On ne peut pas sauver tout le monde. Le regard rivé sur la route les séparant encore de la caserne, il n’y prête pourtant pas une grande attention. Dans sa tête leur dernière intervention joue en boucle. Si elles sont toutes différentes, il y a sans arrêt la crainte de perdre une personne, de ne pas arriver à temps ou que quelque chose tourne mal. Iain le sait et malgré ça, ça ne change pas la sensation qui le ronge à chaque fois qu’une victime ne survit pas. Cette frustration, cette impression d’être inutile qu’importe les efforts mis en œuvre. Tout le monde a été bon. Chaque personne a fait son travail correctement mais ça n’a pas changé l’issue de cette intervention. Et une part de lui est heureuse de ne pas être celui qui devra annoncer la triste nouvelle à la famille. Ils savaient la victime décédée avant qu’elle ne parte avec l’ambulance et ça lui laisse tout le temps de s’énerver alors qu’ils rentrent à la caserne. Descendu du camion, débarrassé de sa tenue d’intervention, il ne prononce par un mot et entre directement à l’intérieur, marche d’un pas rapide jusqu’à son bureau, près des dortoirs. Et là, n’en pouvant plus, il frappe le mur, le frappe si fort que sa peau s’entaille au niveau de ses phalanges. Mais il ne sent pas la douleur et serait presque prêt à taper une nouvelle fois. A la place, il se laisse choir sur son petit lit. Coudes en appuie sur ses cuisses, sa tête entre ses mains, il serre les dents, ravale le cri de frustration qui monte en lui. C’est à chaque fois la même rengaine. Il lui faut le temps de digérer. Certains disent qu’il ne faut pas s’attacher autant, mais il est humain et il est difficile d’accepter une telle fatalité. Surtout lorsque la victime était une gamine de quatorze ans, seule chez elle après l’école, tellement rongée par les flammes que même vivante, elle n’aurait pas tenu le choc. En tant que parent, il lui est tellement facile de se mettre à la place de ceux de la victime. Lui ne s’en remettrait pas. Alors oui, il encaisse mal cette perte et n’a pas eu la moindre envie de parler. Et maintenant sa main lui fait mal alors qu’il redresse la tête, les yeux vers le plafond de la pièce tandis qu’il souffle longuement. Il lui faut simplement quelques minutes pour se reprendre. Juste quelques minutes.
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Invité a posté ce message Jeu 25 Oct 2018 - 21:17#
you have a reason for everything
But you don't turn away, I can feel this magnetic force, I can't fight it
Le retour à la caserne se fait dans un silence de plomb. Ils sont tous perturbés par cette vie perdue, avant même qu’ils aient pu faire quoi que ce soit. Mais, c’est ce qui arrive parfois. Ils ne peuvent pas sauver tout le monde. Pourtant, ils ont tous un goût amer dans la bouche en apprenant l’âge de la victime. Quatorze ans. Elle avait seulement quatorze ans, et toute la vie devant elle. Hélas, le feu avait été beaucoup trop vorace, encore une fois. Si Kate avait eu du mal à éprouver pendant toutes ses années des remords devant ces personnes qui perdaient la vie, aujourd’hui c’était différent. Elle avait changé, et comme ses collègues cette perte lui était tragique. Camion rangé, ils enlèvent leur combinaison, et alors que certains retournent dans la salle commune manger, profiter de la télé ou jouer aux échecs, elle prend un instant avant de décider quoi faire. Mais c’est le pas décidé d’Iain qui l’inquiète. Elle décide de le suivre, s’installant sur son lit en guise d’excuse. Quelques minutes ne s’écoulent avant qu’elle l’entend taper contre le mur. Elle l’aurait presque vu venir ce coup ; elle n’ose pas l’avouer mais elle commence à connaître son tempérament volcanique. Et à vrai dire, ça l’a fait sourire parce qu’elle a l’impression de se voir elle-même des années auparavant. C’est sans doute ce qui la fait si peur de s’approcher de lui. Mais, ça elle n’ose pas y penser une nouvelle fois. Se levant sans un bruit, elle fait un détour vers l’infirmerie, prends de quoi le désinfecter et repasse devant son bureau. La porte n’est pas totalement fermée, alors elle se permet de toquer, s’appuyant sur l’encolure. « Le mur ne t’as rien fait tu sais. » Sa voix se veut douce et rassurante, mais elle préfère de loin détendre l’atmosphère pesant. Assis sur le lit, la tête dans ses mains, elle constate qu’il a frappé bien fort. Oh elle comprend la frustration qu’il peut éprouver, elle l’éprouve elle aussi. Une belle ironie de la vie. « Je peux ? » Elle n’ose pas rentrer, attendant simplement son feu vert, parce qu’il reste son boss, quoi qu’il arrive.
