we don't talk anymore / naleya

Bientôt une heure qu’elle est assise à son bureau, en train de travailler sur un projet pour ses cours. La reprise vient seulement d’avoir lieu mais elle ne se laisse pas l’occasion de prendre son temps pour se remettre dans le bain, c’est pas son genre. Son truc à elle c’est d’être toujours à fond. Pourtant là, elle arrive plus à rester concentrée sur ce qu’elle est en train de faire. Elle ne peut même pas mettre ça sur le compte du bruit dans la maison puisqu’ils ne sont que deux à être là. Non, il y a juste trop de choses qui viennent parasiter ses pensées, et elle a la tête dans les étoiles quand elle entend frapper à sa porte. Ça la surprend presque, elle a fini par prendre l’habitude que ses colocataires ne frappent même plus avant d’entrer. Elle n’a rien à leur cacher, ou quand c’est le cas elle ferme sa chambre à clé, alors ça ne la dérange pas forcément. Lorsqu’elle ouvre, son sourire étire aussitôt ses lèvres. Ça fait bien trop longtemps qu’elle n’a pas passé un moment avec sa meilleure amie, elle ne peut qu’être heureuse de la voir. Pas le temps de dire quoi que ce soit, elle se dirige vers le lit et s’y laisse tomber. « Tu devineras jamais ce qu’il m’est arrivé. » Elle peut pas s’empêcher de rire Naleya. Elle adore ça avec Poppy, avoir l’impression qu’elles se sont vues la veille et qu’absolument rien ne change entre elles, même quand elles n’arrivent pas à se voir pendant un moment. « Tu vas me raconter alors. T’as l’air désespérée en tout cas, ça a l’air d’être la nouvelle de l’année. » Elle referme la porte derrière elle et, imitant son amie, elle vient s’affaler dans son lit pour s’allonger à côté d’elle, prête à écouter d’une oreille attentive tout ce qu’elle a à lui dire.

Allongée à côté de sa meilleure amie, elle attend que cette dernière lui raconte ce qui se passe. Elle est prête à l’écouter jusqu’au bout de la nuit s’il le faut et si elle en a besoin. Après tout c’est bien à ça que servent les meilleures amies, si elles n’écoutaient pas les malheurs de l’autre avec patience, ce serait inutile. Et ça ne la dérange pas Naleya, elle aime ça écouter les autres. « Peut-être pas la nouvelle de l’année mais c’est qu’on peut qualifier de situation de crise majeure. » Crise majeure. Carrément. Elle est vraiment curieuse de savoir ce qui a bien pu mettre Poppy dans cet état maintenant. « Ok. Warner, tu remets ? » Un nom qui lui dit quelque chose oui. Warner. Elle se le répète une ou deux fois dans la tête avant qu’une lueur de compréhension passe dans son regard. Elle remet, mais pour l’instant elle ne saisit pas encore ce qu’il pourrait y avoir en rapport avec lui. A ce qu’elle sache, il est en ce moment en Angleterre, à des milliers de kilomètres d’ici. « Il est New York. Je sais pas comment, il m’a retrouvé et j’ai bien été obligée de lui parler. Ca a été catastrophique, tu peux même pas imaginer à quel point. » La nouvelle la met sur le cul, on ne peut pas dire autrement. Ça la laisse même muette pendant un instant et ses yeux sont grands ouverts. Ça ne doit vraiment pas aider Poppy, certes, mais là elle avait besoin d’au moins une seconde pour assimiler ce qui, pour elle, est bien la nouvelle de l’année finalement. « Oh, wow. Mais qu’est-ce qu’il fait là ? » Les chances qu’il se soit retrouvé dans le même pays, la même ville, le même quartier et qu’il la croise par le plus grand des hasards sont quand même relativement minces. Enfin, elle imagine. Ou alors le destin était vraiment très décidé à les réunir pour leur faire avoir la fameuse conversation importante dans leurs vies. Qui sait, Naleya elle est persuadée que le destin ça existe, et qu’il fait parfois très bien les choses. « Mais en effet, je pense que j’imagine pas trop. Donc vous avez parlé de… votre enfant ? » Elle butte une seconde sur le mot à utiliser, mais il n’y en a pas d’autre qu’elle trouve approprié. Même s’ils ne l’élèvent pas, ça restera toujours leur enfant malgré tout, il n’y a pas 36 façons de le nommer. Et elle peine vraiment à imaginer comment ce genre d’annonce peut se faire, alors elle comprend le choix du mot "catastrophique".

