S’il y a bien une chose que je ne pourrais jamais oublier sur Kate c’est que déballer ce qu’elle ressent ne lui ressemble pas. Il faut la connaître assez pour savoir ce qu’elle pense et démêler le vrai du faux. Particulièrement douée pour cacher les choses lorsqu’elles ne vont pas, il n’a jamais été facile de deviner lorsque ça ne va pas. Pas même maintenant alors que nous vivons pourtant sous le même toit. En revanche, je sais qu’elle s’inquiète pour Cassie et qu’elle l’aime bien assez pour espérer que notre sœur va réussir à garder la tête hors de l’eau et à ne pas se noyer. Pour ma part, je n’en doute pas une minute. Cassandra Rhodes est une femme forte et entourée des bonnes personnes, il n’y a aucune raison pour qu’elle ne retrouve pas rapidement du poil de la bête. « Oui, s'il te plaît je voudrais bien que tu viennes me chercher. J'aimerais beaucoup en fait, je vais être crevée après mon entraînement. » Mes affaires rassemblées, je la regarde qui s’occupe de ranger un peu notre appartement. Comme si c’était le moment pour faire ça. Je ne suis pas étonné honnêtement. Kate a ses petites manies comme celle d’être très organisée. Le bordel elle ne supporte pas et parfois, pour l’emmerder, je fais exprès de laisser trainer mes affaires. Parce que ça m’amuse de la chercher. « D’accord, t’attendra un peu si jamais je suis en retard mais en principe j’en aurais terminé avant toi. » Puisque je n’ai besoin que d’une petite heure – voire même un peu moins – ça devrait aller, en revanche je ne peux pas deviner à l’avance ce que donnera la circulation dans les rues de New York. « T’as fini ton petit ménage ? On va finir par partir en retard. » Grogné-je en cherchant mes clés dans mes poches pour finalement me rappeler les avoir posées sur le meuble d’entrée en revenant hier soir. « Je prendrais à manger après mon entraînement, tu veux que je te ramène quelque chose ? Je fais certainement manger libanais. Comme tu me proposes gentiment de me ramener, je fais un effort ne t'habitues pas à des faveurs comme ça. » L’étonnement passé, je ris légèrement en l’entendant dire quelque chose de bien moins surprenant. « Je me disais aussi … sans ce petit rappel j’aurais pensé que tu étais malade. Mais oui, prends-moi ce que tu veux, je ne suis pas spécialement difficile du moment que ça se mange. » Généralement je fais très attention à ce que je mange. Une alimentation saine me permet d’avoir un corps en forme ce qui est primordial selon moi. Une entorse de temps à autre ça ne peut pas faire de mal cela dit. Encore moins si c’est proposé par Kate.

Le majeur de Kate levé bien haut de sorte qu’il m’est impossible de ne pas le remarquer, je me mets à ricaner. Il m’en faut plus pour être vexé, d’autant plus lorsque ça vient de mes sœurs, particulièrement la petite dernière. Sans oublier que je suis habitué depuis le temps. Si je suis arrivé dans la famille Rhodes avec des années de retard, j’en ai eu assez pour connaître mes sœurs et mon frère. Vivre sous le même toit que Kate fait que j’en découvre toujours plus. Je ne m’en plains pas. Aussi chieuse qu’elle puisse être, elle reste ma petite sœur et j’apprécie le fait de pouvoir rattraper les années que j’ai perdu. « Si tout était rangé comme je m'acharne à le faire, je n'aurais pas besoin de le faire en ce moment même. Je t'attendrais, t'en fais pas j'ai toujours quelque chose à faire pour m'occuper. » Une nouvelle fois, je lève les yeux au ciel. Je ne suis pas le gars le plus soigné qui soit dès qu’il s’agit de mes affaires mais je ne suis pas bordélique à ce point non plus. Souvent en déplacement pour mon travail, je finis avec les accusations sur le dos alors que je n’étais même pas là et ça aussi j’en ai l’habitude. « Je veillerai quand même à pas trop te faire attendre, j’ai pas envie que tu me casses les pieds avec mon retard pour les prochains mois. » Affirmé-je en lui emboitant le pas hors