someone you loved (freya)

Une fois ses lacets attachés, Freya resserre la tresse qui lie ses cheveux et se dirige vers le casier où sont ses affaires. Pour la première fois depuis longtemps, elle doit appuyer pour être sûre que tout rentre. Il faut dire que la peluche à l’effigie du dernier dessin animé qu’elle a achetée ce matin prend de la place. Depuis quelques semaines, elle la voit à chaque fois qu’elle passe devant pour aller au travail et comme elle a eu sa paye récemment, elle a décidé de faire une petite folie. Après tout, c’est pour Noël et ça fera plaisir à Zach d’imaginer qu’elle vient du traîneau du Père Noël. C’est tout ce qui importe. Pour la fin du calendrier, elle se serrera un peu plus la ceinture, voilà tout. Le casier refermé, elle sort du vestiaire réservé aux employés et peut s’installer pour son cours qui devrait bientôt commencer. Elle pose ses affaires alors que déjà, ses premières clientes commencent à arriver. L’une d’entre elles, plus bavarde que les autres, lui offre quelques biscuits en pain d’épice et des agapes puisque c’est son dernier cours de l’année. Pour la remercier, Freya ne se trouve pas d’excuse pour échapper à la conversation, et elle écoute donc ses histoires de crèche pour sa fille et de patron insupportable mais canon. Heureusement, l’heure de yoga commence bientôt, et le seul bruit qui perdure, c’est la musique et les consignes qu’elle donne. Dans la salle, plusieurs têtes connues, et aussi quelques nouvelles. Comme d’habitude, elle enchaîne les différentes positions, tout en passant parfois au milieu pour aider certaines personnes. Comme d’habitude, elle ne voit pas passer l’heure que déjà, l’alarme sur son téléphone lui signale que c’est terminé. Elle souhaite de bonnes fêtes à tout le monde et se baisse pour prendre sa bouteille d’eau. Elle sourit en voyant Cassie s’avancer vers elle. Ça fait un moment qu’elles n’ont pas discuté toutes les deux. Un moment qu’elle n’était pas venue à son cours aussi. « Ah oui ? J’espère que le cours t’a détendue alors. » Elle aussi, elle a bien besoin du yoga et du calme en ce moment. Elle a une décision à prendre et comme elle ne sait pas quoi décider, ça a tendance à la stresser. Elle s’étonne d’entendre Cassie dire qu’elle a besoin de lui parler. Ça semble sérieux, et elle se demande si elle a besoin de s’inquiéter. « Tu veux qu’on aille au stand dans le hall ? J’ai une vingtaine de minutes avant mon prochain cours. » Tout ça l’intrigue vraiment. Si elles sont devenues amies au fil du temps, elles ne sont pas non plus très proches. Pas au point de se confier et de tout connaître l’une de l’autre. Elle rassemble rapidement ses affaires, et se redresse vers Cassie. « Tu vas bien au moins ? » Si ça la tracasse autant, c’est peut-être grave. Freya ne peut s’empêcher de s’inquiéter. Elle voudrait bien que Cassie mette juste les pieds dans le plat et lui dise ce qu’elle a à lui dire.

« Il l’a fait et envoyée depuis début décembre. Du coup, c'est une vraie pile électrique depuis, mais sinon, ça va. » Rien qui nécessite qu’elle se plaigne vraiment. La période des fêtes de fin d’année est toujours un peu plus compliquée au niveau excitation du petit garçon et fatigue pour elle. Une petite discussion avec une amie lui changera sans doute les idées, et c’est dans cette optique qu’elle s’installe avec elle à une table, sa tasse de thé entre les mains. Elle reste inquiète, sans savoir ce dont Cassie peut bien vouloir lui parler. Ses hésitations à voix haute ne font que troubler un peu plus Freya. Ça doit être grave, même si elle dit le contraire. Elles ne sont pas le genre d’amies qui parlent de choses graves pourtant. En règle générale, Freya ne connaît pas grand-chose à la vie de Cassie, parce qu’elles ne se voient presque que dans le cadre des cours de yoga. Pour autant, elle la considère comme une amie, simplement pas le genre à qui elle se confierait. De toute façon, elle n’aime pas se confier. Ce qui fait qu’elle est surprise du sérieux de la conversation. Mais elle l’est encore plus quand elle entend son amie prononcer un prénom qui est bien souvent dans ses pensées depuis quelques mois. « Wy… » Elle s’interrompt et presque comme un réflexe, ses doigts se resserrent dans la paume de sa main. Elle observe Cassie, alors que celle-ci s’explique. Freya capte quelques mots, sans vraiment tout comprendre. Cassie avec… Wyatt ? Comment est-ce possible ? Elle est si gentille pourtant. Ça lui semble tellement improbable. Et pourtant, dans les mots de Cassie, Freya sent qu’elle y croit. Ou qu’elle veut y croire du moins. Ses doigts se desserrent et passent autour de l’anse de sa tasse, alors que la brune parle de son fils. Toute cette conversation lui paraît tellement improbable qu’elle ferme les yeux un court instant, avant de secouer la tête. « Désolée mais je ne vois pas en quoi ça te regarde. Si Wyatt a quelque chose à me dire, il peut venir me le dire lui-même. Je lui ai dit que j’y réfléchirais, je le pensais. C’est juste que ce n’est pas une décision facile à prendre. » Loin de là. Elle sait qu’elle va devoir finir par faire un choix, mais pour l’instant, elle en est incapable. Elle prend une inspiration avant de regarder Cassie. « Et ce n’est pas moi qui fais une erreur, mais plutôt toi. Ce n’est pas une bonne idée de lui faire confiance, crois-mois. J’en suis passée par là aussi. J’ai cru qu’il était amoureux de moi, et j’ai quand même fini avec le cœur brisé. Et de ce que j’ai vu, il n’a pas changé. Personne ne change jamais vraiment. » Et c’est bien pour ça qu’elle semble incapable de lui faire confiance à nouveau, même si elle sait qu’elle n’aura pas le choix.

