far from exemplary harmony (freya)

Sous un soleil resplendissant, tu as décidé d’emmener Zach au parc. Toi ‘’l’ami’’ qui débarque de nulle part, toi qui passes quelques moments avec cet enfant qui ne se doute de rien, aimant jouer à chat perché et aux jeux de rôle. Insouciant des choses, l’enfant ne se doute pas une seule seconde de ton intérêt soudain pour lui. Toi qui débarques comme un cheveu au milieu d’un velouté de champignons de Paris. Malheureusement, l’enfant se désintéresse bien vite de ta personne, préférant aller jouer au loup avec ses copains. Et c’est tout naturellement que tu te retrouves seul sur ton banc, à regarder de loin ce que fait Zach, tout en farfouillant ton téléphone pour placer des rendez-vous entre deux patients. Mais le plus comique dans l’histoire, c’est que deux paires d’yeux fixent l’enfant. Freya est également pas très loin, t’ignorant complètement. C’était la condition. Zach ne peut être avec toi qu’à condition qu’elle soit là. Tu te fous pas mal qu’elle te surveille, pensant que tu vas nuire à son tendre enfant. Tant que tu n’as pas à lui parler, à subir sa présence, elle peut être dans le coin. Le simple son de sa voix vient à t’irriter. Et dire que c’était une grande histoire d’amour entre vous. Cela remonte à des années aujourd’hui. On peine à y croire. Ça aurait pu durer longtemps, aller bien plus loin que là où vous en êtes restés. Mais jamais vous ne serez ce qui aurait pu se penser. Vos opinions tranchées et opposés ont su tirer un trait sur votre relation qui pourtant semblait bien partie. Aujourd’hui, c’est à peine si vous vous regardez droit dans les yeux, arrivez à vous parler sans avoir envie de vous étriper. C’est même étonnant qu’elle te laisse voir Zach. En même temps, tu dirais que c’est tout à fait légitime, que tu es dans tes droits. Et qui sait où qu’est-ce que tu aurais pu faire si elle avait été contre l’idée de te le présenter. « Qu’est-ce que tu veux ? » Toujours rivé sur ton smartphone, tu ne daignes même pas un regard à Freya qui vient de s’asseoir à côté de toi sur le banc. Le son de ta voix semble complètement désintéressé. Et tu penses si fort: dégage Goldstein.

Occupée sur son téléphone, Freya se demande réellement pourquoi elle est là. Elle pourrait utiliser ce temps à bien d’autres choses, des choses qu’elle n’a jamais le temps de faire avec Zach dans les pieds. Mais profiter de ce temps, ça voudrait dire pouvoir faire confiance à August. Assis sur un banc de l’autre côté du parc, elle l’observe par-dessus ses lunettes de soleil. Puis tourne son regard vers Zach, occupé à jouer sur un toboggan. En soi, tout est normal. Elle devrait pouvoir le laisser, mais elle ne s’y résout pas. Elle ne pourrait pas savoir ce qui s’est passé, ce qu’August dirait à Zach. Même si le petit garçon apprécie de plus en plus ce nouvel ami, Freya n’est pas rassurée pour autant. Peut-être même que c’est l’inverse. Plus elle voit Zach se rapprocher d’August, sans savoir qu’il est son père, et plus tout ça l’effraie. Elle n’est pas prête. Elle ne le sera jamais. Mais à moins qu’August décide de ressortir de leur vie aussi vite qu’il y est entré – ce qui ne semble pas prêt d’arriver malgré ses quelques prières à Bouddha ou Zeus – elle n’a pas le choix. Elle reporte finalement son attention sur son téléphone, continue de rédiger un brouillon qu’elle publiera peut-être sur son blog. Brouillon qui se transforme quelque peu en journal intime, mais anonyme au moins. Elle est cependant interrompue quand l’écran devient noir. Elle avait ignoré les avertissements de la batterie, et n’a pas de batterie portable. Elle grommelle en le rangeant dans son sac. Le temps risque d’être long. N’est-ce pas ridicule de rester là à rien faire ? Elle pourrait dire à August de ramener Zach chez elle dans une demi-heure et rentrer. Mais cette simple pensée lui paraît impossible. Non, elle ne veut pas les laisser seuls. Deux femmes avec des poussettes arrivent dans le parc, visiblement à la recherche d’un banc. Sans doute trop gentille, Freya se lève et leur laisse le sien. Elle prend une inspiration, avant de faire le tour de l’aire de jeux pour arriver jusqu’au banc où se trouve August. L’injonction qu’il lui lance fait déjà regretter à Freya d’avoir fait ce premier pas. Qu’est-ce qui lui a pris ? « Rien, j’ai juste laissé mon banc à quelqu’un d’autre. Et il n’y a pas d’autre place. » Ce qui est vrai. Il y a foule aujourd’hui, ce qui n’est pas étonnant avec ce soleil. « Tout se passe comme tu voudrais ? » Demande-t-elle en s‘asseyant à côté de lui. Même être à peu près polie avec lui, ça lui demande de gros efforts. « Zach risque de te demander de le pousser s’il arrive à avoir une balançoire. Elles sont très demandées. » Elle parle pour parler, parce qu’elle n’a jamais aimé le silence. Mais peut-être qu’elle aurait mieux fait de rester toute seule sur son banc.

