| Save me, cuz I can't get a grip on myself {23 Août ft. Eugenia] |
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| Invité a posté ce message Mar 6 Aoû 2019 - 12:48 # |
| “Save me, cuz I can't get a grip on myself 23 Août ft. @Eugenia B. Lancaster
Les cartes valsaient vers le centre de la table et l'on pouvait entendre le souffle de leur envolée, la rencontre de la feuille cartonnée et du bois, son aïeux. Carré, le meuble avait subi quelques éraflures de lames de couteau, nombreuses cendres s'étaient abattues sur sa surface pour la brûler, centaines de coups exprimés du poing marquant le mécontentement de joueurs, et pourtant il resplendissait toujours dans la pièce sombre de cette cave de bar. Les chaises, toutes aussi usées, grinçaient au moindre mouvement, et ça pouvait être perturbant les premières fois, peut-être même agacer. Plus loin, des tabourets servaient de plateaux, là où les consommations étaient laissées. Ainsi, on pouvait y sentir les odeurs de diverses liqueurs s'être mêlées, épousées, et les nuages de cigarettes, de cigares, -de fumette- stagnaient au plafond, sous le plancher qui, au passage de clients légaux, déversait une étrange poussière qui chatouillait les narines des novices.
Quand bien même semblant immonde, l'endroit était bondé de spectateurs. Agglutinés à chaque coin, ils restaient bien silencieux dès lors que les mises se faisaient, applaudissaient ou huaient à chaque fin de tour. Ils étaient conviés à ne souffler aucun indice au risque d'y jouer leur vie; un garde et un maître de donne veillaient au grain tout au long de la partie. Au milieu, quatre joueurs enchérissaient en binôme. L'Asiatique faisait face à l'Espagnol, son partenaire, quand les deux Russes formaient le deuxième duo. Au-dessus des cartes en éventail, ils se toisaient parfois, d'un air malicieux ou grave, au choix. C'était la première fois qu'ils se rencontraient, et pourtant l'on pouvait déjà palper les tensions. L'atmosphère s'expliquait par la présence d'une belle somme d'argent à gagner. Dans les mains du maître de donne se trouvait une enveloppe qui comptait quatre mille dollars à se partager; soit deux mille dollars chacun. Pour Chaï et son acolyte, ce n'était pas rien.
Une fille était assise sur la cuisse droite du Thaïlandais, lui offrant à boire de sa pinte à intervalles presque réguliers. Son bras posé autour de son cou, elle venait caresser les plus longs cheveux du joueur, juste sur le dessus de son crâne tatoué. Les pourcentages de jeu étaient encore serrés, et il ne restait qu'un coup à enchérir pour espérer remporter le pactole. Devant ses treize cartes, l'Asiatique hésita un instant, porta un regard sur son coéquipier puis déclara son contrat à trois carreaux; le seul qui misa autant. Les cartes tombèrent les unes après les autres, tour après tour. Il avait pour habitude de garder son sang franc, notamment au BlackJack et au Poker, mais en ce qui concernait le Bridge, c'était une autre affaire, -tout comme la belote-. La goutte de sueur qui dégoulina sur sa tempe fut embrassée par la brune sur son genou. Aguicheuse et perverse, elle n'aura le droit qu'à un long baiser au moment où Chaï et Miguel furent déclarés vainqueurs.
Le baiser fougueux de la victoire, les lèvres qui se bouffèrent quand les langues se torturèrent de coups. Une fois l'échange suffisant, la main droite du trentenaire vint taper énergiquement le postérieur de la brune afin de la hâter à se lever. Accompagné de son compère, ils allèrent chercher leur liasse et la brandirent en l'air sous les acclamations de ceux qui avaient, aussi illégalement qu'ils avaient joué, misé sur leur réussite. Les autres, quant à eux, tirèrent une tronche de plusieurs mètres. L'un des russes eut le droit à une claque derrière la tête quand l'autre se fit prendre par le col puis secouer. Le gars, qui avait tant espéré gagner cet argent, les meurtrit de rage. Chaï et Miguel n'eurent pris connaissance du règlement de compte. Ils partirent, les étoiles plein les yeux, sans se soucier de quoi que ce soit. Pourtant, savoir que le patron des deux gars était sorti fou de colère aurait pu leur éviter de se retrouver dans une mauvaise posture.
* * * * * * * * * * * * * Placé en lieu sûr dans l'une de ses poches intérieures de son veston en jeans, Chaï avait quitté Miguel au détour d'une ruelle. En cette soirée bien avancée, chacun prit direction de son logement, assez heureux pour n'avoir besoin de terminer la nuit dans un club. L'obscurité était cassée par les réverbères des rues principales, mais par souci de rapidité, l'ouvrier polyvalent décida d'emprunter les ruelles plus sombres. Les mains à l'arrière de son pantalon, il marchait, libéré d'un poids concernant la fin du moins compliquée qu'il ne connaîtra pas cette fois-ci. Léger, ses jambes sautillaient presque sur le macadam peu emprunter, tout du moins jusqu'à ce qu'un couvercle de poubelle tomba et attira son attention. Il s'arrêta net, pivota son corps vers le bruit, fixa le paysage glacial dans son dos et ne respira plus quelques secondes, juste le temps d'ouïr de possibles mouvements. Mais rien, pas l'ombre d'un chat qui accourut en sa direction, ni d'un rat qui fouina dans les détritus. Il avança alors, plus vite.
_ Où crois-tu aller comme ça, l'interrogea la voix rauque d'une silhouette qui sortit du noir. Chaï n'aurait pas dû, mais il s'immobilisa plutôt que de courir et sauver sa peau. Il ne répondit pas, n'eut pas le temps, de toute façon. Deux autres hommes baraqués l'entourèrent et, bien qu'il n'eut pas dévisagé le chef russe, il reconnut sa présence dans la cave. Il fallait être idiot pour ne pas comprendre ce qui était déjà entrain de se tramer. Pour de l'argent, les Hommes étaient prêts à tout, même à tuer. _ J'pense pas m'rappeler vous avoir convié à une p'tite fête, fit-il d'un air moqueur, un coin de lèvres levé. _ Tu feras moins le malin quand ils t'auront réduit en miettes, articula le grisonnant après avoir forcé un rire, puis il claqua des doigts à l'adresse de ses gorilles qui ne tardèrent pas à exécuter les ordres de leur maître. Ils se rapprochèrent, craquant leurs doigts un à un. Ils n'étaient pas à leur premier coup d'essai.
Il aurait été plus simple pour le Thaïlandais de sortir les deux milles dollars et de leur céder, mais il y tenait. Il se para à son tour, serra les poings pour riposter. Un contre deux, le combat était déloyal. Il avait bien plus de chances d'être le vaincu, d'être celui laissé pour mort dans un passage peu fréquenté. Mais, sérieusement, ouais : il en avait grave besoin, de cet argent. Alors il rendit les coups, de mains, de pieds, parfois de tête. L'arcade coupée en deux, le nez cassé, la lèvre inférieure en sang, les phalanges ouvertes et les métacarpes bleutées, il combattit encore jusqu'à ce que les molosses ne parviennent à le mettre à terre, et s'en fut terminé pour lui. Il n'eut de choix que de courber le dos, contracter les abdominaux et couvrir son crâne de ses avant-bras pour contrer la violence. Cette violence qui l'assommait, l'aurait presque tué si une voix, au loin, ne s'était pas faite entendre.
