thunderstruck / blakeya

« Tu dois te concentrer, Blake ! Sinon la prochaine fois, ça sera toi au tapis. » Je grogne dans ma barbe, continuant de faire mes exercices sans lever les yeux vers mon coach. Je ne vois absolument pas en quoi je ne suis pas concentré. Je fais chacun de ses putains d’exercices sans me plaindre – il ne manquerait plus que ça – et je me démène le cul pour améliorer mes records. N’ai-je pas le droit de m’échapper un peu quelques minutes de temps en temps ? Particulièrement lorsque cette fille passe devant la salle et que je la dévore du regard, mes yeux appréciant sa belle silhouette. Il n’avait qu’à pas décider de m’obliger à m’entraîner dans cette salle de sport, au moins je n’aurais couru aucun risque dans un endroit réservé juste pour ma pomme. Mais je ne dis rien. A la place, j’attrape mes écouteurs rangés dans la poche de mon short, les enfonce dans mes oreilles et pars m’entraîner plus loin. Le message est clair : foutez-moi la paix. J’enchaîne les exercices de mon programme enfermé dans ma bulle. Il n’y a plus que ma musique et les gestes mécaniques de mon corps, le reste du monde ne compte plus. Je force un peu plus que prévu, ressentant le besoin de me dépenser autant que possible. Si je ne le fais pas je sais ce que je risque. La petite pointe d’agacement que le coach a éveillé en moi va se transformer en une vague de colère, je ne peux pas courir se risque. La seule façon que j’ai de me calmer c’est de m’épuiser et je le fais jusqu’à être forcé de réaliser que quelque chose ne va pas. Les lumières s’éteignent, m’obligent à m’arrêter et à froncer les sourcils. Assis sur le rameur, je regarde l’heure sur ma montre et remarque avoir largement dépassé la fermeture. Fais chier ! Si je ne veux pas rester coincé ici – ce qui serait bête – j’ai tout intérêt à me dépêcher. J’attrape mon sac, fouille pour en sortir ma serviette et ma bouteille d’eau que je vide quasiment entièrement en me dirigeant vers la sortie. J’ai à peine atteint la sortie de la salle que je me fige. Devant moi – dos à moi – il y a ce corps magnifique qui semble un peu trop me perturber selon mon coach. Un corps bien sculpté, qui ne laisse aucun doute sur les heures qu’elle passe à faire du sport et qui ferme. « Minute ! » Lâché-je en trottinant dans sa direction. Si je peux sortir rapidement avant qu’elle ne ferme tout, ça m’arrangerait. Mais ma voix la fait sursauter et elle se plaque presque contre la porte en se tournant vers moi. « Désolé, je ne voulais pas vous effrayer. Je tiens à éviter de rester coincer ici. » Quoi que, s’il faut être franc, être coincé ici avec elle, ça ne me dérange pas du tout.

