kill 'em with kindness / tessie & wyommy

Je boude. Non pas parce que je suis chiante mais … d’accord, peut-être un peu en fait. Penchée au-dessus de mes cours éparpillés partout sur mon lit, j’essaye de faire entrer le tas d’informations dans ma petite tête depuis que j’ai ouvert les yeux ce matin. Les examens arrivent, du genre dès la semaine prochaine, et si je veux être certaine de réussir mon année et d’enfin en terminer avec tout ça, je dois vraiment tout faire pour réussir. L’échec est hors de question et je pourrais me reposer une fois les vacances de printemps là. En attendant, je dois bosser. Du moins, je voulais le faire jusqu’à recevoir un message de Tommy me suppliant de passer plus tôt chez lui. Pas pour qu’on s’occupe de certains contrats que je dois lui faire signer, mais bien pour que je veille sur Cassie, apparemment malade – ce qui me permettra aussi d’être là dès qu’il reviendra chez lui. C’est pour ça que je boude la tête en arrière, mon regard fixant le plafond. Je ne peux pas lui dire non, je ne suis pas un monstre, alors je range mes affaires, les met dans mon sac – je pourrais toujours réviser chez lui – et m’empresse d’aller me préparer. Puisque les températures n’ont toujours pas atteint des chiffres que j’estime corrects, je m’emmitoufle autant que possible et gagne la bouche de métro la plus proche. Je profite du trajet pour relire ces papiers que je dois faire signer à Tommy ce soir pour être certaine que rien ne m’a échappé puis je sors et presse le pas vers sa maison. L’air froid me ronge la peau, mes yeux pleurent et je maudis l’hiver tout en sonnant à la porte qui s’ouvre sur une Cassie pâle. « Ah oui je comprends mieux maintenant. » Premiers mots qui franchissent le seuil de ma bouche. Je fais une moue et, rapidement, pause le dos de ma main sur son front. « Au moins tu n’as pas de fièvre. Allez Cassie, on va s’occuper de toi bien au chaud. » Mon bras passe sous le sien et je l’entraîne à l’intérieur tout en fermant la porte à l’aide d’un petit coup de pied. « Tommy m’a demandé de veiller sur toi parce que ton copain ne semblait pas particulièrement ravi de te laisser toute seule. Donc je ne te demande pas comment tu te sens. Assieds-toi, je vais te préparer un thé … » J’enchaîne en la forçant à poser ses fesses sur le canapé. Puis je m’arrête, sourcils froncés. « T’aime le thé au moins ? » Cassie, je la connais uniquement parce que je passe autant de temps qu’elle ici – ou presque. Je sais que je l’apprécie beaucoup et qu’elle mérite d’être connue, mais ça s’arrête là. Nous n’avons pas vraiment eu le temps de faire plus amples connaissances à chaque fois. C’est sans doute l’occasion de changer ça.

« Tessa ?! » Sa surprise se lit partout sur son visage. Évidemment, personne n’a pris la peine de la prévenir de mon arrivée. Comme si c’était une surprise à lui faire. Cassie, elle a surtout la tête de la fille qui voudrait mourir en paix sous sa couette. Étant moi-même insupportable lorsque je suis malade, je ne peux que comprendre. Et puisque je n’ai pas envie qu’elle soit d’autant plus malade avec le froid qui fait à l’extérieur, je m’empresse de la ramener dans le salon en lui expliquant la raison de ma présence ici. Les hommes ne savent pas communiquer, voilà qui est un fait. « Évidemment que je suis obligée ! » Je réplique une fois la brune assise et mon sac trop lourd posé par terre. Je lui adresse un sourire compatissant en voyant à quel point elle est mal au point. « Non seulement je ne pouvais pas te laisser seule en sachant que tu vas mal, mais en plus de ça j’en connais un qui m’aurait remonté sévèrement les bretelles si j’avais refusé. » Je continue en levant les yeux au ciel. Non pas que j’ai peur de Tommy et de ses sermons, mais si je peux les éviter je le fais. Maintenant, je dois m’assurer qu’elle s’hydrate et qu’elle soit bien au chaud et pour ça, rien de mieux qu’un thé. « Oui, j’adore ça. Mais je suis pas certaine que mon ventre supporte ça. » Rassurée, je grimace toutefois assez vite en imaginant sans peine la jeune femme incapable de garder quoi que ce soit dans son estomac. Il n’y a qu’à voir à quel point Cassie est faible pour le comprendre. Elle doit essayer cependant, c’est important de rester hydrater et les herbes d’une bonne infusion peuvent lui faire du bien. « Ah mais je ne veux rien savoir, ton estomac il va être gentil et il va pas faire le difficile. Je vais même te faire une infusion, il faut qu’on te remette sur pieds. » J’agite vivement la tête en espérant simplement que la cuisine de cette maison possède ce dont j’ai besoin. Étant donné le nombre de personnes qui vit sous ce toit, je serais surprise de ne rien trouver. « Bouge pas. » Je lui ordonne d’une voix mi-autoritaire, mi-douce. Comme une main. La cuisine, je la connais par cœur pour des tas de raisons dont certaines auxquelles je préfère ne pas penser immédiatement. Je fouille dans les placards, trouve en effet de quoi faire une infusion et mets aussitôt l’eau à chauffer tandis que je sors mon portable de mon jean pour informer monsieur le propriétaire que je fais sagement mon devoir.