1219 mots(17:29, désolée, coupée par mon fils, je viens seulement de corriger les fautes d'inattention ) |
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| Invité a posté ce message Ven 30 Aoû 2019 - 20:45 # |
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CHAÏ & EUGENIA You will bleed. You will gasp. And you will scar. But what matters in the end, darling, is that you will survive. « Facile pour ton entraîneur de te demander d’être plus rapide alors que lui-même n’est pas en fauteuil. Et, d’ailleurs, il te fait rentrer aussi tard ? Tu n’es pas en sécurité la nuit, à New York, Ginny. » La voix de ma soeur était tintée d’inquiétude, comme à l’ordinaire. Protectrice à l’extrême avec moi, je la soupçonnais de bien moins bien vivre notre séparation que moi. Et c’était pour dire. Je ne passais pas une journée sans penser à elle. Je ne passais pas une journée sans me demander où elle était, ce qu’elle faisait. Je ne passais pas une journée sans qu’elle ne me manque, sans que mon coeur ne se serre à la simple idée que nous puissions être séparées depuis si longtemps. Sans que je ne souhaite sa présence à mes côtés. « Ne t’inquiète pas, je suis bientôt arrivée. Et ne le prends pas pour un malade, c’est normal, c’est bientôt l’US Open handisport, alors il veut mettre toutes les chances de mon côté. C’est un coach, il fait son boulot, » répondis-je d’une voix douce. Mes écouteurs vissés sur les oreilles, j’appuyais sur le bouton d’appel carré du bus dans lequel je me trouvais pour descendre à l’arrêt suivant. Le véhicule était quasiment vide ; à cette heure-ci, les personnes qui habitaient mon quartier étaient rentrées chez elles depuis bien longtemps. Dans mon cas, cela faisait plusieurs jours que mon entraînement terminait aussi tard ; cela serait le cas jusqu’au moment où j’entrerai sur le green de l’US Open. J’acceptais ce statut, après tout. Ce statut de championne. Ce statut de joueuse handisport professionnelle qui se devait de donner tout ce qu’elle avait, peu importe les sacrifices, peu importe les minutes qui défilaient, peu importe l’heure à laquelle elle rentrait. « Il ne peut pas t’entraîner plus tôt ? » J’esquissai un sourire. « Je travaille au commissariat. » Je l’entendis soupirer à l’autre bout du fil, alors que le bus s’arrêtait devant mon arrêt. Le conducteur activa la descente accessible aux personnes à mobilité réduite et, après un signe de la main pour le remercier, je m’élançai dans la rue new yorkaise. « Tu ne devrais pas avoir à travailler là-bas, » décréta-t-elle pour la millième fois, sans doute. « On en a déjà parlé, » lui répondis-je, avant d’ajouter. « Je te laisse, Scar. Je franchis bientôt mon paillasson. Tu m’appelles demain ? » Scarlet protesta quelques secondes puis nous échangeâmes des au revoir ; je poursuivis ma route sur les quelques mètres qui me restaient, mais des bruits interpelèrent mes oreilles. Non loin de moi, deux silhouettes étaient en train de battre une personne à terre, le ruant de coups, frappant sans vergogne. Des bruits sourds se faisaient entendre dans la rue. Je me sentis raidir, incapable de bouger, incapable de réagir, incapable de faire quoi que ce soit hormis réfléchir. Des frissons avaient envahi ma peau ; mon rythme cardiaque s’accéléra et je sus que je ne pouvais pas rester là à regarder, rester là à ignorer. Et, en cet instant, je me maudissais. Je me maudissais d’être en fauteuil, d’être faible. Je me maudissais d’être là, infirme et incapable de faire quoi que ce soit. Puis une idée vint effleurer mon esprit et, avant de perdre mon courage, avant de faire machine arrière, je poussai sur mes roues avec toute la force qui me restait pour me diriger vers eux. J’aurais pu appeler Lior, lui demander de descendre, lui demander d’aider cette personne qui se faisait battre. J’aurais pu lui demander, oui. Mais, quelque part, j’étais bien trop fière pour demander de l’aide. J’avais toujours voulu être flic. C’était mon domaine, c’était mon travail, c’était ma vocation. Cela était sans doute par jalousie, mais j’aurais mal vécu le fait qu’il s’en charge plutôt que moi. C’était idiot, oui. Parfaitement. idiot. « Eh ! » lançai-je à l’égard des assaillants. Ils relevèrent la tête vers moi, ce qui me laissa le temps de jeter un coup d’oeil à la personne à terre. Malgré le sang qui ruisselait sur son visage, je reconnus mon voisin. Ce voisin que j’avais rencontré durant les premiers jours de mon arrivée à New York. Ce voisin qui avait capté mon attention et que j’avais fini par connaître de loin. Je savais qu’il trempait dans des affaires pas très nettes mais je ne l’avais jamais vu dans cette situation, coincé par deux porcs qui n’avaient même pas l’obligeance d’un combat loyal. « Chaï ! Chaï, est-ce que tu m’entends, c’est Ginny. Ta Ginny. » Mon cerveau était en ébullition, mes pensées défilaient vite, très vite, sans doute trop vite. Je misai sur le fait de le connaître pour donner à la situation une part d’affect qui mettraient les assaillants dans une position embarrassante ; en m’élançant vers eux, j’avais compté sur la réaction courante des gens à mon égard, face à mon fauteuil, qui était le malaise. « Vous n’avez pas honte de vous en prendre à lui de cette manière ? Deux contre un ? Qu’est-ce qu’il vous a fait au juste ? » Je me baissai pour attraper sa main comme pour symboliser notre union et je les toisai d’un air inquisiteur. « On veut not’fric, » me cracha l’un des deux agresseurs. Mon coeur rata un battement. Rapidement, dans mon esprit, tout ce que j’avais bien pu trouver à propos de mon voisin défila sous mes paupières. Fric, argent, jeu. Je serrai la mâchoire. « Votre fric ? Comment ça votre fric… ? Oh non, mon chéri, ne me dis pas que t’y es retourné… Je te l’ai dit, ce n’est pas grave si je ne peux pas changer de fauteuil… » L’adrénaline entraînait mon cerveau à mille, deux mille, cinq mille à l’heure. Tout allait si vite que j’avais la sensation que mon corps ne m’appartenait plus, qu’il exécutait tout sans mon avis. « S’il vous plait… Laissez-le tranquille… Chéri, rends-leur l’argent au pire… Ce n’est pas grave… On économisera… On va s’en sortir… » dis-je avant de me pencher vers l’oreille de Chaï du mieux que je pouvais. « Je te laisse le choix, soit tu me suis, soit ça risque d’être compliqué de te sauver la peau, » murmurai-je. Et, en cet instant, j’eus peur qu’il choisisse l’option la moins facile. |
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| Invité a posté ce message Sam 7 Sep 2019 - 16:29 # |
| “Save me, cuz I can't get a grip on myself 23 Août ft. @Eugenia Lancaster
Cette voix, il ne la reconnaissait pas très bien, peut-être à cause de ce sang qui avait ruisselé de son arcade jusqu'au tympan de l'une de ses oreilles. Il gémissait de douleur, pensait les coups s'acharner encore contre sa colonne, mais il n'en était rien. Les pieds avaient cessé de le meurtrir, ne restait qu'une répétition de l'acharnement imaginée par son cerveau déboussolé. Il cracha un certain flux de liquide de sa bouche avant de rouler de son flanc sur son dos. De l'asphalte, il n'en avait que faire. Le goudron n'était pas sa couchette de prédilection, pour autant les blessures à son visage lui paraissaient bien plus vives que les graviers noirs sur lesquels il se mouva. Ses mains descendirent jusqu'à ses côtes et il toussa. La quinte fut atrocement vécue, mais pour dégager la boisson vampirique de sa gorge, celle qui avait trouvé un malin plaisir à inonder sa cavité buccale, il n'avait d'autre choix. Il avait beau ouvrir les paupières, sa vision était trop floue pour comprendre ce que les assaillants avaient trouvé de plus intéressant à mater. Était-ce leur boss qui avait donné l'ordre ? Chaï se rappelait d'un homme viril bien sapé, dont la gueule comportait quelques cicatrices de lames de couteau, sa voix ne pouvait être aussi féminine. Vingt-deux, v'là les flics ? Il manquerait plus que ça...
