A serious brunch. ft Timéo Fitzgerald

La porte s'ouvrit, mon visage se figea. Le soleil rayonnait derrière lui ou alors étais-je simplement en train d'enjoliver son arrivée. En tout cas sa présence me faisait de l'effet que je le veuille ou non. « Non non du tout, du tout. » répondis-je expressément ne désirant pas le mettre plus mal à l'aise qu'il ne devait l'être. Avec le temps j'avais appris à discerner ses mimiques comme sans doute il avait dû apprendre à discerner les miennes. Son regard fuyant en disait long sur le confort dans lequel il devait se trouver actuellement, mais moi-même je n'arrivais pas à maintenir plus d'une second mon regard sur son visage. Et pourtant... Je pourrais m'extasier longtemps sur cette mâchoire carrée, ces yeux noisettes, cette chevelure rousse, ces lèvres... bref je m'égarais et levait les yeux au ciel, fatigué d'avance par mon incapacité à rester concentré sur le sujet que nous avions à aborder tous les deux aujourd'hui, le travail. Mais avant ça la serveuse revint à la charge pour savoir ce que nous souhaiterions manger. « Je vais prendre un café et vos Cinnamon Swirl Pancakes s'il vous plait et toi Timéo ? » Depuis combien de temps n'avais-je pas prononcer son prénom, cela me faisait un effet bizarre, mais qui ne fut point désagréable.

Pourquoi ne prenait-il qu'un café alors que j'avais commandé à manger ? Etait-ce parce qu'il n'avait pas prévu de rester longtemps ? Avais-je l'air idiot de manger des pancakes à ce moment là si lui ne faisait que boire ? Pouvais-je encore annuler ma commande auprès de la serveuse ? « J'aurais peut être dû ne prendre qu'un café alors... » lançai-je de façon à peine audible une fois la serveuse partie. À quoi pensais-je ? Je lui manquais mais bien évidemment qu'il désirait écourter notre rencontre. Moi-même je devrais être content de ça, cela rendrait la situation moins douloureuse, mais en même temps j'étais heureux de le voir. Vraiment très heureux.

Finalement ce fut lui qui prit la parole en premier concernant notre réel sujet de discussion et mon estomac se noua lorsqu'il réévoqua le fait que je lui manquais. Peut-être que finalement les pancakes n'étaient pas une bonne idée. Il était sincère je le sentais. Sur la table, je commençais à jouer avec les doigts, face à sa vulnérabilité je ne savais que dire. Je devrais être plutôt content, c'était comme lors d'un conte de fées. Le destin avait fait son chemin et nous nous étions retrouvons après plusieurs années, mais la blessure de nos derniers moments passés ensemble restait présente. « Je... » Je voulus lui répondre, mais la serveuse déposa nos commande. Une tasse de café pour chacun d'entre nous et une assiette de pancakes devant moi. J'étais allé au sport ce matin je méritais bien ça, mais manger seul tandis qu'il ne faisait que boire me faisait me sentir ridicule. Bref, ce n'était pas le plus important.

« Tu... Comment dire... C'était tellement difficile entre nous lorsque nous étions ensemble que... » Ma gorge se nouait je n'arrivais pas à faire de phrase complète. « Fais chier... Tu me manques aussi, mais je ne veux pas avoir mal, pas encore. » Et bien sûr les larmes commençaient à monter, j'étais trop émotif. Punaise, ces pancakes étaient vraiment ridicules.

Allait-on vraiment pouvoir corriger ce qui n'avait pas été la première fois dans notre relation ? D'ailleurs quel avait été le problème ? Ah oui, l'une des plus grandes tensions avait été de vivre cette relation comme cachée, mais ni lui, ni moi n'avions osé faire notre coming out. Pourtant nous étions en 2018, mais en ce qui me concerne je ne savais toujours pas comment ma mère pouvait réagir.  Si elle n'allait pas à l'église tous les dimanches, elle était quand même croyante, mais d'un autre côté je ne l'avais jamais entendu dire quoique ce soit de mal sur l'homosexualité alors qu'est-ce qui pouvait m'effrayer ? Peut être alors était-ce d'avoir entendu Timéo évoquer son père qui m'avait fait craindre un possible rejet de ma mère et alors terminer notre relation aurait permis d'éviter tout problème...temporairement. Je m'apprêtais à lui répondre, lorsqu'il continua sur sa lancée et me parla de sentiment... ses sentiments.

Mon coeur menaçait clairement de sortir de ma poitrine. Déjà lorsqu'il prenait cet air sérieux et perturbé je craquais, mais en plus de cela il parlait de ce qu'il pouvait ressentir pour moi et même un aveugle comprendrait de quel sentiment il s'agissait. Moi-même je les ressentais. « Notre " problème " reste encore présent. » répondis-je tentant de remettre les choses dans la réalité. Pourtant, là, maintenant, tout de suite je n'avais envie que d'une chose, le prendre dans mes bras et le serrer bien fort. Inconsciemment, sous la table, mon genou se rapprocha du sien jusqu'à entrer en contact avec. Lorsque je m'en rendis compte un sentiment agréable m'emplit le corps. Cependant « Que dirait ton père par exemple ? » demandais-je tout en scrutant ses iris noisettes. Car si nous ne résolvions pas ce problème, notre relation quelle qu'elle soit n'avait pas d'avenir.