count on me (logan)

« On fera les essayages du costume demain, je pense qu’il va falloir quelques réajustements. » Les yeux de Mary, costumière et styliste de la série, descendent de ma tête à mes pieds puis inversement. Ça me fait doucement sourire pour avoir l’habitude de surprendre par ma taille. Un bon mètre quatre-vingt-onze ça surprend toujours et je ne suis pas étonné que ce qu’elle avait imaginé pour le costume que je vais parfois devoir porter sur la série ne soit pas bon. « Je serais là à la première heure, c’est promis. » De toute manière, je n’ai pas mieux à faire. Actuellement ma vie c’est venir ici même pour préparer les prochains jours de tournage, essayer tous les vêtements que j’aurais à porter avec les accessoires et me rendre à la salle de sport. Entre tout ça je parviens à prendre des nouvelles de mes proches mais je me vide la tête en me focalisant sur mon travail et le sport sans abuser de ce dernier. C’est un bon moyen de ne pas penser que mon entêtement et ma dépression ont fait voler en éclats mon mariage et que je ne me suis même pas battu pour la garde de mon petit garçon. Mary m’adresse un sourire, tapote mon bras et disparaît. Un coup d’œil à mon smartphone m’informe que ma sœur m’a envoyé un message. Une réponse à mon "bonne journée" d’il y a quelques heures mais ce n’est pas ce qui explique que je fixe l’écran de mon portable. Elle compte rester chez elle aujourd’hui. Pas plus d’explications. Nous avons grandi ensemble et Alexys, je la connais par cœur. C’est tellement le cas que son message signifie clairement que quelque chose ne va pas. Sans lui répondre, j’attrape ma veste, salue les quelques collègues en train de discuter et file en direction de la prochaine bouche de métro la plus proche. Il me faut une dizaine de minutes, peut-être un peu plus, pour relier Manhattan où se trouve les plateaux de tournage à l’ouest de Williamsburg. Le col de ma veste rabattu de sorte à pour me cacher du vent encore un peu frais, je slalome entre les piétons jusqu’à gagner l’immeuble où vit ma cadette. Pas besoin d’utiliser l’interphone, je connais bien assez le code pour déverrouiller la porte et gagner l’étage auquel elle vit. La porte 1 223 atteinte, là j’ai tout de même la décence de sonner et alors qu’elle apparaît, visiblement tracassée par quelques choses, mes yeux se plissent. « Si tu pensais éviter un interrogatoire avec ton petit message, c’est que tu me connais mal et je vais en être vexé. » Je déclare sans cesser de la fixer. Puis, un petit sourire nait au coin de mes lèvres. Je m’approche assez pour pouvoir passer mon bras autour de ses épaules afin de l’amener contre moi et d’embrasser sa tempe. « Allez, laisse-moi rentrer et dis-moi ce qui te tracasse Lex. » De toute manière je ne compte pas partir d’ici. Je resterais sur son palier aussi longtemps qu’il le faudra mais elle va me parler, c’est une certitude.

