akira&roxanna - who are you really

Aaaaah le New Jersey. Ça m'avait presque manqué en fait. Presque, parce qu'il y a rien de spécial dans le New Jersey, à part mon boulot. Bon j'y suis retournée une fois il y a quelque temps pour parler avec mon président et mon coach, après cette désastreuse soirée au bar qui aurait pu très mal se terminer, mais c'est tout. Ça faisait très longtemps que je n'avais pas fait ce chemin pour aller faire un entraînement en tant que joueuse des Sky Blue. Depuis... le début de la saison en court qui a commencé en avril, juste avant le début de la préparation pour la Coupe du Monde. J'ai l'impression que c'était il y a des siècles. Mais maintenant, c'est l'heure de la reprise. Mon premier entraînement officiel avec mes équipières est enfin arrivé. Je dis enfin parce que je commençais à tourner en rond chez moi. C'est ça le truc quand on fait un boulot comme le mien. On apprécie le calme et la tranquillité des vacances mais au bout d'un moment, le ballon commence à nous manquer et l'enchaînement des matchs aussi. Alors oui, il était temps de se remettre au travail. En arrivant, je suis accueillie par les grands sourires de mes coéquipières déjà présentes. Bien sûr je ne manque pas de saluer les employés du club qui disent être heureux de me revoir. Ça me fait plaisir. Depuis le temps que je suis dans ce club, c'est un peu devenu une famille. Une fois entrée dans le centre d'entraînement, je suis le mouvement. Mon corps n'a rien oublier des gestes à faire un jour d'entraînement. Je vais rejoindre les autres aux vestiaires, enfile ma tenue. Le sourire qui éclaire mon visage quand j'enfile nos couleurs après des mois d'absence fait rire mes équipières. Nous sortons les unes après les autres. Je salue le staff et serre Oz dans mes bras. Les autres arrivent et pendant quelques minutes, se sont juste des retrouvailles entre les différentes internationales et celles qui n'ont pas participé à la compétition en France. Mais le coach finit par nous rappeler qu'il est temps de commencer l'entraînement. Les internationales ont le droit à un entraînement à part, un peu plus léger que les autres. On commence par un jogging tranquille pendant vingt minutes. Mon corps se réveille doucement. À la fin, quand on s'arrête et qu'on se met à marcher un peu, Miranda me fait un signe de tête dans la direction d'un homme que je n'avais pas remarqué. Je fronce les sourcils. Son visage m'est totalement inconnu. Cet entraînement n'est pas ouvert au public, il ne devrait pas être ici. Surtout si c'est un journaliste. Ugh, surtout si c'est un journalistes. Parfois, ils sont là, sans signe évident et ils enregistrent des choses sur leur portable. Et puis même, vu comment les paparazzi sont en ce moment, je veux pas prendre de risques. Seulement le coach et le staff sont occupés avec l'équipe actuelle. Alors je me lance et je m'approche du gars qui se tient debout, sur le bord du terrain. « Excusez-moi, l'entraînement n'est pas ouvert aux journalistes... » ai-je fait lancé poliment.

Après plusieurs semaines de vacances qui sont passées vite, me revoilà en train de reprendre le boulot. Pendant le jogging que nous faisons avec les autres internationales, je sens mes muscles s’échauffer et surtout, en redemander. Ouais, malgré le fait que la fin des vacances, ça n’est jamais agréable, c’est ça le truc quand votre boulot est votre passion : on a envie et pas envie en même temps. Pendant que les filles et moi courrons en rond, je jette des coups d’oeil aux autres qui continuent leur entraînement beaucoup plus intensif que le notre. Puis, entre internationales, nous rattrapons le temps perdu, pas seulement par rapport aux vacances mais aussi par rapport à la Coupe du monde. On n’a pu que se croiser depuis le début de la préparation pour cette compétition. Je me souviens. Je me rappelle avoir salué Miranda dans les couloirs du Groupama Stadium où nous avons rencontré et battu l’Angleterre pour accéder à la finale. Et encore ça, c’est beaucoup, j’ai à peine croisé d’autres coéquipières. Mais la CDM est terminée maintenant, et il est temps que je m’occupe à nouveau de mon club. À la fin de notre jogging, nous marchons un peu et je continue de discuter avec Miranda quand elle me montre d’un signe de tête l’homme inconnu qui se tient sur le bord du terrain. Les journalistes n’étant pas mes meilleurs amis en ce moment, je décide de prendre les devants. Le coach et le staff étant occupés, je m’avance vers l’homme et lui indique que ce n’est pas un entraînement ouvert au public. Il s’incline légèrement. « Excusez moi mais vous vous méprenez. Le journalisme très peu pour moi. Monsieur Le Directeur m’a donné la permission d’assister à votre entraînement en temps que potentiel investisseur. » m’explique-t-il. Je hausse les sourcils, ne m’étant pas attendue à une telle réponse. La surprise passée, je me reprends et souris : « Ah, d’accord. Désolée, j’ai l’impression de voir des journalistes partout en ce moment. » Les joies des amitiés homme/femme quand on est des célébrités…  Enfin peu importe. J’adore l’idée que certaines personnes puissent me connaître parce qu’elles pensent que je sors avec Jake et non parce que je viens de gagner une Coupe du monde. « J'imagine que vous êtes venu observer si cet investissement potentiel vaut le coup ? » ai-je poursuivi, curieuse.

