"#gênance" Je grogne en regardant l'écran de mon portable. Je sais que ce gars est supposé être un de mes meilleurs amis mais il y a des fois où j'ai envie de le frapper, et ce, même si ça fait trois ans qu'un océan nous sépare. Bon, pour être honnête, je grogne et je souris en même temps. J'ai fait l'erreur de dire à Evan que Noé et moi, on se retrouve dans un café dans quelques minutes. Pourquoi je lui dis encore ce genre de chose déjà ? Je sais pas, l'information a dû glisser par inadvertance dans notre conversation. Tout en marchant pour me rendre au café je lui envoie un : "Ta gueule". Réplique ultime. Simple et précis à la fois, c'est tout moi ça. J'imagine Evan mort de rire, affalé sur son canapé alors qu'il doit aller se coucher parce qu'il commence son boulot tôt le lendemain. En apprenant que Noé revenait s'installer à New York, il a été le premier à péter un câble en oubliant limite que Noé et moi, c'est de l'histoire ancienne. "Tu me dis ça uniquement parce que t'es gêné aussi." Je lève les yeux au ciel. Il est vraiment con, à croire qu'il le fait exprès. "Moi, gêné ? T'es ouf. On va se boire un putain de CAFE. T'excite pas." Ce mec est taré mais ça me fait plaisir d'en parler avec lui, même par sms. Ma bande me manque. C'est vraiment le gros point négatif à vivre à NYC, ça et le fait que bien sûr, ma mère est à des kilomètres de moi. "Café ou pas, est-ce qu'Ilyes est au courant ;) ?" Je fixe le sms d'Evan en haussant un sourcil. Ce mec est incroyable. Je passe les minutes suivantes à lui rappeler pour la énième fois qu'on a rompu il y a bien longtemps avec Noé et que maintenant, même s'il est revenu s'installer en ville en janvier, il a une copine. Alors pourquoi il passe encore son temps à fangirler sur nous ? "Copine ou pas, je maintiens mon #gênance." C'est dans ce genre de moment où ça me manque d'être chez moi, à Paris. Comment est-ce que je peux traduire "gênance" en anglais ? C'est impossible, il n'y a aucun équivalent. "Maintiens ce que tu veux. C'est pas comme si j'étais à des milliers de kilomètres de toi et de ta grande gueule et que j'avais la possibilité de t'ignorer." Bam, sur ce, je range mon portable tout en apercevant la devanture du café où Noé et moi, on s'est donnés rendez-vous. Il est de retour depuis janvier et pourtant, c'est la première fois qu'on réussit à se voir. On  ne change pas les bonnes vieilles habitudes. Je dois limite considérer ça comme un miracle qu'on ait réussi à se voir si vite. Il est à peine dix-huit heures et j'ai encore du temps avant d'aller bosser à l'Output ensuite. J'arrive enfin au café, puis jette un coup d'oeil en entrant à l'intérieur pour voir si Noé est là. Mes yeux ne le trouvent pas et du coup, je vais m'installer à une table tranquille en l'attendant.