The truth can be hard sometimes (Meghan)

A chaque fois qu’elle doit quitter l’appartement pour un impératif, même presque un mois après la naissance d’Adelaïde, Meghan a l’impression que sa vie se transforme en véritable champ de bataille. Tout un tas de choses à penser, du retard à ne pas prendre et surtout, une pression qu’elle se met toute seule. Aujourd’hui, elles vont chez le pédiatre mais Meghan souhaite faire quelques achats avant d’y aller. Ce qui implique tout un programme. Une liste de choses à ne pas oublier, pour que tout se passe bien. A l’appartement, elle a toujours tout ce qu’il lui faut pour Adelaïde. Dehors, c’est tout de suite différent. Mais elle ne peut pas rester à l’intérieur tout le temps, et sortir prendre l’air lui fera du bien aussi. De quoi cesser de penser à tout ce qui la tracasse. Elle vérifie encore une fois qu’elle a tout ce qu’il lui faut, avant de réveiller sa fille et de la prendre dans les bras. Elle lui parle doucement alors qu’elle monte dans l’ascenseur, qui l’amène au rez-de-chaussée. Elle n’aime pas la réveiller ainsi, mais si elle veut pouvoir rentrer pas trop tard, elle n’a pas le choix. Et peut-être qu’elle va se rendormir une fois dans la poussette. Son rythme de sommeil ne devrait pas en être trop perturbé et, pour l’instant, elle reste encore à moitié endormie, contre elle. Une sensation que Meghan adore, même si elle est aussi plus lourde dans ces moments. Mais de toute façon, elle grandit, bien plus vite que Meghan y était préparée. Elle change tellement vite, et le temps passe si rapidement. De plus en plus, la kiné redoute le moment où elle devra reprendre le travail. Elle qui ne supportait pourtant pas d’être en arrêt avant la naissance et de ne rien avoir à faire. Mais avec un nouveau-né, on a toujours des choses à faire. D’ailleurs, elle ne se souvient plus si Eris ou elle sont allées voir le courrier récemment. Alors, avant de partir réellement, elle laisse la poussette dans le hall de l’immeuble, pour sortir avec ses clés et Adelaïde dans ses bras, pour aller voir la boîte aux lettres. Mais quelle n’est pas sa surprise quand, en ouvrant la porte, elle se retrouve face à face avec Adrian. Clairement, elle ne s’y attendait pas. Ses appels et sms sont restés sans réponse. Et pourtant, il est là, devant la porte de son immeuble, et ça ne peut pas être un hasard. Le temps qu’elle comprenne et assimile sa présence, elle ne répond pas immédiatement. Ce n’est que quand Adrian parle d’Adelaïde qu’elle revient à la réalité. « Je… euh oui, elle va bien. On va bien. » Elle regarde son ami dans les yeux, essayant de comprendre pourquoi il est là. Il est le père d’Adelaïde et pourtant, c’est la première fois qu’il la voit de ses propres yeux. « Ça faisait longtemps. » S’ils s’étaient vus de temps en temps avant l’accouchement, ç’avait surtout été du fait de Meghan. Là, c’est lui qui est venu. « Tu as enfin eu mes messages ? » Messages dans lesquels elle ne lui disait rien, à part qu’ils devraient se parler. Après tout, Adrian ne sait toujours pas qu’Adelaïde est bien sa fille.

