long time no see / cloe

« Mais je t’assure que ça ne nous dérange pas ma chérie. » Me répète ma mère pour la énième fois. Depuis que l’idée d’aller m’installer avec Oliana est ancrée dans ma tête, impossible pour moi de m’en défaire. Je n’ai encore rien dit à Winona pour éviter qu’elle ne s’emballe trop si jamais ça ne se fait pas mais j’aimerais beaucoup. Je n’ai rien contre mes parents, non seulement ils ne sont pas souvent à la maison et en plus de ça ils ne sont pas difficiles. Cependant, à mon âge l’idée de vivre plusieurs mois chez mes parents ne m’emballe pas des masses. Trouver un appartement avec la paye que j’ai n’est pas trop difficile, en revanche avoir le temps de faire des visites avec mon planning ce n’est pas gagné. Et puisque je suis très pointilleuse, je ne peux pas accepter de choisir le premier appartement qui passera. Après tout je vais normalement y vivre plusieurs années, ce n’est pas à prendre à la légère. Mais vivre avec ma meilleure amie – tout en veillant sur elle – ça me plairait beaucoup. « Je sais m’man, c’est pas le souci. J’aimerais simplement ne pas avoir l’impression d’avoir de nouveau quinze ans. » Ce qu’elle peut comprendre. J’ai toujours eu besoin de mon indépendance, enfin sauf lorsque ça touchait Warren. Lui, j’en dépendais complètement et si je dois être honnête c’est encore le cas. Peu importe les mensonges et les sourires que j’offre, depuis qu’il y a eu cette distance entre nous, il me manque quelque chose. C’est une partie de mon âme qui m’a été arrachée et je déteste le fait d’avoir perdu cette connexion particulière que j’avais avec mon jumeau. En d’autres termes, il me manque. Je termine de mettre le repas du midi de Winona dans son sac et le referme. « J’ai tout préparé pour sa journée au centre de loisirs, faudra lui rappeler d’emmener sa Ventoline par contre, son asthme est de retour depuis qu’on est rentrées. » Ma mère agite doucement la tête en sirotant son café. Moi j’ai prévu d’en boire un en ville avec Cloe. Maintenant que je suis certaine de rester à New York pour de bon, j’ai besoin de renouer avec toutes ces personnes que je n’ai pas vu depuis des mois. Certes les messages et les appels m’ont aidé à ne pas avoir l’impression de totalement perdre le contact avec eux mais c’est totalement différent d’une discussion face-à-face. Enfin prête, je quitte le penthouse de mes parents dans Manhattan pour rejoindre Brooklyn et ainsi gagner The Chipped Cup où j’ai donné rendez-vous à Cloe. Cloe que j’aperçois une fois non loin du café, à l’extérieur de celui-ci. « Mais regardez-moi ce joli brin de fille ! » Dis-je en arrivant près d’elle, un large sourire venant étirer mes lèvres. « Tu m’as l’air quand même bien en forme malgré tes études. » Parce que je sais que ses études de médecine sont parfois éprouvantes. Je l’admire pour ça et à vrai dire ça a toujours été le cas. Baby-sitter de Winnie pendant un petit moment, c’est le genre de personne en qui je sais pouvoir avoir confiance et rien que pour ça je sais qu’elle va faire des merveilles dans son métier.

