Dam' avait passé la soirée au Miss Favela, à refaire la monde avec une tablée d'anciens de la faculté. Pour la plupart, ils ne s'étaient pas revus depuis l'obtention de leurs diplômes. Une plombe en somme. En même temps 2013, ça commençait à remonter maintenant. Ils avaient rattrapé le temps perdu en enchaînant les cocktails à la carte - deux max' pour le flic, comme bien souvent - et les plats épicés. Les anciens avaient tous fait leur bonhomme de chemin et Charly, qui l'avait suivi jusqu'en M3, bossait apparemment juste à-côté du commissariat. C'était bon à savoir. Le groupe s'était séparé après plusieurs heures passées à faire remonter les souvenirs, sur fond de musiques brésiliennes. Pour Dam' qui avait enchaîné les heures au bureau, toute la semaine, ç'avait été du pain béni. Juste de quoi revenir un peu sur terre. Son appart' était pas vraiment dans le coin, il avait pas mal de pâtés de maisons à se taper avant de remettre les pieds chez lui. ça lui allait, c'était samedi et marcher seul était loin de le gêner. Lui qui faisait déjà son footing à l'aurore avec les écouteurs vissés dans les oreilles, ça ne le changeait pas plus que ça. Seules quelques voitures remontaient l'avenue à cette heure-ci, les phares inondant la chaussée d'une lumière crûe. Côté âmes qui vivent, c'était autre chose - il n'y avait pas foule sur les trottoirs. Juste un petit groupe de jeunes qui traînait au croisement avec Beford Avenue. Et bordel, c'était la lumière ou bien la nana qui se promenait en face était bel et bien en chemise de nuit ?
J’avais passé une sale journée au boulot et était rentrée chez moi sur les rotules. Même si l’ambiance était plutôt bonne avec mes collègues, on ne pouvait pas dire que servir dans un bar était le job rêvé. Après tout, si j’avais fait ce métier, c’était loin d’être un choix personnel mais bel et bien la seule solution qui s’était présentée à moi pour me permettre d’avoir un toit sur la tête. Je ne m’en plaignais pas, bien évidemment et grâce à mon travail, j’avais même réussi à faire quelques belles rencontres, mais il y avait des jours avec et des jours sans, malheureusement. J’avais enchaîné les clients désagréables et surtout incontrôlables, ce qui était plutôt courant lorsque je faisais la fermeture. Je détestais cette impression que le temps s’était stoppé et que le service n’ne finissait plus alors que je regardais ma montre furtivement de façon un peu trop régulière, enchaînant d’un même mouvement, les allers-retours entre les tables des clients. Lorsque la porte du bar fut fermée, je ne m’étais pas fait prier pour rentrer chez moi, prendre rapidement une douche et me vautrer dans mon lit avec la délicatesse d’un cachalot. Il ne m’avait fallu que quelques minutes pour m’endormir… et quelques dizaines de minutes pour quitter mon lit, bien malgré moi. J’étais somnambule depuis ma plus tendre enfance et avais tendance à faire d’autant plus de crises lorsque j’étais stressée ou même contrariée, comme à ce jour finalement. Mon colocataire était de garde et mes bruits de pas n’avaient donc alertés personne… Il ne m’avait fallu que quelques minutes supplémentaires pour me retrouver, machinalement, au beau milieu de la rue en petite tenue. Je n’avais aucunement conscience du bruit environnant, du danger ou du froid des ruelles, j’étais dans un état totalement second, profondément endormie. J‘avais les yeux grands ouverts sans pour autant avoir pleinement conscience de ce que je faisais, marmonnant quelques paroles incompréhensibles entre mes lèvres. Il m’arrivait de parler pendant mon sommeil, de sortir certaines phrases sans aucun sens, c’était pour ainsi dire ce qui pouvait démontrer mon état, mon comportement alerte, en quelque sorte. J’avançais ainsi, en pleine rue, bousculant parfois quelques personnes sur mon passage, marchant droit devant en ne contournant que de façon aléatoire les obstacles qui se tenaient devant moi puis, soudainement, mes pas me menèrent à la route, que je m’apprêtais à traverser sans prendre conscience de la circulation encore importante à cette heure.