Un son de roues parvint à son oreille propre, est-ce que les officiers se baladaient à présent à vélo la nuit tombée ? Bordel, ça leur donnerait beaucoup moins de légitimité, beaucoup moins de charme aussi. Mais avec la question mondiale sur l'environnement, serait-ce finalement si impensable ? Oui, mais non. Trump était encore Président des Etats-Unis, et il n'en avait que faire du réchauffement climatique. D'ailleurs, il était où, Trump, pendant qu'un Asiatique se faisait tabasser par des Russes au beau milieu de Brooklyn ? Certainement en réunion d'affaires avec Poutine. Putain, le mal de crâne ! Chaï fronça les sourcils et grimaça. Les pensées qui torturaient son crâne étaient vides de sens vu l'état dans lequel il était rendu, tout ça à cause de ces petites merdes de mafieux. Il tenta une nouvelle fois d'ouvrir grands ses membranes, et ses billes devinèrent un ciel fort obscure, totalement démuni d'étoiles. C'était drôle, d'ailleurs, parce qu'il y avait quelques secondes, les étoiles avaient fricoté avec ses yeux. Chaï, c'était bien son prénom que l'on scandait à sa gauche. Étrange que les boules célestes l’interpellaient pour un peu d'aide quand lui se trouvait dans une mauvaise posture, pas vrai ? A moins que les cercles de lumières ne furent pas celles qui usaient de son patronyme dans cette exclamation soudaine. Qui, alors ?
Ginny. Il n'était pas sûr d'avoir passé une nuit avec une femme prénommée Ginny, mais il était putain de content qu'elle apparaisse pour lui sauver la peau, qui qu'elle soit. Elle roula jusqu'à lui, il pivota vers elle. Les efforts de chacun leur permirent de se rencontrer et, comme s'il avait deviné sa main, il l'empoigna quand elle demanda des comptes aux agresseurs. Ils restèrent un moment silencieux, juste assez pour analyser la situation, et demandèrent le fric gagné par le Thaïlandais, qui semblait être le leur. Ah, sacré nouvelle qu'ils lui apprenaient là. Les phalanges serrées à celles de l'héroïne, il s'y agrippa davantage pour se relever, utilisa même le moyen de locomotion de la jeune femme pour se hisser et s'asseoir à moitié contorsionné. Il lâcha un rictus, étouffé rapidement par la douleur à ses côtes. Cet argent, il était certain de l'avoir gagné, tout en ayant respectées les règles annoncées par l'animateur en début de partie. Ils pouvaient crever pour le récupérer. Il se lèverait, subirait davantage de dommages s'il le fallait, mais jamais ils n'obtiendraient gain de cause, jamais ils... _ Chéri, usa-t-elle au beau milieu d'une phrase. Non, de deux phrases, maintenant. Intrigué, il leva les obsidiennes pour rencontrer le faciès de sa sauveuse, et malgré la noirceur de la nuit, le brouillard devant ses pierres, il la reconnut.
Qu'est-ce qu'elle foutait là ? Il se rappela l'avoir croisée, un matin, alors qu'il était à la traîne pour aller bosser, encore. Il se souvint être sorti en trombe de son immeuble, avoir couru pour descendre la rue, et l'avoir bousculée. Par instinct, il s'était accroché au fauteuil roulant de la jeune femme, non pas pour s'éviter un saut périlleux, mais pour lui éviter de rejoindre les dalles qui trônaient devant l'entrée. Il avait croisé de ses ronds noirs le plus clair de son regard, et il avait souri de toutes ses dents pour s'excuser de la maladresse. Ce soir, pour la deuxième fois, il plongea dans la voie lactée de ses pupilles, navigua à l'intérieur de ses iris et comprit où elle voulait en venir. Il ne l'avait jamais couché sur les draps, c'était une évidence. Ces marques d'affection qu'elle murmurait à son égard faisait partie d'un plan qu'elle voulait salvateur pour tous deux. Là, devant les caïds, ils risquaient tous deux leur peau. Mais c'était compliqué, pour l'ouvrier, de dire adieu à une somme pareille. Ces deux milles dollars résolvaient bien des soucis, lui permettaient de rembourser quelques dettes et de finir le mois sans difficulté. Il devait rencontrer une nana, aussi, et elle semblait attendre de lui bien plus qu'il ne pouvait lui offrir. Il avait prévu de jouer fort, sur ce coup-ci, et sans ses billets...
Il secoua doucement la tête pour qu'Eugénia soit la seule à interpréter son mouvement. Au même moment, un homme sorti de l'ombre, un cigare attaché aux lèvres et il claqua des doigts pour obtenir l'attention de ses agents du crime. _ Il ne me semblait pas pouvoir être attaché à quelqu'un, commenta-t-il, une fois que ses larbins le rejoignirent, une serviette sortie d'une de leurs poches pour essuyer le sang qui entachait leurs mains. Son accent était prononcé, si bien qu'il n'était pas compliqué de deviner sa principale, et seule, origine. Chaï ne lâcha pas du regard la fameuse Ginny et l'implora de se taire en portant l'index de la demoiselle jusqu'à sa bouche, feignant de l'embrasser. _ Laisse-la en-dehors d'ça, tenta-t-il d'articuler malgré la lèvre inférieure fendue, elle n'a rien à voir dans l'histoire, tourna-t-il son faciès vers le boss. Maintenant qu'elle était à ses côtés, il avait la crainte qu'il se serve d'elle pour réclamer son non-dû. _ C'est beau, l'amour. Mais ça peut parfois faire des folies, dit-il, le coin des lèvres levé, malicieux à souhait. L'Asiatique ne pressentait rien qui vaille, observa les deux nigauds qui lui servaient de bras droit. Toujours avachi contre le fauteuil de sa voisine, il ramena tant bien que mal ses jambes, juste au cas où il se devrait de bondir à nouveau.
