noé&solal - stuck with me

Je parle de Paris comme si j'envisageais sérieusement de prendre la décision d'y retourner demain. Ce n'est pas le cas, bien sûr. C'est juste une envie dans un quoi de ma tête, quelque chose qui est sans doute lié au fait que je ne prévois pas ce genre de chose. Cette sensation que je retournerai un jour à Paris, elle est présente mais ça arrivera quand ça arrivera car pour le moment, j'ai une vie plutôt sympa ici. « Il faut être difficile pour ne pas se plaire ici en même temps. » lance Noé alors que je lui explique l'idée que même si j'envisage de retourner à Paris un jour, je m'éclate à New-York pour le moment. « Ou alors faut vraiment aimer le calme et la campagne. » ai-je fait avec un sourire. Cette ville n'est vraiment pas la plus calme du monde, si on est plus fan des petits oiseaux et de la campagne. Ça peut être une bonne raison de ne pas aimer la Grosse Pomme. Heureusement, c'est pas mon cas. Moi j'ai rien contre l'idée de vivre dans une grosse ville comme ici. Puis, nos commandes arrivent et notre discussion glisse sur le fait que nous venons d'un pays où la nourriture est sacrée, ce qui ne va pas forcément avec le fait d'être un mannequin. « J’irais même plus loin en disant que manger c’est la vie » Je hoche la tête, plutôt d'accord avec lui sur ce coup là. J'ai beau avoir un corps bien foutu, je suis plutôt un gros mangeur. Noé avale un morceau de cookie alors que je m'enfile un autre morceau de tarte. À cet instant, je me dis que oui, après tout ce temps, on va peut-être réussir à retrouver une bonne relation. Ça m'avait manqué. « Tu me connais j’ai du mal à tenir en place » dit Noé quand je lui demande sans vraiment lui demander et ce, avec un certain sourire, s'il  a toujours envie de découvrir le monde. Le pincement au coeur est toujours présent, même après tout ce temps. Quand ce sont des raisons extérieures qui sont le cause d'une rupture, c'est toujours... je sais pas, compliqué ? Et ça peut pas être que moi, pas vrai ? Enfin je dis ça, mais j'ai tourné la page, bien sûr. Mais quand je repense à la façon dont les choses se sont terminées entre nous, je pense qu'il y aura toujours une forme de regret. Je ne regrette de pas de l'avoir laissé partir pour qu'il vive son rêve mais... c'est toujours compliqué de rompre pour une telle raison. « En effet, je te connais. » ai-je simplement répondu avec un léger sourire. Il y a quelque chose de réconfortant avec l'idée que je ne suis pas totalement à la rue en ce qui le concerne. Il est toujours un peu celui que j'ai connu pendant notre relation et même avant ça. En parlant de ça, je lui propose qu'on aille courir ensemble en cas de gros écart alimentaire contraire à son rôle de mannequin. On faisant ça souvent et ce, même avant d'être en couple.  « Il y a pas besoin que je fasse de gros écart pour aller courir tu sais. Donc compte sur moi pour te prendre au mot. Par contre je te préviens en général je cours le matin il va falloir que tu te lèves tôt. » Je grogne en exagérant un peu. Quand on me parle de se lever tôt, ça ne me fait toujours un peu tiquer vu le boulot que je fais. La plupart du temps, quand une personne parle de se lever tôt, très souvent ça ne correspond pas à mon heure à moi. Puis, mon deuxième réflexe, même s’il est ridicule parce qu’il est assis, est de le détailler de haut en bas. Je ne doute pas qu’il aille courir dès qu’il en ait envie et pas seulement quand il fait des écarts alimentaires. Il a l’air en forme. Il m’a toujours paru en forme les quelques fois où nous nous sommes depuis notre rupture. La fois où ce n’était pas le cas et ça se voyait, c’était en novembre 2015. « Tôt… comment ? Certains d’entre nous bossent la nuit tu sais. Après j’imagine que je pourrai venir courir à la toute fin de mon service, comme si je venais courir après une journée de boulot quoi. » ai-je fait avec un sourire. Ouais… Ouais, je pense que ça peut le faire. Je pense qu’on peut faire en sorte que ça marche et renouer petit-à-petit. Faut juste se mettre en tête  que ça sera différent du passé. « Rentrer comme pour y vivre ou juste pour une visite ?  » demande Noé quand je lui demande quand il pense retourner en France. C’est vrai que je n’ai pas été très précis dans ce que je voulais savoir. « Dans les deux cas je ne sais pas trop j’ai rien de prévu pour le moment » Je hoche la tête. « Oui je parlais juste d’une visite… mais oui, c’est vrai que tu viens juste de revenir à New-York et moi, je te parle déjà de repartir. Je veux déjà te renvoyer là-bas en fait ! » ai-je fait en riant légèrement en me sentant un peu stupide. C’était juste un moment de curiosité. Peut-être que pour moi, quand je pense à Noé, c’est encore trop lié à Paris. « Et sinon, comment va… Eden ? C’est ça si je me souviens bien ?» ai-je demandé tranquillement en avalant une nouvelle gorgée de mon café.

