Never ever underestimate the importance of having fun [18 Mai/Nina]

“ Never ever underestimate

the importance of having fun

ft. @Nina Young



Kyanna et Paulin entourèrent rapidement la table pour humer les quelques confiseries sur le plateau, et n'hésitèrent pas à se servir quand Joddie posa simplement ses lèvres sur le gobelet de Coke qu'elle avait commandé au Français. Les yeux n'étant plus rivés sur la joueuse à la chevelure coupée au carré, seul le grand boom de sa rencontre avec le sol fit relever les billes de ses camarades de jeu. Interloqués, ils ne dirent mots, les divergentes couleurs interrogeant la concernée sur son état. Pour autant, prise d'un semblant de confidence, d'une volonté acharnée ou d'inconscience, Nina tira à tout prix sa deuxième boule fluo. La conversation n'avait pas plus avancé, elle avait même stagné jusqu'au retour de l'Asiatique. Elle arriva en se frottant le postérieur de ses paumes, et Joddie eut une légère grimace ancrée sur les lèvres dans l'attente qu'elle puisse les rassurer.

Au lieu de ça, la poupée déclara devoir recevoir un baiser pour atténuer la souffrance du choc, telle une enfant désarmée suite à sa première chute à vélo sans petites roues. L'Aborigène crut à une blague, Paulin aussi, probablement, pour avoir tourné les talons en direction de la piste, -la joie de vivre ensoleillant son faciès de savoir la partie loin d'être perdue face aux demoiselles. _ Pardon, recula Joddie, son visage tendu à une bonne distance de la joue, moment où l'Européen réussit son spare. Il sauta et se tourna vers ses compatriotes dont deux d'entre elles s'étaient étrangement rapprochées, et qui avait suscité tous les regards. _ C'est bon, fais-lui son bisou qu'on en finisse, ou Madame va demander une calèche pour son retour, fit-il référence à la discussion qu'ils avaient eu, par rapport aux nudes promises par sa Majesté. _ La calèche, eut-elle juste le temps de répéter, dans le flou, avant d'être pressé par son ami et colocataire.

Paulin fit presque un strike au moment où la métisse posa ses lippes délicatement sur l'épiderme de l'Asiatique. Et encore, on pouvait plus parler d'un frôlement qu'autre chose. Elle avait eu de la chance, mine de rien, que ça ne soit pas ses fesses que Nina lui proposa. Gênée par le lien qu'elles eurent, pour quelques secondes, partagé, Joddie se leva sans demander son reste pour prendre le relais de son acolyte, se promettant intérieurement, qu'à ce rythme-là elle déclarera forfait pour retrouver sa solitude dans le fond de son lit, enroulée de ses draps. Pour l'heure, elle n'eut pas envie de faire la causette, et un blanc infernal, presque mortuaire, inonda l'espace qu'ils occupaient tous quatre. Même le Français, plutôt énervé contre la Princesse du groupe, ne désira pas entrouvrir ses lèvres et se rua sur la malbouffe. Trois tirs pour seize points. Elle n'était pourtant pas une professionnelle du bowling pour n'en avoir que très peu joué. Kyanna partit s'y prêter.

Les totaux tournèrent pour afficher le podium. _ C'est un coup de chance, fit l'Aborigène quand elle porta attention au tableau des scores qui la faisait vainqueur du jeu, je commence même à croire que ça n'a strictement aucun intérêt, lâcha-t-elle sans se méfier des yeux qui, après l'avoir entendu critiquer ce genre d'activité, la toisèrent. Elle fut rapidement stoppée par Paulin qui commença à énumérer tous les bienfaits du bowling, notamment que ça permettait aux personnes recluses, comme elle, de se confronter au monde extérieur; comme si chercher à être meilleur que l'autre pouvait aider une solitaire. _ Je pense surtout que ça aide ceux qui ont un égo à travailler. Perso, j'ne pense pas trouver important ce trait de caractère, lui répondit-elle, sans pour autant penser que sa manière de penser pourrait changer quoi que ce soit dans celle de Paulin. _ Ça va mieux, les fesses, s'inquiéta faussement Paulin en s'adressant à Nina, pas besoin d'appeler un kiné mobile, se moqua-t-il d'elle ouvertement.

Il avait vraiment eu mauvaise les paroles articulées par Nina.