Elle pouvait très nettement te surveiller, depuis l’autre côté de l’aire de jeux. Son déplacement, t’agace profondément. Comme si tu avais besoin qu’elle vienne t’espionner par-dessus ton épaule. Tu lui avais seulement dit que tu ne voulais pas du gosse, et qu’elle devait avorter. Tu n’as tué personne, commis aucun viol, rien qui vaille une peine d’emprisonnement sévère. Alors, oui, le fait qu’elle ne te lâche pas la bride, te rend sec. Ce n’est peut-être pas justifié, mais tu n’arrives pas à faire semblant. A prendre plus sur toi que tu ne le fais déjà. Plus de cinq ans qu’elle te cache la vérité, et c’est elle qui est méfiante. Tu penses que ça à ses limites, mais son rapprochement peut tenir le coup. « Ou tu te faisais juste suer, et tu t’es dit qu’on pouvait converser. » Comme si tu pouvais lui tenir compagnie. Être agréable avec elle. Là, dans l’immédiat, c’est un peu trop te demander. Et pourtant des mois se sont écoulés depuis que tu as découvert la vérité. Alors non, les mondanités, les éclats de rire, les checks et tout ce qui va avec, ce n’est pas pour demain, la veille. Rancunier comme pas permis, ça risque de prendre beaucoup de temps. Voir, les choses ne reviendront jamais à la normale, et ça même pour le petit. Un œil entre sur Zach et un autre sur ton téléphone, tu parviens à caller le dernier rendez-vous, et ranges ton téléphone dans la poche interne de ta veste. « Presque. » Inutile de préciser que l’unique chose qui te dérange, c’est la présence de la jeune femme. Tes amis te rabâchent sans cesse d’être sympa avec elle, que sa situation n’est pas facile. Et toi, tu te fous de ce qu’ils peuvent dire sur son sujet. Tu pèses encore tes mots, peureux qu’elle ne veuille repartir avec le petit, et qu’elle ne t’autorise pas à le revoir avant longtemps. Alors certes, tu n’es pas sympathique avec elle, mais le degré est encore très faible. « Freya, ce n’est pas la première fois qu’on vient ici. Je commence à savoir comment il fonctionne. J’irai l’aider s’il veut. T’en fais pas. » Tu te lasses qu’elle veuille que ça se passe bien. Qu’elle t’explique comment les enfants fonctionnent. Certes, tu n’as pas élevé Zach, mais tu n’es pas non plus un amateur avec les enfants. Si tu arrives à garder ta filleule âgée de six mois, tu devrais pouvoir tout à fait gérer un garçon bien plus âgé qu’elle. Au loin Zach vous interpelle, et vous demande de regarder ce qu’il est fait. Il pense être très doué, faire quelque chose d’extraordinaire. Et toi, tu te dis qu’il n’y a que des enfants pour penser ça. « C’est super Zach. » Dis-tu d’un air joyeux avec un pouce en l’air, avant de retourner ton attention sur ton ex. « On n’est pas obligé de se parler. Le silence, c’est très bien aussi. »