« Tu marques un point » répond Noé quand j'évoque le fait que les personnes qui préfèrent la campagne ne doivent pas avoir une grosse passion pour New-York. Je dis ça mais depuis que je suis arrivé ici, je suis passé dans des quartiers et des endroits bien plus calmes où on a presque plus l'impression d'être dans la Grosse Pomme. Donc en fait, peut-être que même ceux qui aiment la campagne peuvent apprécier cette ville. Ou alors, s'acheter une maison secondaire dans les Hamptons s'ils ont assez de fric. Attendez, est-ce qu'on peut considérer les Hamptons comme la campagne ? Peu importe. Cette ville est cool et je l'adore et je serais retourné en France depuis longtemps si je n'avais pas fini par me sentir comme à la maison. Seulement la différence entre Noé et moi c'est que je ne suis pas sûr que cette nouvelle saison soit définitive. Mais si ce moment me rappelle quelque chose, c'est que "laisser partir" Noé était la chose à faire. Quand je vois à quel point il se sent bien dans cette ville, je me dis qu'il n'y avait pas d'autres choix, même si ça nous a couté notre couple. Malgré ce genre de petits moments où je me sens nostalgique, je suis vraiment content que notre discussion se passe bien. Je sais pas ce que je pensais, c'est pas la première fois qu'on se voit depuis notre rupture donc je sais bien qu'on est encore capable d'avoir une discussion mais... disons que c'est la première fois qu'on se voit en sachant qu'on est supposés se revoir ensuite. Normalement. Plus d'excuses vu qu'on vit dans la même ville.

D'ailleurs en parlant de se revoir, je lui propose qu'on aille courir entre deux bouchées de tarte meringue citron qui est déjà réduite de moitié avant que je le réalise. Dommage. En tout cas, Noé a l'air partant mais plutôt assez tôt dans la journée, ce qui, vu mon boulot, ne m'arrange pas vraiment. Je lui demande une précision avec un sourire amusé. « T’inquiète pas quand je dis tôt c’est pas l’aube non plus. Selon si je travaille ou pas ça peut être 10h comme 14h » répond Noé, visiblement tout aussi amusé que moi. Peut-être que ça va marcher après tout, nous deux dans la même ville. Qui a dit qu'être ami avec son ex était impossible ? J'esquisse un sourire en entendant sa réponse. « Ah oui... heureusement que t'as précisé "tôt". En même temps j'avais oublié à qui je parlais... » Je me souviens que c'est un bon dormeur. J'ignore comment ça a évolué mais je doute qu'il se soit mis à dormir six heures par jour. Le nombre de fois où, le matin, je quittais le lit avant lui. En deux gorgées, je finis mon café. Par curiosité, je demande ensuite à Noé quand sera sa prochaine visite en France avant de réaliser qu'il vient à peine de revenir à New-York et je lui parle déjà de repartir. Je me sens con sur le coup, je veux pas qu'il pense que j'ai déjà envie qu'il reparte. « Après je suis pas forcément du genre à prévoir à l’avance donc si ça se trouve je vais rentrer dans pas longtemps » Je hoche la tête devant se réponse. Je me dis régulièrement que j'aimerai faire une surprise à ma mère en rentrant à l'improviste, mais j'ai du mal à jouer à ça en sachant que les billets coutent une blinde. Après ça, je demande à Noé comment va sa copine. Quoi ? Tout va bien entre nous. Je sais que ça peut être bizarre de parler de son partenaire actuel avec un ancien partenaire mais quand on y pense, pourquoi ça devrait être bizarre ? Noé semble vraiment surpris sur le coup, et prend quelques secondes pour répondre. J'en profite pour avaler une nouvelle bouchée de ma tarte. « Oui c’est bien ça et elle va bien, elle est très occupée par le travail comme nous tous je pense » Finalement, quand je prends le temps d'y réfléchir, je veux bien qu'on discute de nos histoires actuelles mais... surtout pas dans les détails. À nouveau je hoche la tête, attentif. « Elle bosse dans quoi déjà ? » J'ai déjà entendu parlé d'Eden évidemment, que ça soit par Noé ou par Ilyès, mais ça remonte. Et pour être honnête, je suis pas sûr d'avoir tout retenu. « Et toi tu sors avec quelqu’un en ce moment ? » Réflexion faite... c'est vrai que c'est étrange. Sur le coup... ouais, ça fait quelque chose, mais je ne laisse rien paraître. Je hausse les épaules. « Non, personne. Ça fait un moment que j'ai pas eu de longues relations. » ai-je avoué en avalant les derniers morceaux de ma tarte.

