See you again (poppy)

L’entendre dire que c’est ici chez elle lui fait chaud au coeur et la rassure. Savoir que sa soeur ne va pas la laisser tomber une fois de plus, forcément ça l’encourage. Quelque part, ce n’était pas totalement de sa faute, à Daisy, si elle n’a pas pu l’épauler correctement. Les rôles inversés, elle ne peut pas dire si elle aurait mieux agi. Elle aime se dire qu’elle aurait été là pour elle et qu’elle aurait tenu tête à leurs parents sans problème, mais la réalité n’est pas aussi facile, pas aussi évidente. « On va pouvoir rattraper le temps perdu. Redevenir une famille. » Elles sont soeurs avant tout, et il y a bien longtemps que Poppy ne s’est pas dit qu’elle n’était pas fille unique. Pour elle, dans son esprit, elle n’a plus de famille depuis sept ans. Là, l’espoir est à nouveau permis, et elle n’a pas envie de laisser passer sa chance. « Je comprends. » Elle a bien fait de ne pas lui dire tout de suite, Poppy n’aurait pas supporté une nouvelle déception et surtout, elle ne lui aurait sans doute pas accordé une troisième chance. Daisy a beau être sa soeur, avoir été son seul soutien et sa meilleure amie, il y a des choses qui sont quand même difficiles à pardonner. Mais bon, elle va laisser tout ça derrière elle pour pouvoir avancer. Déjà, elles font des plans pour se revoir et c’est bon signe. Daisy va notamment venir la voir chanter, quelque chose qu’elle n’assumait pas autant qu’aujourd’hui à l’époque. Mais qu’elle vienne la voir ne va pas régler grand-chose, il y a d’autres problèmes qu’il va falloir qu’elle aillent creuser plus profondément pour pouvoir les résoudre. Et même si elle voulait attendre au début, elle se sent obligée de parler de leurs parents. C’est eux le fond du problème, et si elles veulent avancer, elles doivent en parler. C’est inévitable. Pour le coup, elle est vraiment fière que sa soeur ait réussi à leur tenir tête et fasse quelque chose qui lui plaise. Elle est vraiment fière d’elle pour le coup. « Ce n’est pas une question d’intelligence, je sais que c’était pas évident. » Il ne faut qu’elle s’en veuille pour quelque chose qu’elle ne peut plus changer à présent. « Franchement je suis fière de toi, que tu aies réussi à comprendre qu’ils n’ont pas le droit de te dicter ta vie, et que tu fasses quelque chose qui te plaise aujourd’hui. » Quelque part, elle a mieux réussi ça que Poppy, et elle est très admirative. « J’ai jamais vraiment pu t’en vouloir tu sais, même si j’aurais aimé un peu de soutien, je savais que c’était pas vraiment de ta faute. J’ai toujours su comment ils étaient. T’as pas à t’en vouloir en tout cas. »

Elles en viennent très vite à parler de leurs parents. Malgré toute la bonne volonté de Poppy, elle n’a pas pu s’empêcher d’aborder le sujet. Ca lui brûlait beaucoup trop les lèvres et elle il faut bien en parler à un moment donné alors… autant crever l’abcès tout de suite. C’est douloureux sur le moment, mais après ça va mieux. Si elles laissent trop trainer, elles vont le regretter par la suite… Ca se passe mieux qu’elle l’aurait pensé, elle est contente que sa soeur ait réussi à s’échapper de leur emprise même si ça n’a pas dû être simple… Elle est très fière, et elle n’hésite pas à le lui faire savoir. Seulement, Daisy, elle s’en veut forcément, elle n’arrive pas à accepter que sa soeur ne lui en veuille pas visiblement. Elle ne cesse de se justifier encore et encore, et Poppy aimerait la couper. Ce n’est pas en ressassant qu’elles vont aller de l’avant, et elle a vraiment envie de laisser tout ça derrière elle. Maintenant qu’elle a retrouvé sa soeur, sa meilleure amie, elle se sent mieux. Bien sûr, ça n’efface rien, mais elle a décidé de la pardonner. « Arrête de t’en vouloir, c’est derrière nous. L’important c’est ce qu’il va se passer après et je compte bien rattraper le temps perdu. » Elle veut que sa soeur soit là pour les prochains moments importants dans sa vie, à défaut d’avoir pu lui tenir la main le jour où elle a accouché et elle a dû laisser partir sa fille. « J’y compte bien. » lui répond-elle avec un sourire franc sur le visage. Elle ne sait pas quand, ni si ce jour arrivera, mais elle veut que sa soeur soit présente, c’est normal. « Dans l’idéal, j’aimerais vivre de ma musique, mais je sais que c’est utopique. Déjà, j’aimerais entrer à Juiliard, c’est une école spécialisée. Mais pour ça il me faut de l’argent, et beaucoup de chance je pense. » Et du temps aussi, pour s’entrainer. Beaucoup de choses dont elle ne dispose pas. La seule qu’elle a, c’est le talent, et ça ne suffit pas toujours malheureusement. Des gens talentueux, il en existe des tas.

