back to you - eliza&warner

Ca lui fait bizarre de se dire qu’elle va bientôt être de retour à New York. Voilà presque trois mois qu’elle est partie. L’occasion était trop belle, elle n’aurait pas pu laisser passer ça : un rôle dans un soap opéra australien. Pas un des plus connus, pas un rôle majeur non plus - quelques épisodes, pas plus, d’où la durée si courte de son absence - mais toute expérience est bonne à prendre. Elle a passé de bons moments en plus, mais New York lui a quand même pas mal manqué. L’Australie, ça fait loin, et elle ne se serait pas vue partir trop longtemps. Elle venait tout juste de retrouver Daisy au moment où elle est partie, elles ont encore pas mal de temps à rattraper. C’est sa soeur qu’elle a d’ailleurs le plus hâte de voir. Daisy est censée venir la chercher et elle se voit déjà la serrer fort dans ses bras, limite courir depuis l’autre bout du terminal, au moment où elle l’apercevra. Oui, c’est une vision qui lui plait. Elle a hâte de retrouver son appartement et ses colocataires aussi. D’être chez elle tout simplement, parce que l’avion, ce n’est clairement pas ce qu’elle préfère et elle est vraiment fatiguée, même si elle a passé tout le vol à dormir quasiment. On fait plus confortable qu’un siège de classe économique.
Quand elle arrive, elle se presse de récupérer ses valises - une énorme et une plus petite qu’elle a pu garder en cabine - et se retrouve presque à la limite de courir tant elle pressée de partir d’ici. Aucune trace de sa soeur dans le hall des arrivées. Elle regarde son téléphone plusieurs fois, peut-être qu’elle a eu un problème et qu’elle sera en retard, mais ce qu’elle voit ne lui plait pas : Daisy a eu une urgence au travail et a envoyé quelqu’un à sa place. Eliza soupire, elle aurait au moins pu lui dire de qui il s’agissait. Quand elle relève la tête, elle se rend très vite compte de qui il s’agit. Warner est là, en face d’elle, à lui faire signe. Il n’a pas l’air content d’être là, et elle peut comprendre. Elle ne lui a même pas dit au revoir quand elle est partie, ils ne se parlaient plus à l’époque. Elle ne se sent pas spécialement que lui, et elle a presque envie de se cacher dans l’avion. Mais elle avance quand même vers lui, osant à peine le regarder. « Oui elle m’a envoyé un message. Enfin elle m’a pas dit que ce serait toi mais… merci. J’aurais pu me débrouiller pour rentrer. » Au fond, elle est quand même contente de voir qu’il a fait le déplacement pour elle. Enfin, elle imagine. « C’était long, je suis contente d’être à la maison. » Elle ne sait pas quoi dire de plus, et elle espère qu’il va trouver quoi dire. Ou alors lui proposer de prendre le chemin du retour immédiatement. Ils ne sont même pas obligés de parler en fait.