Ça l’embête de voir sa meilleure amie comme ça, de voir qu’il y a quelque chose qui ne va pas, et elle comprend pourquoi quand elle lui annonce la nouvelle. Difficile d’aller parfaitement bien après un truc pareil. « Il vit ici maintenant, ce n’est pas nouveau apparement. Et c’est clairement pas le hasard qui nous a réuni, je sais pas comment il a fait, mais il savait où je bossais. » Elle a encore du mal à en croire ses oreilles Naleya, elle trouve ça quand même vraiment fou cette histoire. « Il voulait vraiment te retrouver alors. C’est la preuve qu’il tenait, et tiens toujours, beaucoup à toi non ? » C’est ce qu’elle suppose en tout cas, pourquoi est-ce qu’il aurait à ce point cherché à la retrouver sinon. Surtout après tant d’années. Y a que les gens à qui on tient vraiment énormément qu’on continue encore à vouloir revoir quand autant de temps est passé. « Ouais. Je voulais pas au début, j’ai vraiment tout fait pour changer de sujet ou garder la vérité mais il insistait, encore et encore… puis je me suis dit que ça servait à rien de lui mentir plus longtemps. Inutile de te dire qu’il l’a mal pris. » Alors qu’elle avait dit tout ça en gardant les yeux fermés, elle les rouvre enfin. Le regardant avec un sourire compatissant, Naleya l’encourage à continuer. « Depuis c’est terriblement tendu entre nous, on s’est recroisés pas longtemps après et ça a été catastrophique. Honnêtement ça me tue qu’il me haïsse à ce point. » La brune répond aussitôt, laissant à peine le temps à sa meilleure amie de vraiment finir sa phrase. « Sérieusement, il te hait ? Je veux bien comprendre que tout ça soit difficile à avaler pour lui, mais au point de te détester, quel con. » Ça sort tout seul, elle peut pas s’empêcher de le penser, parce que c’est le mot, elle trouve vraiment ça con. Qu’il le prenne mal c’est normal, mais il ne peut pas lui en vouloir autant pour ses choix, c’est injuste. Et puis haïr Poppy, elle comprend même pas que ce soit possible de toute façon, qu’importe la raison. « Enfin, je pense que c’est mieux que la vérité soit enfin sortie, même si ça a été rapide et peut-être pas dans les meilleures conditions, au moins c’est fait. C’est un poids en moins non ? » Elle sait pas du tout ce que peut ressentir Poppy après tout ça, elle a jamais vécu un truc pareil elle, mais elle essaie d’imaginer et elle se dit que ça doit soulager qu’un si gros secret soit révélé. Elle espère pour elle en tout cas. « Et vous avez l’intention de vous revoir pour essayer d’arranger les choses alors ? Ou ça semble plutôt foutu ? » Parce que bon, même si sur le coup elle trouve que c’est un con, elle trouve aussi que ce serait dommage de gâcher leur histoire en continuant à ne pas se parler maintenant qu’ils vivent dans la même ville.

