En appuie sur le dossier de son fauteuil légèrement penché en arrière, les pieds croisés sur son bureau face à lui, paupières closes, Wyatt profite des quelques minutes de tranquillité qui lui reste avant de quitter le poste pour retrouver son chez lui … enfin non, pour retrouver l’appartement de Maze et Cassie, un détail pas franchement glorifiant mais c’est mieux que rien le temps de trouver son appartement. Ou mieux que de squatter chez ses parents. Après avoir bossé toute la nuit au poste, les muscles de son corps réclament quelques heures de sommeil avant d’affronter une nouvelle garde. Soirée et nuit plutôt calmes, le brun a pu en profiter pour finir les rapports qu’il était supposé rendre quelques jours plus tôt et s’occuper de deux, trois bricoles sans qu’on ne vienne lui casser les pieds. Puis le temps a fini par être long et l’Américain n’a rien trouvé de mieux que de faire un petit somme avant de partir. « Farrell ! » Laissant échapper un simple grognement, il ne bouge pas alors qu’il sent le regard assassin de son sergent posé sur lui, probablement dans l’encadrement de la porte de son bureau. « Dégage de là avant que je m’énerve ou que je te fasse nettoyer le sol à la brosse la dent. » Il entend quasiment aussitôt la porte du bureau claquer et son sourire s’étire sans honte sur ses lèvres. Basculant vers la table devant lui après avoir retiré ses pieds, il se redresse, attrape sa veste sur le dossier de son fauteuil et quitte les bureaux sans se faire prier. En quelques minutes grâce au métro, il rejoint l’appartement des filles, monte les marches quatre à quatre jusqu’à la porte et entre pour faire face au silence. Parfait, de cette manière il est certain de pouvoir trouver le sommeil dont il a besoin sans dérangement. Mais avant ça, il a bien besoin d’une douche. Débarrassé de ses chaussures, de sa veste mais aussi de son tee-shirt, il prend la direction de la salle de bain uniquement vêtu de son jean et ouvre la porte se délectant déjà de l’idée de se détendre sous l’eau chaude. Hors ça ne se passe pas comme prévu. A peine la porte ouverte qu’un cri vient lui briser les tympans et réduire son rêve à néant. Sauf que la vision qu’il a sous les yeux est loin d’être une horreur. Incapable de cacher son amusement, il se rince l’œil et regarde la pauvre Cassie en serviette sans honte. « Jolies jambes. » Lance-t-il, taquin. Ce n’est pas la première fois qu’il a la joie de les voir, en revanche c’est la première fois qu’il a le droit de la découvrir en serviette – quasiment nue, de quoi lui donner des idées de ce qui se cache en-dessous. « T’as fini ? J’ai besoin de prendre une douche. » Logique, sinon il ne serait pas là. Bras croisés contre son torse nu, il s’appuie contre le chambranle de la porte, barrant le chemin et continuant d’admirer la vue.

Il n’y a rien de désagréable chez Cassie. Joli minois, des courbes parfaites mais un don pour l’agacer très rapidement. A ses yeux elle a toujours été la meilleure amie agaçante de Maze, la fille insupportable qui compte tellement pour sa jumelle qu’il l’a toujours protégé à sa façon. Oui, parce que sa façon consiste à éloigner les gars pour ne pas qu’elle souffre. Lui-même con lorsqu’ils étaient au lycée, Wyatt n’avait pas la moindre envie d’entendre sa sœur lui parler du cœur brisé de sa meilleure amie. C’était donc une façon pour lui de s’éviter plus d’agacement … Toutefois, il comprend parfaitement l’intérêt des hommes pour la jeune femme et en couple ou non, ce n’est pas tromper que de regarder ce corps dont il devine les formes sous la serviette. « Mais…Dégage de là ! », « Tu devrais crier plus fort, je suis certain que Maze dort encore. » Dit-il en levant les yeux au ciel. Si elle est dans un sommeil profond, il y a peu de chance qu’elle ait entendu la brune crier mais qu’importe. Lui, il reste contre la porte tandis que Cassie vient vers lui, déterminée à en finir au plus vite avec lui, à fuir sa présence. Il la connaît par cœur la demoiselle, il sait qu’elle n’a pas envie de le supporter plus longtemps et c’est ce qui l’amuse le plus. Ça et le fait qu’il sait qu’elle n’était pas pour qu’il emménage ici. « Je finirai bien plus vite, si tu me laissais tranquille. Markus. » L’intéressé serre les dents. Il a une sainte horreur de son véritable prénom, accepte uniquement lorsque ses parents l’utilisent – voire ses sœurs – mais venant de Cassie, il sait que c’est pour l’énerver et ça fonctionne. « C’est presque hilarant de voir à quel point je te dérange, Cassandra. » Déclare-t-il sur le même ton. Le flic se redresse, se retrouve tout près de la jeune femme vers qui il baisse les yeux. « D’ailleurs, comment se fait-il que tu sois encore debout à une heure pareille ? Moi qui espérais être seul avec moi-même, je suis surpris de te voir encore réveillée. Tu risques d’avoir des cernes demain … » Pour la chercher un peu plus, il passe son index sous ses yeux. « … Je croyais qu’il fallait être irréprochable dans la mode. » Enfin pour ce qu’il en sait parce que lui, c’est loin de l’intéresser. Il sait aussi que Cassie se fait exploiter par sa supérieure mais il trouve plus intéressant de prétendre ne pas savoir.

