i've hurt myself by hurting you. (naleya)

La matinée s’est déroulée à une vitesse folle. Après un réveil tout en douceur au côté de Naleya, je sors pour faire un petit footing et, en rentrant, je retrouve la maison vide. Je ne sais pas trop où ils sont tous, sûrement au travail pour la plupart, mais ça me permet d’avoir un petit moment pour moi seul. Je me dirige dans le salon pour poser mes affaires, sauf qu’en y arrivant, je sens que quelque chose ne va pas bien. Ça me prend d’un coup. Une sensation de mal-être m’envahit, une douleur commence subitement à se faire sentir au niveau de ma poitrine. Une douleur qui ne m’est pas inconnu, l’ayant connu pour la première fois lors de mon enfance, mais que je n’ai pas eu depuis quelques années maintenant. Surtout pas aussi forte. Une main posée par automatisme au niveau de mon cœur, je sens la crise venir de plein fouet et je m’appuie sur la table du salon avec mon autre main. Putain, pas maintenant, pas lorsque je suis seul et que je suis en incapacité de faire quoi que ce soit. Fort heureusement, dans mon malheur, je parviens à entendre la porte d’entrée s’ouvrir, suivi par la douce voix de Naleya. Elle débarque dans le salon, tout sourire, mais le perd bien vite lorsqu’elle remarque les traits grimaçant de mon visage. « Naleya... » J’halète, le souffle saccadé, les battements de mon cœur s’accélérant considérablement. « Les urgences… » Je la vois prendre son portable, appeler en panique les urgences et prononce d’elle-même mon patronyme sans que j’aie eu besoin de lui dire de le faire. Ils me connaissent là-bas, pour avoir dû intervenir bien trop de fois pendant mon adolescence. Ils sauront quoi faire et ça me rassure un peu lorsque ma coloc m’annonce que l’ambulance arrive. Des secours que je ne verrais pas arriver, puisque je m’écroule au sol dans les secondes qui suivent l’appel. Une perte de conscience, mais c’est le trou noir à présent.

@Naleya Pharrell

Elle n’avait pas grand chose de prévu ce matin et n’est pas sortie longtemps, c’est donc avant midi qu’elle rentre à la maison. Elle sait qu’Anton doit être là, du moins normalement, et si c’est bien le cas elle doute qu’il soit ailleurs que dans le salon, alors elle annonce son arrivée pour qu’il l’entende, déposant rapidement ses affaires dans l’entrée avant de le rejoindre. Mais ses sourcils se froncent quand elle le voit, il a l’air d’aller vraiment mal. “Ça va ?” Question bête, c’est visible que non et elle en prend vraiment conscience quand il lui parle des urgences. “Les urgences ?” Le stress la gagne aussitôt mais sur le coup elle ne se pose pas encore trop de questions, se contentant de faire ce qu’il lui dit de faire, parce qu’elle sent que c’est important et qu’il ne faut pas qu’elle perde de temps. Les quelques secondes qui suivent le lui confirment puisqu’un coup d’oeil ailleurs pendant l’appel et, quand elle repose le regard sur lui, elle a le coeur qui rate un battement en le voyant perdre connaissance et s’effondrer à terre. Elle tente tant bien que mal de garder son calme et va s’agenouiller près de lui, une main sur son front. Elle en a déjà vu des gens tomber dans les pommes, elle connaît les gestes et ce qu’il faut faire quand la personne reprend conscience. Le problème c’est que ce moment il n’arrive pas, qu’Anton ne se réveille pas et que là ça commence à la faire paniquer réellement. Elle a l’impression que l’ambulance met une éternité à venir, elle est perdue, impuissante, elle ne sait même pas ce qui se passe, elle ne sait pas pourquoi c’est arrivé, quelle est la gravité de son état, elle ne sait rien et c’est ce qui l’angoisse le plus, l’ignorance. L’attente aussi, et c’est ce qui marque les heures qui suivent. Dans l’ambulance on ne lui dit presque rien, mais une fois arrivés à l'hôpital on lui demande si elle est la compagne d’Anton. Son oui part spontanément, elle n’hésite même pas avant de sortir ce mensonge. A la fois parce que ça lui semble naturel et à la fois parce qu’elle sait que si elle dit non on lui donnera moins d’infos. Mais de toute façon ce qu’ils lui disent après elle ne le comprend pas, on lui parle de problèmes dont elle ignore l’existence et parmi tout ça elle se sent juste bête. Ce n’est que quand les parents du métis arrivent et qu’elle parle avec eux qu’elle peut enfin y voir plus clair. Elle ne sait pas combien de temps tout ça dure, mais c’est pendant un moment où elle se retrouve seule avec Anton dans la chambre, sa mère et son père étant sortis quelques minutes, qu’elle se rend compte qu’elle se sent épuisée. Plus moralement que physiquement. C’est comme si toute la pression retombait d’un seul coup, qu’elle réalisait seulement maintenant ce qui se passe, et elle craque. Assise sur le bord du lit elle se penche pour s’allonger à moitié et poser l’oreille contre son torse, juste au niveau de son coeur. Elle a besoin de l’entendre, de le sentir battre pour être un minimum rassurée. Et encore une fois elle n’a pas conscience du temps qui passe, mais elle sait qu’elle reste dans cette position longtemps, sans réussir à arrêter de pleurer, avant de tomber de fatigue et de s’endormir.