_ Tu es bien amoché, mon cher ami, fut-il semblant d'être peiné par le sort qu'avait subi son rival lors du combat déloyal, et je doute que tu puisses protéger ta petite-amie si, par mégarde, je venais à ordonner à mes hommes de s'occuper d'elle, se crut-il malin d'annoncer. Chaï respira un peu plus fort, gonflant ses poumons malgré la souffrance que ça lui procurait. Il était énervé, contre les gars qui leur faisaient face, et ne pensait plus forcément à son visage tuméfié. _ Vous le regretteriez, lâcha-t-il, bien qu'il ne se savait pas faire le poids face aux molosses. _ Oh, tu crois, leva-t-il en même temps les doigts, prêt à les claquer l'un contre l'autre. Le regard se perdit sur ce pouce et ce majeur qui, graduellement, se rapprochèrent. Le cœur battant, il se savait incapable de faire subir quoi que ce soit à une personne tierce par sa faute alors il lâcha la main de la jeune femme et planta sa paume face aux Ruskov'. _ C'est bon, j'vais vous donner l'fric, se résout-il à céder, parce qu'il connaissait leur manière de procéder, qu'il savait que le viol était le choix de facilité pour faire craquer. Chaï posa sa main sur la poche arrière de son pantalon et accrocha de ses doigts son portefeuille. Il le sortit, n'eut pas le temps de fouiller à l'intérieur qu'un des gars lui retira des mains.
_ Faites pas les cons, j'ai mes papiers d'dans, demanda-t-il posément quand, d'ordinaire, il n'aurait pas hésité à plonger sur l'individu qui lui aurait retiré son ID card. _ Deux milles dollars, c'est bien ça, interrogea le plus haut gradé l'un de ses soumis. _ L'compte y'est, se permirent Chaï et son impatience légendaire. Il reçut un regard noir de la part du blond aux multiples cicatrices qui se mit à toucher chaque billet pour comptabiliser la totalité du gain. _ J'te laisse vingt dollars pour acheter un scotch à ta femme, fit-il, lançant le portefeuille et le billet au sol, ça te servira à lui clouer l'bec la prochaine fois qu'elle voudra intervenir dans nos petites affaires. Un signe de tête plus tard, et ils retrouvèrent le chemin qui les menait à leur planque. Chaï les suivit du regard jusqu'à ce qu'ils disparaissent puis tourna ses saphirs vers sa comparse. _ T'pas froid aux yeux, toi, tenta-t-il de détendre l'atmosphère d'un ton rieur. Mais très vite, il prit une grande bouffée d'air douloureuse pour expectorer, tête baissée vers le sol.
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| Invité a posté ce message Mer 18 Sep 2019 - 14:48 # |
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CHAÏ & EUGENIA You will bleed. You will gasp. And you will scar. But what matters in the end, darling, is that you will survive. Je n’avais pas réagi de la façon la plus rationnelle, non. Je m’étais retrouvée face à une situation qui m’avait plongé dans le passé, dans ce passé que je chérissais, lorsque j’avais intégré les forces de l’ordre pour être formée à Londres, lorsque j’avais encore eu des espoirs plein la tête. J’avais toujours voulu aider, sauver, protéger, résoudre. J’avais toujours voulu faire des choses qui avaient du sens. Qui avaient une réelle valeur dans le monde. Qui faisaient la différence dans le quotidien. Alors, oui, j’avais foncé. Je n’avais même pas cherché à éviter le danger ; je n’avais même pas pensé à ce qui pourrait se passer si cela venait à mal tourner. J’y étais tout simplement allée. Laisser cet individu se faire battre à mort m’avait tout simplement été impensable. Laisser Chaï décéder sur le goudron du trottoir m’avait été tout simplement inimaginable. Lorsqu’il comprit que j’étais là pour tenter de lui sauver la mise, il attrapa ma main et tenta de se redresser. Il s’avachit sur une partie de mon fauteuil, une partie de mes jambes inertes, et je le laissai faire, passant une de mes mains derrière son dos comme pour feindre ce lien que j’avais imaginé entre nous deux. Néanmoins, Chaï refusa de leur rendre l’argent suite à mon incitation, d’un simple geste de la tête qui m’était destiné. Au même instant, un autre homme fit son apparition, sortant de l’ombre, un cigare à la main. « Il ne me semblait pas pouvoir être attaché à quelqu’un, » dit-il, son accent rendant ses paroles moins aisées à comprendre. Chaï plongea son regard dans le mien, attrapant mon index pour le poser sur ses lèvres. Ses yeux étaient lourds de sens. Ses pupilles me criaient de me taire. Je dilatai rapidement mes narines pour lui faire comprendre que j’avais compris ce qu’il sous-entendait. Il souhaitait que je me taise. Il souhaitait que je me taise parce qu’ils étaient en train de mettre en place la seule chose à laquelle je n’avais pas pensé en intervenant, qui était pourtant évidente : ils souhaitaient se servir de moi, pour l’atteindre, lui. Mon coeur rata un battement et je me sentis particulièrement idiote de ne pas y avoir pensé plus tôt. « Laisse-la en-dehors d'ça, elle n'a rien à voir dans l’histoire, » dit Chaï. Je regardais cet homme sorti de nulle part, qui semblait être le chef de bande. « C'est beau, l'amour. Mais ça peut parfois faire des folies. » Je lui lançai un regard perçant. Je tentai d’analyser la situation du plus vite que je le pouvais, ayant parfaitement conscience que je ne pouvais pas faire intégralement confiance à mon esprit perturbé. Tout allait trop vite. Tout allait beaucoup trop vite. Au moins, Chaï avait cessé d’être battu. C’était le seul point positif qui s’offrait à moi. « Tu es bien amoché, mon cher ami et je doute que tu puisses protéger ta petite-amie si, par mégarde, je venais à ordonner à mes hommes de s'occuper d’elle. » Je sentis Chaï se raidir. « Vous le regretteriez, » dit-il. « Oh, tu crois. » Et j’étais là, au milieu de leur échange pseudo-viril, au milieu de tout cela, et le pire était sans doute que je m’y étais retrouvée volontairement. Le patron fit mine d’être sur le point de claquer ses doigts ; Chaï, quant à lui, était tendu et semblait en plein conflit interne. Et, pour ma part, j’étais surprise par le calme relatif qui m’habitait. Je jetai un coup d’oeil furtif à ma fenêtre, entrouverte, où la lumière était allumée ; cela me confirmait que Lior était bien chez moi. Je serrai mes doigts autour du sifflet qui se trouvait dans ma poche. J’étais persuadée que si je criai assez fort ou si je sifflais je parviendrai à l’alerter et il saurait réagir en conséquence. « C'est bon, j'vais vous