Oui ça va bien ne t'en fait pas. Me dirigeant vers le côté conducteur de la voiture, je lui lançai ma proposition. Avais-tu quelque chose de prévus ce soir? Nous pourrions aller manger en ville, je t'invite. M'asseyant dans la voiture, je bouclai la ceinture et jetai un coup d'oeil à Andrian en souriant. Alors, grosse journée? Démarrant, je m'apprêtai à partir, mais me retournai pour regarder mon neveu. Une envie de manger quelque chose de particulier?
Si elle dit qu’elle va bien, c’est qu’elle va bien. Parce que s’il y avait un truc qui n’allait pas avec Hope, elle me le dirait de toute manière. Elle sait très bien que ce n’est pas forcément facile de me cacher quelque chose quand ça concerne la santé. Je ne peux pas m’empêcher de faire des diagnostics malgré moi, même s’ils sont souvent faux, ça fait quand même que je me retrouve à les surveiller, en espérant trouver un symptôme ou le contraire justement. Enfin, elle va bien. Je suis déjà trop fatigué pour essayer de torturer mon cerveau. Je me suis dirigé vers la portière du côté passager quand elle me fait une proposition que je ne pouvais pas refuser, ça se voyait à mon sourire. « Ça, c’est que j’appelle une bonne idée ! Ça me changera des repas livrés. » Le concept est quand même sympathique. J’avais tout un kit de préparation de repas, tout m’était livré assez rapidement et je consacrais environ deux heures pour préparer les repas de la semaine, sans aucun gaspillage. Sauf que le truc, c’est que la majorité du temps, j’ai envie de rien faire, alors souvent j’ai tendance à voir la cuisine comme une corvée.
Je m’assieds contre le siège, boucle la ceinture et lâche un très gros soupir d’aise. Mes épaules se sont relâchés tout d’un coup et je peux sentir les noeuds dans le dos. « À peine arrivé que j’ai déjà eu des cas assez banals et au moment où j’ai pensé que c’était calme pour une fois, j’ai eu un homme, quarantaine, qui s’est fait renversé par une voiture. Il était bien amoché… » Je passe la main sur le front pour le masser pour me rappeler ce que j’avais laissé comme consignes, quelques secondes de panique quand j’ai eu l’impression que j’ai peut-être un peu trop forcé la dose d’un médicament, mais en réalité tout allait bien quand je me suis rappelé la raison du fort dosage. « Et toi ? C’était comment ta journée ? Le petit Enzo va bien ? » Je parlais du gamin que j’avais accueilli aux urgences il y a quelques jours, il était tombé du lit et s’est ouvert le ventre. J’ai l’impression d’être à Bagdad tous les jours. Je fronce les sourcils, l’air songeur quand elle me demande si j’avais une envie de manger quelque part. Je fais une petite moue de réflexion avant de passer la main dans la barbe. « Mmmh… Oui. J’ai une soudaine envie de manger Ethiopien. Tu as déjà goûté ça ? Parce que sinon, je connais le restaurant… C’est dans l’East Williamsburg. C’est très bon en plus ! Sinon je connais un Péruvien, dans le même coin… Eeeet… Ouais, soit le péruvien ou l’éthiopien. » Je la regarde en train de me demander si ça lui allait sur le coup.
