hey brother (kenny)

Après plusieurs échanges sms, plusieurs supplications -ou presque-, j’avais réussi à convaincre Mila d’être une bonne grande sœur et de venir me rendre visite. Oui, il faut supplier maintenant pour avoir le droit à un peu d’attention de la part de sa famille. Ce monde est triste. Ayant pensé au peu de compétence culinaire de ma sœur, j’avais émis l’idée de se faire des hamburgers maisons, ce qui n’était pas la mer à boire. Le tout à déguster devant un bon film, histoire de ne pas manger au lance-pierre. Elle avait accepté et la soirée était donc programmée pour ce soir.
Forcément, comme toujours, Mila est en retard le soir venu et, pour patienter, je commence à préparer les affaires pour la soirée. C’est sans compter sur ma chaussette qui prend l’eau au moment où je marche près de la gamelle de mon chien. « Oh bordel, Ronflex ! » Que je gueule, apercevant mon chien fuir dans le salon pour éviter de se faire gronder. Il n’en manque pas une celui-là, il a encore renversé plein d’eau à côté de sa gamelle en buvant et qui se retrouve à devoir tout essuyer ? Moi, évidemment. Ce que je fais à l’instant même, épongeant le sol pour le rendre nickel, avant de revenir avec des verres en main au salon. Lieu de l’appartement où je retrouve Ronflex qui me fait sa petite tête d’innocent. « Oh non, ne me regarde pas comme ça. 26 fois, j’ai compté. C’est la 26 éme fois de la semaine que t’en fout partout, papa n’est pas content, Ronflex. » Ouais, je lui parle comme s’il s’agissait d’un gosse, c’est comme ça. Je prends ensuite la direction de ma chambre pour changer de paire de chaussettes, sauf que c’est à cet instant précis qu’on sonne à ma porte. Je soupire, ça ne peut être que Mila, elle a le don pour ça. L’opération changement de chaussettes devra donc attendre et je me dirige donc vers la porte d’entrée pour ouvrir, tombant effectivement nez à nez avec ma sœur. Comme d’habitude, elle râle et je roule des yeux, mais ne dit rien et me contente de la serrer dans mes bras avant de la laisser passer. Je souris en la voyant montrer la bouteille qu’elle tient en mains, avant de lever les yeux au ciel. « Ce n’est pas parce que t’approches des 30 ans que ça veut dire que je suis un bébé. » Je lui tire ensuite la langue. Ouais, bon ok, ça fait très gamin là. « Je dois changer de chaussettes, je reviens et après, on attaque les hamburgers. » Bah ouais, elle n’est pas là pour qu’on se tourne les pouces, et puis j’ai faim aussi. Je pars donc en vitesse dans ma chambre et revient rapidement avec des chaussettes propres, me dirigeant directement dans la cuisine. « Tu veux quoi dans les tiens Mila ? » Que je demande à la concernée tout en ouvrant le frigo.

La sonnette de la porte m’interrompt dans mon trajet jusqu'à ma chambre et, au lieu d’aller quand même changer de chaussettes, je vais en premier lieu ouvrir la porte. Connaissant Mila, pas très patiente comme femme, elle va râler si je n’ouvre pas rapidement, alors qu’elle est en retard. Ça ne manque pas, elle me fait une remarque sur le temps que j’ai mis avant d’ouvrir, mais je fais le choix de ne pas m’y attarder, lui offrant plutôt une accolade en guise de salutation. Si je suis gentil pour ne pas répliquer face à sa petite remarque pour la porte, ce n’est pas le cas quand elle me traite de bébé vis-à-vis du vin, insinuant même qu’elle approche des 30 ans. Elle rectifie ce que j’ai dit, et sourire moqueur aux lèvres, je lâche : « Ça ne change pas le fait que tu sois déjà une vieille. » J’apprécie tout particulièrement le fait qu’elle soit plus âgée que moi, je ne vais pas le nier. Elle ne pourra jamais me retourner les mêmes propos sans avoir des représailles de ma part sur son âge avancé. Ça a parfois du bon d’être le petit dernier d’une fratrie, bien plus que du mauvais. « Bien évidemment, il faut que tu lèves la tête maintenant pour me regarder dans les yeux. » Ça ne date pas d’y hier, c’est le cas depuis mon adolescence, mais j’aime plutôt bien le lui rappeler. Le plus jeune de la famille est le plus grand.
Direction la chambre pour changer de chaussettes, chose que je fais rapidement avant de revenir et de la questionner sur ce qu’elle veut dans ses burgers. J’ouvre le frigo en l’écoutant parler, lui répondant : « J’ai de tous, des aliments classiques à d’autres qui poussent l’imagination. » Je sors les steaks du congélateur, lui demandant toutefois en les posant sur le plan de travail : « Tu n’as pas un régime spécifique ? Tu sais, comme toutes les femmes quoi. » Évidemment, je me fous de sa gueule là aussi, je sais bien que toutes les femmes ne suivent pas de régime. Noor ne le fait pas, par exemple. « Et non, je ne veux pas. Ou sinon, je fais seulement le mien et tu me regardes manger. » Elle est révolue l’époque de l’esclavagisme.

