i’m sorry you never know about the apocalypses that happen under my skin. (hayes)

Elle pousse un soupir, relisant encore le message qu’elle vient de recevoir. Sarah est malade, tu peux venir dépanner entre dix-huit et vingt-et-une heures? Le regrettant presque, elle répond à la positive et entreprend d’enlever le pyjama qu’elle a déjà enfilé, prête à passer une rare soirée tranquille chez elle. Mais il est hors de question qu’elle refuse si elle est libre, elle a trop besoin du revenu supplémentaire, aussi maigre soit-il, même si cela veut dire qu’elle n’aura pas de soirée de libre avant la semaine d’après. Elle a cependant commencé à chercher autre chose, un seul travail qui lui permettrait un meilleur salaire sans avoir à travailler double comme elle le fait actuellement. Mais sans diplôme, elle ne peut aspirer qu’au même genre de boulot qu’elle a déjà et elle gagne déjà plus que ce qu’ils proposent, ayant deux emplois. Ses rêves d’avoir suffisamment de temps pour reprendre un semblant d’études en ligne commencent petit à petit à s’évaporer, à mesure que les solutions qu’elle a pensé trouver s’avèrent être des causes perdues. Son uniforme sur le dos, elle passe de nouveau sa porte, trainant un peu trop des pieds. Son trajet jusqu’au cinéma est plutôt court et elle se retrouve devant ce dernier à l’heure pile, croisant un de ses collègues qui finit son service. Elle entre et retient un soupire de soulagement quand son manager lui dit qu’elle travaillera au comptoir à confiserie, ce qui lui évite d’avoir à nettoyer une salle ou pire, les toilettes. Plaquant un faux sourire sur ses lèvres, elle prend sa place et quelques secondes plus tard, une vague de clients arrive juste à temps pour la séance qui va commencer. Elle les sert presque par automatisme, ses phrases pré-mâchées et trop polies sortant de sa bouche sans qu’elle n’ait besoin d’y réfléchir. La foule se réduit un peu, jusqu’à ce qu’elle n’ait à servir qu’une ou deux personnes à la fois, à quelques minutes d’intervalle. Elle aurait presque pu ne pas le reconnaître si elle n’avait pas senti son regard sur elle, ne prêtant que peu d’attention aux visages qui défileraient devant elle pour le reste de la soirée. Mais c’est son regard, et sa voix qui finisse par lui faire réaliser qu’elle devrait peut-être plus attention, et lorsqu’elle qu’elle regarde pour de bon, elle le reconnaît immédiatement. Elle n’a pas vu Hayes depuis des mois, ne l’ayant croisé que quelques rares fois après son accident, puis plus du tout quand elle a finalement décidé qu’elle n’avait plus du tout envie de sortir. L’époque où ils étaient inséparables en soirée, se retrouvant toujours dans les mêmes bars et veillant ensemble jusqu’au petit matin lui semble remonter à une éternité. « Hayes, » dit-elle, presque malgré elle, presque par réflexe. Il est le seul à son comptoir, soit très en retard pour la séance qui a déjà commencé, soit très en avance pour celle qui ne commence que plus tard. Elle se rend compte alors qu’elle n’a jamais pensé à prendre de ses nouvelles, même si elle avait toujours son numéro dans ses contacts. Mais ils n’avaient jamais été si proches, après tout. Ils n’étaient que potes de soirée, ne s’étaient jamais beaucoup vu en dehors. Ils ne s’étaient même probablement jamais vu sobres, maintenant qu’elle y pensait. Et pourtant, elle ne pu s’empêcher de culpabiliser, même si elle savait très bien qu’il n’était pas le seul avec qui avait perdu contact depuis que sa vie s’était retournée sur elle-même. Réalisant qu’elle n’avait pas vraiment bougé depuis quelques secondes, elle s’empressa d’attraper sa commande et de la scanner. « Ça sera tout ? » La phrase pré-mâchée sort malgré elle, mais elle ne sait pas si elle doit continuer à jouer le jeu, prétendre qu’ils n’ont rien à se dire, ou essayer d’engager la conversation. Elle sait cependant qu’elle ne pourra pas supporter de regard de pitié de sa part, comme c’est le cas avec la majorité des personnes qu’elle connaissait avant son accident. Il est même l’un des rares au courant de ce qui lui est arrivé, puisqu’elle a simplement ghosté pas mal de ses connaissances, ne leur donnant aucune explication. Pourtant d’une certaine manière, c’est pire, qu’il sache comment elle était avant, qu’il sache comment elle est maintenant.

