braeden&solal - how to end the night

Voilà, une nuit de plus passée. Avec mes collègues videurs, nous effectuons les mêmes gestes que nous faisons chaque matin alors que le soleil commence à peine à pointer le bout de son nez. La nuit est passée vite, certainement parce qu'une bande de supporters de football américain est venue fêter une victoire et que pendant plusieurs heures, l'ambiance a été agitée. Oui, le supporter de football américain n'est pas connu pour être... subtil, tout comme peut l'être le supporter de football européen que je suis, mais y a quand même des limites. Enfin peu importe, on a réussi à gérer la situation, c'est tout ce qui compte.  Les autres et moi fermons la porte d'entrée et commençons à ranger un peu. Faire le ménage n'est pas notre job, il y a d'autres employés pour ça mais personnellement, j'ai été bien élevé donc autant aider. Certains partent rapidement mais malgré mon envie de rentrer à l'appartement, je reste un peu. Je n'ai pas de famille qui m'attend par exemple, alors vu mon programme de la journée qui va constituer à dormir, j'estime que je peux me poser un peu avant de partir, comme je le fais souvent. Je continue de ranger alors que le club se vide. Ma chemise noir me colle à la peau, comme souvent. J'ai hâte de sentir l'air frais plutôt que l'odeur âcre et étouffée de l'Output mais ce n'est plus quelque chose qui me dérange autant qu'avant. Je me permets même de faire quelque chose que je fais régulièrement : je file derrière le bar pour prendre une bouteille de bière après avoir terminé mon rangement. Je la décapsule et m'adosse au bar. Il y a toujours quelques personnes dans le club mais c'est un silence tranquille qui règne à présent comme si c'était un lieu de travail normal et qu'il n'y avait pas, encore une heure auparavant, une centaine de personnes en train de se déchaîner sur la piste. Le contraste est saisissant. Je commence à savourer ma bière. Je sais qu'il est bientôt sept heures du matin et que prendre une bière à cette heure là est bizarre mais peu importe. Cette petite bière à ma fin de service de nuit est toujours meilleure ainsi. Soudain, j'entends du bruit et souris en voyant mon patron s'approcher du bar. « T'en veux une ? » ai-je demandé à Braeden en levant ma bouteille.

Rien ne vaut la bière qui suit la fin de service, celle qui rafraichit, celle qui signifie que je vais pouvoir rentrer me reposer et dormir. C'est limite une tradition, même si je n'en prends pas tous les soirs. Il y a certaines nuits où l'odeur de l'alcool m’écœure, même une bière me paraît être le bout du monde. Mais là, j'en ai envie et la première gorgée est libératrice. Je m'accorde ce petit moment de pause pour souffler après cette nuit agitée et ensuite, je vais pouvoir rentrer. C'est ce que je me dis jusqu'à ce que mon patron entre dans la pièce principale. Braeden s'avance vers moi. J'ignorais qu'il était encore présent. Alors qu'il arrive à mon niveau et au niveau du bar, je lui propose une bière. Il hoche la tête. « Je ne vais pas refuser une bière. C’est contraire à mes principes. » répond Braeden. J'esquisse un sourire alors qu'il prend une bouteille à son tour. « Étrange... je pense qu'on a les mêmes. » Sauf quand j'ai besoin d'une pause avec l'alcool, évidemment... mais ça ne dure jamais très longtemps. On avale chacun une gorgée. « Alors cette nuit ? Pas trop épuisé ? » demande-t-il. Je grimace légèrement, surtout en pensant au poing que j'ai failli me prendre à un moment. « Un peu agitée. Tu sais comment peuvent être les supporters quand ils ont bu... Je me mets dans le lot évidemment. Même si j'ai jamais essayé de foutre le bordel dans un club... enfin pas que je me souvienne. » ai-je fait pensif. Je ne me souviens pas d'avoir débarqué, éméché avec les gars, dans un bar ou dans un club pour foutre autant le bordel. J'ai jamais été un ange non plus mais les gars de ce soir ont vraiment foutu le bordel pendant un moment. Je secoue la tête, désireux de laisser ce moment de tension derrière moi. « Et toi, ta nuit ? Aucun groupe de supporters bourrés n'est venu te faire chier dans ton bureau j'espère ? » ai-je demandé avec un sourire espiègle avant de boire une nouvelle gorgée de bière.