« Je vous trouve mignon » Mes joues s’empourprent aussitôt le compliment fait. Je me dis que c’est avant tout parce que je suis parvenue à me convaincre qu’il n’y a rien de mignon dans notre relation, hormis notre amitié bien sûr. Sauf que je connais Cassie un minimum pour savoir ce qu’elle implique par-là. Ça ne me met pas mal à l’aise, il m’en faut plus que ça, mais tout de même. « Y a vraiment pas de quoi. » J’insiste pour finalement me préoccuper plus de la brune que de ce qu’elle insinue. Je veille à ce qu’elle soit confortablement installée sur le canapé, lui réponds d’un mouvement du chef lorsqu’elle me remercie et file droit dans la cuisine. Messages échangés avec monsieur Matthews et ça se termine par la certitude qu’il saura me remercier comme il se doit pour avoir aidé. Ça aussi ça me fait rougir et me donne quasiment aussi chaud que la bouilloire qui siffle sur le feu que je coupe. J’attrape deux tasses, pose les sachets de tisane sur un plateau, rajoute cuillères et sucre avant de retourner dans le salon où Cassie semble de plus en plus mal au point. Je fronce les sourcils, pas certaine de vraiment apprécier ça. « Tu n’avais rien d’important à faire au moins ? » Me questionne-t-elle alors que je verse l’eau chaude dans une tasse puis dans la seconde et lui en tend une. « Quelques révisions, mais j’ai apporté ça avec moi. Ce n’est pas un problème, de toute manière je devais passer ce soir, je suis là plus tôt c’est tout. » Affirmé-je en haussant les épaules pour ensuite m’installer à ses côtés, mes jambes sous mes fesses. « T’es certaine de ne pas vouloir voir un médecin ? Je te trouve quand même très pâle et t’as l’air de souffrir, ça ne me plait pas trop. » Parfois même une simple petite maladie ne doit pas être prise à la légère et Cassie, elle a réellement l’air mal au point. Je comprends que son petit ami ainsi que Tommy se soient inquiétés à ce point pour elle. C’est aussi mon cas et si ça ne s’arrange pas je serais bien forcée de la traîner chez un médecin voire aux urgences. Mieux vaut prévenir que guérir après tout.

