(meghan) please come home for christmas

Les fêtes de fin d’année commençaient lentement mais sûrement à pointer le bout de leur nez, tout comme les boutiques battaient déjà leur plein. Mais, paradoxalement, les fêtes avaient un goût assez amer pour la Cubaine qui, malgré la présence de ses proches, ne pouvait s’empêcher de broyer du noir en repensant au constat déplorable de ce qu’avait été cette année passée. Entre rupture amoureuse et vieilles plaies toujours ouvertes, boulots alimentaires sans aucune perspective d’avenir et une multitude de rendez-vous médicaux, autant dire que ces douze derniers mois n’avaient pas été faciles pour elle, au contraire : d’ordre général, elle trouvait sa vie bien plus pénible depuis son accident, comme si le mauvais sort s’acharnait contre elle.

Mais elle ne pouvait pas se laisser abattre pour autant, elle avait des proches à contenter avec son maigre salaire, des décorations à acheter et elle comptait bien mettre du cœur à la tâche, dans l’ambiance de festivités qu’elle n’avait pas connues depuis maintenant deux ans. Robin ne savait pas vraiment par où commencer, alors elle essaya de penser très fort à tous les lieux gravés dans sa mémoire à New York qui pourraient lui permettre de trouver guirlandes, boules, papier cadeau et autre . Étrangement, c’est le Kings Plaza qui lui apparut en premier. Quoi que pas si étrangement, en y repensant : c’est là-bas qu’elle avait fait ses emplettes, la dernière fois qu’elle avait fêté Noël, et aussi la boutique où elle se rendait avec son âme sœur de l’époque, Meghan. Les choses entre elles deux ne s’étaient pas terminées comme Robin l’espérait, et elle se souvenait surtout des cris des derniers instants et du bruit du verre cassé dans la cuisine. C’est par des petits souvenirs comme ça qu’elle se rappelait les quelques semaines qui avaient précédées son accident, et autant dire que ce souvenir là était particulièrement facile à se remémorer. Ah, ça, les choses auraient été beaucoup plus faciles si Meghan était toujours là, si Robin avait au moins eue la chance de pouvoir lui parler après son réveil. Elle savait qu’elle était passée, qu’elle lui avait rendue visite. Pourquoi était-elle venue ? Combien de fois ? Et pourquoi est-ce qu’elle était disparue après ça, comme si elle brouillait les pistes ? La Cubaine avait bien essayée d’entrer en contact avec son ex, mais sans succès : numéro de téléphone non-attribué, changement d’adresse… il ne restait plus rien de Meghan.

Elle arriva au Kings Plaza vers dix-sept heures, histoire d’éviter le plus gros de la foule et de pouvoir rentrer assez tôt pour profiter de sa soirée. Une fois devant la fameuse boutique, qui eue pour premier effet de lui glacer le sang, Robin tira ses écouteurs de ses oreilles pour profiter des musiques de Noël que passaient les enceintes. Comme s’il s’agissait d’un vieux monument, elle ressentait le besoin de s’imprégner de l’ambiance de la boutique, déjà assez vide à cette heure-ci. Elle fit un premier tour des rayons, en jetant un rapide coup d’œil aux décorations et en songeant à la palette de couleurs qu’allait adopter son sapin cette année. Une chose est sûre, ce ne sera certainement pas du blanc hôpital. Il y avait bien cette guirlande de lumière dorée qui lui faisait de l’œil, mais ce n’est pas sa petite taille qui allait l’aider à l’atteindre. Alors, elle préféra demander à la cliente à sa droite de lui prêter main forte.

- Dites, excusez-moi. Ça vous dérangerai de m’attraper la… Meghan ?

Elle resta bouche-bée, comme si elle venait de voir un fantôme – et c’était plus ou moins le cas. Elle avait beaucoup de questions à lui poser, mais elle ne savait pas encore si elle pourrait avoir ses réponses. Alors, comme si tout le monde la regardait, elle jeta un œil autour d’elle avant de nerveusement se frotter l’épaule et demander :

- Est-ce qu’on peut discuter ? S’il te plaît ?