Ça lui avait fait plaisir de revoir des têtes connues, au détour d'une tablée improvisée. Comme souvent, c'était pas prévu de longue date et en même temps, son boulot ne lui permettait pas vraiment de faire des plans. La troupe avait pas vraiment changée. Jeff, Ava, Mac'... le flic les aurait probablement reconnu en les croisant au coin de la rue. Mains dans les poches de sa veste, il déambulait sous la lumière blafarde des réverbères, se repassant certains moments de la soirée. Il gardait de plutôt bons souvenirs de ses années passées sur les bancs de la faculté, autant des travaux dirigés à rallonge que des heures sur le ring – gants de boxe au poing. 5 années qui étaient passés à vitesse grand V, ça le rajeunissait pas. Même si le week-end était à peine commencé, le flic avait déjà la tête au bureau. Le planning de la semaine prochaine s'annonçait plutôt musclé. Fallait aussi qu'il essaye de trouver du temps pour voir Maze, ça faisait des lustres qu'il aurait dû le faire. Un klaxon, un méchant bruit de gomme. Sans déconner, elle était en plein milieu de la chaussée. La nana qui se promenait en chemise de nuit avait apparemment troqué le trottoir contre le bitume. Vieux réflexe, Dam' se met à courir. Elle était suicidaire ou quoi ? Fallait être complètement tarée pour s'amuser à éviter les coups de volant des automobilistes. « Putain, mais ça va pas ? » Il arrive enfin à son niveau, l'empoignant par le bras et levant l'autre main à la verticale pour indiquer aux conducteurs du soir que c'était pas le moment de le faire chier. Ils pouvaient garder leurs coups de klaxons. C'était pas un putain de terrain de jeu la route. Et il en savait quelque chose. Le biologiste avale sa salive, tentant de calmer son palpitant – pourtant habitué à pire.
J’avais déjà vécu quelques mésaventures à cause de mon somnambulisme mais jamais je ne m’étais retrouvée dans une pareille situation. Raphaël m’avait retrouvée un bon nombre de fois en train de errer dans l’appartement, des voisins m’avaient déjà retrouvés sur le pas de la porte mais jamais je n’avais été jusqu’à descendre dans le rue et prendre le risque de me faire faucher par une voiture. Habituellement, mes crises ne duraient que quelques minutes puis je rejoignais tranquillement mon lit, avec ou sans aide. Sauf que cette fois-ci, j’étais partie trop loin de l’appartement que je partageais avec mon colocataire pour être en mesure de rentrer tranquillement. L’agitation de la ville et le bruit ambiant avaient grandement perturbés mon sommeil, allant même jusqu’à me faire perdre le peu de sens de l’orientation qu’il me restait. Il n’était jamais très conseillé de réveiller une personne somnambule, au risque de la déboussoler totalement voir lui créer une peur panique, seulement, dans le cas présent, il était difficile de régler la situation autrement. J’avais eu de la chance de tomber sur Damian et surtout, que ce dernier soit suffisamment réactif pour m’empêcher de traverser la route au hasard, malgré la circulation encore dense à cette heure. Un léger sursaut m’incita à me tourner vers le jeune homme, machinalement, comme un pantin. Il avait perturbé mon sommeil mais pas au point de me réveiller. Par chance, ou non… J’avais le regard fixe, d’ailleurs, il ne s’était même pas posé sur lui, il était perdu dans le vague, sur un point totalement inexistant. J’entrouvrais la bouche dans un calme impressionnant, vu la situation, ce qui prouvait une nouvelle fois que je n’étais pas dans mon état normal. « Il faut… » Avais-je murmuré, entre mes dents. Je commençais à nouveau à parler de façon incompréhensible, laissant sortir de ma bouche des mots que je ne contrôlais absolument pas. C’était un peu comme les rêves, je parlais de façon aléatoire, sans avoir conscience de ce que je disais. « Il faut que je retrouve mon lit… » Je restais toujours le regard fixe, posé non loin du visage de Damian qui devait très certainement ne rien comprendre à ce qui était en train de se passer… « C’est trop loin… »
« Il faut… » lâche t-elle sans se presser pour autant. Difficile de comprendre ce qu'elle racontait avec le bruit des moteurs qui tournaient. Et bordel, ils étaient pas là pour se prendre un thé non plus, elle était clairement en train de bloquer la circulation. S'offrant au passage en spectacle, en tenue légère, à un parterre d'automobilistes. Et elle avait plutôt bien choisi son jour, y'avait du monde sur les grands boulevards le samedi soir. « Il faut que je retrouve mon lit… » Ses propos complètement décousus ressemblaient de plus en plus à une injection de trop. Ouais, c'était pas vraiment le quartier pour ça mais la poudre blanche, ça circulait malheureusement partout. Le flic n'avait trouvé que ça comme argument qui tenait la route. Se promener en tenue de nuit, pieds nus, sur le bitume... fallait en tenir une bonne quand même. « C’est trop loin… » Il fallait que Dam' la ramène sur le trottoir. Pour leur sécurité à tous les deux, enfin surtout celle de l'originale. Alors qu'il garde la main autour de son bras, elle se laisse conduire lorsqu'il l'oriente gentiment mais fermement vers la chaussée. « Hey mec, ta copine est bourrée ou quoi ? Dégage. » lui lance un automobiliste remonté en passant une tête par la fenêtre ouverte de son véhicule. La mâchoire serrée, le flic continue d'avancer. Pauvre type. Il avait de la chance que le biologiste soit déjà occupé, il se serait fait un plaisir de lui rentrer dedans. "Sans rire, c'est quoi l'idée là ? Vous cherchez à vous faire renverser ?" avait-il lancé à la nana sans mâcher ses mots. D'autant plus qu'elle devait avoir le même âge de sa soeur.
