you’re not alone anymore (scar)

scarlet and eugenia — you have been hollow for so long, you can’t remember what it was like to be whole. but don’t be afraid, darling. having an empty heart leaves more room for the love to get in. ✻ ✻ ✻ Je commençai à ranger mon bureau cinq minutes avant la fin officielle de mon shift. Je remis mes stylos à leur place, alignés par couleur, formes et taille, refermai mes dossiers en cours pour les placer sur la pile des documents urgents à traiter et en profitai pour jeter les papiers qui ne me servaient plus. Je remis mes affaires dans mon sac à main et, durant les trois minutes qui me restaient, je jouais distraitement sur mon téléphone pour que le temps passe plus vite. Pour que le temps file. Pour que le temps cesse de s’étirer sans cesse. Puis, finalement, lorsqu’il fut six heures du soir, je quittai mon bureau, dis au revoir à mes collègues et passai la porte du precinct. Mon patron, en me voyant partir, avait haussé un sourcil mais s’était abstenu de tout commentaire, jugeant que ce n’était pas ses affaires.
Jugeant que ça ne le regardait pas.
Il était surprenant de me voir partir à l’heure, au commissariat. Depuis qu’ils m’avaient recrutée, je n’avais jamais quitté le bureau à l’heure, faisant des heures supplémentaires à tour de bras sans demander mon reste. Une part de moi voulait faire ses preuves, l’autre n’avait tout simplement pas de raison valable de rentrer.  Mais cela faisait une semaine que j’en avais une.
Mais cela faisait une semaine que Scarlet était là.
Mais cela faisait une semaine que je me précipitai à la porte lorsque sonnait la fin de mes heures.
Le trajet pour chez moi, ce trajet que je faisais tous les jours et auquel j’étais habituée, me paraissait incroyablement long tant je trépignai d’impatience. Nous avions passé deux ans loin l’une de l’autre et ces heures supplémentaires à ne pas se voir prenaient des allures de torture. Elle m’avait manqué chaque jour depuis mon départ pour New York, et ce malgré les appels vidéos journaliers que nous avions bien pu faire, malgré les messages, les lettres et les mails. Nous avions communiqué sur toutes les plateformes que nous avions bien pu trouver, nous avions parlé, encore et encore, trouvant toujours des choses à dire et ce même après s’être raconté l’intégralité de nos journées dans leur moindre détails. Et, malgré cette présence dématérialisée, malgré ces nouvelles, elle m’avait manqué. Sa présence m’avait manqué. Je m’étais sentie incroyablement seule dans le tumulte de cette communication sans égale. Je m’étais sentie incroyablement seule même lorsque je lui parlais depuis deux heures sur Skype.
Je m’étais sentie incroyablement seule, oui. Comme si j’avais bien pu sentir la moindre vague de l’Atlantique qui nous séparait entrer en collision avec mon être. Comme si j’avais bien pu sentir chaque goutte d’eau ruisseler sur ma peau.  
Je finis par arriver chez moi et comme chaque jour de la semaine où Scarlet était restée chez moi, les derniers instants dans l’ascenseur me parurent les plus longs. Une vague de soulagement me percuta lorsque je finis enfin par poser ma main sur la poignée et que j’ouvris la porte. « Il y a quelqu’un ? » demandai-je dans le couloir et je voyais Scarlet apparaître au bout. Un sourire se dessina sur mon visage et j’ouvris les bras pour qu’elle vienne me faire un câlin.  Je la serrai contre moi, sans doute un peu trop fort, sans doute avec trop de conviction, mais je peinai encore à croire qu’elle était ici, physiquement devant moi. J’avais essayé de prendre des congés lors de la présence de Scar mais, le système américain était ce qu’il était, cela s’était révélé plus difficile que prévu et je n’avais pas eu d’autres choix que d’aller travailler. J’avais été contrainte de couper la poire en deux entre ma soeur et le boulot même si, au fond, Scarlet était prioritaire. Je retirai les mitaines que j’avais sur les mains, qui me permettaient de ne pas trop abimer mes paumes à cause du fauteuil, les posai sur le meuble d’entrée et levai la tête vers ma soeur. « Tu as passé une bonne journée ? » demandai-je d’une voix douce. « Qu’est-ce que tu as fait de beau ? » Je lui adressai un petit sourire. Je culpabilisai un peu de la laisser seule. Je savais qu’elle avait des choses à faire, mais j’aurais aimé rester. Rester avec elle. Et profiter de sa présence.