Ces moments avec Braeden, à la fin d'une nuit fatigante, sont toujours agréables pour décompresser. C'est une façon de terminer le boulot avant de rentrer dormir à l'appart'. Là, même si j'ai qu'une envie après une telle nuit, c'est de retrouver mon lit, m'attarder quelques minutes pour boire ma bière et parler avec mon patron ne me dérangent pas le moins du monde. Braeden prend sa bière et commence à la boire alors que je lui parle du moment de tension de cette nuit, même si je sais qu'il est déjà au courant. « Moi pour sûr, je n’ai jamais mis le bordel dans un club. Pas en tant que supporter en tout cas. » me dit-il. J'esquisse un début de sourire. « T'es en train de me dire que t'as pu foutre le bordel dans un club par le passé ? » ai-je demandé amusé et intéressé. C'est toujours sympa d'apprendre des dossiers sur son boss, même si Braeden et moi avons dépassé la relation patron/employé depuis un moment déjà. Et puis on a tous nos dossiers de toute façon. Je pense avoir été raisonnable par le passé les soirs de match, mais il se peut que j'ai parfois été agité avec les gars, en mode gros cliché de supporters bourrins et alcoolisés. « En tout cas, je suis content que tu ais survécu. » Lui et moi continuons de boire nos bières respectives. Je me retiens de sourire un peu plus. « Avoue que ça t'arrange hein. Si ça n'avait pas été le cas, t'aurais été obligé de passer une annonce pour avoir un nouveau videur, t'aurais dû faire passer des entretiens... tous ces trucs bien chiants. » ai-je fait en essayant de garder mon sérieux. Je lui demande ensuite comment s'est passée la sienne de soirée, en espérant que ça a été moins mouvementé. « Figure toi que si. Apparemment, il cherchait des toilettes. Heureusement qu’il s’est aperçu que ce n’était pas des toilettes. » Je rigole, les lèvres tout contre le goulot en verre de la bouteille. Impossible de ne pas imaginer la scène. « Nooon ? Ouais une chance qu'il s'en soit aperçu, j'aurais bien aimé voir ta tête en tout cas. Aaaah l'alcool et ses conséquences n'empêche... » ai-je dit pour rire. Je sais même pas si le mec était bourré ou pas mais franchement... « Je pense que je vais essayer d’indiquer mieux les toilettes à venir. » Je hoche la tête, pensif. « Ouais, ou alors tu mets un code à ta porte et tu te barricades... et tu nous donnes le code bien sûr. Ça serait bête que tu passes tes soirées tout seul. » Parfois j'ai l'impression que quand t'es bourré de toute façon, y a pas grand chose à faire. Bon c'est pas comme si ça arrivait tout le temps que quelqu'un débarque dans le bureau de Braeden, enfin je crois pas mais je suis même pas sûr que quelqu'un de très bourré se rendrait compte de la signalisation des toilettes... ou bien si ? Je sais pas, à force je m'attends au pire des gens bourrés je crois. « Bref, en tout cas nuit un peu agitée, rien qu'une bière peut pas améliorer mais bon, heureusement qu'elles sont pas toutes comme ça. »

« Si, j’ai fait ça malheureusement. Mais j’étais jeune. » répond mon patron quand je lui demande s'il a été du genre à foutre le bordel dans des établissements comme l'Output. J'esquisse un sourire. Même si je suis maintenant du côté de ceux qui essaient de maintenir l'ordre, je suis loin de juger. J'ai foutu le bordel avec mes potes dans les bars et les clubs parisiens les soirs de match, surtout à cause de l'alcool, mais j'ai pas le souvenir que ça ait été trop loin. Je hoche la tête, ne cherchant pas à en savoir plus. « Ouais, on fait tous des conneries à cette période. » Et quand on passe à la période d'après, c'est juste plus les mêmes conneries, me suis-je dit. Je continue de boire ma bière tranquillement, finis les dernières gorgées et repose la bouteille en verre sur le bar. « Oui, j’avoue que je déteste passer des entretiens. C’est tellement pénible et ça prend beaucoup de temps. Mais c’est aussi parce que ce n’est pas facile d’avoir quelqu’un sur qui on peut compter comme toi. » poursuit Braeden. Je sens la sincérité dans sa voix, que ce soit, bien sûr, à propos des entretiens à faire passer, ou à propos du fait qu'il puisse compter sur moi. Sur le coup, j'ai du mal à cacher mon sourire. C'est pas que je ne sais pas prendre les compliments mais... « Ouais, je sais, je suis irremplaçable. » ai-je fait avec un sourire Colgate. Je cache ma réaction derrière un large sourire et une phrase à la con, mais au fond, je suis touché. Ça veut dire beaucoup qu'il sache qu'il peut compter sur moi. Il le sait très bien d'ailleurs. « Tu n’aurais pas aimé voir ma tête non. » me corrige Braeden à propos du supporter qui a confondu son bureau avec les toilettes. Je ne peux pas m'empêcher de pouffer. « Tu as raison, au temps pour moi. C'est vrai que je tiens à ma vie. » ai-je dit en sachant très bien que je l'aurais vu péter un câble si j'avais été présent à ce moment. Je l'aurais senti passer. On commence à réfléchir à une façon qui permettrait que ça ne se reproduise plus. « Pas bête oui. Ce sera sûrement plus sûr que d’indiquer mieux non ? Parce que bon, quelques panneaux en plus ne changeront rien aux problèmes des gens trop bourrés pour savoir lire. » Je hoche la tête, totalement d'accord avec lui. « Absolument. Tu serais sûr au moins que personne n'entrerait dans ton bureau sans autorisation. » ai-je enchaîné. Les gens bien bourrés sont capables de tout. En tout cas, même si au final, les choses se sont bien terminées avec ce groupe de supporters... certains moments ont été tendus et je voudrai pas faire ça toutes les nuits. « Clairement. Tu aurais déjà démissionné sinon ? » me demande Braeden. Je prends quelques secondes pour réfléchir avant de répondre. « Possible. Se faire insulter, se faire vomir dessus et devoir utiliser la force toutes les nuits ? Je pense que ça userait n'importe qui. » ai-je fait avec un léger haussement d'épaules. Pour avoir connu quelques nuits chaudes à l'Output, s'il y avait quelque chose toutes les nuits... ouais j'aurais fini par vouloir changer d'environnement. Les nerfs de n'importe qui seraient usés. Heureusement, ce genre de nuit, ce n'est que de temps en temps. « L'autre soir, j'ai tenu les cheveux d'une fille dans les toilettes... ça encore ça passe. » ai-je fait avec un petit sourire. Pas le meilleur moment de ma vie mais c'était drôle, et ses potes étaient marrantes. « Mais rassure-toi, ça n'arrive que de temps en temps donc je ne vais nulle part. »