Elle n’arrive pas à définir ce que ça lui fait réellement de voir Warner après trois mois. Elle a pensé à lui parfois. Elle n’a jamais tenté de le contacter, elle est même partie sans lui dire quoi que ce soit. Elle ne sait pas si sa soeur lui a expliqué pourquoi elle était partie, ou s’ils ont ne serait-ce qu’une fois parlé d’elle. La dernière fois qu’ils se sont vus, ils se sont mis d’accord sans vraiment le dire qu’ils ne se verraient plus. Alors c’est bien la dernière personne qu’elle s’était attendue à voir ce soir. Pourtant, elle aurait eu envie de partager une nouvelle aussi excitante avec lui. A une époque, il était le premier qu’elle prévenait lorsqu’elle avait une bonne nouvelle. Il était son plus grand soutien. Juste avant son départ, avant l’ « incident », comme elle aime appeler cet épisode de leur relation qu’elle préfère oublier, ils avaient recommencé à construire une relation allant dans ce sens. Ils y arrivaient, doucement mais sûrement. Mais aujourd’hui, elle a l’impression d’avoir de nouveau un étranger en face d’elle. Avec moins de colère peut-être, mais le malaise est malheureusement présent, et là, elle ne se sent pas prête à gérer ça. Seulement, elle n’a pas vraiment le choix. Elle pourrait appeler un taxi. Prendre un train, un bus, n’importe quoi. Mais il a quand même fait le déplacement et elle ne veut pas se montrer impolie ou prendre le risque de se faire réprimander par sa soeur. Au moins, elle sait qu’elle n’aura pas besoin de lui parler beaucoup, parce qu’elle sent bien qu’il est tout aussi heureux qu’elle d’être en sa compagnie. Malgré tout, il reste cordial et s’efforce même de faire la conversation, ce qui rend Eliza encore plus mal à l’aise. Un peu triste aussi, de voir ce qu’est devenue leur relation. « Oui mais étant donné… » commence-t-elle avant de se racler la gorge, laissant sa phrase en suspens. « Je pensais qu’elle aurait un peu plus de bon sens que ça. Désolé que tu aies eu à subir ça. » Mais bon, comme il est là maintenant et qu’il est trop tard pour faire demi-tour, inutile d’épiloguer. Elle le voit saisir la plus grosse de ses valises et partir probablement vers sa voiture, et elle le suit sans sourciller. « Pour du boulot, en fait. » Elle n’aurait jamais pu se payer le luxe de partir en vacances étant donné sa situation financière. Mais avec les plages et les paysages incroyablement, elle a parfois eu du mal à ne pas savoir faire la différence entre les deux. « Je sais pas trop ce que ça va donner, on verra. » Ils arrivent à la voiture un peu trop vite à son gout, elle sait que le trajet sera pénible, elle espère juste qu’il ne rendra pas la chose plus difficile que ça doit l’être. Ils rangent ses bagages dans le coffre, et elle s’installe du côté passager. Quelques minutes plus tard, les voilà partis pour rejoindre Williamsburg, où ils vivent tous les deux. Eliza étant Eliza, elle n’arrive pas à supporter le silence qui pourtant lui paraissait si réconfortant quelques minutes plus tôt. « Tu… Tu vas bien depuis tout ce temps ? » Elle ne sait une fois de plus pas ce qui lui a pris de lui poser une telle question, mais c’est la première qui lui est venue à l’esprit. Bien sûr, elle a envie de savoir. Mais quelque part, elle a peur de ce qu’il va bien pouvoir lui répondre. Qu’il lui fasse comprendre que finalement, il est bien mieux depuis qu’ils ne se voient plus. Ce qui peut paraître étrange étant donné que c’est plus ou moins elle qui a tenu à ce qu’ils arrêtent là. Mais Eliza est une femme compliquée, visiblement, qui n’arrive même pas à comprendre ses propres faits et gestes.

Elle ne compte plus le nombre de fois où elle s’est sentie comme une étrangère face à lui. Ils en sont de nouveau réduits à ça, faire la conversation pour ne pas se sentir mal à l’aise. Au fond, c’est peut-être pire de parler de choses insignifiantes, alors qu’avant le silence ne la dérangeait pas du tout. Mais elle lui est presque reconnaissante qu’il fasse de l’effort de chercher de quoi parler. Si elle se retrouve à penser trop longtemps, elle se pose tout un tas de questions, notamment sur leur relation, et c’est encore pire. Plus de trois mois ont passé depuis qu’elle a pris la décision de ne plus le voir; une décision en toute logique bénéfique pour eux deux. Elle ne sait pas pour lui, mais ça n’a pas été très efficace. Et encore, heureusement qu’elle a été loin de lui pendant si longtemps. « Un tout petit rôle. Quelques épisodes dans une série pas très connue en dehors de l’Australie. Mais c’était une bonne première expérience. » Elle se demande si ça l’intéresse vraiment pour le coup, mais elle est contente qu’il demande. Il ne leur faut pas longtemps pour se mettre en route après ça, et elle est un peu étonnée de le voir s’énerver après son gps. Ca lui fait toujours bizarre de le voir se mettre en colère, et elle n’aime pas ça. « Pas sûre qu’il fonctionne mieux en le maltraitant tu sais. » Elle aurait peut-être dû se taire, mais tant pis. Finalement, il semble abandonner l’idée, et les voilà partis. Partis pour Williamsburg, et repartis à faire la conversation juste pour ne pas laisser le silence gagner. « Pour voir ta famille ? Tout va bien ? » Elle ne voit pas ce qu’il l’aurait poussé à partir si longtemps, à part pour des vacances ou si quelque chose n’allait pas. Elle est un peu inquiète pour le coup. Mais elle n’a pas le temps de se poser plus de questions ça puisqu’il lui en pose immédiatement une nouvelle. Elle n’a pas besoin de réfléchir bien longtemps pour trouver une réponse, et c’est sans hésiter qu’elle reprend la parole : « C’était sympa, mais il manquait quelque chose pour que je m’y sente réellement bien. » Elle hausse les épaules. N’importe qui à sa place n’aurait jamais eu envie de rentrer, elle en est sûre. Mais New York lui a manqué, et même au-delà de ça. Passer trop de temps sans voir certaines personnes a été difficile. Warner en fait partie, évidemment, mais elle n’est pas certaine que ce soit le lieu ou le moment pour lui dire. Elle n’ait pas certaine qu’elle puisse lui avouer un jour. « Mais pour des vacances, c’est idéal. » Si jamais il a envie d’y aller, elle ne peut que l’y conseiller.