« Ah bon c’est pas tôt pour toi ? » rétorque Noé quand j'évoque le fait que nous n'avons pas la même définition du mot "tôt". J'esquisse un sourire, amusé. Puis la seconde d'après, une espèce de nostalgie s'empare de moi car sur le coup, j'ai l'impression que tout est comme avant. Le naturel avec lequel on échange, comme si on était juste deux potes qui ne s'étaient pas vu depuis longtemps, me rappelle notre relation. Ça me rappelle même avant qu'on sorte ensemble. Je lève les yeux au ciel, amusé par son air faussement offusqué. « La question serait plutôt de savoir à partir de quelle heure ce n'est plus tôt pour toi. » ai-je fait avec un sourire en coin. Je ne suis pas spécialement un lève-tôt mais il me bat totalement. De toute façon, difficile de savoir ce que je suis depuis que je bosse à l'Output. Et puis je suis pas du genre à me réveiller pour le plaisir non plus, on est d'accord là-dessus. « Elle est analyste au FBI » répond Noé quand je lui demande ce que fait sa copine. On a parlé de son frère, un peu des gars, de la maison, il semblait presque logique qu'on finisse par aborder le sujet du coeur. Et puis, on est potes maintenant, alors si je suis pas capable de lui parler d'Eden maintenant... autant abandonner tout de suite, non ? Donc ouais, je veux être capable d'être celui qui aborde le sujet et c'est ce que je fais. Je veux juste en savoir plus parce que c'est normal... voilà. Du coup, quand il me répond je ne peux pas m'empêcher de hocher la tête d'un air impressionné. Maintenant qu'il me le dit, je crois que j'en avais déjà entendu parlé mais ça fait toujours son petit effet de dire que sa copine bosse au FBI... enfin j'imagine. J'imagine que ça fait plus d'effet que... peu importe. « Ah oui c'est vrai. Ça doit être un sacré boulot... sauf si j'ai regardé trop de séries américaines. » ai-je fait avec un sourire. Seulement voilà, quand on aborde le sujet, le risque c'est que la question soit retournée contre vous. Quand Noé me pose la question je lui dis la vérité, autrement dit que je n'ai personne et que ça fait un moment que j'ai eu personne de sérieux. Il avait peut-être pas besoin de savoir ça mais trop tard. « Je suis sûr que tu vas finir par trouver quelqu’un de bien » Je ne sais pas à quel genre de réponse je m'étais attendu, mais pas ça. Une pierre chute dans ma gorge. Putain. Pourquoi j'ai abordé le sujet ? Je fais ce que je peux pour garder une tête normale et je suis plutôt fier de moi sur ce coup là. J'ai juste été pris par surprise et je me suis pas attendu à réagir comme ça et... mais c'est rien. Je souris et hausse les épaules. « Oh tu sais, ça arrivera quand ça arrivera. Je me fais pas une fixette là-dessus. En attendant... je vis ma vie et je profite. » ai-je simplement répondu. Mon portable vibre au moment où je veux rouvrir la bouche. J'enchaîne en prenant mon portable pour regarder l'écran : « Je sais pas si je reprends un truc à manger... Si je le fais on sera vraiment obligés d'aller courir. » ai-je souri en déverrouillant mon portable. Nouveau message d'Evan. "Alors ? Je dois aller parler à Ilyès ?" Le mec croit pas en l'amitié entre ex, c'est dingue. Je me retiens de relever les yeux au ciel et de lui répondre un nouveau "ta gueule".