A peine ouvre-t-il la bouche pour lui répondre qu’elle regrette déjà d’être là. Elle regrette absolument tout de cette situation. Qu’August soit de retour dans sa vie, qu’il ait une place dans celle de Zach, qu’elle doive supporter ses humeurs. C’est elle qui lui en veut, à vie. Lui, il n’a aucune raison de lui en vouloir. Elle accepte qu’il voie Zach et ce simple fait est déjà un effort terrible. Même si, dans tout ça, elle sent bien qu’elle n’a pas tellement le choix. Maintenant qu’il sait qu’elle a eu son fils – le qualifier ainsi lui fera toujours étrange – il n’y a plus de retour en arrière possible. « C’est vrai que tu es d’excellente compagnie. » Marmonne-t-elle, sans être sûre qu’il comprenne ce qu’elle dit. Oui, elle avait pensé que ça serait plus logique de passer le temps en discutant, au moins un peu. Mais elle réalise déjà qu’elle a eu tort. Mais maintenant, son banc a été pris et elle n’a pas envie de rester debout pendant encore une heure. Et elle a encore moins envie de partir et de laisser Zach seul avec August. Alors elle continue de lui parler, pour éviter le silence, pour essayer d’assainir les choses, un peu au moins. Même si elle ne veut pas qu’il soit présent dans sa vie, il semble qu’elle n’ait pas d’autre choix. Sauf que la réaction à ses efforts n’est pas vraiment celle attendue. Au lieu d’être gentil, ou même juste poli, August la prend de haut. Comme si c’était elle qui faisait tout mal. « Bien. » Elle croise les bras sur sa poitrine et s’appuie contre le dossier. Qu’est-ce qu’il peut l’énerver. Etait-il aussi insupportable quand ils étaient ensemble ? Etait-elle juste aveuglée ? Ou a-t-il simplement changé du tout au tout après ce jour où il lui a dit d’avorter et où ils ont rompu ? Freya relève la tête quand Zach les appelle au loin, le regarde grimper le mur d’escalade comme si ce n’était rien. Quand on sait que ça lui faisait peur il y a à peine quelques mois, elle est réellement fière de lui. « T’es un champion ! » Dit-elle, peut-être un peu trop fort, sourire aux lèvres. Et tant pis si August la trouve ridicule. Zach est heureux et fier, c’est tout ce qui compte. Sauf qu’il vient gâcher son plaisir en se tournant vers elle et en lui expliquant qu’ils peuvent tout simplement se taire. Depuis qu’ils se sont revus, c’est tout ce que Freya essaye de faire. Ne plus l’entendre, ne plus le voir. Seulement, elle est coincée. Et finalement, il l’est aussi. Sauf que ça l’énerve encore plus qu’il agisse comme le pire des cons. « En fait, t’as vraiment pas changé. » Elle pourrait lui dire tout ce qu’elle a sur le cœur mais, au lieu de ça, elle s’appuie à nouveau contre le dossier et se contente d’observer Zach. Elle ne va pas gâcher sa salive pour lui.