« Je n’aurais pas été non plus jusque là mais bon, si ça te fait plaisir de le croire. » rétorque Braeden quand je dis, pour plaisanter, que je suis irremplaçable. Je lui fais mon plus grand sourire. « Oui ça me fait plaisir de le croire. T’as pas entendu, nous les français on est très arrogants et du coup on adore être flattés. » ai-je répondu. Je dis ça mais je sais qu’il a des origines françaises en plus. Je pense que je fais bien mon boulot, oui, mais de là à croire que je suis indispensable, je suis pas à ce point-là, malgré la réputation qu’on a à être des connards arrogants. De toute façon pour le moment la question ne se pose pas car je ne compte pas quitter mon poste malgré la connerie dont les gens peuvent faire preuve. Si Braeden n’aime pas faire passer des entretiens, je n’aime pas beaucoup être celui qui les passe. Quand mon patron me raconte cette histoire de toilettes, je réussis à garder un minimum mon sérieux et malgré mon envie de voir la tête de Braeden à ce moment, c’est vrai qu’il a raison  de me rappeler que ça aurait été risqué. Une chance que je tienne à ma vie oui. On essaie de mettre au point une technique pour ne pas que ça se reproduise et je sens que mon idée de code à sa porte l’intéresse. Moi, essayer de me faire bien voir par mon patron ? Même pas, même si c’est mon boss, on a dépassé ce stade depuis un moment. Mais en tout cas, je suis content que cette nuit soit terminée. Je me rends compte maintenant que ce qui s’est passé m’a vidé et que même si j’ai envie de prendre mon temps pour savourer cette bière avec Braeden, je vais bien apprécier de me mettre dans mon lit. « Elle était jolie au moins ?  » demande Braeden quand je lui dis que l’autre soir, j’ai tenu les cheveux d’une fille qui vomissait  dans les toilettes. Je lui raconte ça pour lui faire comprendre que ça, ça va mais il y a certaines nuits où des gens se permettent des trucs qui me donneraient envie de partir si ça se passait à chaque fois. Je souris. « Bonne question… Elle était trop occupée à faire un tête-à-tête avec le fond des toilettes. » ai-je fait en haussant les épaules. Ses potes avaient l’air pas mal aussi… si je ne les avais pas détestés de laisser leur amie vomir toute seule dans les toilettes en me laissant la responsabilité de m’occuper d’elle. « Me voilà soulagé alors. Je ne sais pas avec qui je boirais des bières à la fin de la nuit sinon. » répond Braeden quand je lui dis que je ne vais nulle part. « J’avoue, ça me manquerait. Tu t’en boirais peut-être avec les gens qui confondent ton bureau avec les toilettes du coup ? Ca doit créer des liens ce genre de moment, non ? » ai-je fait en plaisantant. Je commence à faire rouler mes épaules avec la sensation que tout mon corps est tendu. « Putain ils m’ont épuisé ces cons n’empêche. J’ai qu’une envie c’est de passer d’ici à mon lit en me téléportant. »