donner l’fric, » finit par dire Chaï, lâchant mes doigts pour récupérer son porte-feuille qui se trouvait dans la poche arrière de son pantalon. Ils lui arrachèrent des mains. « Faites pas les cons, j'ai mes papiers d’dans. » Ils fouillèrent afin de récupérer leur argent. « Deux mille dollars, c'est bien ça ? » demanda-t-il pour confirmation, qu’on lui donna. « L'compte y’est. » Le chef recompta les billets pour s’assurer que la somme y était, puis finit par jeter vingt dollars et le porte-monnaie à terre. « 'Te laisse vingt dollars pour acheter un scotch à ta femme, ça te servira à lui clouer l'bec la prochaine fois qu'elle voudra intervenir dans nos petites affaires, » dit-il. J’ouvris la bouche pour répliquer mais je me souvins de la consigne de Chaï ; ils finirent par décamper et nous nous retrouvâmes tous les deux dans la rue, comme s’il ne s’était rien passé. Chaï, quant à lui, continuait de saigner. « T'pas froid aux yeux, toi, » me dit-il. Sa respiration semblait douloureuse. « Pas tant que ça, » répondis-je en haussant les épaules. Je savais pertinemment que ma réaction relevait de l’inconscience. Je savais pertinemment que je n’avais clairement pas pris les meilleurs choix. Néanmoins, je demeurai persuadée que, si je n’avais pas été là, Chaï ne s’en serait probablement pas sorti. Je finis par pointer du doigt ma fenêtre. « Tu vois cette fenêtre ? C’est mon appartement. J’ai un sifflet anti-viol. J’aurais sonné l’alarme, mon… Mon ami s’en serait rendu compte, et comme je bosse chez les flics il aurait donné le signal. En deux minutes ils auraient déboulé, puisque le poste le plus proche se trouve à moins d’un kilomètre, » expliquai-je. « Et j’aurais largement pu gagner deux minutes. » J’haussai une nouvelle fois les épaules, comme s’il ne s’agissait pas de grand chose, comme si rien n’était particulier. Mon coeur, quant à lui, battait particulièrement fort dans ma poitrine, mais une nouvelle fois, j’étais bien trop fière pour le laisser paraître. Bien trop fière pour le faire comprendre. Bien trop fière pour ne pas faire semblant. « Sinon un merci ça aurait suffit, » ajoutai-je en lui donnant une petite tape à l’arrière du crâne, faible mais suffisante pour prouver là où je souhaitais en venir. « Tu peux marcher jusqu’à ton appartement ? Je viens avec toi, je vais te soigner. » Je ne pouvais me résoudre à le laisser seul dans un tel état. Et, s’il avait été prêt à se faire battre à mort pour deux mille dollars, il n’avait certainement pas les moyens pour aller à l’hôpital. |
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| Invité a posté ce message Dim 22 Sep 2019 - 11:41 # |
| “Save me, cuz I can't get a grip on myself 23 Août ft. @Eugenia Lancaster
_ Tu vois cette fenêtre ? Chaï déporta ses pierres noires jusqu'au bout du doigt qui pointait l'immeuble, avant de tenter d'apercevoir ce sur quoi Ginny lui demandait de cibler avec attention. Et il essaya, jura de faire de son mieux, mais cette maudite fenêtre ne semblait pas vouloir apparaître à ses yeux. Peut-être n'existait-elle que dans l'esprit de sa sauveuse ? Probablement qu'elle était trop loin aussi, parce qu'il était certain de connaître au moins l'immeuble dans lequel elle résidait. A moins qu'il fallait mettre la faute à ce voile qui s'était posé pour obscurcir sa vue, tel un drap opaque que l'on aurait fait tomber sur sa tête. Et puis, il fallait dire que sa paupière gauche avait doublé de volume et que le sang avait eu le temps de sécher sur le coin externe de son oeil. Il ne voulait pas l'avouer, de peur d'être considéré comme un moins que rien, mais les blessures piquaient sa peau, si bien qu'il ne se voyait forcer à observer un simple encadrement muni de carreaux : il savait à quoi ça ressemblait, de toute façon. Alors il fit semblant de voir la fameuse ouverture qu'elle lui décrivait, essayant de fixer le bon endroit de la façade pour que ça ne lui paraisse étrange, et tiqua sur l'aveu.
_ Attends, t'es entrain d'me dire que j'aurais pu garder mes deux milles dollars, interrogea-t-il, parce que c'est ce qu'il retint de la confidence. Il ne se demanda pas pourquoi elle gardait sur elle un sifflet anti-viol, et bien qu'elle l'ait nommé avec affection, n'aurait pas supposé une seule seconde être assez proche de la jeune femme pour lui demander, forcément. Non, tout ce qui lui importait était que, par la confession de sa voisine, elle aurait pu le sauver lui et la somme qu'il eut précédemment gagné. L'Asiatique aurait pu trouver la situation terriblement frustrante, peut-être se mettre en colère et hurler sur l'inconsciente, mais il ne le fit pas. Il reporta simplement son regard sur le portrait de celle qui s'eut pris pour une héroïne de bande-dessinée, la contempla un instant dans le silence et se mit à rire. Il explosa sans avertissement, vint poser ses doigts meurtris par les coups qu'il eut donné dans ses cheveux, qu'il agrippa comme il le put. Il rit de satire, parce que la fin de l'intrigue lui semblait fort pathétique; il était pathétique. _ Putain d'merde, souffla-t-il une fois sa respiration retrouvée, et la douleur des soubresauts estompée, omettant de remercier la jeune femme, comme il se devait.
Ginny, par contre, n'oublia pas de lui faire remarquer, une tape à l'arrière du crâne tatoué en prime. Il ne résista pas, laissa sa tête valser vers l'avant, accompagnant le geste doux de la main de celle qui se baladait à quatre roues. Un dernier hoquet moqueur sortit d'entre ses lippes, bouscula ses côtes souffrantes et lui sortit un gémissement plaintif étouffé au fond de sa gorge. _ T'es pas obligée de m'accompagner, la prévint-il, désireux de se montrer fort et indépendant. Mais l'essai qu'il eut tenté pour se relever ne put que la conforter dans son idée : seul, il n'y arriverait pas. Les coups avaient été puissants, ses jambes en avaient pris quelques uns malgré que sa colonne et ses flancs furent les plus touchés. Il peina d'ailleurs à les utiliser, força sur ses mollets plus que sur ses cuisses bleuies par des hématomes naissants, et une fois debout, il trouva appui sur l'une des poignées du fauteuil roulant. _ Okay, p'tete juste jusqu'à la porte d'entrée, acquiesça-t-il pour un peu d'aide, j'voudrais pas qu'ton ami s'inquiète, pensa-t-il, la titillant sur le mot sur lequel elle eut buggé, et puis c'pas la première fois, j'sais m'débrouiller, précisa-t-il.