Je suis loin, très loin de me considérer comme un modèle à suivre. Protecteur, certes, mais pour le reste j’ai toujours fait comprendre à mes sœurs de ne pas suivre mes pas. J’ai fait pas mal de conneries dans ma jeunesse et même plus récemment. La perfection, ce n’est clairement pas moi mais ça ne veut pas dire que je suis un piètre grand frère. Présent aussi souvent que je le peux pour ma fratrie, qu’importe les tensions qui peuvent régner entre nous, je serais là pour soutenir chacun d’entre eux, y compris ceux avec qui je ne partage pas le même sang. Alexys c’est différent. Probablement aussi différent que ça l’est avec notre petite sœur mais elle est plus encore. J’avais huit ans la première fois que je l’ai rencontré et je me souviens avoir toujours eu peur de lui faire du mal et de la casser. Dès sa venue au monde, alors qu’elle était toute petite, je me suis promis que rien ni personne ne lui ferait du mal à moins de vouloir subir ma colère. Qu’elle m’informe qu’elle ne compte pas se rendre à un travail que je sais qu’elle affectionne, ça me semble tout de suite louche. Je connais ma cadette par cœur, ça veut forcément dire que quelque chose ne va pas. En revanche, j’ignore si elle aura envie de me voir. Tant pis. Je me retrouve devant la porte de son appartement assez vite et tout aussi vite celle-ci s’ouvre sur la blonde. « Je te connais très bien au contraire, j'avais peut-être envie de voir mon grand frère aussi... » Sur le coup, je ne fais pas attention à son visage. Je m’empresse de la prendre dans mes bras et de sourire à sa réplique. « Si c’était vraiment le cas tu l’aurais simplement dit. » Je ne suis pas dupe. Il y a quelque chose qui ne va pas. Je l’ai deviné et je le sens à la façon qu’elle a de me serrer un peu plus contre elle. Comme pour trouver du réconfort dans mes bras. « Y a rien… je vais bien… » Eloigner d’elle uniquement pour me permettre d’observer son visage, c’est là que je vois qu’elle a pleuré. Mes sourcils se froncent et mon regard devient un peu plus sévère. « Dis ça à tes yeux, Alexys. T’as pleuré … tu vas me déballer ce qui se passe, je ne partirai pas tant que je ne saurais pas. » Et elle sait que je suis très sérieux. Borné comme pas possible, il n’est pas question que je rentre chez moi sans savoir ce qui ne va pas et lui avoir remonté le moral.

L’entêtement est de famille, il n’y a pas de doute à avoir là-dessus. Les Winston sont bornés parfois même un peu trop fiers, du moins pour ce qui est des hommes. De moi … même si mon père n’est guère mieux lorsqu’il s’y met. Alexys me connaît depuis toujours, elle sait quel est mon caractère et que, par conséquent, il n’est pas question que je parte de chez elle sans avoir une explication que je jugerai convenable. Si j’ai fait tout ce chemin c’est parce que je m’inquiète. Manquer un jour de travail et surtout ne pas me donner d’explications, ça lui ressemble si peu. Il y a forcément anguille sous roche et en tant que grand frère un peu trop protecteur, je dois savoir ce qu’il se passe. Remarquer en plus de ça qu’elle a pleuré suffit à me convaincre de la forcer à parler. Ça lui fera du bien en plus de ça. Si elle veut pleurer un peu plus, vider totalement son sac, je suis l’homme de la situation. Oreille attentive, épaule sur laquelle pleurer et celui qui séchera ses larmes, je peux tout être pour ma petite sœur. « C'est exactement ce que je suis en train de te dire.. j'avais envie de te voir tout simplement.. » Mes sourcils se froncent. Je n’en crois pas un mot. Ce n’est pas vrai et je le sais très bien. « J'ai pas pleuré, je commence à faire des allergies tu sauras. » Tout dans son regard m’indique que ces larmes ont été versées par tristesse et non pas à cause d’une quelconque allergie qu’elle vient de s’inventer. « Continues et tu vas finir par me sortir que c’est à moi que tu es allergique. » Râlé-je, ma cadette dans mes bras. Elle a besoin de réconfort, je lui en donne. Même si je m’inquiète, je tiens d’abord à ce qu’elle aille mieux, elle déballera ce qu’elle aura à déballer après ce petit câlin. « Tu promets de pas t'énerver si je te raconte tout ? » Là, je m’inquiète un peu plus. Décalé seulement de sorte à pouvoir poser mon regard sur Alexys, je lui adresse ce qui me semble être un sourire rassurant. « Tu sais très bien que je ne sais pas être vraiment en colère contre toi. Mais oui, je te promets de ne pas m’énerver. » Assuré-je en me séparant définitivement d’elle afin de l’entraîner dans son salon où je m’assois avec elle sur le canapé. Ça sera tout de même mieux que de discuter sur le pas de sa porte. « Maintenant dis-moi tout jeune fille. Pour quelles raisons ça ne va pas ? » La questionné-je doucement. Je ne sais pas à quoi m’attendre, peut-être au pire puisqu’elle semble craindre une crise de colère mais je vais faire de mon mieux pour rester calme. Elle n’a pas besoin que je l’enfonce mais que je la soutienne.