« Je crierais pas si t’avais un minimum de respect. » S’il avait un minimum de respect ? Wyatt se retient de rire, se contente d’un sourire pour démontrer à quel point cette réflexion l’amuse. Du respect, il en a beaucoup, il en a toujours eu, hormis pour les règles, mais pour les gens il en a beaucoup. C’est presqu’à croire que malgré toutes ces années à grandir ensemble – disons les choses comme elles sont – elle ne le connaît toujours pas. Et si Cassie a bel et bien touché un point qui fait mal en l’appelant par son véritable prénom, lui ne se gêne pour lui retourner la pareille. Pourquoi devrait-il être le seul à supporter qu’on l’appelle par un prénom qu’il n’aime pas après tout ? « Visiblement, il faut être con pour rentrer dans la police. », « Tu vas finir par me vexer. » Dit-il, moqueur. Elle peut dire ce qu’elle veut, ça ne l’atteint pas. Certes, l’avis des autres le concernant à une certaine importance, mais quand il s’agit de la brune c’est complètement différent. Ils ne se supportent tellement pas depuis des années qu’il a très vite arrêté de se préoccuper de ce qu’elle pense de lui. En revanche, son corps réagit un peu trop vite lorsqu’elle effleure son épaule. Il retient le frisson comme il le peut, se convainc que c’est uniquement dû à la différence de température entre leurs deux corps et à la fatigue aussi. Bref, tout un tas de raisons qui expliquent qu’il réagit comme ça. « Emma te satisfait tellement pas que tu viens te rincer l’œil ici ? C’est presque vicieux, Markus. Tu crois qu’ils apprécieraient de savoir qu’un de leur lieutenant est un pervers assidu ? » Wyatt reste quelques instants à regarder Cassie dans les yeux, à se laisser happer par ce petit instant qu’ils ont connu plusieurs fois déjà mais qu’ils finissent toujours par briser parce que … et bien parce que c’est comme ça. Elle est comme la plus chiante de petite sœur à ses yeux et c’est très bien comme ça. « Tu tiens réellement à ce que je parle de ma vie sexuelle avec toi ? Parce que figure-toi qu’Emma me satisfait pleinement. » Assure-t-il d’une voix douce sans la quitter des yeux. Il se décolle toutefois de l’embrasure de la porte, brisant définitivement la petite bulle qui les avait entourés. « Et tu pourrais toujours le dire, ils n’en croiraient rien d’autant que si tu pensais à fermer la porte à clé tu n’aurais pas à supporter ce genre de désagrément. » Il ponctue sa phrase d’une petite tape sur le bout du nez de Cassie. « Je vais surtout croire que c’est ce que tu cherchais depuis le début, Cassandra. » Ajoute-t-il en lui adressant ce large sourire moqueur dont il a le secret.