Et il ne le savait pas encore, Chaï, mais cette fameuse Ginny était déjà au courant de ses démons, de ses addictions. La voisine, si discrète qu'il ne lui avait pas semblé la recroiser jusqu'alors, était bien plus renseignée sur lui qu'il ne pourrait l'imaginer. Probablement qu'elle le connaît, aujourd'hui, plus qu'il ne se connaît lui-même. Encore appuyé à l'arrière du moyen de locomotion de sa voisine, il tenta de trouver l'équilibre parfait jusqu'à oser se lâcher totalement. Il boita, jusqu'à son portefeuille et ce billet de vingt dollars qu'on lui avait gentiment cédé avant de s'accaparer de la liasse restante. Il n'avait pas besoin de compter, de toute façon, tout était perdu. Et il se mit à jurer à tue-tête, Chaï, de se venger du Ruskov' et de sa bande. Dans sa tête, il n'y avait que le mot vengeance qui s'enroulait autour de ses pensées, et les muscles de sa mâchoire qui se contractaient étaient la preuve qu'il ne laisserait pas cette histoire se terminer ainsi. Il se pencha vers ses papiers en taisant un hurlement et grimaça de tous ses traits au moment où il fallut utiliser ses abdominaux pour se remettre debout, et droit. _ Oh la merde, se plaignit-il d'une voix faible qui aurait pourtant voulu être criarde.
Finalement, quelle partie de son corps n'avait pas été touchée ? Il espérait que la jeune femme qui insistait pour l'accompagner ait quelques notions médicales, qu'elle ait traîné avec des infirmières ou se soit portée volontaire chez les pompiers, ou dans le service des secours. Ouais, il espérait qu'elle puisse retirer le mal de son corps, comme on exorcise les âmes possédées. _ C'est par là, trouva-t-il important de pointer du doigt l'allée qu'il fallait emprunter pour rejoindre le bâtiment dans lequel il vivait, comme si elle n'était déjà pas au courant que son voisin logeait dans un appartement près de chez elle. Il serra les dents pour la rejoindre, une fois que ses biens eurent rejoint sa poche de pantalon, et avança aussi lentement qu'un paresseux montant les étages de son arbre. Il ne dit rien, cependant, n'implora pas pour qu'elle le laisse poser sa main sur le dossier, à défaut d'avoir une canne. Il garda même la tête haute devant les derniers passants de la rue Rutledge, ceux qui avaient l'habitude de rentrer tard en leur logement, ceux qui ne semblaient pas contrariés à laisser femme et enfants seuls, jusque très tard dans la soirée.
Le Thaïlandais s'arrêta au niveau de l'entrée, posa une épaule sur les briques de l'immeuble et tourna la tête vers la jeune femme, loin d'être pressé à ouvrir la porte de sa clé magnétique. _ Tu devrais rentrer chez toi, la conseilla-t-il avant de passer sa langue sur la fente qui jonchait sa lippe inférieure. Il tenta de la nettoyer du liquide coloré de plusieurs passages, et montra un air sérieux à l'égard de Ginny. Son aide était pourtant la bienvenue, et il aurait espéré pouvoir compter sur elle, intérieurement. Mais elle avait déjà fait beaucoup pour lui, l'avait sauvé de la mort, ou de l'hôpital. F*ck, qu'il détestait l'hôpital, en était presque phobique. Quelques habitants de la rue l'avaient déjà vu à ses côtés, et c'était suffisant pour faire tourner des rumeurs; il n'avait aucune raison de lui vouloir du mal. _ Chui pas le genre de mecs à fréquenter, j'pense que t'dois être au courant, lâcha-t-il, en baissant les yeux dans sa réflexion, sur la façon d'avouer ce qui pouvait se dire dans les blocs d'à côté. Les fêtards, les irresponsables, n'étaient pas très bien vus par les familles qui s'étaient installées dans le coin, montraient probablement le mauvais exemple aux plus jeunes, et en même temps donnaient envie de pêcher à son tour.
_ Si tu t'obstines à monter, reprit-il en contemplant les pavés sur lesquels ils s'étaient arrêtés, sois sûre que des trucs circuleront sur les raisons d'ta présence chez moi, finit-il par lui confesser, et t'mérites pas ça, releva-t-il les yeux, secouant la tête négativement pour appuyer ses dires, pas après c'que t'as fait pour moi. Chaï vivait dans les combles de l'immeuble, et ceux qui occupaient les logements inférieurs étaient à l'affût des moindres mouvements de l'Asiatique. Dans les rues de New-York, on aimait les potins, ça donnait l'impression d'avoir quelque chose d'intéressant à apprendre aux autres, notamment lorsqu'on ne parvenait pas à monter les échelons sociaux; et on savait tous que c'était une fierté. Il était épié, n'en avait que faire, finalement, de ce qu'on pouvait penser de lui, et de celles qu'il invitait dans ses draps. De toute façon, la plupart des femmes qui l'accompagnaient étaient déjà fichées comme étant de véritables pouffiasses. Ça le faisait marrer, d'apprendre ce qu'on pouvait rapporter de lui, surtout lorsque ça arrivait aux oreilles de ses parents et offusquait son paternel. Mais là, ce soir, c'était bien différent.
Il lui sourit en coin dans son élan de générosité, et il était préférable qu'elle en prenne soin, car ils étaient rares. A moins qu'elle soit aussi têtue que lui ?