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ft. @Nina Young



S'amuser, c'était un mot que Joddie avait oublié depuis bien des années. La dernière fois que ça s'était produit la ramenait probablement à son enfance, lorsqu'elle s'était entourée de voitures de collection dans un garage pré-fabriqué en bois par son paternel. Elle l'avait aidé, d'ailleurs, à l'imaginer. Un pur plaisir qu'elle ne captait plus malgré l'euphorie dans laquelle elle s'était retrouvée lorsqu'il lui avait proposée cette activité. Elle avait souri de toutes ses dents, ce jour-là, tout en sautant sur place. Les souvenirs de ce type étaient peu nombreux, les autres s'étant floutés au fur et à mesure qu'elle avait changé. Froide et peu émotive à présent, la succession d'événements tristes en était la raison. Plongée dans ses pensées, ses yeux luisirent d'une goutte d'eau salée avant de s'éteindre brièvement, sans couler.

_ Ce n'est pas un jeu, protesta-t-elle à la fin des bonnes paroles que voulut partager Nina, conduire à vive allure sur une piste n'a rien d'un amusement, s'expliqua-t-elle, relevant son regard sec sur l'asiatique, des gens y perdent la vie sur ses routes. Elle s'était exclamée sans une once de sentiments. Pourtant, ceux qui connaissaient, ou s'étaient renseignés sur son parcours, pouvait deviner la raison qui l'avait poussé à dire ça. Paulin resta d'ailleurs muet face à son discours, peina même à ravaler sa salive et trouver une manière de radoucir l'atmosphère. C'était un comble pour l'humoriste de la colocation. Si certains s'en étaient pris de passion pour s'amuser, Joddie n'avait jamais usé de ce sport ainsi. Elle se plaisait dans les objectifs que ça lui demandait.

_ Je ne pense pas que ce soit aussi dangereux de cosplayer, à moins de s'attirer les foudres de fans, ni de jouer au bowling, marqua-t-elle une pause, il faudrait vraiment être stupide pour lancer assez fort la boule pour s'écraser le crâne. Elle se tut ensuite, bien qu'intérieurement elle se répéta que des gens étaient morts dans leur véhicule de course; des gens, dont Joa. Elle détourna la tête, munie de son verre de Coke, et aspira quelques gorgées par la paille quand Nina se leva pour aller tirer ses coups. Paulin réussit à attirer l'attention sur lui pour que Joddie puisse se retrouver un peu dans sa solitude, et cela fit un bien fou, jusqu'à ce que l'échange des deux compères, qui n'arrêtaient pas de se chercher depuis le début du jeu, fasse rouler des billes à l'Aborigène.

Il rappliqua de manière toute aussi niaise que Nina. Joddie tenta de garder son calme, mais après qu'il ait marqué trois points pour ne pas s'être concentré sur le jeu, -tout de même la raison principale pour laquelle elle se trouvait ici-, la métisse ne put contenir sa rage. _ Assez, s'exclama-t-elle, assez fort pour que les trois autres individus n'aient d'yeux que pour elle, et peut-être quelques autres joueurs qui les entouraient, Paulin je ne suis pas venue pour te voir batifoler avec une fille, ce soir, tourna-t-elle ses yeux, rouge de colère, vers le concerné, tu réponds à une nana qui n'en a rien à foutre de toi, et tu te rends pitoyable devant tout le monde, jugea-t-elle important de lui faire remarquer, réfléchis avec autre chose que ton sexe, tu veux.

Elle en avait marre de cette comédie, elle était même à deux doigts de quitter les rangs avant la fin de partie. Mais avant ça, elle préférait donner une chance aux deux nigauds pour ne pas pénaliser Kyanna qui n'avait absolument rien à voir dans l'histoire. _ Quant à toi, bougea-t-elle ses billes sur Nina, sois digne de ton âge et agis comme une femme qui se respecte, tu n'imagines pas à quel point ça m'horripile de voir des nanas n'avoir aucune décence, marqua-t-elle, explosant de tout son être sans élever la voix, cette fois, je ne comprends pas comment tu ne peux avoir honte, fit-elle, elle qui se battait pour que les femmes, toutes les femmes, aient le respect qu'elle mérite. L'Aborigène venait de deux peuples bafoués où le sexe féminin avait été tyrannisé, utilisé à des fins peu scrupuleuses par les hommes.

Sa propre mère avait vu sa maternelle se faire violer dans son pays d'origine quand la famille de son père avait été retirée de ses terres bien des années avant que la pseudo-stabilité de l'Australie, et des contrées habitées autrefois par les natifs, ne soit inscrite. Le masculin s'était rendu plus fort, tout comme ces colons, voleurs de terres ancestrales. Joddie était une fervente défenseuse des Droits de l'Homme, et elle concourait pour donner une chance d'être vue, entendue, par ce sport masculin qu'elle pratiquait malgré son sexe. Nina semblait être du clan adverse, d'un groupe qui prônait le corps de la femme comme un jouet à secouer jusqu'à épuisement, comme un bout de viande à mastiquer jusqu'à ce qu'il ne forme qu'un chewing-gum en bouche et ne soit jeté. Cette réaction fit que Paulin perdit sa deuxième boule, ne tirant pas assez fort, ajoutant un zéro à son score.