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Invité a posté ce message Ven 19 Oct 2018 - 14:35#
❝Saturday night.❞ Damian & Anya
Je n’avais toujours aucunement conscience de ce qui se passait autour de moi, j’étais dans un état second, totalement dans un autre monde. Tout ce qui se passait autour de moi était flou, et clair à la fois. Je savais que j’étais dans la rue mais j’ignorais que mon état me mettait en danger, c’était comme si je me trouvais exactement l’endroit dans lequel je devais me trouver à cet instant. Quand j’étais dans ce genre d’états, il en fallait beaucoup pour me réveiller, il aurait fallu me secouer un bon coup ou alors me hurler dessus sans scrupule, sans cela, Damian aurait très certainement beaucoup de mal à entendre la moindre explication de ma part. Je m’accrochais finalement à lui comme à une bouée de sauvetage, sans pour autant céder à la panique, bien au contraire. Je le suivais d’un pas lent, ne me sentant aucunement brusquée par ses gestes précipités. Lorsqu’il m’adressa une nouvelle fois la parole, mon regard continua de se fixer sur un point invisible et je repris la parole d’une voix lente et calme : « Je n’arrive pas à dormir… » Rajoutais-je, rendant la conversation encore plus invraisemblable qu’elle ne l’était déjà. A cet instant, j’aurais pu me rendormir n’importe où, même sur un banc en pleine rue. En réalité, je dormais déjà mais les crises de somnambulisme étaient encore plus fatigantes que mes moments d’éveil et tant que je ne retrouvais pas un semblant de sommeil réparateur, je ne faisais que de vider d’avantage mes batteries. Ma journée m’avait épuisée, c’était tout sauf le bon moment pour déambuler au beau milieu des rues de New-York, mon lit douillet aurait été une bien meilleure option, encore fallait-il que je sois en état de le retrouver.
« Je n’arrive pas à dormir… » Sans déconner, elle avait pris quoi pour en arriver là ? Y'avait tellement de types de drogues qui défilaient au commissariat que Dam' avait plusieurs hypothèses en tête et à ce stade là, fallait qu'elle se fasse suivre ou soigner. La circulation avait repris et la voiture du toquard de tout à l'heure venait de leur passer sous le nez. Il aurait pu noter le numéro de la plaque mais y'avait pas de motif valable à ça. Juste que c'était un connard. La mâchoire serrée, Dam' sent le peu de patience qu'il avait le quitter. Il avait pas signé pour faire du baby-sitting mais putain, il pouvait pas la laisser déambuler en plein milieu de la route non plus. C'était pas comme si c'était un terrain de jeu. Heureusement qu'il avait son badge de flic sur lui, parce que se trimballer en ville avec une nana à moitié dévêtue – ça pouvait faire désordre. Elle était probablement du quartier, mais des logements, y'en avait à la pelle dans le coin. « Vous habitez dans le quartier ? » lui demande t-il en essayant de capter son regard. Raté, le flic note une absence de réaction pupillaire. Si elle ne l'aidait pas plus, il allait devoir appeler la poste de police. Lui était simple PTS, il était pas en mesure de lui demander ses papiers. Autant essayer de régler ça à l'ancienne. Dam' l'avait vu débarquée d'une rue transversale avant de se promener sur Bedford Avenue, il tenta le tout pour le tout. Après tout, c'était son job de remonter le fil du temps. Sans compter qu'il connaissait le coin comme sa poche, l'avantage d'avoir grandi dans les environs. « Wilson street ? Clymer street peut-être ?»
Pando
