something lonesome about you / adrian

Assise dans son lit, les pieds en l’air, Meghan a l’impression d’avoir quitté le travail depuis des heures. Pourtant, ça ne fait qu’une heure et demi qu’elle est rentrée mais elle sent que la soirée va être longue. Elle est toute seule ce soir. Eris rentrera tard, ou peut-être pas avant demain. Elle ne peut pas appeler Leo, parce qu’il n’est pas en ville. En bref, elle ne sait pas quoi faire et le temps lui parait long. Elle n’a rien trouvé à la télé et a même considéré de faire un peu de rangement, avant d’abandonner l’idée. Elle a pris un livre sur le métier de parent, avant de le laisser tomber parce qu’elle n’était pas du tout concentrée sur ce qu’elle lisait. Elle prend son téléphone, fait défiler différents réseaux sociaux, avant d’arriver sur une publication d’Adrian. Presque par réflexe, elle arrive sur leur conversation par sms. Le dernier remonte à une semaine. Elle avait pourtant essayé de lancer la conversation, mais il était resté évasif, prétextant ne pas avoir le temps en ce moment quand elle parlait de se voir. Elle sait que les choses sont différentes depuis qu’ils ont couché ensemble, et surtout, depuis qu’elle pourrait porter son enfant, mais il lui manque. Elle tape un message, lui proposant de venir ce soir, avant de finalement l’effacer. Si elle veut le voir, elle sait que ça ne suffira pas. Il risque de se trouver une nouvelle excuse, et rien n’aura avancé. Non, si elle veut le voir, il faut qu’elle emploie les grands moyens. S’étant tout à coup trouvé une mission, elle quitte son lit, enfile ses chaussures et une veste légère, avant de sortir de chez elle. Adrian habite à quelques rues de là, alors elle décide d’y aller à pied, mais le regrette déjà à mi-chemin. Heureusement, son regard est attiré par l’enseigne d’une pizzeria. L’occasion rêvée pour faire une pause bien méritée, et pour ne pas arriver les mains vides. Il a plutôt intérêt d’être chez lui, vu tous les efforts qu’elle fait pour qu’ils puissent se parler. Mais d’après ses réseaux sociaux, il y était. Elle reconnaît bien l’appartement dans lequel ils ont souvent passé du temps. Une dizaine de minutes plus tard, elle repart avec un carton de pizza à la main et l’odeur qui s’en dégage la motive à faire le reste du chemin. Quand elle arrive finalement à la bonne adresse, elle frappe avec vigueur à la porte. Elle ne veut pas prendre le risque qu’il ne l’entende pas. Elle serait presque capable de camper devant sa porte s’il n’était pas là. Ou peut-être pas, le sol lui paraît bien inconfortable pour son corps déjà souvent soumis aux courbatures. Heureusement, la question ne se pose pas parce qu’elle entend des pas derrière la porte et que celle-ci finit par s’ouvrir. « Saluuut ! » Grand sourire aux lèvres. Elle n’est pas venue pour le disputer, mais plus pour le voir, tout simplement. Elle veut que tout se passe bien, malgré les complications. « J’ai pris ta pizza préférée, j’espère que t’as faim. » Boîte ouverte devant elle, elle tente peut-être de l’acheter en utilisant son estomac. En plus, le carton cache son ventre, ce qui n’est sans doute pas plus mal. Même s’il finira toujours par réapparaître, littéralement ou dans leurs conversations.

La situation n’a rien d’idéale, et Meghan n’en est que trop consciente. Mais elle ne peut rien y changer, juste regretter la façon dont les choses se sont passées. Pourtant, cette nuit qu’ils avaient passé ensemble ne devait rien signifier. Juste deux adultes consentants qui trouvaient un peu de plaisir l’un avec l’autre. Rien de compliqué. Rien dont ils n’auraient jamais dû reparler. Mais elle avait dû lui annoncer sa grossesse en lui expliquant qu’il pouvait être le père et depuis, tout avait changé entre eux. Pourtant, Meghan l’avait juste informé, espérant peut-être qu’il réagirait bien, qu’il accepterait les choses et l’aiderait peut-être même. Mais elle ne lui avait rien demandé explicitement. Après tout, c’était son choix à elle de garder le bébé et, malgré la peur de devoir l’élever seule, elle n’avait rien à imposer au père, peu importe qui il est. Elle accepte qu’Adrian ne soit pas prêt à l’idée de devenir papa – potentiellement. Ce qu’elle n’accepte pas, c’est qu’il l’écarte volontairement de sa vie, le privant ainsi d’un ami précieux pour elle. Même s’il ne peut – ou ne veut – pas être présent pour elle ainsi, il peut toujours être là. Elle refuse juste de le perdre pour ça. Pour un petit bout d’ADN, qui n’est même pas certain. C’est la raison pour laquelle elle se trouve sur le pas de sa porte, une pizza à la main. Pas pour l’engueuler, ou se plaindre du silence radio qu’il lui impose. Juste pour passer du temps avec un ami, essayer de recoller au moins un peu les morceaux. Ce n’est quand même pas parce qu’elle n’est pas capable de prendre une pilule correctement qu’elle doit perdre un vieil ami. Il semble étonné de la trouver là. C’était son objectif. S’imposer chez lui, c’est la meilleure façon de s’assurer qu’il ne se trouvera pas une énième excuse pour éviter de la voir. Et visiblement, sa stratégie a fonctionné, puisqu’il prend la pizza et la laisse entrer. Oui, elle le connait. Elle savait bien que la meilleure façon de l’amadouer, c’était avec de la nourriture. « Je crois que c’est une des premières choses que j’ai sues sur toi ; que tu es un goinfre. » Et c’est peu de le dire. Dès qu’elle entame un régime, il est là pour la tenter, ou bien il en profite pour manger sa part. Tout dépend de son humeur sans doute. Elle n’est pas étonnée qu’il lui propose une part – il ne va quand même pas tout manger seul – mais l’est davantage quand il aborde sa grossesse de façon détournée. « Merci de ta grande générosité. » Elle sourit avant de s’assoir autour de la table, posant son sac à main à ses pieds. « J’ai faim en plus. Ça a été dur de résister à l’odeur alors que je marchais. » Elle ouvre la boîte pour en prendre une part déjà coupée. Elle met son autre main sous la pâte, pour éviter un accident – elle se connait bien – et reporte son attention sur Adrian. « Alors quoi de neuf ? » Elle n’a vraiment pas envie de faire des reproches. S’il veut en parler, elle le laisse faire, à son rythme. Elle, tout ce qu’elle veut, c’est passer sa soirée en bonne compagnie, et avec une bonne pizza.