_ Je crois que c'est à moi, se calma-t-elle, reprenant possession de sa tranquillité naturelle. Elle reposa son verre sur la table qu'entouraient ses camarades de jeu, s'approcha du service et tira ses coups pour ne marquer que neuf points. L'énervement, enfermé en son intérieur, eut raison de son jeu, mais elle n'en eut strictement rien à faire. Après tout, rien ne marquait l'amusement dans cette partie, elle avait plutôt l'impression de la subir qu'autre chose. Elle revint sur ses pas pour prévenir ses partenaires qu'elle irait prendre l'air un instant. Même si les bouffées de fumées l'accompagneraient sûrement à la porte de l'immeuble, elle avait besoin de sentir le vent caresser ses boucles, juste un petit moment. Elle n'attendit aucun accord, aucune revendication pour s'éloigner des joueurs.

Paulin, son colocataire, lui lança un regard désolé qu'elle ne prit pas le temps de cerner. Il semblait qu'il soit trop tard pour qu'elle puisse pardonner leurs erreurs, ce soir.

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ft. @Nina Young



Joddie se crispa à l'approche de Nina. Ses muscles se contractèrent bien avant que les bras de l'Asiatique ne vinrent l'enlacer. Elle n'avait jamais vraiment apprécié la proximité, ne se l'était plus autorisée à partir du moment où ses lèvres avaient autorisé Joa Grahams à l'aimer d'une manière beaucoup plus sérieuse. Finie la liberté totale, elle s'était donnée à lui, corps et âme. Une fois le collier accroché à son cou, elle s'était jurée de ne devoir d'affection qu'à cet adolescent très vite devenu un homme. Malgré sa disparition, Joddie avait gardé le bijou attaché en signe d'appartenance, incapable de s'en défaire, impossible de se délier de l'emprise qu'il avait eu, -qu'il avait encore-, sur elle. Elle savait qu'elle n'aurait d'autre choix, un jour, mais avait décidé de se laisser du temps. Âgée de vingt-deux ans, il lui restait encore quelques années avant de penser à se poser à nouveau, de se voir devenir femme d'un homme et mère d'enfants. Oui, elle était encore jeune, à vingt-deux ans.

Elle baissa les yeux sur le sourire de Nina, mais ne lui rendit pas. Dans cette position, l'esquisse était compliquée à partager. Le moment n'était pas vécu de la même manière par les deux femmes. Si la Moyen-orientale voyait cette approche comme une marque de sympathie, l'Aborigène la prenait pour une agression. Cette dernière resta droite, comme un piquet. Les bras contre son corps, les poings se fermèrent et les doigts se serrèrent. La respiration fût forte, aussi, le souffle vif lui permettait de se retenir à pousser, -repousser-, celle qui avait dépassé les limites de sa zone de confort. Elle ne voulait pas être brutale, Joddie, aurait pensé que l'Asiatique avait compris qu'elle ressentait des difficultés à faire entrer des personnes dans son cercle, mais elle semblait n'en faire qu'à sa tête. Naïve de pouvoir être l'exception, ou pas si intelligente que ça lorsqu'il s'agissait des relations sociales ? Qu'importait. Même Paulin fit quelques pas vers l'accolade, juste au cas où l'étreinte serait mal vécue par l'une, juste au cas où la violence s'abattrait sur l'autre.

Malgré la crainte du Français, Joddie réussit à relativiser, à porter ses pensées ailleurs que sur l'étouffement que provoquait la pression des membres de Nina. La concentration sur les mots que la Chinoise eut prononcé ne fut peut-être pas une bonne idée non plus. "Meilleure", "ego", "grande", "première", "reconnue", "excellente", "brillante", tant de mots qui résonnèrent comme des défauts aux oreilles de la pilote professionnelle. Elle avait grandi dans une famille où l'humilité avait été enseignée. L'intériorisation de cette vertu résultait d'un passé riche et fort, de souvenirs de peuples martyrisés qui s'étaient battus pour avoir des droits, pour être intégrés à une société qui ne voulait pas d'eux. Les histoires de ses ancêtres lui avaient été contées, et elle était fière de faire partie de ces anciens soumis, n'avait aucune intention d'effacer la douleur par laquelle étaient passés ses aïeuls. Et pour ça, elle restait modeste, -malgré son enfance luxueuse, malgré ses comptes en banque garnis, malgré son ascension et la place qu'elle s'était faite parmi les hommes.

