we're just ordinary people (HUNTER&JAZZ)

Tu pousses la porte du bar non sans jeter un dernier coup d’œil à ta montre. Tu es en retard, pour ne pas changer. Cela en devient presque une habitude. Pour autant, c’est moins cela qui te préoccupe que le fait de peut-être manquer le happy hour. Se détendre avec quelques verres c’est bien, mais les payer moins cher c’est encore mieux. Tu as passé une partie de ta journée chez le vétérinaire, puis l’autre à faire des achats pour ton nouveau petit compagnon Boldy. Tu ne te serais jamais imaginée que cela demandait autant d’attention, un chien. Par moment, tu as presque l’impression de faire du baby-sitting h24. Pour autant, loin de toi l’idée de revenir sur ta décision d’adopter cette petite boulle de poil, car au final elle te rend bien tes petites attentions.
Tu portes longuement ton regard autour de toi à la recherche d’un visage familier. Rien. Hunter n’a visiblement pas encore pointé le bout de son nez. Tu esquisses un léger sourire. Satisfaite à l’idée d’être arrivée la première – pour une fois – tu te diriges vers le comptoir où tu t’installes sur un des sièges. Pour un lundi soir, le bar est plutôt bien fréquenté. Ton regard balaye à nouveau l’espace autour de toi. Des petits groupes se forment. Il y en a des un peu trop habillés, des un peu trop bourrés et d’autres un peu trop coincés. Ton regard se pose sur cette femme qui passe devant toi et qui parvient à peine à marcher sur ses talons aiguilles. Tu te demandes si elle a passé toute la journée comme ça. Cette pensée t’arrache un nouveau sourire. Cela te paraît tellement absurde, car tellement éloigné de toi.
Tu finis par sortir ton téléphone de ton sac exigu. Avec cette rapidité qui vient par habitude, tu pianotes ton message sur l’écran: « Aurais-tu peut-être besoin d’une carte? » Tu appuies sur Envoyer. Quitte à attendre un petit moment, tu décides de commander un cocktail. Quelque chose de simple et de léger, un peu comme ton humeur aujourd’hui.

@hunter romão

« Tonton, tu me fais un dessin ? » Je regarde mon neveu de 4 ans, puis mon demi-frère qui ricane, et soupire. Je suis nul en dessin, mais encore une fois, je ne peux pas le refuser au petit. « D’accord, mais en attendant, tu t’assois tranquillement dans le sofa. Si tu restes sage, tu auras le droit à des cookies. » Pendant qu’il s’installe, je prends une feuille en papier, un crayon et m’installe à table pour commencer à dessiner. Je tente de m’appliquer, voulant ne pas trop me ridiculiser, même si je sais qu’il sera vraiment horrible. Une fois terminée, je me dirige vers mon neveu, la feuille cachée derrière mon dos pour plus de suspens et je vois dans son regard que ça marche. Il attend de voir le résultat avec impatience et, grand sourire sur les lèvres, je lui présente enfin ce fameux dessin. « Et voilà, tonton t’as dessiné un ours ! » Je le vois froncer ses sourcils, puis pencher la tête à droite, à gauche, avant de reposer le regard sur moi. « Mais tonton, il est pas beau ton ours. » Je soupire à nouveau sous le rire de mon demi-frère. « On ne pourra pas dire qu’il raconte des balivernes, ton fils. » Pourtant, il tient toujours sa langue auprès des autres membres de la famille sur le fait qu’il me voit régulièrement, ce qui est miraculeux. Je pose alors les yeux sur ma montre et réalise l’heure qu’il est. « Mince, il faut que j’y aille. On se revoit ce week-end ? » Un mouvement approbatif de la tête de mon frère en guise de réponse, je dépose un baiser sur la tête du petit et file en direction du lieu où je dois rejoindre mon amie. J’espère qu’elle n’est pas encore arrivée et qu’elle ne m’attendra pas longtemps lorsque ça sera le cas.
Plusieurs minutes plus tard, et au moment où je passe la porte du bar, je sens une vibration dans la poche de mon jean. J’en sors mon portable et souris en voyant le nom, ainsi que le sms, qui s’affiche sur mon écran. Jazz. Je relève le regard vers le comptoir et la repère sur l’un des sièges, comme à notre habitude, en train de parler avec le barman. Sûrement pour commander son verre. Je décide donc de ne pas répondre au sms, range mon smartphone dans ma poche et me dirige vers elle. Une fois à sa hauteur, j’ouvre enfin la bouche pour lui faire remarquer mon arrivée. « Pas besoin de carte, mais merci pour la proposition, ça me touche en plein cœur. » Je parle, une main posée sur mon cœur comme pour attester mes propos, le tout avec un sourire sur les lèvres et un air amusé sur le visage. Je dépose ensuite un baiser sur sa joue, puis m’installe à ses côtés. « Ça fait longtemps que tu m’attends ? » Que je lui demande, interpellant par la suite le barman afin de demander une bière. Je n’ai clairement pas le temps de niaiser et d’en perdre plus avant de prendre un verre, il ne faudrait quand même pas que cette arrivée tardive puisse me priver de la meilleure chose des débuts de soirée : les tarifs réduits des happy hour.