D’ordinaire, voir Adrian ne relèverait pas du miracle. Avant tout ça, ils se voyaient souvent. Passaient du temps ensemble volontairement, sans avoir besoin de vraie raison. Après tout, ils sont amis depuis longtemps et n’ont jamais eu de secret l’un pour l’autre. Coucher ensemble ne devait être qu’un accident de parcours. Un moment dont ils avaient eu besoin tous les deux, mais qui ne signifiait rien. Qui ne devait rien changer à leur amitié. C’était ce qu’ils avaient décidé d’eux-mêmes le lendemain matin. Et ça aurait pu très bien fonctionner. Si cette nuit-là, il n’y avait pas eu un accident. Même si parler d’un accident pour parler de ce qui a résulté en la naissance de sa fille lui parait inapproprié. Il n’empêche que tout a changé entre Adrian et Meghan depuis qu’elle lui a annoncé sa grossesse. Et peut-être qu’aucun d’eux ne voulait vraiment imaginer la possibilité qu’il puisse être le père. Adrian est plus jeune qu’elle, moins mature aussi. Moins prêt à être père. Et pourtant, il l’est. Biologiquement du moins. C’est avec lui que sa fille partage son ADN, mais c’est tout ce qu’elle a eu pour l’instant. Malgré les nombreux appels de Meghan, elle était restée sans nouvelles d’Adrian. Et aujourd’hui, voilà qu’elle le trouve devant son immeuble, alors qu’elle s’apprête à sortir. Après lui avoir demandé comment elles vont, il prend le temps de s’excuser de son silence radio. Meghan a l’impression d’entendre beaucoup d’excuses ces temps-ci. Elle n’aurait pas imaginé qu’avoir un enfant viendrait avec tant de complications. Mais en même temps, elle n’a rien fait dans l’ordre. Enceinte soit d’un ami, soit d’un ex. Elle avait fait fort. Elle n’a aucun regret malgré tout. Il lui suffit de sentir la chaleur de sa fille contre son sein pour oublier tout ce qui ne va pas. « A force, je vais finir par croire que tu as été kidnappé ou tué et appeler la police, tu sais. » Elle plaisante, mais derrière ses paroles, elle lui en veut sans doute vraiment. Elle lui a laissé du temps, autant de temps qu’il le voulait. Mais elle voudrait au moins savoir ce qu’il veut. Même si, forcément, avec toutes ces absences, elle a une petite idée. Quand il l’interroge sur le nom de sa fille, Meghan pose son regard sur elle. Elle s’est rendormie, mais elle sait que son sommeil n’est pas profond. Elle prend juste quelques minutes de sommeil de plus. « Adelaïde. » Elle souffle son prénom, d’une voix pleine d’amour. La petite tête blonde ne bouge qu’au rythme de sa respiration et de celle de sa mère. Aussitôt qu’Adrian lui propose de porter quelque chose, elle dégage son épaule pour qu’il puisse prend le sac qu’elle a en bandoulière. Elle a pourtant laissé le plus gros à l’intérieur, avec la poussette, mais elle est toujours trop chargée. Heureusement qu’Adelaïde reste un poids plume. « J’allais juste à la boîte aux lettres, avant de sortir. » Et pour illustrer ses paroles, elle fait les quelques pas qui l’amènent devant la serrure. Finalement, il n’y a rien à l’intérieur, ce qui arrange un peu Meghan. Rien à porter en plus. « Tu veux nous accompagner un peu ? J’ai juste la poussette à l’intérieur, et on peut y aller. » Après tout, s’il est là, c’est bien pour une raison. Mais Meghan ne veut pas se mettre en retard pour autant, et remonter jusqu’à son appartement serait risqué. Même si elle a du temps avant le rendez-vous chez le pédiatre. Suivie par Adrian, elle dépose Adelaïde le plus doucement possible dans la poussette, avant de sortir à nouveau. A peine ont-ils fait quelques pas dehors, qu’elle ne résiste pas et ouvre la bouche. « Du coup… » Elle a eu le temps d’y réfléchir, mais aborder le sujet reste difficile. « Si j’ai essayé de te joindre, c’est parce que… Leo n’est pas le père d’Adelaïde. Il a fait le test et… » A-t-elle besoin de préciser davantage ? En reparler reste douloureux. Tout aurait pu être tellement plus simple. Aurait-elle retrouvé son ami si Adrian n’avait pas été le père ? Serait-elle avec Leo si c’était lui le père ? Tant de questions qui resteront sans réponse. « Mais je n’attends rien de toi. C’était mon choix de garder le bébé, pas le tien. Je voulais juste que tu sois au courant. »