Elle s’était calé ce moment depuis déjà quelques semaines. Elle court souvent après le temps, entre le travail et sa vie de maman. Et forcément, le mois de décembre fait toujours partie des plus remplis pour elle, parce qu’elle a trop de choses à penser. Organiser son voyage vers le Canada, décorer et surtout préparer les cadeaux. Elle s’était organisée pour pouvoir tout faire en une après-midi, en préparant assez longtemps à l’avance sa liste pour ne rien laisser au hasard. Elle n’a pas le temps de chiner dans les magasins à la recherche du cadeau parfait. Si elle en a commandé certains sur internet, qui devraient bientôt arriver, elle est obligée d’aller en magasin pour certains. Alors elle avait prévu de le faire aujourd’hui, avait demandé à son frère de garder Adelaïde et avait sa liste entièrement remplie. Jusqu’à ce que son frère l’appelle, ce matin, pour lui dire qu’il ne pourrait pas finalement, parce qu’il était appelé au travail. Ce qui était le cas d’Eris également, et la nourrice a besoin d’être prévenue à l’avance pour les weekends. Annuler ou y aller quand même. La question avait stressé Meghan, mais elle avait tout de même décidé d’y aller. Sinon elle ne sait pas quand elle pourra y aller. Et plus elle repousse, plus il y aura de monde dans les magasins, ce qu’elle n’aime pas, forcément. Equipée de la poussette avec tout ce qu’il faut pour une sortie, elle décide de prendre Adelaïde en écharpe contre elle pour l’instant, ce qui sera plus simple pour le bus. Parce que, forcément, le magasin où elle veut à tout prix aller parce qu’elle sait qu’elle y trouvera tout ce qui lui faut, ou presque, n’est pas juste à côté de chez elle. Ça serait trop simple sinon. Elle se souvient qu’avant, le trajet ne la dérangeait pas. Sans doute parce qu’elle y allait avec Robin. Elles discutaient pendant tout le voyage et elle ne le voyait même pas passer. Là, elle somnole un peu, bercée par la respiration régulière de sa fille contre son cœur. Elle arrive finalement et pousse dans les allées du centre commercial la poussette vide, qui ne le restera sans doute pas. Bien pratique pour transporter des sacs. Ou bien elle finira par y mettre Adelaïde selon l’état de fatigue de son dos. Elle arrive rapidement dans son magasin fétiche, sourit à la vendeuse qu’elle ne connait pourtant pas. Elle ne doit pas travailler là depuis longtemps. Sinon elle la connaitrait, vu le temps qu’elle y passait avec Robin. C’est fou comme ce lieu peut lui rappeler des souvenirs. Si elle ne l’aimait pas autant et n’était pas certaine d’y trouver tous les cadeaux qu’elle veut, elle n’y serait sans doute pas venue. Elle fait un premier rayon, trouvant facilement le premier item sur sa liste. Elle jette un coup d’œil à sa fille, qui dort contre elle, puis continue son exploration. Le deuxième cadeau semble plus compliqué à trouver. Elle avait prévu de le prendre en rouge, mais elle ne le trouve pas. Elle va pourtant chercher au fond de l’étagère, tout en prenant soin de ne pas faire de gestes trop brusques. Finalement, elle le trouve de la bonne couleur et l’ajoute dans son caddie improvisé quand une voix l’interpelle. Elle se retourne, pour être aussi surprise que la personne en question. Robin. Si elle s’y attendait. Aux dernières nouvelles, elle était dans le coma. Meghan n’avait pas eu vent de la suite. Elle la dévisage, comme si elle risquait de disparaitre à tout instant, avant de finalement se reprendre. « Je… euh… oui, bien sûr. » Pourquoi ne pourraient-elles pas discuter ? Certes, elles n’étaient pas restées en bons termes après leur rupture. Ou restées en contact du tout, en fait. Mais Meghan était allée la voir dans sa chambre d’hôpital, sans rien pouvoir faire pour l’aider. « Tu veux quand même que je t’aide ? Remarque, je ne suis pas sûre d’être beaucoup plus grande que toi. » Surtout qu’avec Adelaïde contre elle, elle n’a pas toutes ses forces. Mais peu importe au fond. « Tu vas mieux alors. » Souffle-t-elle, avant de poser une main dans le dos de sa fille. Elle sait que rien ne sera plus jamais pareil, mais elle est heureuse de la voir en bonne santé.