i don't think there are bad cooks, just bad recipes (kenneth)

Le chemin jusqu’à chez Kenneth, elle le connait par cœur, et ça depuis un moment maintenant. Ça fait déjà plusieurs mois qu’elle le prend, de plus en plus régulièrement d’ailleurs, si bien qu’elle pourrait même le faire les yeux fermés. Et l’avantage c’est que, depuis qu’elle a déménagé, ils n’habitent plus très loin et qu’elle peut y aller à pied. Pour une fille comme elle, qui aime privilégier vélos, rollers, et compagnie, ou juste ses jambes, c’est l’idéal. Oui, elle fait partie de ces personnes qui luttent pour l’environnement et essaient de faire chaque jour rien que des petits gestes qui comptent pour améliorer les choses, ou en tout cas, pour ne pas trop les aggraver. Il ne lui faut donc pas longtemps pour arriver devant la porte de l’immeuble et sonner à l’interphone, entrant quand il lui ouvre et grimpant rapidement les marches jusqu’à son étage. Quand elle arrive devant sa porte elle ne frappe cependant pas tout de suite, fouillant d’abord dans son sac à la recherche de ce qui a causé son petit détour avant de venir, et elle l’enfile autour de son cou et de sa taille avant de cogner quelques coups contre la porte. Quand il ouvre, elle a un grand sourire sur les lèvres et exhibe fièrement sa dernière acquisition. « Regarde, j’ai acheté un beau tablier spécialement pour l’occasion. » Beau n’est pas le mot qui convient en fait, ridicule marche bien mieux, mais en tout cas c’est approprié pour leur soirée. Après leur discussion par sms sur leurs capacités en cuisine, visiblement quasi nulles pour l’un comme pour l’autre, et sur cette idée de les tester ensemble, ils n’avaient pas trainé longtemps à la mettre à exécution et avaient convenu que ce serait ce soir. Cependant elle n’a pas l’intention d’être ridicule seule, alors elle replonge la main dans son sac et sort un deuxième tablier. « J’en ai pris un pour toi aussi, je voulais pas que tu sois trop jaloux. »

J’aurai dû prévenir mes voisins du risque d’incendie élevé ce soir. C’est ce à quoi je songe en ce début de soirée, moment où je passe le pas de ma porte. Noor doit me rejoindre et on a prévu de cuisiner ensemble. Aussi doué l’un que l’autre, on a 90 % de chance de faire cramer un truc, peut-être même l’immeuble en fait. Donc oui, j’aurai dû avertir mes pauvres voisins qu’ils vont peut-être tout perdre ce soir. Sauf qu’il est trop tard pour ça, je ne vais pas aller les déranger à cette heure-ci. De plus, mon amie est déjà là, chose que me fait dire le son de l’interphone quand elle y sonne. Je la laisse entrer, procède à une rapide inspection de mon apparence, avant d’aller ouvrir la porte d’entrée en y entendant des petits coups contre. J’y découvre la belle, vêtu d’un tablier vraiment horrible, riant à ce qu’elle me dit et encore plus lorsqu’elle en sort un second de son sac. « Crois-moi, je n’aurais pas été jaloux. » Moqueur, je dois quand même confesser que je ne dis ça que pour la taquiner un peu. Le tablier ne lui rend clairement pas honneur et, pourtant, je la trouve quand même resplendissante. Je crois qu’elle pourrait s’habiller de la pire des façons, je resterais toujours aussi subjuguer. Empoignant sa main tenant le deuxième tablier, je l’attire pour déposer un baiser sur sa joue, la laissant ensuite entrer dans l’appartement pour refermer la porte derrière elle. Comme à son habitude, la belle prend la direction du salon pour déposer ses affaires pendant que je prends le chemin de la cuisine, enfilant le fameux tablier pour lui faire plaisir. Je distingue ma silhouette dans la porte vitrée du four, juste assez pour voir un peu à quoi je ressemble, me faisant interrompre dans mon observation par Noor qui me rejoint. Me tournant vers elle, je lâche : « Il y a quand même des injustices dans la vie. » J’attends sagement que la quatarienne se tourne vers moi pour ajouter : « Toi, tu restes toujours aussi belle avec ce tablier alors que moi, je ressemble à rien. » J’arbore une petite moue. Je me trouve même ridicule en fait dans cet accoutrement, loin d’avoir le même charme que peut dégager la jeune femme malgré tout. Me tournant vers les placards, j’en ouvre un puis jette un coup d’œil vers la jeune femme. « On fait des pâtes ? » Non, je ne cherche pas à tricher en prenant l’aliment le plus simple au monde à faire cuire, pas du tout.