L’arrivée de ce bébé avait chamboulé leur relation à tel point qu’ils ne se voyaient plus aussi souvent qu’auparavant. Une vaine tentative du jeune pour oublier un instant le pétrin dans lequel il s’était empêtré tout seul. Rien n’aurait pu changer, car cette escapade d’une nuit ne signifiait rien à leurs yeux, un plaisir partagé, les bénéfices d’une amitié qui reposait sur la confiance. Tout aurait pu être simple et rapidement oublié, mais sa grossesse avait tout fait basculer. Son existence entière risquait d’être à jamais changé par l’arrivée de sa fille. Adrian n’était pas prêt à assumer ce rôle, son immaturité donnait juste la sensation qu’il sortait de l’adolescence. Être privé de ses jambes lors de son adolescence lui avait plus que jamais brisé le cœur. Il n’avait pas pu profiter convenablement de cette période, alors aujourd’hui, il se rattrapait pour vivre à cent à l’heure, sans songer aux conséquences de ses actes. Sa liberté retrouvée, il y tenait énormément. Cela impliquait malheureusement certaines complications, des situations qui ressemblaient à de vrais sacs de nœuds. L’acceptation prenait un temps fou, celle de se dire qu’à présent, il était père, et que sous sa responsabilité, il avait une petite fille. Un être aussi fragile ne pouvait que le faire chavirer. En la voyant dormir de la sorte contre sa mère le rendait encore plus ému. Elle était de son sang, il avait donné naissance à un bébé magnifique et en bonne santé. A présent qu’elle était face à lui, il prenait conscience de sa bêtise, de sa lâcheté d’avoir disparu de la circulation aussi longtemps. La culpabilité le rongeait. Meghan devait lui en vouloir, à juste titre. Il ne l’avait pas soutenu suffisamment, agissant égoïstement. Dès maintenant, cela n’était plus que de vieux souvenirs, l’australien se voulait plus présent, en dépit de ses erreurs passées. Le chemin de la rédemption sera long mais valait bien tous ses efforts. « Tu aurais pu les appeler, pour ma lâcheté. » Répondit-il dans un sourire triste, décelant une légère amertume dans la voix de son amie. Quoi de plus normal ? Il avait disparu sans donner de nouvelles, honteux, recroquevillé sur lui-même. Il avait agi en véritable connard, fuyant la vérité. Clairement, il avait manqué de courage et de discernement. Ses opales se reposaient ensuite sur l’enfant, dormant paisiblement. A l’entente de son prénom, il ne put s’empêcher de réprimer un doux sourire, aussi doux que son regard à l’égard de sa fille. « Joli prénom, ça lui va bien. » Aussitôt qu’elle dégageait le sac de son épaule, il s’empressait de l’empoigner et le mettre à son tour sur son épaule. C’était bien la moindre des choses après autant de maladresse de sa part. « Avec plaisir oui ! » L’accompagner un peu était idéal, surtout qu’il ne venait en effet pas pour rien. Il était là pour lui faire comprendre qu’il était prêt à assumer son rôle. Il souhaitait faire partie de la vie de son enfant, en dépit de la complexité de sa naissance. Il en avait assez de fuir encore et encore, il voulait de nouveau pouvoir se voir devant un miroir sans grimacer. Retrouver une once d’estime de lui-même, bien amochée par sa couardise. Désormais installée dans la poussette, ils faisaient quelques pas. L’anglais fut devancé par la jeune femme pour briser ce silence. Ses mots ne l’étonnèrent guère tandis qu’il fronçait les sourcils, conscient de la souffrance engendrée par cette nouvelle. Il ne leur souhaitait que le bonheur, rien de plus. En tout cas, la douleur restait encore présente, difficile à digérer pour le couple qui devait à présent réparer les peaux cassées. « Je suis sincèrement désolé pour Léo et toi. Vous ne méritiez pas ça… » Il soupirait, levant les yeux au ciel afin de se donner du courage pour la suite. Il reposait ensuite son regard déterminé sur son amie. « Malgré toutes mes erreurs, j’aimerais faire partie de la vie d’Adélaïde et t’aider, si tu le veux bien. Je ne m’immiscerais pas entre toi et Léo, mais…je veux assumer mon rôle de père et arrêter de fuir. » Il avalait sa salive difficilement avant de reprendre, conscient qu’elle ne souhaitait peut-être pas tout ça. Peut-être qu’elle voulait qu’il disparaisse, mais à présent, il en était incapable.

