You have every failure / danessa

Combien de fois m’a-t-on dit de lever le pied et que je n’étais pas wonder woman ? Combien de fois ai-je assuré gérer malgré la fatigue croissante ? J’ai cette fierté qui fait que j’aime avoir raison et prouver au monde entier de quoi je suis capable quitte à me détruire la santé. Ma famille adoptive n’étant pas riche – au contraire – je me suis débrouillée par moi-même afin de payer des études à Columbia et autant dire que le prix de l’année est exorbitant. Devenir cheerleader m’a permis de bénéficier d’une bourse pour alléger mes frais, la pizzeria payait une autre partie et la paye de Tommy a fini de combler le reste. Mais pour pouvoir tenir, je dois enchaîner sans arrêt et parfois oublier de me reposer. Dernièrement, je l’ai fait principalement pour me remplir la tête avec autre chose que de la tristesse et ma dernière nuit avec Tommy. J’avais besoin d’être occupée pour ne plus penser. Maintenant, j’en paye le prix. Je reprends conscience qu’une fois dans ce qui me semble être une chambre d’hôpital. Un instant j’étais dans le métro avec Dani, celui d’après ici, des médecins et infirmières tout autour de moi au point de me donner le tournis. A moins que ça ne soit à cause de cette douleur lancinante à ma tête. Mon bras levé avec difficulté – à croire qu’il est en coton – je tente de toucher l’endroit où j’ai mal mais on m’en empêche. « Sur une échelle d’un à dix où placez-vous votre douleur ? » Sur une … de quoi ? Bon sang mais qu’est-ce qu’elle me raconte ? Je bafouille une réponse qui semble leur convenir et un médecin vient m’éblouir pour vérifier la réaction de mes pupilles. La seule pensée cohérente que j’arrive à former est une question : où est Dani ? Il se passe encore ce qui me semble être des minutes interminables avant qu’ils terminent avec moi. Ma blessure à l’arcade a beaucoup saigné mais nécessite que quelques points. Des fluides me sont donnés par intraveineuse pour récupérer des forces puis le médecin me regarde. « On va vous garder en observation cette nuit, vous avez pris un méchant coup à la tête. Et vous avez besoin de repos. », « Je voudrais voir mon amie … elle doit être là, quelque part. » Je réponds simplement. Je n’ai pas envie de l’entendre me dire que je dois me reposer, j’en ai marre de l’entendre et il le comprend, disparaît et revient quelques minutes plus tard avec Dani. « Je suis désolée ! T’as dû mourir de peur ! » Je m’inquiète plus pour elle que pour moi, comme d’habitude. Moi … ça peut attendre, pas mes proches.

Les hôpitaux ne sont pas ma tasse de thé et je suppose que ce n’est le cas de personne hormis des celles y travaillant – et encore, je ne suis pas convaincue. Pour moi l’hôpital est synonyme de malheur mais aussi de psychiatrie et d’enfermement. C’est de cette manière que j’ai vécu les quelques mois où je me suis retrouvée à suivre thérapie sur thérapie après la mort de ma mère au Pérou. Je refusais de parler, traumatiser par une scène dont je suis incapable de me souvenir maintenant adulte, et n’importe quelle personne m’effrayait. Il a fallu des mois avant que je n’accepte de parler et que petit à petit on me laisse plus de liberté que la chambre dans laquelle je restais recroquevillée sur un lit. A mes yeux les hôpitaux sont un rappel de cette période de ma vie de laquelle je ne parle jamais et que je préfère même oublier. Sauf que là, je ne peux pas. Rembrunie, je sais être sèche avec un médecin qui ne fait que son métier, c’est plus fort que moi c’est tout. Et surtout, je veux voir Dani, m’assurer que je ne lui ai pas fait la peur de sa vie même si je ne pourrais pas repartir avec elle – à mon plus grand désarroi. « Tessa Goldstein me fait plus jamais un truc du genre ! » Me gronde la brune lorsqu’elle apparaît à l’entrée de ma chambre aux urgences. Je grimace ce qui a pour effet de provoquer une vive douleur au niveau de mon arcade que j’ai bougé sans le vouloir. « Ça va t'en fais pas... Toi ça va mieux ? » M’apprêtant à secouer la tête, je me ravise et soupire en tapotant mon lit de fortune de la main pour lui faire comprendre d’approcher. « Ça va, j’ai un peu mal à la tête. » Répondis-je en désignant les petits points de suture au-dessus de mon sourcil. « Encore désolée, je pensais vraiment que les vertiges allaient passer, d’habitude c’est le cas si je me détends, faut croire que là non. » Expliqué-je, un air boudeur dessiné sur mon visage. Je sais que je viens d’admettre que j’ai pour habitude de ne pas trop faire attention aux signes que je devrais me reposer mais tant pis. « Y a longtemps qu’on est là ? » N’ayant ni l’heure ni mon portable sous la main, je ne peux pas dire si je suis restée inconsciente très longtemps ou si ce fut rapide.