Il y a des gens, comme ça, qui vous marquent. Des personnes qui entrent dans votre vie, posent leurs valises et décident de ne plus en sortir. Des personnes comme Cloe qui, malgré la distance, a tout fait pour que nous restions en contact. J’ai fait de mon mieux pour ne pas la décevoir entre mon rôle de mère, mes entraînements, mes matchs et mon infidèle d’ex-petit ami. Je me suis évertuée à prendre de ses nouvelles, à m’assurer qu’elle allait bien malgré ses lourdes études, qu’elle ne se mettait pas trop la pression et surtout je lui ai rapidement annoncé mon retour à New York. Cloe est un peu comme une petite sœur. Alors, certes, j’en ai déjà une, mais rien ne m’empêche de considérer d’autres personnes comme un membre de cette famille spéciale que je me suis créée avec les années. La revoir, recommencer à passer du temps avec elle, à la taquiner tout en m’assurant qu’elle va bien, ça ne peut que me mettre de bonne humeur. Ça et le soleil qui plane au-dessus de nos têtes. En méditerranéenne que je suis, habituée à la chaleur, au soleil de plomb qui hale rapidement votre peau, je suis heureuse qu’en été même si la plupart des gens trouvent ces températures étouffantes. C’est donc avec un large sourire aux lèvres que j’accueille la brune qui n’hésite pas à se jeter contre moi pour me serrer dans ses bras. « Mon dieu, t'es enfin là, en chair et en os. » J’ignore si Dieu y est pour quelque chose n’étant pas très croyante, mais une telle exclamation me fait rire. « Je prie depuis que t'es partie pour que tu reviennes, et je crois que je commence à croire en Dieu. » Mon rire se fait un peu plus entendre. Je secoue la tête de droite à gauche mais reste amusée par autant de joie de sa part. « Je suis partie seulement quelques mois pourtant et je suis pas certaine que Dieu y soit pour grand-chose, à moins qu’il ait l’esprit un peu tordu. » Pour me faire revenir à New York il a tout de même fallu que je surprenne mon petit ami en train de culbuter une autre femme dans notre lit donc bon … « J'ai fini ma dernière année de residency, du coup, là c'est sea, sex and sun, enfin, Hudson River, abstinence et ombre des gratte ciels. Et toi ? En quel honneur tu fais ton come back ? C'est définitif ? » Elle enchaîne et je continue de sourire sans doute un peu comme une idiote mais je rayonne probablement autant qu’elle. « Abstinence ? Franchement t’abuse, t’es canon et tu devrais en profiter ! » Non mais sérieusement avec des courbes pareilles, un sourire aussi mignon, où sont les gars qui devraient être en train de baver derrière elle, hein ? « Complètement définitif oui, mais je t’explique une fois qu’on sera installées. » Parce que je n’ai pas envie de m’étaler sur la raison de mon retour en pleine rue. Mon bras passé sous le sien, je l’entraîne de force à l’intérieur du café et nous guide jusqu’à une table vide près de la fenêtre.

Ce n’est pas une impression, il y a trop longtemps que je n’ai pas vu Cloe. Trop longtemps que je n’ai pas parlé de tout et de rien avec elle. Trop longtemps que je ne me suis pas assurée qu’elle allait bien et c’est entièrement de ma faute. Si je n’étais partie en Grèce et si j’avais pris le temps de donner de mes nouvelles plus souvent - et donc d’en prendre - je ne me sentirais pas aussi coupable en la voyant aujourd’hui. Mais maintenant que je suis de retour et ce pour de bon, je vais avoir tout le temps du monde pour elle à tel point qu’elle va finir par en avoir marre de m’avoir sur son dos. Ce qui ne m’arrêtera pas pour autant. « Quelques mois, c'est déjà trop pour mon petit coeur tout mou. » Je fais une petite moue boudeuse et secoue la tête de gauche à droite. « Je suis désolée, promis je ne pars plus aussi longtemps. » Du moins, j’espère sincèrement ne plus jamais avoir à quitter New York. La dernière fois c’était pour une peine de coeur et, oui, je rentre à cause de la même chose mais j’aimerais assez ne pas avoir à trop souffrir encore de ce côté-là. Ne pas souffrir du tout serait encore mieux mais je ne me fais pas trop d’espoirs non plus. « Dis ça aux mâles de New York, moi j'en doute pas. » Me lance Cloe une fois le choc de son abstinence encaissé. « Hm … t’es certaine de chercher comme il faut ? Maintenant que je suis rentrée et que tu es un peu plus âgée, je peux prendre le risque de te faire sortir sans avoir peur de finir en prison. » Il aurait été bête que je sois arrêtée par son frère. S’il est aussi protecteur qu’il semble l’être avec ses soeurs, je ne suis pas certaine qu’il aurait apprécié le fait que sa plus jeune soeur soit dévergondée par une fille qui fait parfois la une de la presse people pour des histoires de couple. Enfin pour le moment, je compte surtout prendre connaissance de tout ce que j’ai manqué et pour ça il n’y a rien de mieux qu’un bon café, assises tranquillement à une table de ce café encore plutôt calme à cette heure-ci. « Alors ? Les nouvelles ? Les potins ? Et comment va Win ? » Cet enchaînement de questions après le départ du serveur ne peut que me faire rire bien qu’il ne soit pas étonnant. « Winnie va bien, tu devrais venir manger à la maison un soir, elle serait super heureuse de te voir ! » Je commence en m’enfonçant contre le dossier de ma chaise. « Et tu sais que je viens de rentrer ? Niveau potins, c’est plutôt à toi de parler ! Sauf si tu veux que je parle de la raison de mon retour mais là il va me falloir quelque chose de plus fort que le café. » Avoué-je en grimaçant. Quelque chose d’aussi fort que du whisky ou de la vodka par exemple.