Il a l’air quand même vraiment curieux sur sa vie, et ça lui fait chaud au coeur. Ses questions, il ne les pose pas juste pour faire la conversation, il s’y intéresse vraiment. Ca ne l’étonne qu’à moitié, parce que le sentiment est réciproque. Et comme il semble content pour elle, elle se sent un peu plus à l’aise. « Ouais, ça me donne envie de recommencer tout de suite pour tout t’avouer. » Mais ça, c’est loin d’être gagné. Elle a eu de la chance quand elle a trouvé ce rôle, et sans Kiara elle n’y serait jamais arrivée. Il faut qu’elle se trouve un autre agent, un qui s’intéresse un peu plus à elle, ce qu’elle a envie de faire, et moins à ses bénéfices mais pour le moment elle n’en a pas vraiment les moyens. Ce qu’elle a touché en Australie, ça représente une belle somme, certes, mais elle doit rester prudente. On ne sait jamais. Après un flagrant cas de maltraitance envers un appareil électronique sans défense, les voila partis. Ils n’ont en théorie pas un trop long trajet, mais vu l’ampleur du trafic, ils en ont sans doute pour un moment. Alors c’est à son tour de s’intéresser à lui, et elle ne fait pas semblant non plus. Elle est presque inquiète, mais il la rassure aussitôt. « De la distance… » répète-elle pensive avant de hocher la tête, pas certaine qu’il puisse a voir. « Ca fait du bien de temps en temps, oui. » C’est ce qu’elle avait fait, elle. Ca s’était traduit d’une autre manière, elle n’avait pas éprouvé le besoin de revoir sa famille, elle s’en était même éloignée encore plus. « Et du coup, verdict, New York t’a manqué ? » Sa question peut paraitre innocente, mais elle ne l’est pas tellement. Egoïstement, elle n’a pas envie qu’il s’en aille. Parce qu’il fait partie de ces choses qui lui ont manquées quand elle était en Australie justement, et ça ne l’étonne pas qu’il lui demande de quoi elle parle. Elle soupire, hausse les épaules, puis tourne la tête vers la fenêtre de son côté. « Certaines personnes. » Daisy. Naleya. Solal. Lui. Pour n’en citer que quelques uns. Ces personnes qu’elle considère comme sa famille aujourd’hui, Daisy étant le seul réel membre de sa famille qu’elle accepte de côtoyer aujourd’hui. Elle finit par se racler la gorge. « Et oui, j’ai pu visiter un peu, je n’avais pas tellement de scènes. D’ailleurs j’aurais pu rentrer plus tôt mais j’ai décidé de prendre un peu de temps pour découvrir un peu l’Australie. » Puis à ce moment-là, elle n’avait pas spécialement hâte de rentrer.

Ca ne lui a jamais traversé l’esprit, mais subitement elle se demande comment elle aurait réagi si elle avait appris à son retour que Warner était retourné en Angleterre pour de bon. Elle n’aurait pu s’en prendre qu’à elle-même, c’est elle qui a choisi de prendre ses distances, choisi pour eux deux. A le voir là, elle se rend compte à quel point c’était stupide. Il la fait toujours autant douter, c’est dingue. « New York qui te manque… Ca me parait incroyable. » Il a toujours été trop anglais pour ça. Comme quoi, cette ville gagne le coeur de même les plus insensibles. Elle sourit légèrement, elle aussi était tombée amoureuse de New York très vite, mais une fois encore, elle n’avait de racine nulle part quand elle est arrivée. En rencontrant les bonnes personnes, ça n’a pas été difficile de s’accrocher à cet endroit. « Oui, sauf que visiblement ces personnes me fuient. » Elle hausse les épaules, elle pourra voir Daisy plus tard, même si elle aurait préféré être avec sa soeur, là. Ca aurait été plus simple pour elle après ce vol titanesque, et le décalage horaire déjà pesant. Alors que Warner est en train de lui parler, elle ne voit pas la voiture devant eux qui freine, et visiblement lui non plus, puisqu’il freine en urgence mais pas à temps : leur voiture donc dans celle juste devant. Surprise par le choc, légèrement tournée vers Warner, elle n’a pas le temps d’attraper la poignée au dessus de tête, qui va se cogner dans le rétroviseur. Le choc aurait pu être plus violent, mais elle sent quand même qu’elle a mal. Elle se dit qu’un peu de glace serait la bienvenue… Elle porte rapidement la main à sa tête, constate qu’elle saigne mais ce n’est pas sa principale préoccupation pour le moment : elle se tourne vers Warner, inquiète, mais il prend la parole avant elle. « Oui ça va, c’est rien. Ca va toi ? La voiture ? »