« Je pense qu’ils sont des crimes plus importants à résoudre. Et puis tu sais que ce n’est pas mon genre. » Elle pourrait lui dire qu’il n’a pas été lâche, mais ça serait mentir. Elle pense qu’il a été un peu lâche. Meghan n’attend rien d’Adrian, mais elle voulait au moins qu’il soit au courant. C’était pour cela qu’elle avait essayé de le joindre, et non pas pour exiger une implication de sa part, ou même une aide financière. Après tout, elle connaît Adrian. Elle sait qu’il n’est pas prêt à s’engager. Et s’il n’est pas prêt à le faire en amour, pourquoi le serait-il pour un bébé ? Meghan ne le juge pas pour son choix de vie, même si elle ne le comprend pas. Ils sont différents, et ça ne les a jamais empêché d’être amis. Mais elle ne pensait pas que ça pourrait être un obstacle un jour. En même temps, elle n’a jamais pensé qu’elle pourrait avoir un enfant avec lui. Et pourtant, ils en sont là aujourd’hui. Dans la rue, avec Adelaïde, dont il vient tout juste de découvrir le prénom. Son commentaire fait plaisir à Meghan, même s’il ne pouvait pas vraiment dire le contraire sans que ça soit entièrement déplacé. Ce prénom, elle l’avait décidé avec Eris, parce que c’était elle la plus impliquée dans sa grossesse, et aussi parce qu’elle était la seule en qui elle avait entièrement confiance. Elle savait qu’elle resterait, quoiqu’il advienne. Et elle est forcée de constater qu’elle avait raison. Même si Adrian est là aujourd’hui, et accepte de les accompagner. S’il est venu, ça doit être pour discuter. S’il a arrêté de faire le mort, c’est peut-être parce qu’il a pris une décision. En tout cas, Meghan l’espère. Mais c’est elle qui prend la parole la première, lui révélant ce qu’il doit déjà savoir. Ou ce dont il devait se douter. Elle lui en donne la confirmation. Il est le père d’Adelaïde. S’il y avait eu une troisième option à un moment, celle-ci avait été effacée, et seule Eris était au courant. Maintenant, elle sait qu’Adrian est le père de sa fille, même si, au fond, elle aurait voulu qu’il en soit autrement. Et le fait que son ami compatisse lui fait plaisir. Même s’ils n’ont pas été très proches ces temps-ci, elle est touchée de voir qu’il la connait toujours. Qu’il est capable de voir que sa relation avec Leo était importante pour elle. Et elle l’est toujours, mais rien n’est plus pareil. Comprenant rapidement qu’Adrian est sérieux, Meghan ne le lâche pas du regard, alors qu’elle continue d’avancer tout doucement. Clairement, elle ne s’attendait pas à ça. Elle ne pensait pas que c’était quelque chose qu’il voudrait. Mais c’est une bonne surprise. Une très bonne surprise. Elle s’arrête, remet bien le drap sur Adelaïde, qui semble un peu plus réveillée que tout à l’heure. « Tu as vu ma chérie ? C’est ton papa. » Elle sourit face au bébé qui gazouille, avant de se redresser vers Adrian. Elle le connait assez pour savoir qu’il pense tout ce qu’il vient de dire. Il est incapable de mentir ainsi. Et encore moins à elle. « Je suis contente de t’entendre dire ça. Je pense que c’est important qu’elle ait son père dans sa vie, même si son arrivée n’était pas vraiment prévue. Mais elle est là, et je veux qu’elle ait la plus belle vie possible. » Bien sûr, elle aurait pu s’en sortir seule mais cette solution est clairement la meilleure des deux. « Et quant à s’immiscer entre Leo et moi, je ne pense pas que tu aies de souci à te faire. Enfin… on continue de se voir mais il ne s’est pas vraiment positionné par rapport à Adelaïde depuis… » Elle est interrompue par des pleurs. Visiblement, la petite fille en a marre d’être dans sa poussette. Meghan se penche en avant pour la prendre dans ses bras, et la remue un peu, ce qui la calme rapidement. « Tu veux la prendre ? » Après tout, ça semble être un bon début.