Je n’ai pas besoin d’être télépathe pour comprendre que Cassie essaye de me faire passer un message, mais je me ferme volontairement à ses insinuations. Je n’ai pas envie de les entendre ni même d’y croire. A la place, je me focalise sur la raison de ma présence ici. Cassie a besoin qu’on la surveille et quelque chose me dit qu’elle a même besoin de voir un expert. Si jamais elle est vraiment malade, que ça s’empire, je serais capable de l’emmener aux urgences, mais j’aimerais éviter ce scénario. « Si tu veux aller réviser, va y hein. Ça va… » Petit sourire aux lèvres, je bois une gorgée de thé et grimace lorsqu’il me brûle la langue. Beaucoup trop chaud pour moi qui l’aime tiède. Je repose ma tasse sur le plateau et reprends place comme il faut sur le canapé. « Je réviserai tout à l’heure, je vais attendre que t’es avalée et ça. Probablement que tu te sois endormie aussi. » Qu’elle se sente mieux en d’autres termes. Elle a besoin de forces et de repos, ce qui est souvent nécessaire pour combattre la malade, cela dit mon inquiétude l’emportant sur le reste, je ne peux m’empêcher de lui demander si elle est certaine de ne pas vouloir voir quelqu’un. « Je sais pas…j’ai surtout l’impression que mon corps me dit fuck aujourd’hui. Le fait que j’arrive rien à avaler ne doit pas aider. », « C’est un très gros fuck je dirais … » Je soupire. De toute manière, je ne peux pas la forcer à aller quelque part où elle ne veut pas aller, donc je me contente de l’observer ce qu’elle remarque vite. « Ca va, j’ai… » Sans même terminer sa phrase, elle se plie en deux, lâche sa tasse. Ce n’est pas ce qui m’inquiète. Non, c’est de la voir souffrir si brutalement que mon cœur s’emballe. Redressée d’un coup, j’attrape son visage pour l’obliger à me regarder. « Respire, Cassie … » Je lui demande mais la douleur semble être insupportable. Finalement, mon scénario catastrophe semble se mettre en marche. « Bon laisse tomber, je t’emmène à l’hôpital. » Dis-je en m’empressant de remettre mes chaussures. Disparaissant cinq minutes de l’entrée, j’attrape mon manteau et n’importe lequel pour Cassie vers qui je reviens. Je l’aide à se lever et à enfiler le manteau avant de prendre mon portable et mon sac. « J’appellerai Wyatt une fois aux urgences. » Elle peut râler autant qu’elle veut, je ne lui laisse pas le choix, claque la porte de la maison derrière nous – impossible d’entrer sans les clés – et me dirige vers la Dodge de Tommy en espérant qu’il ne me tue pas de l’ emprunter. Cassie installée, je prends place derrière le volant. « Meurs pas s’il te plait, je m’en voudrais toute ma vie sinon. » Je l’implore en démarrant et quittant l’aller à toute vitesse.

« Je vais pas mourir… » Elle a plutôt intérêt, oui ! Comment je pourrais expliquer ça à son petit ami ? Le mieux serait que j’évite de nous tuer toutes les deux, seulement je n’arrive pas à faire autrement qu’accélérer en la voyant se plier en deux sur son siège. Une chance pour moi que cette voiture soit un véritable petit bijou. Rapide et facile à conduire, je me faufile parmi la circulation sans le moindre problème. Je passe un grand nombre de feux oranges en priant à chaque fois pour que le prochain ne soit pas rouge. L’hôpital n’est pas très loin et malgré ça c’est comme s’il était à l’autre bout de la planète. « Tessa… » Sans avoir le temps de regarder vers elle, je pile en voyant le feu passer au rouge. Fais chier ! Ça me laisse néanmoins le temps de regarder Cassie en panique. « Je… » Je suis son regard qui descend sur son pyjama et je peste entre mes lèvres. Ça, je doute que ça soit normal et j’ai comme une mauvaise sensation qui grandit en moi. « Wyatt et toi … vous n’auriez pas gardé pour vous une grossesse ? Parce que si c’est le cas, autant que je le sache avant qu’on arrive aux urgences. » Qu’est-ce qui me garantit qu’ils n’ont pas gardé ça pour eux le temps d’être sûrs et qu’elle n’est pas en train de faire une fausse couche ? Ce serait tout à fait possible, surtout maintenant que je pense aux symptômes. Le feu à peine passer au vert, j’accélère comme une malade, voit enfin l’immense parking de l’hôpital mais prends la direction des urgences devant lesquelles je m’arrête en faisant crisser les pneus sur le bitume. Ceinture détachée, je cours ouvrir la porte de Cassie alors que mon arrivée bruyante semble attirer l’attention d’infirmiers. « Parfait, elle a besoin d’aide et vite ! » Grogné-je en aidant Cassie à sortir. J’entends qu’on demande un fauteuil qui arrive à une vitesse surprenante, les infirmiers m’assurant qu’ils vont s’occuper d’elle. Mais hors de question que je la laisse seule. Je claque la porte, verrouille la voiture et entre en courant. « Vous êtes de la famille ? » Me demande-t-on en m’empêchant de rejoindre Cassie. Mon regard tombe sur une jeune femme pas bien plus vieille que moi et je grimace. « Une amie … », « Vous allez devoir attendre ici alors s’il vous plait. » Elle me fait reculer, m’indique la salle d’attente pleine à craquer et repars. En clair, je n’ai pas le choix et je me tais. C’est à ce moment que je réalise que la Dodge va gêner et que mécaniquement je vais la garer plus loin avant de me mettre à trembler comme une folle avant d’appeler la première personne à laquelle je pense. « Faut que tu viennes à l’hôpital. » Je souffle dès qu’il a décroché.