Elle me questionne en voyant mon état, mais je ne peux rien lui répondre. Je ne peux que me contenter de lui dire d’appeler les urgences, il n’y a que ça qu’elle puisse faire pour m’aider actuellement. Elle le fait sans demander son reste et elle a à peine le temps de m’annoncer que les secours arrivent, que je m’écroule au sol, inconscient. Je ne sais pas combien de temps ça dure, mais ça a dû être un long moment puisque, lorsque je me réveille, c’est pour le faire dans un lit d’hôpital. Fixant le plafond pendant quelques secondes, le temps de retrouver mes esprits, je sens un mouvement à mes côtés. Je tourne donc la tête pour voir de quoi il s’agit et, dans un premier temps, c’est une belle chevelure que je découvre. Je n’ai pas besoin de voir le visage de cette personne pour deviner son identité. Naleya. Mon cœur se réchauffe en la voyant là, avec moi, et en même temps, je panique un peu. « A ce que je vois, tu es réveillé Anton. » Je tourne rapidement la tête vers la porte qui s’ouvre sur mon médecin. Je lui fais signe de parler moins fort pour ne pas réveiller Naleya et il semble comprendre puisqu’en chuchotant, il ajoute : « Ta petite-amie a passé toute la nuit à ton chevet. Elle s’inquiète pour toi avec ta maladie.. » Je ne lui laisse pas le temps de finir que je le coupe dans ses propos. « Attends... Tu lui as raconté ? » Quelques minutes de silence passent tandis qu’il fronce les sourcils, captant ensuite les raisons de mon questionnement. « Bien sûr que oui, Anton, pas toi ? » Je ne dis rien face à l’air ahuri du médecin. Bien évidemment que je ne lui ai rien dit, mais il ne le savait pas lui. Il a sûrement cru que c’était le cas, particulièrement s’il pense que c’est ma petite-amie. D’ailleurs, qu'est-ce qui lui fait penser ça ? Et pourquoi moi, je n’ai pas réagis en lui rétorquant qu’elle ne l’est pas ? Je n’ai pas vraiment le temps d’y réfléchir que je sens que la belle s’agite un peu plus contre moi et pour avoir dormis un nombre incalculable de fois avec elle, je sais mieux que quiconque que ça signifie qu’elle va bientôt se réveiller. « Tu peux nous laisser, s’il te plaît ? » Je crois qu’il comprend ma demande puisqu’il se contente d’hocher la tête avant de quitter les lieux. Moi, c’est la jolie brune que j’observe pendant qu’elle émerge de son sommeil, souriant légèrement quand elle pose les yeux sur moi. « Hey, ma belle... » C’est en la dévisageant que je réalise à quel point elle semble mal en point. La fatigue se lit sur son visage et les larmes qu’elle a versées marquent aussi ce dernier. Ça me sert le cœur de comprendre qu’elle est dans cet état à cause de moi, à cause de mon palpitant et de cette foutue maladie qui me ronge. Je sais qu’elle est au courant, le médecin m’a prévenu et je sais que cette conversation tant redoutée arrivera. Ça ne m’empêche pas d’avoir envie de retarder l’échéance. Posant une main sur sa joue, je commence à doucement la caresser. « T’aurais dû t’installer dans le sofa pour dormir, ça aurait été plus confortable. » Quand bien même j’ai envie de parler d’autres choses que ma maladie, là, ce n’est pas que pour ça que je le fais. L’inquiétude qui me prend aux tripes à chaque fois que je la découvre dans un piteux état, je ne la simule pas. Je ne l’ai jamais fait. Je suis touché qu’elle soit restée à mes côtés toute la nuit, ça serait un mensonge de prétendre le contraire, mais j’aurais préféré qu’elle soit dans une position plus agréable, plus confortable.