La lâcheté dont il avait fait preuve n’avait pas de mots pour lui. Il ne se pardonnerait probablement jamais d’avoir abandonné ainsi son amie Meghan, seule, durant toute sa grossesse. Elle pouvait aujourd’hui lui en vouloir, à juste titre. La jeune femme avait dû assumer seule tout ça jusqu’à maintenant et dieu seul savait si elle était bien entourée et heureusement finalement. Adrian était prêt à faire face à la vérité, sinon il ne serait pas venu la voir, il souhaitait assumer cet enfant en dépit du fait qu’il n’avait jamais désiré. Libre en amour, il s’était toujours refusé de s’engager dans des relations amoureuses et le voici père d’une petite fille. L’acceptation passée, il devait désormais prendre son rôle à cœur, s’occuper réellement de l’enfant afin de traduire ses mots en paroles. Pour sûr que le jeune Hastings risquait de faire preuve de beaucoup de maladresse. Outre sa nièce, il n’avait pas d’enfant dans sa vie. Et encore, Paige était suffisamment grande pour être indépendante. Plus de couches ni de biberon, elle mangeait presque comme les adultes. Aux mots de son amie, le brun esquissait un fin sourire amusé, il savait bien que ce n’était pas son genre. Mais il savait aussi que leur amitié avait pris un sacré coup à cause de sa réaction pitoyable. Hochant la tête de manière entendue, le cadet de la famille était ému en posant ses opales sur le bébé. Adélaïde était en parfaite santé et magnifique, comme sa mère, elle en avait hérité les beaux yeux bleus. En la scrutant un peu plus, un sourire niais venait étirer ses lèvres. Elle était sa fille. Chair de sa chair. Ce petit être n’était autre que le sien et celui de Meghan. Il ne pouvait qu’être émotif en la voyant, pour la première fois. D’aussi près du moins. Et à cet instant, il prenait conscience de sa bêtise, celle d’avoir songé ne pas faire partie de sa vie et de celle de son amie. Il était incroyablement fier de ça, d’avoir donné naissance à une aussi belle petite fille. En cet instant, Adrian faisait preuve d’une grande fragilité, l’émotion qui l’étreignait, il peinait à la gérer. Tout cela restait inédit. Son rôle de père n’était qu’à ses débuts, aussi compliqués pouvaient-ils être. Le rôle de parent ne s’apprenait pas en un seul claquement de doigts. C’était probablement le plus dur des métiers d’ailleurs. Aux mots de la jeune femme, il esquissait un plus grand sourire tandis qu’il posait ses opales sur elle. Un regard qui la remerciait de manière déguisée. Papa. Oui, c’était lui. Le nommer ainsi face au bébé qui gazouillait le rendait encore plus ému, il l’était, il était papa de la petite Adélaïde, pour le meilleur et le moins bon. « On lui donnera la plus belle vie possible avec sa maman et son papa. » Disait-il en hochant la tête, Adélaïde n’avait pas à pâtir de tout cela. Elle aura la meilleure vie possible, avec deux parents, une famille unie en dépit du fait que seule l’amitié les liait. Si la situation s’apparentait à un sac de nœuds, avec le temps, tout s’apaiserait. Chacun trouverait sa place dans cet échiquier inédit. Finalement, le sujet de son compagnon fut abordé, il refusait de s’immiscer entre eux. Il aurait aimé que tout cela n’arrive pas et que Léo soit le vrai père, mais la vérité était tombée, malheureusement. Adrian avait la sensation d’arriver un peu comme un cheveu sur la soupe. « Je vois. » Il compatissait vraiment, conscient que leur couple avait dû prendre un sacré coup dur. Léo ne devait pas savoir quel rôle avoir dans l'équation.