« T’as pas besoin d’en parler, on entend tout Wyatt. » Il arque légèrement un sourcil avant même qu’elle ne reprenne la parole. Il n’est pas tellement surpris, il sait que les murs sont fins, mais il se pensait plus discret … encore une raison de plus pour amener sa petite amie le moins possible dans cet appartement – et pour qu’il en parte. « Oh oui, bébé… Oh oui… On a plus l’impression qu’elle beugle » Si son sourire semble amusé, Wyatt ne l’est pas du tout. Cassie, elle a ce don pour l’agacer à une vitesse impressionnante. Pendant une minute il y a cette attraction entre eux, ce moment suspendu dans le temps, puis la suivante il a simplement envie de lever les yeux au ciel dès qu’elle ouvre la bouche. « C’est sûr que de ton côté ça me paraît bien silencieux. » Et il en a longtemps été la raison, ce dont il n’a même pas honte. Ils ont déjà du mal à se supporter, alors supporter en plus sa sœur lui rabâcher les oreilles avec le dernier gars ayant brisé le cœur de sa meilleure amie, très peu pour lui. Aux dernières nouvelles, il est justement un homme, il a été con, pour ça il sait qu’elle se fera forcément briser le cœur. Peut-être qu’il a toujours voulu la protéger aussi … oui, peut-être. Toujours est-il que son petit commentaire l’a agacé et il sait qu’elle sait. « J’avoue, tu m’as coincé. C’est clair que j’ai laissé la porte ouverte pour que tu viennes de rincer l’œil. Je rêve que tu me rejoignes dans la douche… » Très bonne comédienne, le doute s’installe quelques secondes chez le brun avant que Cassie ne se mette à rire et lui fasse définitivement comprendre qu’elle se paye sa tête. Pourtant, l’espace d’un instant il n’a pas pu s’empêcher de s’imaginer la scène et il se voit forcer de mordre l’intérieur de sa joue pour se reprendre. « T’es complètement stupide, ma parole. Et puis, je croyais que t’en avais que pour quelques semaines ici. Pour un type qui avait simplement envie de retomber sur tes pates, tu t’es plutôt bien installé ici, non ? », « Tu parlerais moins si tu en savais plus, Cassandra. » Déclare-t-il aussitôt. Elle ne sait rien parce qu’il n’a pas envie d’en parler. Elle ne sait rien parce que ça ne la regarde pas. Lui aussi pense à partir mais pour le moment, Maze est la seule à pouvoir l’aider à aller mieux. « Crois-moi je serais ravi de ne plus avoir à te supporter à chaque fois que je passe la porte de l’appartement. Je t’apprécie autant que tu m’apprécies, sois en sûre, mais pour le moment je reste que tu le veuilles ou non. » Parce qu’il a besoin de sa jumelle et qu’en plus de ça il ne se voit pas squatter là où vit sa petite sœur. « Tu vas devoir faire avec la frustration d’entendre Emma prendre tout le plaisir que je peux lui donner. » Sourire moqueur au coin des lèvres, il la fixe, s’amuse de prétendre qu’elle est un brin jalouse de ne pas être à la place de sa petite amie.

C’est sans arrêt la même rengaine, le même scénario. Ça ne diffère jamais et ça devient épuisant. Des années qu’ils se chamaillent de cette manière, des années qu’ils ne parviennent pas à avoir une conversation dans laquelle ils restent civilisés et ne s’envoient pas de piques à longueur de temps. Pourtant, Wyatt le sait, au fond ils s’apprécient l’un et l’autre. Cassie c’est une petite sœur de plus tout comme lui est un frère – certes chiant – en plus. Cela dit, ça reste agaçant et particulièrement fatiguant ce soir. Oh, il sait être coupable. Il aurait pu la laisser partir plusieurs minutes auparavant, mais la taquiner a été plus fort que lui, seulement maintenant il rêve surtout de sa douche et de son lit pour le peu de temps qu’il arrivera à dormir. « Ce n’est pas parce que je n’en ramène pas ici, que je ne fais rien, Markus. », « Bien sûr … » Qu’il dit, les dents légèrement serrées. Pourquoi est-ce que ça l’agace toujours autant d’imaginer des hommes lui tourner autour voire même la toucher ? Elle fait ce qu’elle veut après tout, elles sont loin leurs années lycée, il devrait être à même d’accepter qu’elle ait une vie amoureuse tout comme lui en a une, mais ça reste difficile. Qu’importe, il y aura toujours cette espèce de jugement entre eux, quoi qu’ils fassent. « J’en jugerai par moi-même si j’en savais plus. » Son regard posé sur la jeune femme, Wyatt laisse quelques secondes passer. Il la regarde, les yeux légèrement plissés puis finit par soupirer. Oh il pourrait lui parler, mais il n’en a pas envie. « Probablement, mais tu n’en sauras pas plus et c’est très bien comme ça. » Dit-il, un peu sèchement. Une façon simple de faire comprendre qu’il n’a pas la moindre envie de s’étaler sur le sujet. Il en parle déjà à bien trop de personnes à son goût. Ce n’est pas un manque de confiance en Cassie. Quand bien même passent-ils leur temps à s’envoyer balader, il la connaît assez pour savoir qu’elle n’utilisera pas sa situation contre lui ou pour se payer sa tête. Il n’a simplement pas envie d’en parler encore une fois. Pas pour le moment. « Eh bien, bon courage pour ton balai dans le cul. Tu m’épuises, Markus. J’ai plus envie de jouer à ça. Donc pousses-toi, et laisse-moi aller dormir. » Le brun lève les yeux au ciel, la regarde récupérer ses affaires et hésite un instant lorsqu’il la voit revenir et planter sur lui un regard dur. Il sent le coin de ses lèvres se soulever et ne peut s’empêcher de penser qu’une Cassie énervée et autoritaire c’est charmant. « Sentiment partagé, mais va donc. » Conclue-t-il enfin. Il se décale de devant la porte et la laisser passer. Sans fermer la porte, Wyatt, il la regarde s’éloigner direction de sa chambre et ne peut se retenir de rajouter un : « Bonne nuit, Cassandra. » Assez fort pour être certain qu’elle l’a entendu mais pas assez pour réveiller sa sœur.