Elle est pas vraiment convaincue par ce que lui dit Naleya. Pour elle, qu’il soit venu jusqu’à son boulot ne voulait pas dire qu’il tenait encore à elle. Elle n’a pas entendu les mots qu’il lui a dit. Elle veut bien reconnaitre que le contraire de l’amour ce n’est pas la haine, comme ce qu’il semble ressentir à son égard, mais l’indifférence, mais il y a quand même peu de chance pour qu’il ressente encore quelque chose pour elle. « Je pense surtout qu’il avait besoin d’explications pour pouvoir passer à autre chose. Pour pouvoir me rayer définitivement de sa vie. » Il s’est passé sept ans, et sept ans c’est extrêmement long. Il a sans doute essayé de passer à autre chose, et elle l’espère vraiment pour lui. Qu’il n’a pas passé tout ce temps à rester bloqué sur elle, sur des questions sans réponses. Elle se rend compte comme ça n’a pas dû être évident, mais sept ans… Elle n’arrive pas à s’y faire. Peut-être une façon de ne pas assumer sa culpabilité, mais le mal est déjà fait. En disant ces mots, comme quoi il la hait, elle se rend compte à quel point ça lui fait du mal. Il n’a pas été tendre avec elle, et peu importe ce que dit Naleya, il a tout à fait le droit de penser ça d’elle. Elle a presque envie de prendre un coussin et de l’écraser sur sa tête pour crier. Cette situation est beaucoup trop compliquée pour elle, et elle n’aurait jamais pensé y être confrontée un jour. « Non je peux comprendre, je lui ai fait du mal et je lui ai menti. C’est juste que j’ai du mal à accepter le fait qu’il n’essaye pas de comprendre ce par quoi je suis passée moi. » Ca ne minimise en rien ce qu’elle lui a fait, mais ça pourrait vraiment aider la situation s’il se mettait à se place. Mais elle ne peut pas lui demander une telle chose parce qu’au fond, c’est entièrement de sa faute et elle et il faut qu’elle admette enfin qu’elle a pris les mauvaises décisions à l’époque. Pas totalement, mais elle aurait pu faire les choses autrement. « Un poids en moins oui et non, maintenant je dois vivre avec le fait qu’il me déteste. Mais au moins il va pouvoir aller de l’avant. » Elle qui pensait avoir réussi à mettre tout ça derrière elle, mais maintenant qu’il est revenu, elle n’en est plus si sûre. Comme quoi, elle se mentait bien à elle-même, et ça aussi c’est difficile à accepter. A sa prochaine question, Poppy a envie d’éclater de rire, mais elle n’en fait rien. C’est vrai que ça peut paraitre ridicule ce qu’elle dit Naleya, surtout après les paroles qu’ils ont échangées. « Non, c’est mort. De toute façon c’est pas une bonne idée, on est mieux loin l’un de l’autre. Faut qu’on avance maintenant. » Plus facile à dire qu’à faire, mais elle va s’efforcer de le faire quand même.

Pour Naleya, si Warner a essayé de retrouver Poppy après toutes ses années, c’est forcément parce qu’il tient encore à elle, mais visiblement sa meilleure amie n’est pas vraiment d’accord avec ça, préférant une raison plus terre à terre à leurs retrouvailles. « Je pense surtout qu’il avait besoin d’explications pour pouvoir passer à autre chose. Pour pouvoir me rayer définitivement de sa vie. » Bon, ça pourrait être possible aussi, c’est vrai, mais elle aime moins croire ça que ce qu’elle avait dit elle. Elle a pas envie de croire qu’il a attendu tout ce temps pour juste revenir, avoir des explications, et ressortir de sa vie pour toujours. Ça sonne pas assez comédie romantique pour elle, et elle veut une comédie romantique avec une fin heureuse pour sa meilleure amie. Quoi qu’elle change peut-être un peu d’avis quand cette dernière lui dit que Warner la déteste et elle ne se gêne pas pour dire qu’il est con. Poppy ne mérite certainement pas un comportement comme ça. Pas selon elle en tout cas. « Non je peux comprendre, je lui ai fait du mal et je lui ai menti. C’est juste que j’ai du mal à accepter le fait qu’il n’essaye pas de comprendre ce par quoi je suis passée moi. » Pendant un instant elle la fixe sans rien dire, se contentant de l’observer en réfléchissant à tout cette histoire. « T’est tellement gentille Poppy, et compatissante, j’arrive toujours pas à comprendre comment tu fais pour rester si calme. Je crois qu’à ta place j’aurais quand même eu envie de l’étrangler malgré tout. » Et elle est pourtant pas du genre impulsive, au contraire c’est plutôt une fille qui se contrôle au maximum, mais elle voit pas comment elle aurait pu prendre la haine de Warner de cette façon si elle avait été à sa place. Elle voit bien que sa meilleure amie n’est pas sereine au fond, mais Naleya a pas envie de lui trouver des excuses elle. Il est nul, c’est tout. « Un poids en moins oui et non, maintenant je dois vivre avec le fait qu’il me déteste. Mais au moins il va pouvoir aller de l’avant. » Mouais, d’accord, maintenant lui a eu ce qu’il voulait et va pouvoir passer à autre chose l’esprit tranquille. Enfin, c’est ce qu’elle semble supposer et ce sera surement le cas si connaitre la vérité est bien la seule raison pour laquelle il a voulu la voir. Mais elle ? Elle a pas l’air de l’avoir l’esprit tranquille et ça plait pas franchement à la brune. Elle ce qu’elle voudrait c’est que les choses s’arrangent entre eux. « Non, c’est mort. De toute façon c’est pas une bonne idée, on est mieux loin l’un de l’autre. Faut qu’on avance maintenant. » Une petite moue apparait sur le visage de Naleya et elle se rapproche de la blonde pour poser la tête contre son épaule et attraper son bras. « Je trouve ça dommage que tout ça se finisse comme ça. Mais si tu penses que c’est la meilleure chose, c’est ce qu’il faut faire alors. » Elle veut son bonheur et si elle veut avancer et passer à autre chose maintenant, alors elle comprend et respecte son choix.