Tu ne fais pas dans la dentelle avec Freya. De base on dit facilement que tu peux agir comme un con, mais avec elle t’es juste exécrable. Tu n’arrives pas à comprendre comment elle pu te cacher quelque chose d’aussi important. Pendant plus de cinq ans. Et si tu n’étais pas retombée sur elle. Qu’est-ce qui se serait passé ? T’aurais ignoré toute ta vie l’existence du petit. Comme si ce droit t’était enlevé lorsque tu lui as demandé d’aller se faire avorter. Ok, le ton était monté entre vous. Tes mots ont même dépassé ta pensée, certainement. Mais tu ne lui avais pas mis un couteau sous la gorge. Si ? Vous étiez jeunes. Votre relation, quoi que sérieuse, n’était pas assez avancée pour que vous fondiez une famille. Avoir un enfant avant même de se dire je t’aime, rien n’est dans l’ordre. « Je t’ai entendu. » Lui rétorques-tu, grognon. Bien que tu dois admettre qu’elle n’a pas tort. Tu ne fais pas vraiment d’effort avec elle. Au contraire. Tu agis comme le pire des cons, alors qu’elle essaye d’être gentille avec toi. Mais tu n’y arrives pas. Tu détestes l’idée qu’elle t’es imposée cette vie. Son choix. Comme si t’étais qu’un pauvre inconnu qui ne méritait rien. Alors tu la laisses bouder dans son coin. Ne lui décrochant pas un mot de plus. Chacun de votre côté, vous restez dans le silence jusqu’à ce que l’enfant attire votre attention. Là, vous venez à le féliciter, et c’est comme si c’était à celui qui allait le féliciter le plus fort. Vous faites vraiment peine à voir. Pire qu’un ancien couple marié. Et pourtant, il y a des années que vous n’êtes plus ensemble. Depuis la conception de Zach. Et vous auriez pu reprendre naturellement contact, si vous n’étiez pas tombés l’un sur l’autre en présence du petit garçon. Si l’on se fit au rendez-vous arrangé que vous aviez eu, tout aurait pu très bien se dérouler. Vous aviez surpassé vos différents. Après tout, bien des années s’étaient écoulées depuis. « Pardon ? Je ne vois pas où tu veux en venir. » En quoi tu n’as pas changé ? Tu ne comprends pas ce qu’elle te reproche. Car jamais vous n’avez rencontré une pareille situation. Enfin en dehors des derniers jours de votre relation. « En même temps, tu voudrais que je réagisse comment ? Que je t’invite à boire une tasse de thé ? J’crois pas non. »

A les voir aujourd’hui, on peine à croire qu’ils se sont aimés, qu’ils ont été heureux ensemble et qu’ils ont pu se parler sans s’insulter mutuellement. Pourtant, ç’avait été le cas. Avant qu’une petite tâche n’apparaisse sur son échographie, et que tout change. Bien sûr, aucun d’eux n’était prêt pour ça. Mais Freya avait fait en sorte de l’être, alors qu’August avait fui toute responsabilité en lui disant d’avorter. C’est vrai que c’est plus simple ainsi. Et peut-être qu’elle l’aurait fait, si elle l’avait pu. Mais ce n’était en aucun cas à lui de lui dire quoi faire, et encore moins de cette façon. Alors maintenant, tout est différent. Elle, elle préférait le silence radio, ne plus jamais avoir affaire à lui de sa vie. Les choses s’étaient déroulées autrement, et la voilà coincée avec lui. Obligée de le laisser avoir une place dans la vie de Zach. Au moins, il ne sait pas la vérité. Il sera moins blessé quand August partira, immanquablement. S’il se débrouille plutôt bien avec Zach – ce que Freya refuse d’admettre – il n’est clairement pas fait pour être père. Ça ne l’intéressait pas à l’époque, pourquoi cela aurait-il changé ? Freya ne comprend même pas ce qu’ils font là, mais elle n’a pas l’intention de laisser August seul avec Zach. Jamais, si elle peut y faire quelque chose. Il préfère le silence, et ça lui convient. Même si elle ne manque pas de faire une petite remarque, qui n’arrangera pas les choses. Rien n’arrangera jamais les choses. Freya est toujours trop en colère contre lui, même six ans plus tard. Et August semble lui en vouloir pour une raison que Freya juge injustifiée. Forcément, il réagit à sa remarque, ne comprenant pas ce qu’elle veut dire. Bien sûr qu’il ne comprend pas. Il ne se remet pas en question. « Je n’ai aucune envie de boire le thé avec toi, rassure-toi. » Ni même de faire quoi que ce soit. Elle n’aurait jamais dû venir s’asseoir à côté de lui. Elle aurait dû mieux recharger son téléphone aussi. « Dès que quelque chose ne va pas dans ton sens, tu te fermes complètement et il n’y a plus rien à faire. C’est pas comme ça que ça fonctionne la vie. » Freya a beau tout détester de cette situation, elle prend sur elle et sait qu’ils vont devoir apprendre à se tolérer. A défaut de jamais être capable de s’apprécier à nouveau.