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| Invité a posté ce message Lun 28 Oct 2019 - 11:49 # |
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CHAÏ & EUGENIA You will bleed. You will gasp. And you will scar. But what matters in the end, darling, is that you will survive. Ils étaient partis. Ils avaient récupéré l’argent et étaient partis. Je ressentais un profond soulagement, tout en ayant la conscience qu’il valait mieux se mettre à l’abri au plus vite ; je pris néanmoins le temps d’expliquer à Chaï la solution de secours que j’avais eu, au cas où la situation aurait dégénéré au point de non-retour. Je sentis celui-ci réagir à mon discours. « Attends, t'es entrain d'me dire que j'aurais pu garder mes deux milles dollars, » finit-il par me dire et j’haussai les sourcils. Je savais comment il était. Je l’avais compris à travers les lignes que j’avais bien pu lire ; je l’avais deviné en observant les différentes phases de sa vie. Cependant, cela ne m’empêcha pas d’être surprise. D’être interloquée. De me retrouver pantoise face à la réalité de sa vie, face aux vérités de son existence. Je me trouvais à ses côtés tandis qu’il avait le visage tuméfié, le corps brisé par les coups, et son seul intérêt à cet instant était de savoir qu’il avait eu une chance de garder son argent. Je ne comprenais pas, non. Je ne comprenais pas comment on pouvait être aussi attaché à deux mille dollars. Je n’avais jamais roulé sur l’or. Je n’avais jamais été riche. Deux mille dollars était une somme qui aurait soulagé temporairement mon quotidien. Mais je n’aurais jamais eu ses réactions à lui. « Putain d'merde, » ajouta-t-il. Il était évident que nous ne vivions pas dans le même monde. Il était évident que nous étions différents comme la nuit et le jour, le Soleil et la Lune. Je pris une profonde inspiration, levant les yeux au ciel, avant de secouer la tête et reprendre la parole. « Nous savons l’un comme l’autre que, dans l’autre scénario, tu n’aurais sans doute pas pu garder l’argent. Soit les flics te l’auraient confisqué, soit… » commençai-je avant de déglutir. « Soit ces gars seraient revenus pour te faire payer la venue de la police. Et cette fois-ci tu ne t’en serais sans doute pas sorti vivant. Je pense qu’ils s’en seraient pris à moi aussi. Je sais aussi bien que toi comment ça marche au sein de la mafia, des gangs, des Peaky Blinders, peu importe comment ils s’appellent. » On pouvait facilement me qualifier de petite fille sage. De gentille demoiselle. Après tout, hormis les quelques effractions que j’avais commises en étant plus jeune, j’étais désormais une personne reculée, posée, ennuyante. Il ne se passait pas grand chose dans mon quotidien, ma routine se répétait continuellement. Mais je savais comment fonctionnait ces systèmes et organisations qui semblaient à des années lumière de mon existence. Mais je savais que dans un tel pétrin, il n’existait aucune sortie de secours. Chaï ne m’avait pas remercié pour mon intervention et je n’eus aucune hésitation à lui faire savoir. « T'es pas obligée de m'accompagner, » finit-il par simplement me répondre, sans aucun merci, sans aucune reconnaissance. Je levai un sourcil en le voyant peiner à se relever. J’avais conscience qu’il n’y arriverait pas seul mais, ma fierté ayant été légèrement bafouée, je préférai le laisser s’en rendre compte de lui-même. « Okay, p'tete juste jusqu'à la porte d'entrée, j'voudrais pas qu'ton ami s'inquiète, et puis c'pas la première fois, j'sais m'débrouiller, » reprit-il finalement, toujours appuyé contre mon fauteuil. Si j’avais de la fierté, il en avait probablement plus que moi. « Bien sûr, » répondis-je dans un souffle, tandis qu’il peinait à retrouver son équilibre. Il tituba jusqu’au billet que le malfrat avait jeté sur le sol, le mit dans son porte-feuille. Je l’entendis hurler des grossièretés à n’en plus finir, mais je ne dis rien, considérant qu’il valait sans doute mieux le laisser tranquille. « Oh la merde, » ponctua-t-il avant de finalement me montrer l’entrée de son immeuble. « C'est par là. » Il ne savait pas que je le savais déjà, non, comme il n’avait eu absolument aucune idée de qui j’étais, de là où j’habitais. C’était bien souvent comme cela, d’ailleurs. Je vivais à l’écart du monde ; on ne me voyait pas, on ne me reconnaissait pas. Et, pour ma part, ma façon de sociabiliser se résumait à des recherches. Je le suivis jusqu’à la porte d’entrée où, dans un grand effort, il sortit son badge. « Tu devrais rentrer chez toi, » me dit-il finalement. « Chui pas le genre de mecs à fréquenter, j'pense que t'dois être au courant. » J’esquissai un léger sourire. J’étais au courant, oui. Mais je ne voyais absolument pas en quoi l’aider à rentrer chez lui et à s’appliquer des soins était dérangeant. « Si tu t'obstines à monter, sois sûre que des trucs circuleront sur les raisons d'ta présence chez moi et t'mérites pas ça, pas après c'que t'as fait pour moi, » reprit-il. J’haussai les épaules. Cela ne m’impressionnait pas, non. La plus grande partie de mon adolescence avait été rythmé par des rumeurs, des moqueries, des insultes. La plus grande partie de mon adolescence m’avait appris que les seules paroles qui importaient étaient celles de mes proches. Alors, oui, je comprenais ce qu’il voulait dire. Mais je n’avais pas peur des ragots de Williamsburg. « Ça ne serait pas la première fois, » dis-je, reprenant les mots que Chaï avait employé quelques minutes auparavant. « Je suis championne paralympique de tennis. Disons que les ragots du quartier auront pâle figure par rapport à ce que certains journalistes peuvent écrire sur moi, » poursuivis-je. « Qu’est-ce qu’on peut en faire de l’avis des autres quand on est celui qui détient la vérité ? » Je n’étais pas imbue de ma personne, non. Bien au contraire, je ne lisais aucun article à mon sujet, je ne regardais aucune photo prise par des professionnels, je ne regardais pas les interviews que j’avais bien pu faire. Mais mon entourage le faisait. Et mon entourage me racontait ce qui pouvait bien se dire, le bien, le moins bien. « Bon, tu l’ouvres cette porte ou tu comptes passer la nuit devant ? » lui demandai-je. « Pour te soigner j’ai besoin de compresses, désinfectant, sparadrap, sérum physiologique. T’as tout ça ? » J’attendis. J’attendis qu’il ouvre la porte, que nous puissions entrer, que nous puissions monter chez lui. J’attendis qu’il ouvre la porte, que je puisse avoir le matériel nécessaire, que je puisse le soigner. J’attendis qu’ils s’exécute, sachant pertinemment que j’avais face à moi une personne probablement aussi têtue que moi. |
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| Invité a posté ce message Sam 9 Nov 2019 - 11:05 # |
| “Save me, cuz I can't get a grip on myself 23 Août ft. @Eugenia Lancaster
L'omoplate contre le coin en pierres de l'immeuble, et le badge de la porte d'entrée dans sa paume, doigts refermés sur l'objet, Chaï continuait de torturer sa lèvre inférieure de coups de langue. Sonné par les poings de ses adversaires, il n'attendait qu'une chose : que cette fameuse Ginny face demi-tour et le laisse se démerder, comme il en avait tant l'habitude. Pour sûr que, dès qu'elle aura retrouvé la raison, il s'engouffrera dans le hall sombre du bâtiment, et prendra appui sur les boites aux lettres alignées pour rejoindre l'ascenseur. Bien qu'habitué aux escaliers, il fera l'exception, -comme toutes les autres fois où il n'eut d'autre choix-, et empruntera la cage métallique jusqu'au dernier étage, jurera à chaque fois que celle-ci se permettra de grincer ou de faire clignoter l'ampoule; parce que Chaï a mal au crâne, parce que Chaï a horreur du noir. Il aura beau souffrir de mille maux, sentir sa colonne disloquée, ses poumons maltraités, ses côtes fêlées, sa bouche et son arcade suinter, tout ce qui l'inquiétera sera cette putain de lumière qui disparaît. Il ne s'attendait pas à trouver face à lui pareille femme, aussi têtue, aussi forte.