Facile pour moi de taquiner ma sœur, notamment parce qu’elle saute toujours à pieds joints dedans. Bon, elle m’embête aussi en retour, ce qui n’est qu’un juste retour de bâton finalement. Pourtant, ça ne m’empêche pas de râler lorsqu’elle le fait, à chaque fois, et ça depuis que je suis en âge de le faire et d’avoir du répondant. Insinuer qu’elle est vieille est d’ailleurs l’un des trucs que je préfère et qui la fait toujours réagir. Encore une fois, c’est le cas, même si ce qui retient mon attention actuellement c’est surtout ce qu’elle dit ensuite . « Toi, responsable ? » Je pouffe de rire. Elle est loin de l’être Mila, tellement que je ne lui confierais sûrement pas la survie de mon chien Ronflex. Elle me tire ensuite la langue et j’en fais de même, éternels gamins ensembles tous les deux. « Ça pue la jalousie, dis donc. » Un grand sourire fend alors mes lèvres, fier de ma répartie.
Changement de chaussettes effectuées, je rejoins la cuisine et récupère les aliments dans le frigo tout en la questionnant. À son tour de m’interroger, me stoppant dans mes gestes pour quelques secondes de réflexion. « Du jambon de poulet, du carré de porc... Plein de choses bizarres et qui ne va pas dans un burger quoi. » Le genre de chose que je ne mange pas de cette façon, mais ma sœur étant ce qu’elle est -bizarre donc-, il est possible qu’elle soit tentée par ces aliments-là pour la composition de son burger. Je secoue la tête à ce qu’elle ajoute sur son soi-disant régime, bien que ça ne devrait plus m’étonner ce genre d’idiotie de sa part. « Mince, moi qui comptait te faire un burger végétarien. » Bien évidemment, je plaisante. Je dois même dire que je n’ai jamais compris ça, le burger végétarien, n’ayant jamais su faire le trait d’union entre quelque chose de bien gras comme un hamburger avec quelque chose de plus sain comme des légumes. Je lève les yeux au ciel face à sa petite réflexion. « Si tu veux savoir, je te préférais aussi avant que je grandisse et que je réalise que tu m’as toujours exploité. » Dis-je en lui donnant un léger coup d’épaule. J’étais un enfant esclave pour elle, à la limite d’être traité comme un vulgaire paillasson... Ok, j’abuse peut-être un tout petit peu, mais Mila a toujours eu tendance à se servir de ma gentillesse et crédulité de petit garçon pour me demander de faire des trucs à sa place. Heureusement, j’ai grandi et ce n’est plus le cas, je ne me laisse plus abuser par mes aînées. « Tu veux faire cuire les steaks ou dresser les burgers ? » Que je lui propose, avant d’ajouter : « T’as vu que je suis un gentil, je te laisse le choix. » Ou pas vraiment au fond parce que ce choix, il n’est pas vraiment le plus facile.

J’arque un sourcil, n’étant décidément pas convaincu sur le côté responsable de Mila, chose qu’elle n’a jamais réellement été. « Un tout petit peu alors, juste de quoi pouvoir survivre. » Ouais, au moins ça, sinon elle ne serait plus de ce monde. Je suis d’ailleurs étonné qu’elle n’ait pas encore réussi à faire cramer son appartement, tête en l’air qu’elle peut être. Sûrement grâce à son colocataire si ce n’est pas encore le cas, je suppose. Vient par la suite un échange de gaminerie, tous les deux à se tirer la langue comme les adultes qu’on est à présent. « Je ne sais pas, peut-être parce que je suis grand et beau. » J’hausse des épaules, affichant un air amusé en même temps. Je ne vais pas ajouter ce qu’on dit bien souvent, comme quoi l’autre en revanche n’est pas très beau. Ça serait un mensonge, à mes yeux mes sœurs seront toujours les plus belles femmes au monde, tout autant qu’une certaine brune qui s’immisce de plus en plus dans mes pensées.
Évoquant des idées de composition de burger étranges, le commentaire de ma sœur me pousse à réfléchir un plus sur la question. « Possible, oui. » Mais ce n’est pas moi qui en mangerais. Certes, ces mets sont bons séparément, mais les assembler ensemble me tente bien moins. Ma petite boutade sur le burger végétarien fait son effet et sa réaction m’amuse grandement. « Il y en aurait plus pour moi si tu partais... » Que je lance dans un premier temps, constat qui serait plaisant, mais moins qu’une soirée avec elle. « Mais comme je t’aime bien et que je suis un frère parfait, je vais te faire plaisir en te préparant un burger non-végétarien. » Autant me faire mousser un petit peu pour ma gentillesse avec elle, même si je n’avais pas l’intention de lui servir un truc qu’elle n’aime pas. Lui faisant part de notre enfance durant laquelle j’ai été exploité par elle, je la vois lever les yeux au ciel avant d’argumenter à son tour. « C’est vrai. » Je veux bien lui accorder ça parce que c’est la vérité -et heureusement, quand même-, elle n’a pas fait que m’exploiter pendant mon enfance. Malgré son caractère plutôt éloigné du mien, elle a toujours été une grande sœur adorable et aimante, je ne pourrais jamais prétendre le contraire. Je n’ai pas l’intention de le faire. Lui laissant le choix entre la cuisson ou le dressage de notre plat, elle opte pour la deuxième option. J’affiche ensuite un air outré face à ce qu’elle dit sur ce fameux dressage de burger et lâche : « Oh bah si, il faut qu’ils ressemblent à des œuvres d’art pour qu’on puisse les afficher sur les réseaux sociaux, voyons Mila. » Le tout en prenant une pose et une voix digne des plus grandes instagrameuses de ce monde. Posture et ton que je ne garde pas bien longtemps, tant ça me parait stupide, finissant par lâcher un petit rire. « Du moment que ça ressemble un minimum à un burger, ça me va. » En soit, je suis d’accord avec elle. Le visuel compte moins que le goût quand c’est une chose faîte maison. Poêle sur le feu, j’attends que cette dernière chauffe bien avant d’y poser les steaks, m’attaquant ensuite à la découpe des tomates tout en zieutant la cuisson de la viande. Quelques minutes plus tard, je retire la poêle du feu et fait glisser les steaks dans une assiette, puis glisse cette dernière ainsi que les assiettes de tomates et de salade à ma sœur. « Au dressage, mademoiselle Rojas. »