J’ignore ce que je peux dire ou faire pour me faire pardonner et faire disparaître l’inquiétude que je devine dans le regard de Dani. Les rôles inversés, j’aurais réagi exactement de la même manière : avec un trop plein d’inquiétude qui ronge au point de nouer l’estomac et de provoquer de désagréables nausées. C’est de ma faute, je le sais. Ce n’est pas la première fois qu’on me fait la remarque et, me connaissant, ce n’est certainement pas la dernière fois. J’ai pour habitude de vivre ma vie à fond, d’en faire tellement que je ne sais plus où donner de la tête et que la fatigue est la seule raison pour laquelle je m’arrête, forcée de dormir. Peut-être que si j’avais été élevée par mon père biologique, baignant dans l’argent, je n’aurais pas eu à enchaîner comme je le fais mais ce n’est pas le cas. Ma vie est faite de sorte que si je veux parvenir à mes fins je dois me donner à fond. J’ai des rêves et je tiens à les réaliser. Pourtant, ces derniers mois il y a ce petit changement, cette sensation que par amour pour un homme que j’ai toujours pensé ne pas pouvoir avoir, je serais capable de renoncer à tout. Ça me fait peur, plus que je ne veux bien l’admettre. Être aussi dépendante que je le suis devenue c’est nouveau et ça m’inquiète. Il n’y a qu’à voir l’état dans lequel je me mets pour ne pas penser à lui. « J'imagine, t'as eu un sacré coup à la tête en tombant.. » Ramenée à la réalité par Dani, je soupire. En effet, ce coup que j’ai pris a été tellement violent que je suis forcée de rester bien sagement sur ce lit toute la nuit. Moi qui hais les hôpitaux autant dire que je préférerai être partout sauf ici. « Vu les cloches qui sonnent encore un peu, je n’en doute pas. » C’est sans parler de la douleur qui me lance au niveau de l’arcade, mélange de la douleur due à la chute et de celle des points de sutures auxquels j’ai eu le droit. « Tess tu peux pas continuer comme ça.. c'est pas normal d'avoir des vertiges.. et surtout ne rien faire pour les contrôler. » C’est sûr, ces vertiges n’étaient pas normaux mais j’ai préféré ne pas m’en alerter. Je suis comme ça, toujours à penser que je suis surhumaine jusqu’à ce que la vérité ne me rattrape. « Je sais … mais je me dis que d’ici fin mai, avec la fin de mes études je pourrais enfin lever le pied, arrêter de tout enchaîner. En attendant je n’ai pas trop le choix. » Je suis déjà hébergée gratuitement par mon meilleur ami, je n’ai pas envie de dépendre des autres plus que nécessaire. Cela dit, il me tarde la remise des diplômes que je puisse tout de même me calmer un peu. En attendant je dois simplement être plus prudente. « Suffisamment longtemps pour me donner le temps de mourir d'inquiétude dans cette salle d'attente. » Une grimace vient déformer les traits de mon visage alors que j’imagine parfaitement Dani s’inquiéter comme jamais, assise parmi tous les proches de patients. « Encore désolée, je sais que tu n’aimes pas les hôpitaux en plus … Mais t’es pas obligée de rester jusqu’à la fin des heures de visite. Si tu veux rentrer, tu peux. Dans tous les cas je vais être affreuse avec tout le monde. » Parce que, encore une fois, je hais les hôpitaux et que mon stresse va me rendre exécrable. Autant éviter que Dani supporte ça.