Elle est touchée que Daisy s’inquiète pour elle, et veuille en savoir plus. En sept ans, beaucoup de choses ont changé, et même si elles ont plus ou moins gardé contact, elles n’ont pas pu partager grand-chose. C’était trop espacé, trop court pour que ça veuille vraiment dire quelque chose. Naturellement, elle lui parle de la musique et de son rêve, irréalisable, de devenir chanteuse et d’en vivre. Elle pourrait même se contenter d’être compositrice, ou productrice. Tout ça lui plairait, mais vu sa situation actuelle, c’était fortement compromis. C’est pas si mal, serveuse. Peut-être qu’elle pourrait évoluer aussi dans cette branche, et s’y plaire. Elle aime le contact client, c’est déjà ça. « Il s’est passé beaucoup de choses en sept ans, mais j’ai toujours aimé ça. » Et comme elle est plutôt douée, autant en profiter. Entrer à Juilliard est potentiellement sa seule chance. Ou celle qui est le plus logique, en tout cas, et la plus ‘abordable’. Abordable, mais pas financièrement en tout cas, et c’est la seule chose qui la bloque. Ca possiblement la peur que, si ça ne fonctionne pas, elle se retrouve sans rien. Peut-Peut-être qu’elle se cherche des excuses, mais elle n’en a pas le courage pour le moment; Ca la terrifie. « Tu as plusieurs dizaines de milliers de dollars à me prêter ? » Elle n’est même pas sérieuse en plus, elle ne pourrait jamais demander une telle chose à sa soeur. Le pire, c’est que si elle ravalait sa fierté et appelait ses parents, ils auraient largement les moyens de lui offrir ça. Ils pourraient faire un don à l’école pour augmenter ses chances d’être prise. Mais elle ne fera jamais ça, déjà parce qu’elle a tiré un trait sur eux, et surtout parce qu’elle veut être prise parce qu’elle le mérite. « Le talent ne suffit pas toujours. » répond-elle en soupirant. Elle sourit tout de même à sa soeur. « Mais merci d’être là pour moi. Tu peux pas savoir à quel point ça me fait plaisir. » Arrivant à la fin de son plat, Poppy avale une grande gorgée d’eau. Elle est déjà repue, mais elle n’est pas contre un dessert. « Tu as bien mangé ? On prend un dessert ? »