Intriguée par cet inconnu qui traîne autour de notre terrain pendant qu’on s’entraîne, je finis par aller le voir histoire d’en avoir le coeur net. Il s’avère qu’apparemment, je vois des journalistes partout en ce moment, à croire que je suis parano. Il faut dire qu’avec les conneries que ces derniers peuvent raconter, je préfère être parano, surtout en ce moment. Mais l’homme n’est pas un paparazzi, c’est un investisseur qui s’intéresse à notre équipe. Sur le coup, je suis surprise car je ne me suis pas attendue à ça. Personnellement, ce n’est pas souvent que j’ai l’occasion d’être confrontée à cette facette de mon sport, la facette business. Mais ça ne veut pas dire que je ne suis pas curieuse alors j’essaie d’en savoir un peu plus. « Tout à fait. Comme tout investisseur j’attends de mon placement qu’il me rapporte mais même si votre système de franchise bien américaine est près permissif, j’aime aussi les gagnants. Gagner de l’argent grâce à une équipe qui perd ne me plaît guère. C’est également important pour moi qu’il y ai un bon esprit dans l’équipe, un mental de groupe et une cohésion solide. Vous pourriez donc me parler de l’équipe en abordant les points qui m’intéressent. » Je l’écoute attentivement ce qu’il raconte. Je tiens à mon club et quand quelqu’un de l’extérieur arrive pour faire du business, mon instinct premier et de le protéger. Cependant, si je fais peur à cet investisseur, je vais me faire tuer par notre président. Je prends une ou deux secondes pour réfléchir ce que je vas pouvoir lui raconter. « Que vous dire… On n’est pas l’équipe la plus en vue du championnat, faut pas se mentir. Les autres adorent nous sous-estimer, pourtant chaque année on se bat pour se surpasser pour obtenir des résultats honorables. Il y a plusieurs internationales dans l’équipe et si vous cherchez un groupe avec une bonne mentalité, vous êtes au bon endroit. » Je crois que je me suis bien débrouillée, non ? Normalement c’est notre capitaine qui se charge de ce genre de choses donc elle aurait été bien meilleure que moi mais j’aurais pu faire pire. « Si vous voulez, je dirais à notre capitaine de venir vous voir après l’entraînement ? Elle est très douée dans son rôle. » Il y a une raison pour laquelle je ne suis pas capitaine… En dehors du fait que je sois malpolie, en plus. « D’ailleurs, je suis Roxanna Farrell, milieu de terrain. » ai-je fait en lui tendant la main. Voilà, maintenant on a fait les présentations. « Du coup, juste une simple curiosité, vous vous y connaissez en football ? Je demande parce que certains investisseurs arrivent surtout pour l’argent d’abord et apprennent ensuite à s’intéresser à notre sport. »