« Je sais que c'est nul de devoir rester ici toute la nuit, mais ils veulent juste s'assurer que tout va bien. » Ce que je comprends parfaitement, ça ne veut pas dire que je l’accepte très bien. Entre ma tension qui est surveillée, les battements de mon corps, l’intraveineuse enfoncée dans mon bras pour me donner les nutriments pour m’éviter de reperdre connaissance, j’ai l’impression d’être une pieuvre. Il y a tellement de fils qui dépassent de partout sous ma chemise d’hôpital que j’en ai des frissons. Je n’ai que ce que je mérite, évidemment, mais bon sang est-ce que c’est nécessaire tout ça ? L’intraveineuse et une surveillance de la part des infirmières ça ne pouvait pas le faire ? Boudant légèrement alors que je garde cette pensée pour moi, je reporte mon attention sur Dani qui assure que je ne peux pas continuer comme ça. Je le sais et considère toujours ne pas avoir d’autres solutions avant la remise des diplômes. Et encore ! Il me faudra trouver une boite qui acceptera d’embaucher une bleue. Mon contrat avec Tommy devrait m’aider mais rien n’est certain. « Y a surement une solution Tess.. je peux t'aider moi.. ça me ferait même plaisir. » Là, je grimace carrément sans m’en cacher et je connais assez Dani pour savoir qu’elle avait anticipé ma réaction ainsi que la réponse qui suit : « Et tu sais que je vais refuser. Je trouve qu’on en fait déjà trop pour moi. Je peux m’en sortir, il me faut simplement tenir le coup quelques semaines et ça sera bon. » Quelques semaines après avoir survécu des années je pense que j’en suis capable, non ? « En levant le pied, promis. » Je tiens à rajouter dans un petit sourire rassurant. De toute manière, on ne va pas me lâcher avec ça. Elle, probablement Cassie, mes parents quand ils sauront et … Tommy. Bon dieu, je ne préfère même pas imaginer sa réaction lorsqu’il saure parce qu’il va le savoir, il sait toujours tout. L’entendre me dire qu’il m’avait prévenu va m’agacer parce que je serais obligée d’admettre que c’est le cas et qu’il avait raison. « Non tu ne vas pas te débarrasser de moi si facilement. S'il y a une autre personne qui déteste les hôpitaux autant que moi, c'est bien toi. D'ailleurs, je peux venir te chercher demain matin. » J’admets être rassurée d’entendre qu’elle compte rester avec moi. L’idée d’affronter une nuit seule à l’hôpital ne m’emballe pas plus que ça, que Dani reste moi jusqu’à être obligée de rentrer ça me rassure. « Oui ! Mon dieu viens à la première heure si tu peux, je veux partir d’ici au plus vite. Mais du coup, tu veux faire quoi ici ? C’est pas l’endroit où on s’éclate le plus. »

Je sais bien que me voir ici, sur ce lit d’hôpital, après avoir eu la peur de sa vie, ce n’est pas quelque chose qui plait à Dani. La brune n’a pas besoin d’ouvrir la bouche et de me le dire pour que je le devine. Ça se voit au regard inquiet qu’elle a posé sur moi à l’instant où elle est apparue dans la pièce. Evidemment que je m’en veux. Inquiéter mon entourage ne fait pas parti de mes passe-temps. J’aurais seulement aimé pouvoir tenir le coup jusqu’à être seule. Une pensée fortement stupide puisque seule j’aurais pu être dans un état pire que celui dans lequel je me trouve. Au final, cette petite coupure à l’arcade ce n’est rien de bien méchant, j’aurais pu avoir pire … bien pire. « Oui je sais très bien que tu vas refuser. Je tentais tout de même le coup parce que tu sais que je vais toujours être là. » Un petit rictus amusé parvient à étirer mes lèvres encore assez pâles après un épisode aussi éprouvant. « Et je ne te remercierai jamais assez pour ça. » Certifié-je sans me départir de mon sourire. Dani faisant partie de mes meilleures amies, je sais qu’elle ne m’abandonnera pas même si je refuse qu’elle en fasse trop. Je n’en demanderai jamais autant. « T'as plutôt intérêt de faire attention. Je suis persuadée que je ne suis pas la seule à m'inquiéter pour toi. » Cette fois, je grimace. J’en connais un qui ne doit surtout pas apprendre ce qui m’est arrivé. S’il venait à être au courant, son calme … je doute qu’il sache le garder. Etant donné le nombre de fois où il m’a dit de ralentir, de faire attention à moi, que je termine aux urgences parce que mon corps a fait un burnout se serait lui offrir l’occasion de me dire qu’il avait raison. Voire même de l’entendre m’ordonne de quitter mon job à la pizzeria. « Non, je promets de faire un peu plus attention. » J’ignore encore de quelle façon, je trouverai malgré tout. « Je vais être là, à la première heure rien que pour toi. Hmm. Tu as faim ? Je peux aller te chercher un truc à manger. Tu peux aussi te reposer un peu, si tu veux. » L’assurance de partir de l’hôpital presqu’à l’aube me rassure. Cela dit, je ne dormirai pas énormément malgré tout. Je n’aime pas cet endroit et les nombreuses visites des infirmières qui m’obligeront à émerger trop souvent. « J’ai pas spécialement faim, sans doute à cause de ça … » Dis-je en levant le bras dans lequel est enfoncée une aiguille. « Mais à vrai dire, je ne suis contre un peu d’eau. » Bouche pâteuse, gorge sèche j’ai vraiment envie de me désaltérer. Quant à la présence de Dani, elle me permet de m’occuper l’esprit, de ne pas trop m’inquiéter de la nuit à venir même si ça ne sera que pour un temps.