de l’appartement. La porte de celui-ci claquée derrière moi, je descends à mon tour et la vois manquer de finir la tête en premier tout en bas. Mon premier réflexe est de tendre un bras vers Kate pour tenter de la rattraper mais sa main agrippe la rambarde et elle se redresse seule. « Rigole et tu finis avec mon pied dans ton cul. » Qu’elle grogne en montant les marches pour venir me frapper l’épaule avec sa force de mouche. « Espèce d'enfoiré, j'aurais pu m'éclater les dents. », « Si tu prenais plus de temps à regarder où tu mets les pieds et moins de temps le nez sur ton portable ça n’arriverait pas. » Enchaîné-je aussitôt alors qu’elle disparaît dans le parking sous-terrain de l’immeuble et grimpe dans la voiture en claquant fortement la porte passager. Je grimace, serre même les dents. Mon bébé n’a pas demandé un tel traitement. McLaren 570 GT, elle ne passe jamais inaperçue mais je m’en moque et la bichonne très sérieusement raison pour laquelle je boude aussi une fois derrière le volant. « Tu seras gentille de traiter un peu mieux ma voiture. » Moteur en route, je tente de mettre ma musique mais la main de Kate vient la taper et un son que je n’apprécie pas particulièrement se déverse dans l’habitacle. « T’es chiante ! » J’agis comme un gamin mais tant pis. Voiture sortie du parking, je roule sans doute un peu trop vite dans les rues de New York en jetant par moment un regard vers ma sœur. « Tu comptes bouder encore longtemps ? »

« Je m'en fous de ta bagnole à la con. » Je mords ma langue. Je la mords presqu’à sang pour me retenir de lui balancer une réplique cinglante qui ferait exploser une énième dispute entre nous. Ça a toujours été trop simple entre nous. Bornés et lunatiques comme pas permis, nos caractères sont parfois si proches que ça fait des étincelles. Mais ce matin je n’ai pas envie de m’énerver, pas si je risque moi-même une crise à cause de la fatigue que je cumule à cause des matchs. Donc je me tais, passe ça sous silence parce que je sais qu’elle est dans une phase où elle a décidé de bouder pour rien et de m’envoyer chier à la première occasion. « Ouais, j'suis chiante qu'es que tu veux. On trimbale chacun nos casseroles. Je préfère ça qu'avoir ta tête de cul. » Cette fois je serre les dents, serre aussi les mains autour de mon volant et, Ô Chance, nous sommes arrivés assez rapidement. Bien assez pour que Kate sorte de la voiture, claque la porte à m’en agacer un peu plus et disparaisse. « Emmerdeuse … » Je râle même si je sais qu’il est impossible qu’elle m’ait entendu. Je repars, direction le centre de remise en forme où bosse ma kiné aux doigts de fée. Une bonne heure à masser et faire travailler mes muscles. Je râle par moment, d’aussi bonne humeur que ma cadette, mais à mesure que mes muscles se détendent j’en fais de même. Mon rendez-vous s’éternise et lorsque je sors du centre je grogne une fois de plus en voyant le message de Kate. A peine derrière le volant, ceinture bouclée, que je pars en trombe vers le centre de natation en tentant de canaliser la colère que je sens refaire surface. Pas maintenant ! Il n’est pas question que j’entre dans une phase sombre maintenant. Si ma famille sait que j’ai toujours eu du mal à contrôler ma colère ça ne veut pas dire que j’aime perdre les pédales devant eux. Parfois je n’ai pas le choix, ne me contrôlant vraiment plus, mais là … non, ça serait trop dangereux. Garé près du centre avec à peine cinq minutes de retard, je souffle un bon coup et sors de la voiture pour aller attendre Kate que je vois arriver, toujours aussi furibonde. Génial … « Tu devrais penser à un sport qui te permets de te défouler un peu plus vu que la natation ne semble pas t’avoir calmé. » Je lâche moi aussi un peu tendu. Les Rhodes et leur caractère de merde. Je lui ouvre toutefois la porte et lui fais signe d’entrer. Pas question qu’elle maltraite encore mon bébé avec sa violence.

