Bom bidi bom (meghan)

Elle est de bonne humeur quand elle quitte le travail ce soir, Meghan. Elle a fini sa journée par un vieux monsieur qui fait partie de ses patients réguliers, et elle aime toujours l’écouter raconter mille-et-une histoires. Tellement de bonne humeur qu’elle n’a pas envie de rentrer tout de suite, mais plutôt d’aller faire un peu les magasins. En cette période de décembre, c’est une très bonne idée, d’autant qu’elle a du retard dans ses cadeaux. Elle n’a pas prévu de rentrer en Ecosse, mais elle enverra quand même des paquets à tout le monde, comme à chaque fois. Faire des cadeaux, Meghan adore ça. Elle note quelques idées dans son téléphone en faisant le tour des magasins, sans rien acheter encore parce qu’elle veut le meilleur. La seule exception, c’est une figurine un peu ridicule, qui représente le personnage que jouait son frère jusqu’à il y a quelques années. Un cadeau qui devrait le faire râler, d’autant que la représentation ne lui ressemble absolument pas. Elle s’achète aussi une nouvelle écharpe, et l’enroule aussitôt autour de son cou, en plus de celle qu’elle avait déjà, avant de prendre le métro pour rentrer chez elle. Là, elle balance ses chaussures au pied du lit, son manteau et ses deux écharpes sur une chaise déjà trop encombrée, et emballe du mieux qu’elle peut son cadeau. En le faisant, elle allume la télévision, met netflix et choisit un film un peu au hasard, qu’elle regarde d’un œil distrait. Ce n’est que quelques dizaines de minutes plus tard qu’elle bouge enfin, motivée par la faim. Son ventre la tire, et donc elle se lève. Un peu trop vite, si bien qu’elle a un vertige. Se stabilise pour éviter une énième chute, puis emprunte les escaliers pour rejoindre la cuisine. Elle n’est même pas surprise d’y trouver le propriétaire, Tommy, à peine habillé. A force, elle a dû s’y habituer. Comme elle aurait pu prévoir ce qu’il allait lui dire. Pas exactement, elle n’aurait pas parié sur un massage, mais il fait sans cesse des allusions. « Et puis quoi encore ? » Elle lève les yeux au ciel. Comme si elle allait accepter. Certes, Tommy est loin d’être déplaisant à regarder et peut-être serait-il un bon amant, mais ce n’est pas du tout ce qu’elle veut. Elle ouvre le frigo pour en sortir un yaourt à la pèche. Fruit qu’elle n’aime pas trop d’habitude mais depuis quelques temps, elle se surprend à en avoir de plus en plus envie. Dommage que ça ne soit pas la saison. Elle se retourne pour observer ledit genou, sans trop savoir quoi faire. En tant que médecin, elle a prêté serment et veut bien croire qu’il souffre. Être un sportif professionnel est très difficile pour le corps. Ne pourrait-elle pas mettre de l’eau dans son vin et au moins essayer de l’aider pour une fois ? Elle soupire et pose son yaourt sur la table. Elle soulève doucement le paquet de surgelés, en évitant de toucher sa peau, et fronce les sourcils. « Comment est-ce que tu fais pour marcher avec ça ? » Il doit même courir, en plus de ça. Vraiment pas une bonne idée. « Ce n’est pas de froid que ton genou a besoin mais de repos. Tu n’as pas de genouillère? »

Elle n’a pas envie d’avoir à le supporter ce soir, ça l’épuise d’avance. A chaque fois qu’ils se retrouvent seuls quelque part dans la grande maison, Tommy en profite pour faire de sous-entendus absolument pas subtils. Parfois même quand ils ne sont pas seuls. Parfois, Meghan se demande s’il n’aurait pas une clé de sa chambre pour venir sentir ses culottes et la regarder dormir. Ce qui ne la motive pas plus que ça à mettre un pyjama pour autant. Mais elle a faim, et puis en cette période de fêtes, elle peut faire un petit effort pour l’aider. « Tout dépend du patient, crois-moi. » Elle s’y connaît. Et les massages, elle en donne assez dans la journée pour en avoir marre le soir. Tommy ne risque pas d’être l’exception, puisqu’elle sait pertinemment qu’il en profiterait trop. Pour l’instant, c’est l’état de son genou qui l’inquiète. Elle s’y connaît, elle sait qu’il n’est pas en bon état. Elle sait aussi que Tommy est un sportif et ne comprend pas qu’il puisse encore marcher, ou pire, avec son genou. « Tu devrais la mettre quand tu t’entraînes aussi, ton genou serait moins sollicité comme ça. » Il serait même mieux au repos complet, mais quelque chose lui dit que Tommy ne l’écoutera pas, dans tous les cas. La preuve, il a un match ce weekend. Ça s’annonce compliqué. « Malheureusement, je ne suis pas encore devenue magicienne. Je n’ai pas de potion magique à te donner. » Elle soupire avant de regarder à nouveau son genou, pose ses doigts pour le manipuler un peu et s’arrête rapidement en entendant Tommy gémir. « Tu as encore des entraînements d’ici samedi ? Je te conseille le repos complet, pour ta jambe au moins. Et je peux te conseiller un très bon kiné. » Elle ne se propose pas, parce que ça serait insupportable, mais il en a bien besoin. Elle s’assied sur la chaise à côté de lui, pose un pied sur la chaise et reprend son yaourt. Elle a toujours faim avec tout ça. La cuiller dans la bouche, elle est perturbée par le regard de Tommy, toujours sur elle. « T’en veux un peut-être ? » Demande-t-elle en montrant le yaourt. Elle n’irait pas jusqu’à lui faire un massage mais aller lui chercher un truc à manger, pourquoi pas.