T’es extrêmement dur avec Freya. On sent qu’il y a une forte rancune entre vous. Trop forte pour que se soit réparable. Rien à voir avec le fait que vous soyez des ex, et une amitié est impossible entre deux anciens amoureux. Tu crois que les sentiments évoluent constamment et peuvent s’éteindre comme se raviver, mais avec Freya tu sais que rien ne va renaître. C’est mort, six pieds sous terre. Et ça même si de l’eau passe sous les ponts. Tu n’arrives pas à lui pardonner ce qu’elle a tenu secret pendant si longtemps. Est-ce que tu voulais de cet enfant ? Négatif. Mais mis devant le fait accompli tu aurais été présent pour lui. Tu aurais pris le temps de t’y faire, au lieu de débarquer dans sa vie comme un cheveu au milieu de la soupe. Et ce qui t’énerve par-dessus tout c’est qu’on te dise que tu es papa, que tu ne connais pas ton gamin, et que tu as loupé beaucoup de choses. On ne t’a même pas donné une chance. Est-ce que Freya t’offre une chance aujourd’hui ? Non, elle se sent uniquement obligée. Elle ne semble pas avoir de grands espoirs pour toi. Mais au moins, elle ne te met plus autant de bâtons dans les roues. « Super, pour une fois, on est d’accord. » Ton regard ne se dirige pas une seule fois vers elle. Tu risquerais de la tuer de tes yeux armés jusqu’aux sourcils. Elle ne vaut pas la peine que tu ailles en prison, penses-tu. Au beau milieu d’un parc où les enfants crient de joie, vous vous prenez la tête. Vous parlez de manière à ce que seul vous puissiez entendre la conversation, évitant très probablement de choquer les autres parents. Et tes sourcils se tendent comme un string, abasourdi par la réflexion que Freya te fait. Et pour la première fois, tu daignes de la regarder, malgré le fort risque de commettre un meurtre. « Non, mais c’est une blague ? » dis-tu de manière nonchalante. « T’as pas l’impression que c’est l’hôpital qui se fout de la charité ? » Tu n’attends pas vraiment une réponse de sa part. Pour tout dire tu n’attends rien. Vous n’allez jamais tomber d’accord, quoi que vous puissiez dire. « Qui est-ce qui fait des secrets ? Qui est-ce qui nous a mis dans cette situation ? Et ne dis pas que c’est de ma faute ! Je t’ai demandé d’avorter, et t’as fini par dire oui. Alors la personne qui se braque parce que ça ne va pas dans son sens, ce n’est certainement pas moi. Sinon j’aurai été au courant de son existence. » Regard sérieux, yeux braqués sur elle, tu pointes du doigt Zach qui joue gentiment dans son coin. Il est jeune, bien trop jeune pour comprendre ce qui se passe entre vous. Il ne se doute de rien. Et c’est tellement plus simple de lui cacher la vérité. Tu te réinstalles et le regard à nouveau. « Je te comprends pas. » Ta voix devient plus douce, reprend sa véritable nature. Car oui, tu ne comprends pas comment on peut cacher quelque chose d’aussi important. Ok, vous vous étiez séparés suite à cette dispute. Vous avez tracé votre route, toi par fierté et elle très certainement pour cacher la vérité.

