Ce qu’il fait là ? C’est une excellente question. Laissé entraîner par quelques collègues pour "se changer les idées" plutôt que de passer son temps à faire la tête, il a fini dans ce bar à cocktails, un verre à la main sans même savoir ce qu’il s’apprête à boire. Pourtant, l’ambiance du please don’t tell est agréable et, effectivement, le brun doit admettre être bien plus détendu que d’habitude, d’autant plus avec ces longues journées qui s’enchaînent. Encore maintenant, il n’est pas parvenu à retrouver ce collègue porté disparu qui bossait sur un flic véreux et ça l’angoisse. Ça l’angoisse beaucoup trop. « Farrell, arrête de penser boulot putain. C’est écrit sur ta gueule que tu penses qu’à ça. » Sourcils froncés, il regarde son collègue qui secoue la tête et part se glisser dans la masse de clients présents ce soir. Lui, il a surtout envie de boire quelque chose de plus fort que ce qui semble y avoir dans son verre. Il abandonne ce dernier et la table pour gagner le comptoir et s’installer sur un tabouret en commandant n’importe quoi mais quelque chose de fort. Son attention portée sur les personnes autour de lui, il fixe brièvement sa voisine à sa gauche, reporte son regard sur le barman puis regarde encore une fois sa voisine, la surprise lisible sur son visage. « Hestia ? » La blonde, il la reconnaitre entre mille, y compris de profil. 2013, c’est l’année durant laquelle ils se sont vus la dernière fois. Une période qu’il peut difficilement oublier et qui, automatiquement, le fait sourire lorsque la jeune femme tourne la tête vers lui.
« Encore un verre, mono sourcil ! Et cette fois-ci, tu le remplis à ras bord hein. Je t’observe, fais gaffe vieux grincheux » tu tranches, ta voix claquant comme un coup de fouet. Résonnant bruyamment dans l’enceinte du bar. Ordonnant pour la énième fois un verre de whisky au barman peu coopératif à ton goût. Elixir convoité. Attitude irrationnelle. Presque irresponsable. T’avais juste besoin de te détendre. Penser à autre chose. Désirant chasser sa présence indésirable de ta tête. Alors, quand on t’a glissé à l’oreille que tu pourrais te relaxer « au please don’t tell », tu t’es retrouvée incapable de décliner l’invitation. Esprit embrouillé. Confus. Repère secret où tu pourrais enfin retrouver cet état de paix intérieur. Unique moyen pour échapper à ce bordel dans lequel se retrouve ton cœur. Unique solution pour maintenir ta tête hors de l’eau. Tu te questionnes. Te répétant qu’il n’en vaut pas la peine. Il t’a quitté. Lâche. Incapable de te suivre à l’autre bout du continent. Il était de l’histoire ancienne. T’avais rayé son existence de ta vie. T’attrapes le verre que te tend le barman et tu le bois d’une seule traite. « ça doit être dur d’être toi nan ? je te comprends hein… » tu réitères d’un ton étrangement naturel. Accoudée sur le rebord du comptoir. Face à lui. Le regard aguicheur. Voix ensorcelante. Tout du moins c’était ce que tu croyais. Egarée entre le réel et l’irréel. Nectar divin ayant pris possession de tes sens et de ta raison. Complètement déphasée. Il t’ignorait. Royalement. Et ça te déplaisait. Tu fronces les sourcils, finissant par lui tourner le dos. Poussant un long soupir. L’ennuie s’infiltrant peu à peu en toi. T’avais besoin d’un peu d’action. Prière silencieuse exaucée. Son mélodieux qui te parvient assez nettement. Voix tendre. Familière. Dès qu’il prononce ton prénom, tu fais volte-face. Te tournant brusquement sur ta droite. Tes yeux s’écarquillent. Léger surbresaut. Palpitations. Cœur qui tambourine violemment contre ta poitrine. T’as du mal à saisir la situation. Ni ce qu’il fait là, en face de toi. « W.. Wyatt ? » tu lâches, prise au dépourvu. « Mais… Mais t’es à New York ? » T’as du mal à comprendre ce qui se passe. T’as juste l’impression que le destin te joue des tours. Ton passé te rattrape. Nostalgie qui s’empare de toi. Te remémorant l’année passée à ses côtés. Il t’a manqué. « Je ne savais pas que tu fréquentais ce type de bars, tu me surprendras toujours Farrell… » tu lui avoues, un tendre sourire barrant tes lèvres. Tes yeux enjôleurs plongés dans les siens. « T’es venu… accompagné ? » tu ajoutes innocemment, observant avec attention ce corps qui fut tien autrefois.
Le grincheux en lui, persuadé qu’il n’aurait jamais dû céder aux supplications de ses collègues, finit par disparaître à mesure que les minutes s’écoulent. Certes il y a du monde et ils ne s’entendent pas toujours parler, mais l’ambiance reste agréable et l’alcool plutôt bon. Non pas qu’il soit difficile en fait, lui une bière suffit à le rendre heureux. Encore et toujours il pense au travail, il faut bien le dire. Cette affaire sur laquelle il bosse en interne le travaille que trop et même sortir ne semble pas être la solution pour l’aider à l’oublier. Le bar. Un peu plus d’alcool et peut-être qu’il pensera à autre chose ou à rien, ce qui lui conviendrait tout autant. Un verre de whisky apparaît devant lui et il sort un billet qu’il glisse au barman. Il n’en est pas fan mais ça fera largement l’affaire. Sauf qu’il oublie très vite son verre. Son regard porté sur sa voisine, la surprise le gagne aussi vite qu’il l’interpelle. Et elle aussi est étonnée de le voir là. Ça le fait sourire. Les probabilités qu’ils se croisent dans une ville aussi grande que New York étaient tout de même minces. « Depuis quelques mois, oui. » Affirme-t-il, son sourire toujours accroché à ses lèvres. En réalité, il y a toujours vécu, s’est uniquement absenté pour diverses affaires. « Ah et quel genre de bars tu pensais que je fréquentais au juste ? » Amusé, il aimerait bien savoir. Elle n’a pas tort cela dit, il est du genre bar plutôt tranquille, du genre ceux fréquentés par les flics. « Si tu parles des quelques collègues un peu trop alcoolisés là-bas … » Commence-t-il en désignant du pouce la table un peu plus loin. « … alors je suis accompagné et toi ? »