Avec un sourire un peu forcé aux lèvres, Freya souhaite une bonne nuit aux derniers clients qui quittent la salle. Eux, ils n’ont pas d’enfants, c’est certain. Freya ne s’imaginerait pas un instant rester aussi tard volontairement. Là, elle est encore là, mais ce n’est pas de son choix. Elle a bien essayé d’y échapper, en vain. Pourtant, son patron sait bien qu’elle n’aime pas ça, mais là, il n’avait pas d’autres solutions. Heureusement, elle avait pu envoyer un message groupé à sa famille pour demander à récupérer Zach. C’était Kaïn qui avait répondu le premier, et qui était même allé chercher le petit garçon plus tôt que sa mère ne l’aurait fait habituellement, ce qui a dû le ravir. Une soirée avec son oncle, c’est parfait. Même si, à cette heure-ci, il doit être au lit depuis longtemps. Freya soupire en refermant la porte. Elle donne un tour de clé, avant de retourner vers le comptoir de la réception, où elle a laissé la liste de choses à faire pour fermer la salle. Elle ne l’a pas fait depuis longtemps, et en général, elle n’était pas seule. Là, elle l’est et, quand elle arrive à l’étape suivante qui consiste à éteindre la plupart des lumières, elle n’est pas vraiment rassurée. Par sécurité, elle retourne vers la porte et vérifie que celle-ci est bien verrouillée et donc que personne ne peut entrer, quand elle entend une voix derrière elle. Son cœur accélère aussitôt, alors qu’elle se retourne, vraiment surprise de ne pas être seule. Un client qui n’aura pas entendu les appels au micro sans doute. Alors qu’il s’avance vers elle, elle le reconnaît et recule d’un pas par réflexe, juste contre la porte. Sa voix se veut rassurante, mais Freya ne l’est pas vraiment. Pourquoi faut-il que ça soit lui ? Mais elle se reprend, estimant qu’elle ne doit pas lui montrer qu’elle a peur. Après tout, elle n’a rien pour se défendre, si ce n’est ses mots. « Je… pardon, je pensais qu’il n’y avait plus personne. » Elle se décolle un peu de la porte et regarde le boxeur dans l’obscurité relative du hall. Certaines lumières restent allumées, juste assez pour qu’elle puisse faire ce qu’elle doit faire avant de sortir. Pourquoi ne voit-elle que son regard intense ? Elle devrait peut-être en avoir peur, mais elle sait que ce n’est pas de la peur qui la fait déglutir. « Vous avez toutes vos affaires ? Je peux rouvrir, vous ne serez pas coincé comme ça. » Se concentrer sur le principal.

Est-ce vraiment mal de me rincer l’œil comme je le fais ? Après tout, personne ne peut le voir. Personne ne va le savoir. Pas même elle qui me tourne le dos. Cette belle créature venue perturber ma concentration sans même le savoir. Sans même faire quoi que ce soit en fait. Il a simplement fallu qu’elle passe pour que ça déraille dans mon cerveau. Généralement, je ne fais pas attention aux femmes. Non pas que ces dernières ne m’intéressent pas, disons simplement que je n’ai pas le temps ni l’envie pour ça. Sans compter que la plupart des femmes que je croise savent qui je suis, hurlent mon prénom et s’imaginent surtout passer une nuit torride en ma compagnie. C’est flatteur, mais ça ne m’intéresse pas. Sauf lorsque je suis vraiment en manque, bien sûr. Mais elle … elle ce quelque chose qui fait que je m’y intéresse un peu trop alors que je ne suis même pas sûr que nous serions capables de nous entendre. Brillant, Blake. La faire sursauter, ce n’était pas prévu mais m’annoncer avant de m’exclamer comme je l’ai fait, ça aurait pu aider. Souriant doucement en l’entendant bredouiller, je la détaille sans doute un peu trop dès qu’elle se détache de la porte. « J’ai tendance à écouter ma musique un peu trop fort quand j’ai besoin de me concentrer. » Pourquoi je lui déballe ma vie ? Excellente question. Ça doit être le cadet de ses soucis. Tout ce dont elle a probablement envie c’est de partir d’ici et certainement pas d’écouter un client de la salle lui parler de choses qui ne l’intéressent pas. Mon sourire, lui, reste au coin de mes lèvres. Cette fille a vraiment un visage d’ange et brusquement je m’inquiète qu’elle en soit un. Du moins, qu’elle soit douce, voire innocente. Un type comme moi risquerait de la bousiller. Ma vie est trop merdique pour ne pas entacher une femme comme elle. Mais bon dieu qu’elle m’attire depuis la première fois que je l’ai vu. Je suis incapable de me ressaisir depuis. « Hm ? » Je réalise seulement qu’elle vient de me poser une question, baisse les yeux vers mon sac puis les relève vers elle. « Oui, oui c’est bon. » Sauf que maintenant je n’ai pas spécialement envie de partir. Pas alors qu’il y a si peu de distance entre nous. « Ça va peut-être être déplacé mais je prends le risque … vous auriez un peu de temps pour que je vous offre un verre ? Je tente ma chance. » Et je lui offre le sourire le plus charmeur que j’ai en stock. Je n’aime pas passer par quatre chemins. J’aime les choses claires et directes, ça m’évite de trop réfléchir, de trop compliquer les choses pour moi. Je ne suis pas débile, disons simplement que pour me gérer il faut que j’aille au moins complexe. Ce qui se ressent par une franchise parfois un peu déplacée, mais tant pis.