« Chercher ? C'est à dire ? Les applis de rencontre ? » Ce n’est pas vraiment ce que j’avais en tête, non, mais si c’est comme ça qu’elle veut faire des rencontres, pourquoi pas ? Tout est à prendre n’est-ce pas ? Je suis probablement vieu-jeu là-dessus, préférant les véritables rencontres au hasard au détour d’un bar mais il va peut-être falloir que je pense à évoluer avec mon temps de ce côté-là. « Premièrement, j'ai bien l'intention que maintenant que je ne suis plus une enfant, tu m'emmènes dans tes soirée uppées de sportifs. Deuxio, la prison, pas moyen, tu sais que j'ai des contacts entre mon frère et Mike Shaffer depuis peu, ils ne pourront résister mon regard de chien battu pour te faire sortir de prison dans laquelle ils t'auront enfermé. » Enchaîne Cloe ce qui me fait rire. Je l’imagine très bien jouer de sa petite bouille pour faire céder son frère qui, lui, aurait surtout eu envie de m’étrangler pour avoir entraîné sa soeur ici et là. J’aimerais dire pouvoir comprendre, j’ai une petite soeur après tout, mais nous n’avons jamais été très proches - certainement pas durant notre enfance et adolescence - mais ayant une fille je suppose que la peur qui lui arrive quelque chose avec une personne mal intentionnée est la même chose. « J’apprécie vraiment beaucoup l’aide pour me faire sortir de prison et tu sais ces soirées sont très vite barbantes. » Généralement, elles sont là pour agrandir notre réseau, trouver des sponsors, se mettre en avant pour de potentiels contrats avec des grandes marques. En fait ça tient plus du troc ou du marché, que de véritables soirées passionnantes comme les gens semble se l’imaginer. « Mais si tu y tiens, tu viendras avec moi à la prochaine, ça m’enlèvera l’envie de fuir au bout de deux minutes. » Parce que, très sincèrement, les sourires forcés et les faux compliments non jamais été ma tasse de thé. Pourtant on pourrait croire qu’avec toutes les soirées où j’ai été traînée par mes parents je serais rodée, eh bien non. « Et bien, à nos agendas, j'en serai très heureuse. » Bien, je vais avoir une bonne nouvelle à annoncer à ma fille en rentrant, voilà de quoi me mettre encore plus de bonne humeur malgré la tentative de Cloe pour me tirer les vers du nez. « En fait, on va prendre deux shooters en plus s'il vous plait. Aussitôt dit, aussitôt fait madame. Je t'écoute, ma vie n'a pas vraiment d'importance puisqu'elle est ... un peu boring, enfin ... j'ai re croisé un mec ... il y a pas longtemps, et bien ce fameux Mike d'ailleurs. Mais rien de palpitant. Dis moi. » Je vois le serveur nous dévisager mais repartir sans faire le moindre commentaire. De toute manière sa tête suffisait. « Rien de palpitant hein ? » Je la taquine pour éviter de rentrer dans le vif du sujet même si elle ne me laissera pas m’en sortir aussi facilement. « C’est .... J’ai surpris Elijah en train de se faire une autre femme que moi dans notre lit et Winnie était là. » Avoué-je en gigotant sur mon siège, mal à l’aise. « J’ai évité de le tuer mais j’ai pris plaisir à balancer ses affaires par la fenêtre et les virer tous les deux de la maison sans leur laisser le temps de s’habiller même si ça changeait rien à ce que ça m’a fait. Surtout en apprenant qu’il se faisait son agent et son avocate, et qu’il utilisait notre relation pour se faire une réputation. » Il a beau être célèbre basketteur en Grèce, il ne l’est que là-bas alors que ma réputation n’est plus à faire en Europe et aux USA, de quoi faire parler de cet enfoiré.