La peur de l’échec est quelque chose qui la paralyse presque. Le manque d’argent, ce n’est qu’une excuse, mais depuis plusieurs années maintenant, elle aimerait travailler dans la musique. Pas forcément en tant que chanteuse, mais pourquoi pas en tant que productrice. Être à la tête d’une maison de disques, ça peut être intéressant. Ou composer, pourquoi pas, elle se débrouille avec plusieurs instruments donc autant en profiter et en faire profiter les autres. Les capacités, elle les a, ou en tout cas elle estime les avoir. L’argent, c’est un problème « facile » à régler. Mais si elle s’était mal jugée et qu’elle n’est pas assez douée ? Elle court droit à la catastrophe, et elle n’aura qu’une chance. Elle ne veut se lancer qu’en étant sûre. Bien sûr, elle n’ose pas l’avouer, surtout que Daisy n’est pas du tout objective avec elle. Alors elle se cache derrière l’argent, et elle n’est pas sérieuse lorsqu’elle lui demande si elle peut l’aider de ce côté-là. Elle sait très bien que ce n’est pas possible, et même si elle sait que ça ne la dérangerait pas, elle ne lui demanderait jamais une telle chose. « Ne t’en fais pas, je ne pourrais jamais te demander une telle chose de toute façon. » Et elle ne demandera jamais à ses parents non plus, même si ça pourrait être une bonne solution. Elle ne veut plus rien avoir à faire avec eux, et surtout, elle ne veut pas leur être redevable. De toute façon, pour elle, ils n’existent plus. « Bien sûr, je ne manquerai pas une occasion de prendre un dessert. Et oui, c’était excellent, mais je n’en avais jamais douté. » Ce restaurant, ce n’est pas la première fois qu’elle le fréquente. C’est bien pour ça qu’elle a invité sa soeur ici. Elle commence à feuilleter la carte des dessers et trouve très vite ce qu’elle va prendre : un flan coco, dessert typique qu’elle affectionne tout particulièrement. C’est ce moment là que choisit sa soeur pour lui poser une nouvelle question, qui reste cohérente avec le reste de leur conversation. Pourquoi Poppy, hein ? C’est très simple pour elle, logique et évident, mais ça peut ne pas l’être pour sa soeur. Elle espère que sa réponse ne la blessera pas, mais elle ne voit aucune raison de mentir. « Je ne voulais plus être la personne que j’étais avant. Je ne voulais plus être leur fille, je devenais une autre personne, plus courageuse, plus libre. Alors pour bien marquer cette ‘rupture’, j’ai déjà d’abandonner mon premier prénom et de ne répondre qu’à mon second. Poppy, c’est celle que j’ai toujours été en quelque sorte, elle était juste trop brimée pour sortir. » Elle se sent beaucoup mieux depuis qu’elle est Poppy et non plus Eliza.

Sa soeur est la gentillesse incarnée. Elle l’est peut-être plus qu’elle, alors que Poppy bat déjà des records. Bien sur qu’elle sait qu’elle l’aurait aidée financièrement si elle l’avait pu. Elle l’aurait accepté sans broncher pour ne pas la blesser et parce qu’elle en aurait franchement besoin, mais elle n’aurait jamais pu être celle qui aborde le sujet en premier. Qui lui demande de l’aide. Par fierté, mais surtout parce qu’elle se débrouille toute seule depuis sept ans et qu’elle ne veut avoir à dépendre de personne. Même si là, elle sait qu’elle a retrouvé sa soeur pour de bon. Ce déjeuner le lui a confirmé, et elle se sent mieux maintenant qu’elle a la confirmation que sa soeur va rester et ne va pas l’abandonner une nouvelle fois. Comme elles prennent un dessert, le moment ne va pas se terminer tout de suite, et même si elles en viennent à quitter le restaurant tout de suite, rien ne les empêche de continuer leur conversation ailleurs. Elles ont tant à rattraper… Evidemment, ça ne l’étonne pas qu’elle lui demande pour son prénom. Pourquoi Poppy et plus Eliza, quelles sont les différences entre celle qu’elle était avant et celle qu’elle est aujourd’hui… Ca a dû être difficile à comprendre pour sa soeur, mais pour Poppy c’est très logique et très important bien sûr. « Au fond, je suis restée la même. Je suis juste plus libre maintenant, je peux être moi-même sans craindre quoi que ce soit. Et j’aime penser que Poppy est plus forte et plus courageuse. Elle a besoin de personne pour avancer, elle ne veut dépendre de personne, ne rien devoir à qui que ce soit… » Ca lui fait bizarre de parler d’elle à la troisième personne, mais ça lui parait nécessaire pour bien tout expliquer à sa soeur. « J’espère que c’est plus clair pour toi ? » Elle a conscience que ça puisse paraitre flou, mais pour elle c’est très clair. Elle ne se sent plus du tout Eliza. Elle n’existe plus que dans l’esprit de leurs parents, et peut-être un peu dans celui de Daisy, même de Warner, elle ne sait pas trop. Mais elle n’existe bel et bien plus et ils vont devoir s’y faire.