Freya devait être seule. Ça ne l’enchantait pas, mais c’était ce qui était prévu. Et forcément, que ça ait changé, ça la surprend. Voire même l’effraie un peu, parce qu’il s’agit d’un client et non pas de quelqu’un qu’elle connaît. Ou peut-être qu’elle sait trop de choses sur lui justement, et que c’est pour ça qu’elle n’est pas rassurée. Et pourtant, il y a quelques pensées contradictoires qui traversent son esprit. Elle sait des choses, mais il reste séduisant. Peut-être même un peu plus dans l’obscurité, quand ils ne sont que tous les deux, et qu’il est proche d’elle. « Ah… oui, je comprends. » Elle aussi apprécie écouter de la musique quand elle fait son sport seule. Comme elle a choisi d’en faire son métier, c’est assez rare, mais quand elle trouve le temps de le faire, c’est toujours avec de la musique. Un peu plus dynamique que pour ses cours de yoga. Enfin pour l’instant, il faut surtout qu’elle se concentre sur autre chose que les yeux de Blake, et qu’elle se retrouve seule à nouveau, pour finir de fermer tranquillement et pouvoir ensuite rentrer chez elle. Il ne réagit pas aussitôt, ce qui étonne Freya. Puis il lui confirme qu’il est prêt à partir. Tant mieux. Non pas que sa compagnie la dérange véritablement, mais elle n’est pas complètement à l’aise. Et elle ignore pourquoi. Ou bien elle le sait et ne veut pas se l’admettre. Sa main atteint le verrou derrière elle mais avant qu’elle ait le temps de l’actionner pour faire sortir Blake, il prend la parole à nouveau et sa proposition la surprend fortement. « Je… euh. » Peut-être devrait-elle réfléchir avant de parler. Mais elle ne sait même pas ce qu’elle veut répondre. Si elle veut se trouver une excuse ou non. « J’ai encore quelques trucs à faire avant de pouvoir partir. Je ne voudrais pas vous faire attendre. » Est-ce qu’elle voudrait qu’il l’attende ? Peut-être un peu. Est-ce raisonnable ? Absolument pas.

« Ah… oui, je comprends. » Me dit-elle doucement dès que j’explique la raison pour laquelle j’ai remarqué au dernier moment que je devrais déjà être dehors depuis un moment. Je ne suis pas sûr que la voir aussi mal à l’aise devrait me faire sourire, je le fais quand même. Parce qu’il y a quelque chose de très charmant à voir qu’elle a envie d’être partout sauf ici, de ne pas savoir quoi dire ou quoi faire. Soit c’est parce que mon charme fait encore son effet ou … je lui fais peur. C’est aussi une possibilité. Même si quatre années se sont écoulées depuis que je suis sorti de prison, ce n’est pas vraiment difficile de savoir qui je suis et ce que j’ai fait – enfin soit disant fait. L’inconvénient de la notoriété. Je préfère néanmoins me dire que c’est mon charme, c’est bien plus flatteur pour moi. Surtout lorsque j’enchaîne directement sur une proposition d’aller boire un verre qui la prend de court. « Je… euh. J’ai encore quelques trucs à faire avant de pouvoir partir. Je ne voudrais pas vous faire attendre. » Est-ce que je dois insister ou essaye-t-elle de me faire comprendre qu’elle n’a pas envie de ça mais qu’elle préfère le dire de manière détournée pour ne pas me blesser ? Je remonte la lanière de mon sac de sport sur mon épaule, laisse mon petit sourire continuer d’étirer mes lèvres. « Comme vous voulez. » Je commence en tâchant de savoir encore quelques instants si j’insiste ou si je me contente de partir. « Mais je n’ai rien de prévu si jamais ça vous intéresse malgré tout. Je peux très bien attendre à l’extérieur ou partir, à vous de voir. » Voilà, de cette manière je ne l’oblige à rien. La balle est dans son camp et je ne passe pas pour le gros lourd qui veut à tout prix payer un verre à la belle fille qu’il ne peut même pas rêver avoir. Si elle veut que je parte, je partirai.