Freya ne s’attendait clairement pas à une telle conversation. Comment aurait-elle pu ? Elle peine à imaginer Cassie avec Wyatt, et d’ailleurs ça lui semble assez ridicule. Si elle le connaît si bien, comment peut-elle lui faire confiance ? Freya aussi, lui avait fait confiance. Et elle l’avait regretté. Si la brune ne veut pas en prendre de la graine, soit. Mais de quel droit vient-elle lui parler de son fils ? Ça ne la regarde absolument pas. Et si Cassie n’avait pas été son amie, elle aurait sûrement très mal réagi. Là, elle manque d’en perdre son latin, mais elle se ressaisit et attaque à son tour. Parce que ça a toujours été la meilleure stratégie de défense pour Freya. Elle pense que Wyatt l’engueulerait s’il le savait. Freya ne sait pas trop si elle doit la croire. Wyatt aurait très bien pu l’envoyer pour plaider sa cause. Et même si elle dit la vérité, ne devrait-elle pas s’inquiéter que son petit ami qui a soi-disant changé l’engueulerait ? Freya ne comprend vraiment pas. Mais faire confiance à Wyatt est tellement hors de question pour elle qu’elle ne pourrait pas comprendre, même si elle le voulait. Elle essaye pourtant de le lui faire comprendre, estimant que Cassie mérite d’être prévenue. Si elle ne veut pas l’entendre, tant pis, mais Freya ne peut pas la laisser avoir le cœur brisé, comme elle l’a eu, il y a six ans de cela. Cassie reconnaît qu’il a mal agi à l’époque, mais insiste toujours à dire qu’il a changé. Sauf que tous les changements au monde ne répareront pas le mal qui a été fait. Et quand on raisonne aussi égoïstement, peut-on vraiment changer ? Freya est loin d’en être persuadée. « Tu as raison, ça ne concerne pas. Pas du tout même. Zach est mon fils, il l’a toujours été, et la décision me revient. » Même si parfois, elle se dit qu’elle n’a pas tellement le choix. « Mais en tout cas, je suis ravie d’apprendre qu’il se plaint de moi à sa petite amie. » Elle lève les yeux au ciel, pas tellement étonnée pour autant. Si elle apprécie que Wyatt n’insiste pas et la laisse prendre sa décision seule, elle sait que ça ne durera pas. Qu’il attend une réponse, et finira par s’impatienter. Il n’a jamais été patient. « Il t’a dit qu’il m’avait suivie jusqu’à mon travail ? Dans un parc où j’étais avec Zach aussi ? Et qu’il m’a menacé d’aller en justice si je ne le laissais pas le voir ? Tu ne devrais pas lui faire confiance, vraiment pas. » Certes, Freya n’a pas de preuve pour la fois dans le parc, mais le reste est vrai, et elle tient à ce que Cassie le sache. Même si elle dépasse les bornes, elle ne mérite pas d’être blessée. Personne ne le mérite.

Comment est-elle devenue l’ex irascible qu’il faut calmer ? Elle n’arrive pas à croire que ça soit en train d’arriver. Elle voudrait pouvoir aider Cassie, lui dire de fuir tant qu’il en est encore temps, comme elle aurait aimé qu’on le lui dise avant qu’elle se retrouve avec un bébé dans le ventre et le cœur en miettes. Oui, elle le voudrait, mais elle sent qu’elle ne l’écoutera pas. Tout comme Freya refuse d’écouter ce que Cassie peut avoir comme arguments. Wyatt lui a fait beaucoup trop de mal pour qu’elle puisse lui faire confiance. Sauf que voir Cassie venir lui parler de tout ça, ça lui donne l’impression qu’elle est en tort dans l’histoire. Cassie est une personne sensée, pourquoi ne peut-elle pas comprendre les raisons de Freya ? Surtout qu’elles sont bonnes. Et de toute façon, elle a toujours dit qu’elle allait y réfléchir. Même si, si on lui laissait complètement le choix, elle refuserait catégoriquement que Wyatt soit dans la vie de son fils. Elle sent bien que Cassie est tendue, tout comme elle, mais Freya ne compte pas lui mentir pour lui faire plaisir. Elle a beau être son amie, ça ne change rien au message qu’elle essaye de faire passer. Et tenter de la faire culpabiliser ne risque pas de fonctionner. Freya ne peut que supposer que Cassie a grandi sans un de ses parents, mais ça ne change rien à l’avis de la blonde sur la question. Elle croise les bras sur sa poitrine en regardant Cassie, qui semble prête à partir. « Je pense que grandir sans un parent, c’est moins grave que d‘avoir un parent qui te déçoit et te laisse tomber. Et c’est ce que Wyatt aurait fait si je l’avais forcé à devenir père. » Freya n’a aucun doute là-dessus. Alors pourquoi est-ce que ça aurait changé ? « Enfin si tu veux lui faire confiance, c’est ton problème. Pas le mien. Mais je préférerais que tu ne te mêles pas de ça. » Elles ont beau être amies, ça ne la regarde pas. Et peut-être même que ça vaut mieux si elles veulent garder un semblant de relation amicale. « Il va falloir que j’y aille si je veux pouvoir préparer mon prochain cours. » Une excuse comme une autre parce qu’elle n’a pas envie que la conversation s’éternise. Visiblement, aucune des deux ne changera d’avis aujourd’hui.