Hayes n’avait pas revu Allana depuis plusieurs jours. Le jeune homme se demandait ce qu’elle faisait et pourquoi elle ne répondait pas à ses messages. Il aurait espéré, qu’en la revoyant, ils pourraient devenir des amis et essayer de se voir à quelques reprises. Malheureusement, Hayes avait l’impression que son ancienne petite-amie ne voulait plus le revoir et ça le faisait souffrir. En même temps, Hayes se disait que ce n’était peut-être pas une mauvaise idée, qu’ils ne se voient plus. Ils devaient continuer d’avancer et de mener leur propre vie. Hayes continuait donc de voir des femmes et de coucher avec la plupart d’elles. Il continuait d’être un véritable connard avec elles, sans s’en se sentir coupable. Il n’avait que vingt-quatre ans et avait parfaitement le droit de profiter de sa jeunesse, comme tous les autres jeunes de son âge. Le jeune Italien a eu des nouvelles de Riley, une jeune femme qu’il connaissait depuis un long moment déjà. Il aimait sortir dans les bars et boîtes de nuit avec elle. Ils étaient des amis de fête, ceux qui étaient toujours partant pour s’éclater et ne pas se prendre au sérieux. Puis, sans qu’il le voie venir, Riley a arrêté de venir aux soirées et de donner des nouvelles à Hayes. Il n’avait pas du tout compris, mais il s’était dit qu’elle en avait peut-être marre de passer du temps avec lui et qu’elle était trop occupée pour s’amuser. Toutefois, il a su pour son accident et ça l’a attristé le jeune Italien. Il aurait aimé être présente pour lui, afin de lui apporter son soutien. Les amis étaient faits pour cela, non? Hayes avait donc compris pourquoi elle avait arrêté de sortir. Malgré tout, Hayes avait l’impression qu’elle avait changé. Elle ne lui donnait plus des nouvelles depuis quelques mois et ils ne faisaient que se croiser, à l’occasion. Bref, le jeune homme trouvait cela dommage, mais ne pouvait pas faire grand-chose. Pour se changer les idées, après avoir travaillé au restaurant, il se rendit au cinéma de Williamsburg. Il aimait y aller, mais savait également que Riley y travaillait. Il espérait que, ce soir, elle travaillait. Hayes avait l’habitude d’aller au cinéma seul et ça ne le dérangeait pas. Il arriva et vit la jeune femme. Il la regardait, espérant qu’elle allait le remarquer et ce fut le cas. « Salut, Riley. » Il sourit et lui demanda un billet pour un film qui venait de sortir. Le Joker. Lorsqu’elle lui demanda si c’était tout, Hayes hocha la tête et sourit. « Comment vas-tu? »

Elle a envie de disparaître sous terre, revenir en arrière, prétendre qu’elle ne le reconnait pas. Même si cela aurait été bien trop tiré par les cheveux, puisqu’ils avaient passé trop de soirées ensemble, trop récemment pour s’oublier aussi vite. Mais Hayes fait partie de ceux qui en savent le plus sur son accident, si on considère que seuls ses proches ont des détails. Elle ne se rappelait plus très bien comment elle en était venue à lui expliquer ce qui lui était arrivé, là où elle avait fait l’autruche auprès d’amis dont elle était bien plus proche. Elle se souvenait vaguement de cette soirée, quelques mois après son accident, où elle avait essayé de ressortir, de reprendre le cours de sa vie. Elle avait retrouvé Hayes, comme à son habitude, au bar où ils s’étaient le plus croisé. Ils avaient pris un, deux verres, puis l’alcool avait commencé à avoir un goût de brûlé dans sa bouche. Les souvenirs étaient remontés aussi vite que la tête avait commencé à lui tourner et elle n’avait pas pu cacher son malaise, avouant finalement pourquoi ils ne s’étaient pas vu depuis un moment. Puis