« Bonne question, il arrête d’être tôt quand le soleil se couche ? » lance Noé comme s'il était sérieux. Je ne peux pas me retenir de rire en entendant sa réponse. Si au départ, j'avais peur qu'aller courir tous les deux signifient se lever à l'aube, j'ai rapidement été rassuré. Je me demande même comment j'ai pu croire à une telle chose vu que je sais très bien que c'est un lève tard. Mais il aurait pu changer depuis tout ce temps. Quand vous avez été avec une personne pendant un certain temps et que vous la retrouvez quelque temps plus tard, presque toute une vie, rien ne garanti que les choses n'aient pas changé entre temps. Apparemment sur ce point, Noé est resté le même. « Dans tes rêves peut-être, mais je pense que ça marche pas comme ça dans la réalité. » Ou faudrait avoir mes horaires pour que la réalité ressemble à ça. Et encore, quand je commence plus tôt, le soleil est loin d'être couché. En tout cas, l'idée qu'on puisse prévoir la prochaine fois qu'on va se voir me fait plaisir. Ces dernières années, Noé et moi nous sommes vus seulement les étés où il venait à New-York. Et encore, on ne s'est pas vus à chaque fois. On a passé tellement de temps à pas faire attention, à repousser le moment pour se voir que depuis notre rupture, prévoir des moments où on se retrouve tous les deux n'est pas si facile que ça. Et je veux dire par-là, prévoir sérieusement des choses sans que cela ne soit des paroles en l'air. Oui, oui, faut qu'on se fasse ça, on se redit. C'est ce qu'on avait fait jusque-là mais j'ai bon espoir que les choses changent maintenant qu'il ne repartira plus. « Je pense que s’en ai un oui même si je t’avoue que j’ai les mêmes références que toi » Je souris. Pour moi, retrouver une bonne relation avec Noé veut aussi dire être capable de parler de sa petite-amie, Eden. Et j'en suis capable. Je dis pas que je suis capable de creuser plus le sujet, de me mettre à parler de ce qui se passe entre deux dans leur intimité mais... ouais. Elle est importante pour lui alors... je pense que c'est bien qu'on puisse en discuter tranquillement. Mais la question concernant la vie sentimentale ne reste pas que sur lui car il me la pose aussi, curieux de savoir où j'en suis à ce niveau. Alors quand il me dit que je finirai bien par trouver la personne qu'il me faut... le sentiment est difficile à décrire. C'est comme si on m'avait foutu un coup mais en même temps, rien ne justifie que je réagisse. Imaginez quelqu'un qui vous met un coup dans le ventre mais vous devez absolument faire comme si de rien n'était. Merde. J'essaie de ne pas penser que cette phrase implique de façon définitive que le futur sera sans lui. Je le savais déjà mais... peu importe. Reviens sur terre. Je lui dis que je ne me prends pas la tête là-dessus. Les choses arriveront quand elles arriveront, le reste n'a pas d'importance et pour le reste, je profite. Trop heureux que Noé ne continue par sur le sujet, j'en profite pour faire une remarque sur autre chose. Je reparle de la bouffe et du fait qu'on doit aller courir ensemble alors que je reçois à nouveau un message d'Evan. « Tu peux reprendre un truc on avait déjà prévu de reprendre quelque chose de toute façon » En même temps que j'entends sa réponse, je lis le message d'Evan. Je fais ce que je peux pour me retenir de réagir mais apparemment je dois avoir une une réaction car Noé me demande : « Un message intéressant ? » J'ai un léger rictus. « Absolument pas. » ai-je fait d'un ton léger. Si seulement je pouvais dire à Evan que ses remarques n'aident pas du tout. En tout cas, j'enchaîne rapidement. « Tu reprends un truc à manger du coup ? C'est moi qui offre. » ai-je fait en faisant signe au serveur.