C’est du bruit dans la chambre qui finit par la réveiller. Elle est entre le sommeil et l’éveil et n’a pas encore vraiment conscience de ce qui se passe, mais elle sait qu’il y a une voix qu’elle connait par coeur dans tout ça, un son rassurant, réconfortant. Puis les mots deviennent plus distincts dans son esprit et elle commence à entendre clairement Anton lui parler. Ses yeux s’ouvrent difficilement, elle se sent toujours aussi épuisée qu’avant de s’endormir, mais son sourire s’étire automatiquement en voyant son regard clair dans le sien. Il pose une main sur sa joue et elle pose la sienne par-dessus. Ça n’a pas duré longtemps, pourtant qu’il la touche lui a beaucoup trop manqué. L’idée que ça puisse ne plus jamais arriver a forcément traversé son esprit et ça la rend encore plus avide de ses caresses qu’elle ne l’était. Son sourire s’efface à ce qu’il dit ensuite, elle baisse les yeux vers son torse et sa main se déplace pour aller faire jouer ses doigts doucement au niveau de son coeur. “De là-bas je pouvais pas entendre ta respiration, ni sentir ton cœur battre.” Qu’importe les machines autour de lui pour lui assurer qu’il était bien en vie, elle avait besoin de ça, besoin d’être collée à lui pour aller mieux. Ce qui s’est passé à été trop dur à vivre pour elle pour qu’elle ait envie de s’éloigner ne serait-ce qu’une seconde. Elle jette un oeil à la pièce puis se redresse pour être assise au bord du lit. “Tes parents étaient là. Ils devaient revenir dans quelques minutes… enfin, c’était il y a plusieurs heures déjà ça je pense.” C’est ce qu’ils lui avaient dit quand ils étaient partis et elle pensait attendre qu’ils reviennent, mais la fatigue l’avait entraînée avant et elle ne sait pas depuis combien de temps elle dormait, elle ne sait donc pas s’ils sont revenus, quand, et quand ils vont revenir. Pendant quelques secondes elle reste silencieuse, fixant le mur devant elle. Elle ne sait pas trop quoi dire, comment engager la conversation, comment prendre toute cette situation. Puis elle se tourne à nouveau vers lui et pose la question de façon directe. Ça ne sert à rien de tourner autour du pot finalement, elle veut savoir et a besoin de ses explications, elle ne peut pas faire comme si ce n’était pas le cas, et comme si elle n’était pas un peu déçue qu’il n’ait pas voulu lui parler de sa maladie. “Pourquoi tu me l’as caché ?”

Naleya se réveille et ça me fait tellement de bien de voir son visage, ce si beau minois qui me fait autant craquer. Dans le même temps, ça me rend si mal de voir l’état dans lequel elle se trouve. Tristesse, inquiétude, peur… Tellement d’émotions qui marquent son visage et qui n’auraient jamais dû s’y situer. Elle ne devrait pas avoir à ressentir tout ça, la métisse, elle mérite que de vivre des choses joyeuses. Ma main sur sa joue, elle pose la sienne dessus et ce simple contact propage une douce chaleur dans mon corps. Je me sens tellement coupable et ça me tue littéralement d’entendre cette inquiétude dans sa voix. C’est tout ce que j’ai toujours voulu éviter avec mes proches en leur cachant cette triste vérité, celle qui fait réaliser qu’un jour ou l’autre, mon cœur cessera de battre. Doucement, je glisse contre la sienne et entremêle nos doigts. « Je vais bien, il bat. » Sauf qu’elle le sait maintenant, que ce n’est qu’une chose dites dans le but de la rassurer. Elle sait, elle est au courant qu’il pourrait arrête de battre à tout moment, que ce soit dans des années ou dans l’heure qui suit. Enfin, à priori vu tous les médicaments qu’ils m’ont refilés, ça ne devrait pas se produire aujourd’hui, mais le risque zéro est inexistant. Elle évoque mes parents et je ne fais qu’hocher la tête, comprenant ainsi qu’ils savent que je suis ici. Une autre chose que j’aurais préféré éviter, mais encore une fois, je n’ai pas le contrôle lorsque je me retrouve à l’hôpital. Et puis, le silence prend place dans la pièce. Elle ne dit rien, moi non plus. Je me contente de caresser le dos de sa main avec mon pouce, attendant qu’elle ose enfin poser la question que je redoute tant. Une interrogation qui finit par arriver. Je regarde nos mains pendant quelques instants, continuant mes caresses sur sa main, avant de lâcher un léger soupir. « C’est pas contre toi, Naleya. J’en parle à personne, t’es la première à le savoir en dehors de mes parents. C’est une histoire qui ne concerne que moi et personne d’autre. Et puis... » Je m’arrête pour tourner la tête et poser mes yeux sur elle. Discuter de ça sans la regarder n’aurait aucun sens et serait bien trop lâche. « J’avais pas prévu que notre relation évolue. » Je n’avais pas prévu qu’elle s’attache, ni que moi, je m’attache à elle. J’ai toujours fait en sorte que ça ne se produise pas avec les autres, mais cette fois, j’ai échoué. « Je suis désolé, je voulais pas que t’en souffres, tu sais ? » Est-ce que ça m’aurait fait plus de bien de réaliser qu’elle ne soit pas toucher d’apprendre pour ma maladie ? Égoïstement, je dois bien avouer que ça m’aurait déplu si ça avait été le cas, mais ce n’est pas une chose que je peux dire ça. « T’aurais jamais dû l’apprendre. » Que j’ajoute alors dans un murmure.