« Tu devrais te mêler de ton cul surtout. » C’est parti. La prochaine fois, tu fermeras ta gueule Danvers ! Je serre les dents, ravale la pique qui me brûle les lèvres puis lui ouvre la voiture. Elle n’en a peut-être rien à foutre de mon véhicule, mais moi si. Ce n’est pas une question de fric, j’en bien assez pour m’acheter toutes les caisses que je veux mais celle-là … c’est la première que je me suis acheté avec le premier cachet de boxeur. Elle a une signification toute particulière à mes yeux alors oui je la bichonne. « Non mais tu déconnes ?! Tu boufferas à l’appart’ ! » Que je grogne en attrapant le sachet contenant notre repas pour le mettre sur les sièges arrière. Qu’elle claque la porte passe encore, mais manger dans la voiture et en mettre partout ? Certainement pas ! Sauf que, bien sûr, Kate Rhodes dans toute sa splendeur me lance le regard qui me fait comprendre que ce qui va suivre va m’agacer. Ce n’est vraiment pas la bonne période pour ça mais elle s’en fout, je le sais que trop bien. « T'es vraiment ce genre de mec ? Le genre de trou du cul qui ne veut pas qu'on mange dans sa voiture parce que c'est son bébé ? Y a que les beaufs qui font ça. Le genre de trou de balle qui tient plus à sa voiture qu'aux gens. » Sans rien dire, je démarre et quitte la place de parking pour m’engager dans la rue alors qu’elle me hurle à l’oreille, déverse sa colère sur moi. Comme d’habitude ! Pourquoi est-ce que j’ai eu l’intelligence d’accepter de vivre avec elle, hein ? Je me le demande ! « Je sors d'une séance de sport là et tu me prives de manger ? T'es quel genre de personne ou même simplement de frère pour faire ça ? (…) Je vais me trouver un chauffeur pour la prochaine fois, un genre de petit-ami Uber, il me laissera bouffer dans sa caisse de merde lui au moins. Aucune prétention. » Ça y est, elle a fini ! A mon tour maintenant et à la couleur blanche de la jointure de mes os de la main qui serre le volant, autant dire que je suis bien agacé aussi. « Ouais tu vas faire ça parce que je commence à en avoir ras-le-cul de tes crises d’adolescente ! T’es jamais contente, Kate ! Tu me les brises à la longue ! Je te demande pas grand-chose, putain, mais t’as tendance à oublier ce que signifie le mot respect ! » Je lâche en continuant de regarder la route, un accident c’est vraiment pas une bonne idée. « Alors le trou de cul, il t’emmerde ! La prochaine fois, tu te démerderas et estime-toi heureuse que je sois pas un connard au point d’arrêter ma bagnole pour te forcer à en sortir et rentrer par tes moyens. C’est même pas dix minutes de route, fatigue ou pas ça va pas te tuer alors sincèrement vient pas me faire chier, putain ! » Pour preuve, je suis déjà en train de tourner vers la partie du quartier où nous vivons. « Mais va leur dire, fais-toi plaisir ! De toute manière à partir du moment où on m’a collé l’étiquette de meurtrier à la gueule, que je te "torture" autant ça sera même pas surprenant maintenant ta gueule ! » Putain, je sens que je vais devoir la déposer en bas de chez nous et appeler Riley. La colère bout dans mes veines et je sens la crise pointer le bout de son nez. Quelle emmerdeuse putain !