Ce n’est pas le genre de Meghan de laisser quelqu’un la mettre mal à l’aise. Ça n’a jamais été le cas. Se laisser faire ne fait pas partie de son caractère et avec les années, sa répartie s’est améliorée. Pas toujours parfaite cela dit mais en tout cas, elle peut la mettre à l’épreuve régulièrement depuis qu’elle vit avec Tommy. Non, elle n’est pas mal à l’aise quand elle est avec lui. Ou pas assez pour que ça soit visible du moins. Ça l’amuse peut-être même un peu, de devoir repousser ses avances de diverses façons à chaque fois. Enfin pour le coup, elle a presque mal pour lui quand elle voit la forme de son genou. Pour un sportif, ça n’augure rien de bon. « Pas très utile un kiné en déplacement. » Relève-t-elle. Meilleur ou pas, s’il ne peut pas le masser d’ici samedi, ça ne fera aucun effet. Enfin il a plutôt intérêt d’être bon, s’il arrive à ce que Tommy puisse continuer de courir. Meghan, ne pouvant pas faire grand-chose pour lui, décide de continuer son yaourt. Elle a faim et elle ne va quand même pas laisser son ventre protester plus longtemps. Sauf que le regard de Tommy sur elle la dérange un peu. Alors quand il lui demande une bière, chose étrange, elle va lui en chercher une. Elle aurait pu lui dire de le faire lui-même mais son genou est mieux en l’air et sous le froid. Et puis au moins, il arrête de la regarder comme ça. La bière sortie et décapsulée, elle reprend sa place et continue de manger son yaourt. Quand il fait des remarques un peu graveleuses, c’est facile de répliquer quelque chose. Quand il la regarde comme ça, c’est tout de suite plus compliqué. C’est presque troublant, surtout qu’il a un regard intense, qui lui ferait presque quelque chose au creux du ventre. Mais non, c’est qu’elle doit avoir faim, tout simplement. Elle est presque soulagée quand il reprend la parole, et qu’elle atteint le fond de son yaourt. « Deux étages avec ton genou ? Tu ferais mieux de dormir dans le canapé. » Surtout que Meghan n’est pas sûre de pouvoir beaucoup l’aider. Pas très sportive, elle va avoir du mal à le porter, ou même à le soutenir. « Et j’ai encore faim, tu vas devoir attendre un moment. » Son pot terminé, elle se lève pour ouvrir un placard au hasard, dans l’espoir de se trouver un truc à manger. C’est une pâte à tartiner qui attire son attention et elle prend du pain avant de revenir s’asseoir. « Je sais pas comment tu fais pour boire ces bières, elles n’ont aucun goût. »