elle avait disparu. Elle n’avait pas voulu ressortir mais elle n’avait pas non plus pris la peine de prévenir Hayes, d’essayer de nouer une amitié avec lui en dehors de l’alcool qui les avait toujours lié. Elle avait disparu parce que c’était plus simple, parce qu’elle savait qu’elle n’aurait pas à s’expliquer, qu’elle n’aurait pas à réaborder le sujet de son accident avec lui, puisqu’elle ne le reverrait jamais. A présent, elle sait qu’elle a eu tord et elle s’attend presque à ce qu’il lui fasse une remarque désagréable après qu’elle ait prétendu qu’il n’était qu’un autre client parmi les autres. A la place, il lui dit « Comment vas-tu? » et elle fronce les sourcils un instant, ne comprend pas son sourire. Peut-être qu’il ne lui en veut pas. Peut-être que cette soirée n’avait pas été suffisante à faire d’eux plus que de simples connaissances. « Ca va, » répond-elle brièvement, jetant un œil à l’entrée du cinéma, constatant que l’afflux s’est calmé. Elle baisse les yeux, évitant son regard, et sait qu’elle lui doit au moins des excuses. « Ecoute… Je suis désolée d’avoir complètement disparu de la circulation sans donner de nouvelles. » Ils avaient eu le numéro de l’autre depuis un moment maintenant et à l’époque où ils se fréquentaient, ils n’étaient pas rares qu’ils s’échangent plusieurs textos pour se retrouver ou pour s’expliquer qu’ils ne se verraient pas tout de suite à cause d’un empêchement. « L’année a été un peu compliquée, » admet-elle ensuite, espérant qu’il comprenne, même si ça ne lui aurait rien coûté d’envoyer un simple sms, une simple phrase. « J’espère que toi ça va, » reprend-elle avec un petit sourire.

Hayes aimait aller au cinéma seul, de temps en temps. Le jeune homme n’avait aucune difficulté à regarder un film sans ses amis ou sans une demoiselle à ses côtés. Lorsqu’il était seul, il pouvait se changer les idées sans qu’une personne lui dise quoi faire ou à quoi penser. Hayes aimait prendre ses propres décisions et, en solitaire, c’était une bonne chose. Hayes arriva alors devant le guichet pour acheter son billet. Il avait décidé d’aller regarder le nouveau Joker qui était sorti récemment. Le jeune Italien aimait les films comme ça. Il y avait de l’action et c’était intense. Soudainement, il vit son amie, Riley au guichet. Hayes savait qu’elle travaillait au cinéma, mais était surpris de la voir. Il ne l’avait pas vu depuis plusieurs semaines et s’était demandé comment elle allait. Il l’avait aperçu dans une soirée et ça l’avait légèrement mis en colère. Normalement, Riley l’aurait prévenu, mais ça n’a pas été le cas. À se demander si elle voulait encore qu’ils soient des amis. La demoiselle lui dit qu’elle allait bien. Au moins, elle allait bien, mais Hayes ne comprenait toujours pas pourquoi elle avait disparu sans lui donner le moindre signe de vie. « Hum… » Le jeune homme ne savait pas s’il devait la pardonner, mais il tenait quand même à elle, alors il allait sans doute la pardonner de ne pas avoir été présente. « Qu’est-ce qui s’est passé? Et, dernièrement, je t’ai vu à une soirée, mais je pense que tu ne m’as pas vu. » Il fallait vraiment qu’elle s’explique. Sinon, Hayes allait avoir de la difficulté à accepter les excuses de Riley. Elle lui avoua que l’année a été compliqué. « Compliquée à quel point? » Le jeune homme aurait quand même apprécié qu’elle lui envoie un message pour donner des nouvelles. « Oui, ça va bien, comme toujours. » Hayes était toujours en forme, mais il y avait aussi des journées qui n’étaient pas tranquilles, mais, en général, il ne se plaignait pas.