Un bref instant, elle avait cru qu’ils pourraient se parler un peu normalement, ou au moins s’ignorer en toute courtoisie. Mais il y a sans doute trop de passif entre eux pour que cela soit possible. Freya lui en veut toujours. Elle lui en voudra sans doute toujours. De l’avoir mise enceinte, de ne pas avoir assumé ses responsabilités, de ne pas avoir été l’homme qu’elle espérait. De l’avoir fait souffrir, tout simplement. Bien sûr, de l’eau a coulé sous les ponts, mais pas assez. La rancune de Freya est toujours tenace et, August ayant décidé d’être tout aussi borné qu’elle, ils ne peuvent pas rester deux minute l’un à côté de l’autre sans s’énerver. Sauf quand Zach est à proximité, parce que Freya n’a pas le choix. Là, il est un peu plus loin, trop occupé pour voir ce qui se passe ici. Bien sûr, il lui reproche de lui avoir caché son existence. Encore. Et encore une fois, Freya n’est pas d’accord avec lui. Elle ne regrette pas. Ce qu’elle regrette, c’est qu’il l’ait découvert maintenant. Rien n’a changé. Au contraire, August est peut-être devenu encore plus con avec les années. « J’ai bien vu que tu ne me comprenais pas. » Et comment le pourrait-il ? Il n’a jamais cherché à le faire. Il avait juste pensé à lui quand il lui avait dit d’avorter. A sa petite personne. Alors pourquoi aurait-il changé d’avis sous prétexte que ce petit être dont il ne voulait pas était né finalement ? « Aux dernières nouvelles, il me semble que c’était mon corps, et ça l’est toujours. Tu avais pris ta décision, j’ai pris la mienne, en connaissance de cause. » Et si elle lui avait dit qu’elle allait avorter, c’était uniquement sous le coup de la colère, pour se débarrasser de lui. Elle savait dès le début qu’elle ne pouvait plus le faire. Elle avait appris sa grossesse trop tard pour ça. « Alors ça te va bien de faire le grand seigneur maintenant, comme si t’étais irréprochable. » Essayer de la faire passer pour la méchante dans l’histoire, c’est quand même très hypocrite de sa part. « On s’en est très bien sortis sans toi. » Très bien, c’est sans doute exagéré. En tout cas, Freya reste persuadée que leur vie n’aurait pas été meilleure si August en avait fait partie.

Rapidement, tu perds cette douceur, ravales ta salive et la tues du regard. De multiples insultes défilent dans ta tête, et toutes lui sont destinées. Tu viens même à te demander comment tu as fait pour tomber amoureux de cette nana. Et comme par hasard elle est la seule. Car ton cœur ne s’ouvre pas comme une fleur. T’es l’une de ces huîtres qui demande de l’acharnement pour s’ouvrir. T’es heureux de ne pas lui avoir dit ces trois petits mots qui peuvent ravir tout le monde. De ne pas avoir été assez con pour lui dévoiler tout ce que tu as sur le cœur. T’as juste été assez con pour t’attacher à elle, d’avoir croisé sa route. Ça oui, tu le penses sincèrement. Et là, tu as tout simplement envie de lui sauter à la gorge, de prendre sa nuque entre tes doigts, appuyé tout en lui secouant la tête. Oui, tu as cette très nette image à l’esprit. Car elle se fout de toi, très clairement. « Ok, c’est ton corps, très bien. Sauf que la moitié de son patrimoine génétique, c’est le mien ! » Est-ce qu’elle avait ne serait-ce une seconde ton avis en considération ? Presque autant que toi. Et si tu n’avais pas été clair dès le départ, alors elle aurait peut-être réfléchi un peu plus longuement à ton avis. Elle t’aurait écouté. Mais tu avais été catégorique, et ça, elle ne l’avait pas accepté. Vous ne changerez pas d’avis. Pas même aujourd’hui. Pour toi, c’était la meilleure solution. Cinq ans d’études. Tu allais toucher le bout dans quelques années. Il était hors de question de tout foutre en l’air. Pas aussi proche du but. Brusquement, tu tournes vers elle. « Non mais tu fous de ma gueule ?! » T’en reviens pas qu’elle te sorte ça. Comme si tu étais responsable de ton absence. Bon ok en parti, mais si tu avais été au courant des circonstances, tout aurait pu être différent. Le ton monte. « Pour l’être avant, il aurait peut-être fallu que je sois au courant ! Je ne fais pas encore dans la divination. Est-ce que je me sens coupable de t’avoir demandé d’avorter ? Pas du tout, je pensais que c’était la meilleure solution à l’époque. » Clairement, tu ne te sens coupable en rien. Elle a mené cette vie parce qu’elle l’a décidé. C’était son choix, pas le tien. « Je ne dis pas le contraire. » T’en sais rien. Tu n’es pas là pour la juger, mais l’enfant semble en bonne santé, heureux.