Ce n’est pas dans la meilleure des formes qu’elle se réveille ce jour-là, elle est même plutôt complètement à plat, et pourtant, un sourire d’Anton et ça l’aide à passer au dessus de ça, à se concentrer sur autre chose que son épuisement. Sauf qu’à part la nouvelle de la maladie de son coloc qui lui est tombée dessus violemment, difficile de se concentrer sur autre chose, et ça n’arrange pas énormément son moral. Elle aurait pu dormir mieux si elle avait été dormir dans le sofa, comme il le dit, mais elle n’a pas réussi à s’y résigner. Et ce qu’il répond ne la rassure pas vraiment. Oui, son cœur bat peut-être, mais non, il ne va pas bien. Mal à l’aise avec toute cette situation, tout ce qu’elle ressent aussi, elle se redresse. Ses jambes se balancent dans le vide, son regard est dans le vide lui aussi, pendant qu’elle réfléchit à ce qu’elle va demander ou ne pas demander. Sauf qu’au final elle sait très bien qu’elle ne pourra pas se retenir bien longtemps, alors elle le fait. Lui aussi prend son temps avant de répondre, et ses paroles entraînent un froncement de sourcils chez Naleya. Elle le laisse quand même continuer et ses dernières paroles, c’est un pincement au cœur qu’elles provoquent. Savoir qu’il avait l’intention de ne jamais lui en parler, c’est blessant. Elle tente tant bien que mal de ne pas se focaliser sur ça, parce qu’elle ne veut pas que les choses s’enveniment entre eux, pas là, et rebondit donc sur une autre des ses phrases. “Ça ne concerne pas que toi, c’est égoïste de penser ça.” Son intention n’est pas de le vexer ou de l’énerver et c’est donc d’une façon assez douce qu’elle parle, mais c’est impossible pour elle de lui cacher ce qu’elle pense vraiment. “Tes parents méritent pas que tu te battent pas après ce qu’ils ont fait pour toi.” Elle ne voit pas comment il peut ne pas penser à eux, il leur doit bien ça. Et même pour lui de toute façon, elle n’arrive pas à comprendre pourquoi il n’a pas envie de tout faire pour continuer à vivre aussi longtemps que possible. D’autres aimeraient avoir cette chance de pouvoir s’en sortir. “Tu devrais suivre ton traitement au moins pour eux.” Elle aimerait qu’il le fasse pour elle aussi, parce qu’elle ne supporterait pas de le perdre, mais ça elle n’ose pas le dire, encore moins après la phrase qu’il a sortie juste avant. Mais elle ne lui laisse cependant pas le temps de répondre avant de reprendre la parole. “Et...” Il faut qu’elle se lance, si elle ne le fait pas maintenant elle ne trouvera plus le courage après. Ce n’est pas vraiment le bon moment, mais maintenant elle doute qu’il puisse y en avoir un bientôt. De ses deux mains elle attrape celle d’Anton, se contente de la regarder et de jouer avec ses doigts quelques secondes, puis la pose sur son ventre. Son regard se tourne à nouveaux vers ses yeux clairs qu’elle aime tant, le silence dure encore un court instant, puis elle lâche enfin la fin de sa phrase, une boule dans la gorge. “Peut-être pour lui aussi.” Ce n’est vraiment pas dans ces circonstances qu’elle comptait lui annoncer être enceinte, elle aurait voulu que ça passe autrement. Elle n’aurait surtout jamais imaginé lui dire un truc comme ça un jour, mais les choses ne s’étaient pas déroulée comme prévu. Tout avait visiblement décidé de partir de travers dans sa vie en ce moment.