Soirée cuisine pour Noor ce soir, mais accompagnée de Kenneth, parce que s’il n’avait pas été là, ça ne serait jamais arrivé. En plus d’être nulle, elle n’aime pas ça. Quoi que l’un est surement plutôt la conséquence de l’autre et inversement. Pourtant, malgré ça, elle a hâte d’y être dans sa cuisine et elle est toute enjouée à l’idée de cette soirée. Et pour que ce soit encore plus parfait, elle a prévu le coup, leur achetant à chacun un tablier ridicule. Et alors qu’elle lui en tend un similaire au sien, parce qu’elle n’allait quand même pas se laisser être le dindon de la farce à être la seule dans cet accoutrement, il lui fait part de ce qu’il en pense, soit qu’il n’aurait pas été jaloux. Elle sait qu’il dit ça en la taquinant, mais elle s’en doute quand même, même un gosse ne serait surement pas jaloux qu’un autre ait eu ça en cadeau et pas lui. Alors elle lui tire la langue et ajoute sur le même ton moqueur : « C’est merci qu’on dit quand on reçoit un cadeau. Et t’as pas intérêt à t’en débarrasser une fois que je serai partie hein. » Même s’il est nul, ça ne se fait pas de jeter un cadeau juste après l’avoir reçu, il va être obligé de le garder au moins quelques années, elle y veillera. Quand il lui attrape la main pour l’attirer à lui et déposer un baiser sur sa joue, elle essaie tant bien que mal de ne pas trop rougir, mais ça s’avère plus compliqué qu’elle ne le pense et ses joues ne peuvent s’empêcher de prendre un peu de couleur. Et elle se dit surtout qu’elle est vraiment ridicule de ne rougir rien que pour ça, il faut qu’elle se reprenne. Prenant la direction du salon elle fait comme elle a l’habitude de faire depuis quelques semaines maintenant et y dépose ses affaires, ainsi que ses chaussures, bien plus à l’aise en chaussettes. Puis elle rejoint Kenneth dans la cuisine, maintenant vêtu de son beau tablier, mais perdue dans sa contemplation de lui, elle ne fait pas attention à où elle met les pieds et se cogne l’un d’eux dans un meuble. Une grimace tord son visage tandis que la douleur lui cloue le bec et que le juron auquel elle pense n’arrive même pas à sortir de sa bouche. Mais elle oublie le mal rapidement en entendant ce qu’il dit, et se met à rire légèrement. « Moi je te trouve quand même attirant, même avec ce tablier ridicule. Surement encore plus s’il n’y avait rien eu en dessous mais, bon... » Elle ne réalise qu’après quelques millisecondes qu’elle vient de dire la deuxième phrase à voix haute et ses joues redeviennent un peu rouges, mais trop tard maintenant alors elle se contente de hausser les épaules. Avant de secouer ensuite la tête de droite à gauche, riant encore une fois. « Ça ce serait vraiment de la triche, on doit jouer le jeu. Est-ce que t’as de quoi faire un gâteau ? »

Je ris à ce qu’elle me dit, lui tirant la langue en retour, tel un petit garnement. « Merci pour ce merveilleux présent. » Je me fous un peu d’elle en exagérant ma joie de recevoir ce tablier. Par contre, je n’avais aucunement l’intention de le jeter. Un cadeau reste un cadeau, il serait impoli de ma part de m’en débarrasser plus tard. Surtout pas alors qu’elle me l'a offert, je crois même que je vais en prendre grand soin. Déposant un baiser sur sa joue, je la vois rougir à vue d’œil, mais ne relève pas sa réaction. Ça ne ferait que nous mettre dans une situation étrange, alors on évitera. À la place, je la laisse entrer et prends la direction de la cuisine, où elle me rejoint après que j’aie pu enfiler le tablier. Je lui fais part du constat, du fait irrévocable qu’elle soit bien plus belle que moi dans cet accoutrement et elle me surprend légèrement avec son allusion. Inconsciemment, je me mords la lèvre inférieure en l’imaginant à mon tour sans rien sous ce tablier. Des pensées fusent dans ma tête et je sais que je devrais me taire, que ça ne ferait que me propulser vers une situation que je tente d’éviter depuis des mois, mais c’est bien plus fort que moi. « Maintenant que tu le dis, sans rien dessous, ce tablier pourrait peut-être finalement faire totalement honneur à ta beauté... » Je finis par lâcher, mes yeux balayant son corps de bas en haut et mes dents relâchant enfin ma lèvre. Je ne parviens même pas à regretter d’avoir prononcé ses paroles, je le pense bien trop pour ça et je crois bien qu’au fond, j’ai le souhait réel de la voir ainsi. Peu vêtue, encore une fois.
Revenant à nos moutons, ma proposition de préparer des pâtes fait clairement mouche et elle me questionne à son tour. J’hoche positivement la tête, ouvrant les placards pour en sortir des ustensiles ainsi que les éléments pour réaliser un gâteau. Téléphone en main, je pars en quête d’une recette pas très compliquée et finis par en trouver une après plusieurs clics sur plein de liens. « Voilà, on a tout pour pouvoir commencer. » Je pose le téléphone à plat sur la paillasse, avant de reprendre en voyant qu’il ne lui reste plus énormément de batterie : « Sauf qu’il faut que je le mette à charger ou il va nous claquer entre les doigts. » Forcément, ça serait un peu con de ne plus avoir la recette sous les yeux. « Je vais aller récupérer mon chargeur. En attendant, fait comme chez toi, j’ai des sodas et de la bière dans le frigo. » Et sans attendre, je file tout droit en direction de ma chambre pour prendre l’objet dont j’ai besoin. Je profite de repasser devant l’entrée pour retirer mes chaussures, godasses que je n’ai pas eues le temps d’enlever entre mon arrivée et celle de Noor quelque courtes minutes après. Chargeur récupéré, je retourne donc dans la cuisine pour y retrouver ma compagnie du soir, le sourire aux lèvres comme toutes les fois où je l’ai dans le visuel. Je branche mon portable et le repose sur la paillasse. « T’es prête ? »