Les yeux qu'il avait relevé sur sa voisine peinèrent à rester fixes, la descente se fit naturellement sur sa mobilité réduite et ce fauteuil qui l'aidait à se déplacer. L'aveu de la jeune femme le laissa sans voix, le fit détourner le regard vers le bout de la rue, -même s'il n'était pas certain que ce réverbère qu'il avait pris en grippe soit réellement le dernier de la longue série. Il laissa ses pensées naviguer un instant sur les possibles écrits de ces journalistes dont elle parlait, de ces ragots qu'elle semblait subir autant que lui, si ce n'était plus. Il se rendait compte qu'il avait devant lui son égale au féminin : aussi obstinée que lui, qui ne souffrait pas aussi aisément des histoires qu'on lui créait. Il ne put refréner un souffle rieur, tout en se mettant à jouer avec le géo-localisateur accroché à son maigre trousseau de clés. Une chose l'intrigua malgré tout : que pouvait-on trouver à dire de cruel concernant la personne qui se trouvait à ses côtés ? Elle ne lui semblait pas maléfique, l'exemple même de bonté. Elle avait prouvé son courage en interpellant les hommes qui avaient failli mettre en pièce l'Asiatique pour deux milles dollars. Est-ce sa simple situation d'handicap qui prêtait à lui nuire ?
Tu l'ouvres cette porte. Ses obsidiennes retrouvèrent le visage de sa voisine, d'un air neutre, peut-être trop sérieux et un poil exaspéré. Quelle raison s'était-elle trouvée pour lui donner un ordre, caché subtilement dans une proposition à deux options ? Il soupira avant de s'avouer vaincu. _ J'n'ai qu'une trousse de s'cours entamée, faudra faire avec, fit-il en grimaçant, la lippe enflée. Il ne prenait jamais le temps de passer à la pharmacie, ne remplaçait jamais les éléments dont il avait eu besoin, -par oubli, par manque de temps. Chaï était toujours à la bourre pour se rendre au travail, et trop de fêtes étaient planifiées. Capitulant, le Thaïlandais tendit le bras et passa son pass devant la boite aux quatre boutons d'appel. Face au large rond noir, une lampe verte s'alluma, accompagnée d'un bip qui indiquait que la porte était déverrouillée, La paume contre la matière, l'abîmé poussa le battant, entra le premier et maintint le passage ouvert pour que Ginny puisse le rejoindre à l'intérieur. Il pensa à jeter un coup d'oeil vers l'extérieur, par expérience, et n'hésita pas à claquer la porte un peu plus fort pour s'assurer de sa fermeture, et tant pis pour les autres.
A présent dans le hall, il fit face à la sportive avant de pointer du menton l'endroit où se trouvait l'ascenseur. Bien évidemment, les immeubles de la rue étaient quasiment identiques. Construits la même année, si ce n'était en même temps, Chaï n'avait probablement pas besoin de l'escorter jusqu'au porte-personnes. Il la laissa passer devant, histoire de pouvoir grimacer quand bon lui semblait sans se faire remarquer. Une main posée au niveau de son flanc opposé, il autorisait son faciès à trembler lorsque la douleur qu'il ressentait était trop forte. Les mètres qu'il dut parcourir furent semblables à un marathon, mais la fierté triomphait toujours, et l'Asiatique ne se voyait pas se lester de son poids en s'appuyant sur la chaise roulante de la tennis-woman. Il fut soulagé d'arriver enfin devant l'appareil et ne tarda pas à appeler la cabine à descendre les niveaux qu'elle avait précédemment monté. _ Ils préfèrent le réparer plutôt que le changer, commenta-t-il la lenteur de l'ascenseur à arriver au rez-de-chaussée, faut pas qu'tu t'inquiètes s'il fait des bruits ch'lous, pensa-t-il à la prévenir, l'épaule et la tête appuyées contre le pan du mur.
Il ferma les yeux, un temps, juste pour se reposer. Cela dura une seconde, quelques dizaines, une minute. Il ne sut réellement, mais l'ouverture des portes en métal l'éveillèrent comme s'il avait eu le droit à un repos d'une demi-heure. Il émergea difficilement, eut besoin de faire un effort monstrueux pour entrer à l'intérieur de l'élévateur et s'écrasa contre l'une de ses parois. _ Troisième, fit-il à son acolyte afin qu'elle pousse le bouton à sa place. Les paupières lourdes, il lutta un instant pour voir les coulisses se refermer sur eux. Le grincement coutumier et la secousse routinière les avertirent du départ. Chaï préféra ensuite éteindre son regard une nouvelle fois. L'ouïe en alerte, il préférait être obsédé par les crissements du mécanisme plutôt que par les affaiblissements de luminosité. D'ailleurs, pour ça, il sortit son téléphone portable de l'une de ses poches. Le voile de protection était pété, peut-être même l'écran, mais il lui suffit d'appuyer sur l'une des touches pour assurer un brin de lumière lorsque l'ampoule décidait de s'endormir. Les tons faibles apparaissaient à travers ses paupières, et le rendaient nerveux.
Malgré toutes les précautions, -paupières fermées et lampe de poche-, il ne put empêcher les gouttes de sueur d'envahir son front et ses tempes, comme s'il avait chopé la fièvre. Les souvenirs flous du sous-sol, humide et obscur, de l'usine, où il avait travaillé quelques années de son enfance, le hantaient à chaque fois qu'il se retrouvait menacé par l'absence d'éclairage. L'odeur de rouille et de mort lui montaient aisément aux narines. Cela dura le temps du trajet, l'empêchant de converser avec sa sauveuse, de lui répondre si elle prenait les devants. L'idée principale était de sortir au plus vite. Alors, dès qu'ils arrivèrent au troisième étage, au niveau des combles de l'immeuble, et que les portes s'ouvrirent sur le palier, Chaï fit fi de ses blessures et sorti en trombe de la cabine, dépassant le fauteuil roulant et celle qui était assise dessus. Il ne déclara rien, n'expliqua rien, le trousseau avait remplacé le mobile et il n'attendit pas pour plonger la clé dans la serrure. Il la tourna et le clic l'empressa d'ouvrir la porte de son logement de trente mètres carrés, décoré à l'industriel. Sa paume gauche tapa sur l'interrupteur, et tout s'illumina pour anéantir sa frayeur.
Le couloir était étroit, mais pouvait permettre à Ginny de s'y engouffrer avec un peu d'agilité. L'Asiatique retira ses chaussures à l'entrée, passa sa manche à la naissance de ses cheveux pour supprimer les dernières perles et parcourut les deux mètres de corridor jusqu'à la kitchenette américaine tenue à sa gauche où il chercha la trousse de secours sur la dernière étagère d'un meuble en bois de récup', juste après avoir posé son trousseau près de l'évier. _ Fais comme chez toi, l'invita-t-il à faire de cet espace restreint, fait de bois foncés, de laiton et de fer forgé, le sien. Une main sur ses côtes, et la boite de soins dans l'autre, il quitta la petite cuisine pour le salon au bout du studio, légèrement mansardé au niveau de la plateforme qui lui servait de chambre "parentale", -à laquelle on accédait par un escalier aux rampes en métal noir qu'il avait posé dernièrement. Il se laissa tomber dans le canapé gris, après avoir poussé quelques fringues abandonnées, et jeta la trousse sur la table ronde sur laquelle trônaient divers bouquins dédiés à la construction, au jardinage, et probablement quelques uns oubliés, réservés aux majeurs.
_ Alors... On commence par quoi, demanda-t-il, les billes posées sur Ginny; les côtes, la colonne vertébrale, les mains, la bouche ou l'arcade ?
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