les nuances de vasseur ~ aria

On dit de la malchance qu’elle ne frappe jamais deux fois au même endroit. J’ignore qui a pu dire ça un jour, mais c’est complètement stupide. J’avais passée la matinée à enchaîner gaffe sur gaffe à l’école : bousculer les autres membres de ma brigade, rater la préparation d’une sauce que je travaille depuis des semaines ou encore faire tomber une assiette que je venais de dresser et qui m’aurait sans aucun doute permis de rester dans les bonnes grâces de mes professeurs après m’être aussi lamentablement faite remarquer. Ils avaient bien compris que ce n’était pas ma journée, qu’une sorte de malédiction planait autour de moi sans vouloir partir et c’est pourquoi ils m’avaient proposée d’en rester là pour aujourd’hui, de profiter de mon après-midi pour prendre un peu de repos, afin d’être opérationnelle dès demain. Comme toujours dans ce genre de situations, j’avais besoin de réconfort. Je ne pouvais pas me tourner vers Aria, déjà fort occupée, mais j’avais un plan de secours : aller faire les magasins, acheter deux-trois paires de chaussures qui me permettraient à coup sûr de renouveler une garde-robe que je trouvais, depuis quelques semaines déjà, dépassée. Ce n’était pas raisonnable, j’avais déjà suppliés mes parents de me prêter un peu d’argent la semaine passée, une somme conséquente qui n’avait pas tenue plus de deux jours sur mon compte en banque. Mais c’était tellement facile, et le simple fait de savoir que j’allais pouvoir porter de nouveaux vêtements me donnait le sourire, me permettait d’oublier tous mes autres tracas ; en bref, la vie était plus belle. Malheureusement, ces petits plaisirs que je m’autorise ne sont pas au goût de ma famille.

C’est à cette idée que je repense en ouvrant la porte d’entrée de l’immeuble dans lequel nous vivons, Aria et moi. Aria, elle sait à quoi s’attendre lorsque je fais des crises comme celle-ci. En ouvrant, elle remarquera très vite que je porte une fois de plus ses vêtements, que je suis encore à moitié maquillée, mais que je suis souriante malgré tout. Ça devrait annuler tout le reste, non ? Je l’invite à se presser pour ne pas manger froid et monte les escaliers avec elle. J’espère qu’elle ne compte pas me faire des reproches ce soir, je veux juste dîner en parlant de nos journées respectives, et finir la soirée tranquillement devant une série. Une fois rentrées, je met mes nouvelles paires de chaussures en hauteur pour le chiot, et aide Aria à enlever son sac. « Alors, tu ne m’as pas dit comment avait été ta journée ? Viens t’asseoir, ça va être froid. » Pas de plat d’exception ce soir, j’ai traînassée  et il fallait que je m’aligne avec le retour d’Aria.Mais bon, c’est quand même délicieux les pâtes au saumon, non ? J’évite de me faire remarquer, me contente de jeter un petit coup d’œil vers l’assiette d’Aria pour savoir si elle trouve ça bon, ou si elle a au moins de l’appétit. Et alors que l’heure fatidique du Skype familial approche, je repose mes couverts dans mon assiette et joint mes mains. « Alors, euh… A propos de ce dont on a parlé tout à l’heure ? Tu sais ? J’aimerai vraiment que tu ne dises rien à maman, pendant l’appel. Je vais trouver une solution. »