La petite qui se mit à pleurer l’empêcha de continuer, il fut surpris de sa question mais accepta avant de douter. « Tu crois qu’elle arrêtera de pleurer dans mes bras ? » Soudain tout penaud, il avait terriblement peur de mal faire. Peur de ne pas être à la hauteur. Mais l’envie était irrésistible. Voilà que la petite se retrouvait rapidement dans des bras d’inconnu. Le bébé ne pleurait pas, surpris, Adélaïde scrutait le visage de son père avec ses grands yeux bleus. Adrian se mettait à rire, les larmes aux yeux, l’homme était très doux. « Elle est adorable, on peut être fiers. »

Entendre tout cela de la bouche d’Adrian lui fait forcément plaisir. Elle s’était imaginée se retrouver seule avec cette petite fille, depuis le moment où elle avait appris son existence au creux de son ventre. Enfin pas tout à fait seule. Eris avait été là dès le début. Et elle savait qu’elle pourrait toujours compter sur son frère, et d’autres amis aussi. Mais être le seul parent d’un enfant, ce n’est pas la même chose. Et ça n’avait jamais été ce qu’elle avait imaginé. Pourtant, elle avait fait le choix d’avoir cet enfant, sans être sûre de rien, sans savoir de quoi leur futur, à elles deux, serait fait. Et puis, même quand elle avait cru que ça pourrait changer, rien ne s’était passé comme elle l’avait prévu. A croire que quelqu’un ou quelque chose s’était assuré que rien ne se passe comme elle le voulait initialement. Mais aujourd’hui, presque un mois après la naissance d’Adelaïde, les choses semblent rentrer dans l’ordre. Enfin s’il y a jamais eu un ordre préétabli. Adrian arrête de fuir et se montre présent. Meghan le connait depuis assez longtemps pour savoir que, s’il est là, c’est qu’il pense ce qu’il dit. S’il ne se sentait pas prêt à assumer ses responsabilités de père, elle ne l’aurait peut-être jamais revu, à moins d’un hasard du destin. Mais non, il est là maintenant, et il semble déjà se projeter. Ce qui est une bonne chose. Il est sûr de lui. « Elle le mérite. » Comme tout le monde sans doute, mais encore plus parce que c’est sa fille. Elle aurait une enfance heureuse, avec son père et sa mère présents dans sa vie. Pas dans un sens traditionnel, parce qu’ils ne formeront jamais un couple, ne se marieront jamais. Mais peut-être que c’est pour le mieux. Ils sont amis, se sont toujours bien entendu, alors Meghan a envie d’être optimiste concernant cette histoire de coparents. Meghan ne sait pas exactement ce que ça va donner, surtout si sa relation avec Leo fonctionne. Peut-être que ça sera parfois compliqué. Mais pour l’instant, elle n’a pas envie de réfléchir aux détails. Et de toute façon, toute l’attention qu’elle doit donner à Adelaïde l’en empêcherait. Justement, elle fait savoir qu’elle en a assez d’être dans la poussette, maintenant qu’elle est bien réveillée, et Meghan propose à Adrian de la prendre. Après tout, ça parait normal. « Il n’y a qu’un moyen de le savoir. » Elle sourit et lui met Adelaïde dans les bras, en prenant soin qu’elle soit bien maintenue avant de la lâcher complètement. Celle-ci ne pleure déjà plus et au lieu de ça, elle observe Adrian avec de grands yeux. Lequel semble très ému. Le moment est touchant. Si bien qu’une larme coule sur la joue de Meghan, avant même qu’elle ait pu la retenir. Ah… les hormones. « Oh oui… on peut l’être, c’est sûr. » En tout cas, elle l’est. Adelaïde est magnifique, et pas seulement parce qu’elle la regarde avec ses yeux de maman. « Comme quoi, parfois quelque chose de bien peut sortir d’une partie de jambes en l’air de réconfort. » Elle sourit, osant en plaisanter maintenant qu’ils ont résolu le problème.