« Il faut un remplaçant dans ce cas. » Peut-être en a-t-il un, mais Tommy n’est pas allé le voir. Pourtant, il en aurait bien besoin vu l’état de son genou. Son éthique professionnelle la pousserait presque à lui faire le massage qu’il réclamait, si elle n’était pas sûre et certaine qu’il en profiterait. Et ça, c’est hors de question. Elle n’a pas envie de lui donner ce qu’il veut, et elle ne compte pas non plus être gênée par la vision de lui, à peine habillé. Alors elle fait ce pour quoi elle était initialement venue dans la cuisine : elle mange. Avoir une audience est un peu perturbant. A croire que Tommy est capable de tout rendre un peu lubrique. Mais elle a tellement faim qu’elle parvient à faire abstraction. « Si tu n’écoutes pas mon avis médical, pourquoi me le demander ? » Certes, il ne l’a pas vraiment fait. Il lui a surtout demandé un massage et de l’aider à monter les escaliers. Bien sûr qu’un lit est plus confortable, mais son genou a surtout besoin de ne pas être sollicité pendant un moment. « Tu ne parviendras pas à me convaincre. Je préfère toujours une bonne bière artisanale à une bière industrielle. » Même si parfois, elle peut être surprise par un goût un peu trop fort. Mais elle est écossaise, elle est habituée à tout ça, et elle tient plutôt bien l’alcool. Ce qui a souvent tendance à surprendre les hommes. Elle termine de se faire sa tartine, mais n’a pas le temps de la prendre que Tommy la devance, croquant à pleines dents dans celle-ci. Elle le regarde, clairement surprise. Qu’est-ce qui lui prend ? « Tu pouvais demander aussi. » Elle lève les yeux au ciel, avant de prendre un autre morceau de pain. Trop tard pour celui-ci de toute façon. Sauf que, quand il se met à parler de pizza, elle sent son ventre gargouiller un peu plus. Comment peut-elle avoir aussi faim ? « C’est vrai que tu dois compter les calories toi. » Et vu son corps, il doit bien se débrouiller. Mais ça, elle ne va quand même pas le lui dire. Tartine dans une main, elle croque dedans avant de sortir son téléphone. « Celles de chez Gino sont meilleures, mais c’est plus loin donc le temps de livraison sera plus long. T’en penses quoi ? » Elle a tellement faim qu’elle accepte de partager une pizza avec lui, qu’est-ce qui lui prend ? Ses doigts pianotent sur le téléphone, pour trouver le site puis le numéro. Sauf que son téléphone décide d’être capricieux et ne cesse de fermer la page internet. « Ça ne marche jamais quand il faut. » Elle essaye bien de taper un peu sur l’appareil, et elle finit par atteindre la page souhaitée. « C’est toi qui payes par contre. » Déclare-t-elle alors que le téléphone commence à sonner.

« C’est vrai que vu comme ça... » Avec toutes les personnes qui vivent ici, les parties communes sont souvent envahies et doivent être facilement bruyantes la nuit. Meghan ne s’imagine pas dormir dans le canapé, déjà qu’elle ne raffole pas de la colocation. Il n’empêche qu’elle risque d’avoir du mal à aider Tommy à monter deux étages, raison pour laquelle elle repousse le moment. Ça, et le fait qu’elle ait vraiment faim. « Pourtant, ce n‘est pas une artisanale que tu bois. » Elles sont peut-être plus chères mais Tommy doit pouvoir se le permettre. Enfin s’il était logique, elle le saurait. Et poli aussi. Au lieu de ça, il préfère lui piquer sa tartine tout juste prête sans demander. Elle ne compte pas se battre pour ça, estimant que ça n’en vaut pas la peine. Elle a juste envie de se remplir l’estomac, et puis Tommy est dans un piteux état, elle n’a pas envie de l’enfoncer ce soir. Pas comme elle le fait d’habitude. « Je ne sais pas comment tu fais ! » Compter les calories, ou faire attention, elle déteste ça. Enfin elle fait quand même l’effort de temps en temps, quand son poids commence à grimper un peu trop. Mais ce soir, elle ne fait pas attention du tout. Elle a juste envie que son ventre arrête de grogner tout le temps. Alors l’idée d’une pizza la séduit fortement, malgré les yaourts et tartines qu’elle vient de manger. Même si ça veut dire la partager avec Tommy, pourquoi pas ? « Enfin si je choisis une comédie romantique, tu vas grogner, non ? » Non pas qu’elle compte le faire, mais elle sait qu’elle n’aura pas entièrement le choix. Pour l’instant, elle ne sait pas du tout ce qu’ils pourraient regarder, mais préfère se concentrer sur le choix de la pizza, une fois que la tonalité se fait entendre dans son oreille. Elle grimace quand Tommy parle de pepperoni, ça ne lui donne pas du tout envie. Il a raison, autant en prendre deux, surtout si c’est lui qui offre. Dans le pire des cas, les restes finiront manger à un autre moment, peut-être par un autre colocataire. Elle commande rapidement les deux pizzas, et raccroche après s’être vue annoncer qu’elles seraient là dans une demi-heure. Son ventre devrait pouvoir patienter jusque-là. « Tu vas t‘en sortir pour aller jusqu’au canapé ou tu as besoin d’aide ? » Ils ne passent pas souvent du temps, juste tous les deux, mais Meghan est plus à l’aise qu’elle l’aurait pensé. Ou peut-être est-ce surtout la perspective d’une bonne pizza. « Tu penses quoi de la science-fiction ? J’ai vu que Netflix avait sorti un nouveau film qui me tente bien. »