La méfiance est un sentiment que je connais bien, surtout quand il s’agit des journalistes, mais je suis heureuse de m’être trompée pour ce coup-ci. Comme quoi, tout le monde ne cherche pas à me faire chier en essayant de m’inventer une vie. Néanmoins, je ne peux pas m’empêcher de me montrer curieuse envers ce mystérieux investisseur. Vu qu’il est déjà allé voir notre président, c’est que c’est du sérieux. Quand il me demande plus d’informations sur le club, je regrette qu’il ne soit pas plutôt tombé sur Jess, notre capitaine, qui est beaucoup plus forte que moi pour ce genre d’exercice, mais tant pis. J’essaie d’être honnête tout en donnant la meilleure image du club possible.  « Je vois. L’entraînement est quelque chose de très important et je ne comptais pas vous déranger, il serait donc effectivement préférable de parler de ce genre de chose après. » Je hoche la tête, satisfaite qu’il soit d’accord avec moi sur le sujet.   « Très bien. J’irai prévenir notre capitaine pour qu’elle vous réserve un moment. » Bon j’espère que ça ira pour elle et que ça ne la dérangera pas… On va bien voir. Ensuite, je pense enfin à me présenter. Après l’avoir “accusé” d’être un journaliste, c’est un peu la moindre des choses et ça me permet d’en savoir un peu plus sur lui. Il se présente à son tour, après que je lui ai demandé s’il s’y connaissait en soccer. « Pour ma part je m’appelle Akira Masuda, potentiel futur investisseur. Professionnellement je suis joueur de poker. J’avoue ne pas connaître chose au soccer, je sais y jouer, je connais les règles mais je suis assez peu les actualités professionnel. Je suis cependant sportif et comme ici nous avons au Japon du sport lycéen et universitaire bien réputé et j’y ai pratiqué le baseball et le football américain à très bon niveau. » Sur le moment, je me dis que je lui donne peut-être l’impression de subir un interrogatoire mais quand on s’approche de mon club… j’aime bien savoir à qui j’ai à faire. Je hoche la tête tout en l’écoutant. Il est vrai que j’apprécie que les futurs investisseurs s’y connaissent mais si ce n’est pas le cas, je m’en remets facilement. Akira a l’air d’avoir les bases en plus et il a tout de même un pied dans le sport donc tout va bien. « D’accord… très bien. Je suis désolée si je vous donne l’impression de vous faire passer un entretien d’embauche, je suis juste curieuse quand de nouvelles personnes veulent s’investir dans ce club. » ai-je fait avec un grand sourire. Si le président apprend que je suis en train de cuisiner un investisseur qu’il a déjà approuvé… il va sûrement me tuer. En tout cas, si je fais fuir Akira, c’est définitivement ce qui va se passer. Bien sûr que j’aurais préféré qu’il soit un fin connaisseur pour investir chez nous mais… disons que je vais me contenter du fait qu’il s’y connaisse plutôt bien dans le milieu du sport, ce qui est toujours ça. « Je pense que vos coéquipières vous attendent, que diriez vous de continuer cette discussion après l’entraînement ? » dit-il en allant s’asseoir sur le banc. Je me retourne pour voir le reste du groupe des internationales en train de me regarder. Elles ont finir de courir et apparemment le staff veut qu’on fasse des exercices en binômes et Miranda est seule car je ne suis pas là. Je reporte mon attention sur Akira. « Si vous voulez, oui. Je reviendrai avec notre capitaine du coup. Elle vous sera sûrement plus utile que moi. Je ne suis pas la meilleure pour plaire aux investisseurs. » J’ai tendance à ne pas être assez lisse pour ce genre de chose. Après un dernier signe à Akira, je trottine pour rejoindre les filles et finir notre entraînement. Une vingtaine de minutes plus tard, le staff nous annonce que l’entraînement est terminé. J’ai averti notre capitaine, Jessica, de la présence d’Akira mais elle doit avant tout parler à notre coach. Alors que les filles commencent à rentrer, je retourne vers Akira. « La capitaine arrive. Elle a besoin de cinq minutes pour parler au coach. En attendant est-ce que vous avez encore des questions auxquelles je pourrais répondre ? »

Alors que je retourne auprès des filles, je préviens ma capitaine qu’il faudra qu’elle aille parler à Akira. Les minutes suivantes se passent tranquillement. L’entraînement de notre groupe d’internationale continue pendant que les autres filles poursuivent le leur en prévision du match ce week end. J’oublie ce nouvel investisseur, même si de temps en temps, sa présence et son futur rôle dans le club me reviennent en tête. Après tout, ce n’est pas à moi de servir d’intermédiaire à Akira, c’est à Jess, le coach et l’administration. C’est un hasard si je me suis retrouvée à lui parler mais malgré tout, ce n’est pas pour ça que je ne vais pas finir le boulot. Je suis quelqu’un de correct après tout, même si je ne suis pas la plus douée pour ce genre de situation. Quand on termine la séance Jessica me dit qu’elle a encore besoin de quelques minutes pour parler au coach avant d’être disponible pour Akira. Même si j’ai bien envie d’aller prendre ma douche et de rentrer chez moi, je me décide à rester correcte et faire mon boulot. On parle d’un investisseur et c’est important qu’il se sente bien accueilli. Je ne connais pas grand-chose pour ce genre de situation mais je pense que le président va m’en vouloir s’il pense que je n’ai pas assuré. Je demande à Akira s’il a encore des questions à me poser histoire de l’occuper avant l’arrivée de Jessica. « Pas spécialement sur le club ou l’équipe mais plus sur vous particulièrement. Pourquoi avoir choisi de devenir professionnelle dans ce sport ?  » Mes yeux s’arrondissent sous le coup de la surprise. Je ne me suis pas attendue à ce qu’il me pose une question plus personnelle. « Eh bien… j’imagine que ce n’est pas très original. C’est ma passion depuis que je suis enfant. J’ai rapidement voulu devenir professionnelle et j’ai fait tout  ce que je pouvais pour y arriver. » Il n’a pas besoin de savoir que j’ai perdu cet objectif de vue pendant pratiquement deux ans pendant que j’étais au lycée. Je n’ai pas à lui raconter ma vie comme il ne va pas non plus me raconter la sienne. Parler du club et de sport, pour le moment c’est déjà bien. « Une passion est difficilement explicable je pense. J’adore ce club. J’ai été prêtée plusieurs fois six mois dans de grands clubs européens mais au final, le Sky Blue restera à jamais mon club. » Il est très important pour moi. C’est le club avec lequel j’ai pu grandir, c’est un peu ma famille. Je souris en m’entendant parler. « Je parie que même le président ne vous a pas aussi bien vendu le club, pas vrai ? » ai-je plaisanté. Je suis juste amusée par tant de lyrisme de ma part.