Je me contente d’hocher la tête positivement à l’entende de ses paroles. Oui, elle va devoir se contenter de ça et oui, elle est belle. Par contre, concernant l’autre adjectif avec lequel elle se décrit, je ne peux m’empêcher de lâcher « T’es petite. » juste dans le but de la taquiner un peu plus. Parce que ce n’est que ça, de la taquinerie à l’état pur. J’ai beau dire qu’elle est petite, elle bénéficie quand même d’une grande taille par rapport à la taille moyenne des femmes et c’est un truc dont j’ai conscience.
La petite moue qu’elle arbore a pour effet de me tirer un léger rire. Comment voulez-vous que je garde mon sérieux pour lui faire croire un truc comme ça quand elle affiche une bouille aussi adorable ? C’est tout simplement impossible. « Non, je veux que tu restes. » Mais à peine les paroles prononcées qu’elle se moque de moi et je lève les yeux au ciel, ajoutant : « Ou peut-être pas, finalement. » Les tâches attribuées, je m’attèle à la cuisson des steaks hachés, laissant la confection des burgers à Mila. Cette dernière n’a d’ailleurs pas l’intention d’en faire des œuvres d’art, chose que je trouve outrageant et je lui en fais part. Ce qu’elle me rétorque me fait sourire et, moqueur, je lui demande : « De l’art abstrait, je suppose ? » Le genre d’art que je n’ai jamais compris et que je ne comprendrais jamais, en fait. J’hoche la tête pour approuver ses dires, préférant me concentrer sur la cuisson de la viande, histoire de ne pas la faire griller.
Une fois que les steaks sont cuits, je passe le relai à ma sœur, cette dernière s’attaquant au dressage des burgers. Je la regarde avec attention, riant en l’entendant en faire des tonnes sur ce qu’elle vient de faire. « Je pense que tu serais la championne, oui. » Que je dis en approuvant d’un hochement de tête, avant d’afficher une mine pensive en pensant à un truc. « Mais il me manque quelque chose... » Sans attendre, je récupère la bouteille de ketchup dans le frigidaire, puis revient près du plan de travail. Soulevant le pain du dessus de mon burger ainsi que le fromage, je m’applique pour dessiner une tête de bonhomme avec le ketchup sur le steak haché et, fier de moi, je tourne la tête vers ma sœur. « Vraiment canon mon dessin, tu ne trouves pas ? » Je repose le dessus du burger après avoir attendu qu’elle admire mon œuvre quelques minutes et, après avoir rangé tous les ingrédients, on prend nos assiettes et chacun un verre pour aller s’installer dans le canapé. « Au fait, pour le dessert, j’ai acheté des cookies. Ça te convient ? » Je la questionne, ne doute toutefois pas du fait qu’elle répondra de façon positive. Elle aime pas mal de choses que moi aussi, j’aime. Étonnement, Mila et moi, on a quand même pas mal de points communs, notamment lorsqu’il s’agit de la nourriture. Allumant la télé, les premières images qu’on découvre sont celles d’un documentaire et une petite anecdote me revient ainsi en tête, quelque chose qui m’avait étonné. « J’ai vu un documentaire la semaine dernière sur une femme qui avait réussi à apprivoiser un ours. Au début, je pensais que ce n’était que des balivernes, jusqu’à le voir dormir sur le sofa avec la femme. Un truc de fou. » Que je dis avant de mordre dans mon burger.