Et le pire resta à venir lorsque Nina trouva aisé d'utiliser le mot "détruire" dans ses paroles. Ce mot signifiait tellement pour la jeune femme qui lui faisait face, si bien que ses narines vinrent à s'ouvrir davantage et son cœur battre intensément. Elle releva les yeux, pour ne plus avoir à lire dans le regard de l'Asiatique et sa mâchoire s'écrasa, jusqu'à faire apparaître ses masséters. La destruction lui faisait faire un voyage dans le passé. Elle pensa alors à la disparition des natifs, obligés à se soumettre aux règles des civilisés, au génocide de son peuple. Elle se rappelait que, plus de quinze années auparavant, on avait tenté d'écraser ses passions pour d'autres plus conventionnelles, faites pour le sexe féminin. Elle se rappelait des moqueries et insultes qui auraient pu la faire changer d'avis si ses parents n'avaient pas eu le déclic de la soutenir. Elle se souvenait de la jalousie de son compagnon, alors qu'elle n'était qu'une adolescente, qui avait éteint la plus infime partie de sa sociabilité. Enfin, le départ soudain de l'être cher qui avait mis fin à ses rêves les plus grands, avait amené au suicide de ses projets.

L'accolade fut arrêtée, laissant Joddie respirer un moment avant de se prendre, en pleine face, une sexualisation de la femme qui faillit faire déborder le vase; autrement dit la femme-objet, pur et dur. De ses yeux, elle chercha un bol d'air, comme si l'oxygène s'était matérialisé, se rendant visible au regard de celle dont les poumons furent écrasés par un cœur heurté par les émotions qui le traversait. Le respect qu'elle ne s'offrait pas, ni aux autres, fut incompréhensible pour l'Aborigène. Le plus incroyable était qu'elle ne se rendait même pas compte que ses paroles choquaient. Dans son quartier du Bronx, elle avait vu des nanas se faire agresser physiquement et sexuellement, se faire harceler et humilier. Nul doute que Nina aurait pressenti penser autrement si ça lui était arrivé; parce qu'un corps, le corps, était sacré. Elle devait vivre dans un quartier très sécurisé pour se permettre de jouer ce rôle et de s'exhiber ainsi comme une femme libre qui disposait d'une anatomie avantageuse, et qui n'hésitait pas à l'utiliser à des fins peu décentes.

Joddie n'en croyait pas ses tympans, n'avait qu'une envie : devenir malentendante pour le restant de ses jours. Elle ne prit pas la peine de trouver distrayant les trente points accumulés par l'Asiatique. _ On a compris que tes paramètres de précision étaient excellents, fit-elle, rude, en supprimant la distance qui la séparait de Nina d'une traite, Paulin faisant de même, prêt à bondir entre les jeunes femmes si la situation s'aggravait. _ T'es quel genre de robot, en fait, interrogea-t-elle l'Asiatique, ses quartz dans ceux plus sombres de sa vis-à-vis, tu respectes quelle norme ISO ? Elle leva les sourcils, l'excellence de la jeune femme trop mise en avant à l'ordre du jour pour qu'elle puisse la laisser continuer dans cette lancée. _ Joddie, laisses tomber, pria l'expatrié parisien en tentant de se faire une place entre les deux métissées, pour mettre de la distance dans leur échange. _ Parce que j'suis pas très certaine que ce soit légal de créer des énergumènes comme toi, cracha-t-elle quand elle fut poussée par son colocataire à s'écarter. Les joueurs des autres lignes s'arrêtèrent de jouer pour se concentrer sur ce qui se passait à côté.

_ J'crois qu'on va y aller, prévint Paulin, peu rassuré par le tournant des choses, appelant de ses océans Kyanna pour un peu d'aide. _ Tu peux tenter de me détruire si tu veux, mais je ne me soumettrais jamais à accepter que des gens comme toi réduisent la femme à un niveau aussi bas, hurla-t-elle de douleur et de colère quand le Français l'embarquait quelques mètres plus loin, tu ne sais pas à qui tu as affaire non plus, l'obligea-t-elle à prendre en considération que, si elle était fière d'agir ainsi, d'être ce qu'elle était, elle ne savait pas à qui elle faisait face, qui elle pouvait blesser ou rabaisser de ses paroles. _ Tu es égoïste et aussi mauvaise que ces gens qui te jugent, Nina, s'exclama-t-elle, alors qu'elle était rendue aux sièges de leur table, je sais où est la sortie, s'exprima-t-elle envers Paulin, à qui elle donna un coup d'épaule pour qu'il évite de la toucher davantage. Elle agrippa violemment son sac, quelques employés du Bowling au garde à vous, au cas où l'affaire ne s'apaisait pas, lança un dernier regard sur le duo d'Asiatiques avant de tourner les talons pour fuir la partie, et la Chinoise.