Est-ce qu’elle a envie d’étrangler Warner ? Non. Naleya a beau avoir raison, elle ne le souhaite aucun mal. Parce qu’elle sait qu’il est comme ça à cause d’elle et que sa colère est parfaitement justifiée. Certes, elle voudrait qu’il se montre un peu plus compréhensif. Qu’il essaye de se mettre à sa place, surtout qu’il a toutes les cartes en mains pour comprendre. Il sait comment sont ses parents, il sait comment elle se sentait avec eux, à l’époque. Il sait qu’au fond, c’était une question de vie ou de mort, sans vouloir exagérer ou dramatiser. Elle aurait fini par dépérir en restant là-bas, et qui sait ce qui serait arrivé. Pour le coup, elle trouve que sa meilleure amie exagère, et elle lève même les yeux au ciel pour lui montrer ce qu’elle pense de tout ça. « Je suis loin d’être trop gentille, après ce que je lui ai fait il a bien le droit de m’en vouloir. Surtout que ça fait sept ans, ça a eu le temps de bien mijoter. » Forcément que ça explose après tout ce temps. Elle n’arrive vraiment pas à lui en vouloir. Alors peut-être qu’elle parfait trop gentille ou compatissante comme le lui dit la brune, mais elle, elle trouve qu’elle ne l’est pas assez. Parce que pendant leurs explications, elle n’a pas été capable d’admettre toute sa culpabilité. Elle a juste essayé de lui faire comprendre son point de vue alors que ça aurait été beaucoup plus facile de tout accepter sans broncher. Mais bon, au moins c’est passé. Elle doit juste vivre avec le fait qu’il la déteste à présent, et qu’aucune réconciliation n’est possible. Ca lui brise le coeur de savoir ça, parce que maintenant qu’elle sait que Warner est là, tout près, ça va être difficile de ne pas avoir envie de savoir ce qu’il fait, comment il va. Un droit qu’elle a perdu. Elle laisse Naleya s’approcher d’elle, puis laisse tomber sa tête contre celle de la brune, elle-même posée sur son épaule. Tout a l’air plus simple comme ça, mais en réalité, elle est tiraillée. Elle a beau dire qu’ils sont mieux loin l’un de l’autre, elle ne le pense pas vraiment. Elle, bien sûr qu’elle voudrait que les choses s’arrangent, mais si elle est la seule à le vouloir, ça ne sert absolument à rien. « C’est la meilleure chose sur le papier, mais j’arrive pas à me dire que je vais plus jamais le voir ou lui parler. C’est dur. » Warner c’est pas n’importe qui. Son premier amour, c’est pas rien. Son seul pilier pendant une certaine période difficile pour elle. Elle tiendra toujours beaucoup à lui. « Mais c’est là que tu entres en jeu, en tant que meilleure amie il va falloir que tu m’aides à passer à autre chose. Je vais essayer de rester digne, promis. » Clairement, elle ne va pas y arriver seule, mais elle sait qu’elle peut compter sur Naleya.