Already missing you, S. - Theo feat. Chaï

Ses pas le hissèrent jusqu'à la penderie de sa chambre en mezzanine, et, le téléphone accroché à son oreille, maintenu fermement par son épaule gauche, Chaï ouvrit le rideau et examina les vêtements qui s'y trouvaient d'un furtif coup d’œil. Tu es habillé comment, dis-moi, l'interrogea la voix vieillotte du combiné. Non, il ne répondra pas qu'il est encore à la bourre, qu'il se trouve chez lui alors qu'il est attendu, -pas même qu'il se trouve en calbute au bon milieu de la pièce qu'il aurait dû quitter depuis au moins une demi-heure. Euh, hésita-t-il tout en fouinant rapidement dans les piles en fouillis du meuble, T-shirt, agrippa-t-il en même temps avant d'en vérifier la couleur, blanc, ajouta-t-il, avec un motif beige, poursuivit-il tout en le balançant sur son lit encore défait. Ses doigts agrippèrent un jeans qu'il avait replié deux jours auparavant; ne disait-on pas qu'il ne servait à rien de les laver régulièrement ? Il l'enfila, toujours le mobile près de son tympan. Ne me dis pas que ton pantalon est troué, questionna sa mère, suspicieuse, le faisant ainsi vérifier l'état de son froc; et merde ! Tu ne voulais pas que je m'affiche en costard-cravate devant un gamin non plus, se mit-il à rire.

Clairement, il savait que son adoptante aurait préféré, vu la manière dont elle semblait stressée au bout du fil; y'avait-il de quoi ? Probablement. L'asiatique avait cru comprendre que ses parents connaissaient depuis un certain temps la famille Lee, et que cette dernière était réputée. Sa maternelle lui en avait parlé, beaucoup, et avait bien insisté sur le fait qu'il ne devait commettre aucune gaffe. Facile à dire. Chaï n'avait rien du guide de richoux parfait, et était loin d'être un bon samaritain. S'il avait accepté de se coltiner un paumé d'une contrée lointaine, c'était bien pour le fric, mais là encore : motus et bouche cousue. Promets-moi que tu seras gentil avec lui, insista-t-elle auprès de son fils, ce qui fit rouler les yeux de ce dernier. Si elle n'avait pas confiance en lui, pourquoi avoir proposé son nom en tête de liste ? A la cool, répondit-il d'un air tranquille, -probablement trop. As-tu fumé, fit-elle, à tel point qu'il put deviner les yeux ronds de Margarett et ses sourcils levés jusqu'au milieu du front. J'vais devoir raccrocher, usa-t-il pour se débarrasser de l'interrogatoire, -clairement, il n'était pas en avance du tout-, ce à quoi elle demanda : es-tu arrivé ? Tu n'es pas loin ? 

Ça ne se faisait pas, mais il lui avait raccroché au nez, juste après qu'un souffle se soit extirpé violemment d'entre ses lèvres. Ce fut la dernière chose qu'elle entendit de son grand gamin. Et elle eut beau tenté de rappeler maintes fois après ça, il ne décrocha pas, mit même son téléphone en mode vibreur, -et tant pis pour les messages de la sexy-girl qu'il ne verrait pas d'ici-là-. Elle était gentille, Madame Home, mais était bien trop mère-poule pour que son indépendant de fils puisse accepter de l'entendre partager ses craintes, pas avant sa première rencontre avec le baby qu'il devait sitter. Une fois l'appareil dans le fond de sa poche arrière, il ferma sa braguette, ajouta une ceinture, prit des chaussettes et s'installa au bout de sa literie, un coup d’œil vers l'horloge de sa chambre. Bravo ! Il devait parcourir Williamsburg du Sud au Nord en moins de trois minutes, chose totalement impossible. Il enfila son haut, se leva, descendit les escaliers en fer forgé et, une fois dans la pièce de vie, il attrapa son portefeuille. L'appartement était encore en bordel, mais il avait une bonne raison de le laisser tel quel jusqu'à son retour, -jusqu'à ce qu'il se décide à ranger, surtout-.

Pompes aux pieds, il sortit.

* * * * * * * * * * * * * *

Il sortit du bus, -ce même bus qu'il avait failli rater-, et dépêcha ses jambes de le porter jusqu'à l'adresse indiquée. Il profita des derniers mètres pour sortir son téléphone de la poche, et il vérifia dans ses dossiers afin de retrouver cette fameuse photographie qu'on lui avait gentiment envoyé; manquerait plus qu'il se trouve de type, pas vrai ? Un asiatique, tout comme lui. La vingtaine, pas comme lui. Pourvu qu'il n'ait pas à le prendre sous son aile trop longtemps, qu'il se fasse rapidement à la vie new-yorkaise et se trouve des potes, des girlfriends aussi. La terrasse apparut plus vite qu'il n'y parut et Chaï s'arrêta un instant pour chercher l'individu qu'il était censé retrouver depuis près d'une heure maintenant; et s'il ne l'avait pas sagement attendu ? C'était fort probable... Pourtant la tête aux cheveux couleur ébène, et le visage où trônaient deux yeux bridés, se présenta dans son champ de vision, et un sourire étira la bouche du plus âgé : le Saint-Graal était encore assis autour d'une des tables, -peut-être en colère, mais il était là-.  

Sans attendre, le tatoué s'approcha du jeune homme et prit une chaise face à ce dernier qu'il tira pour s'y asseoir. Désolé du r'tard, un imprévu, fit-il, totalement décontracté. Il n'osa pas avouer que ce qui l'avait retardé avait été une petite fiesta improvisée la veille, et qu'il avait peiné à émerger malgré la sonnerie de son réveil à de nombreuses fois reculée. Chaï, se présenta-t-il, la colonne vertébrale contre le dossier, , on s'est parlés y'a deux jours au tél, ne manqua-t-il pas de lui rappeler. T'as eu l'temps d'boire un truc, demanda-t-il, l'air faussement concerné.