Les bruits de pas qui viennent dans sa direction, il ne les entend même pas. Obnubilé par sa frustration, rendu sourd par son sang qui cogne contre ses tempes, jusque dans ses oreilles, il prend le temps de se calmer. Iain, il pourrait jouer un rôle, celui de l’homme au cœur de pierre, après tout se mettre dans la peau d’un autre il l’a fait pendant des années, mais il n’y arrive pas. Il n’y arrive plus. Être acteur avait été agréable pendant quelques années, puis il a fini par mettre ça derrière lui en même temps que son mariage. Aujourd’hui il est pompier, se plait dans ce métier qui est une véritable vocation seulement … il lui faut parfois le temps de souffler pour ne pas s’emporter pour rien. Et il sait que tout le monde est abattu par ce qu’il vient de se passer. Chacun réagit à sa façon, lui a préféré s’éloigner le temps que tout redescende. Une fois fait, il retournera dans la salle commune pour se détendre avec ses collègues. Peut-être qu’il devra faire soigner sa main aussi. Une chance qu’il ne soit pas chirurgien autrement il aurait détruit son outil de travail. « Le mur ne t’as rien fait tu sais. » Tête baissée, il pose son regard sur Kate, sent le coin de ses lèvres s’étirer très légèrement. « Je sais, mais c’est mieux que dans la gueule de quelqu’un. » Rétorque-t-il, son accent écossais ressortant lorsqu’il est sur les nerfs. Une chance, même, qu’il ne lui ait pas répondu en gaélique par réflexe. Et puis ça fait sens selon lui. Mieux vaut un mur qu’une personne ou simplement mieux vaut ça que le fait qu’il s’énerve pour une broutille juste pour décompresser. « Je peux ? » Mettant quelques secondes pour réaliser qu’elle parle de sa main, il accepte d’un mouvement de la tête puis se décale sur le lit afin qu’elle puisse s’y asseoir. « T’avais déjà prévu de jouer l’infirmière ? » Qu’il demande alors que d’un mouvement de la tête il désigne ce qu’elle a apporté avec elle : tout ce qu’il faut pour désinfecter les blessures qu’il vient de s’infliger. Iain pourrait rajouter que c’est très sexy, mais ce genre de plaisanterie, il évite de les faire au travail, seul endroit où il ne tente pas d’amener une femme dans son lit. Sauf qu’il repense à ce baiser échangé et se dit qu’il a été idiot de transgresser sa propre règle. « Tu tiens le coup ? » Même sans être son lieutenant, il aurait posé la question mais le fait est qu’il doit s’assurer que toutes les hommes et les femmes sous ses ordres vont bien. Après tout ils forment une famille et dans une famille on veille les uns sur les autres.
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Invité a posté ce message Ven 26 Oct 2018 - 12:53#
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Il y a des jours comme celui-là, où on a l’impression de n’être qu’une chose infiniment petite. Le destin est trop fort pour arriver à le déjouer parfois. Et dieu sait combien elle l’a déjoué dans sa vie. Elle continue à le faire, aujourd’hui, parce que c’est sa façon de rester vivante. Lorsqu’elle est arrivée à New York, sans famille, sans repère, laissant derrière elle sa tête mise à prix, elle avait l’impression d’être fade. Complètement vidée par son essence même. Ça a sans doute été la période la plus difficile de sa vie, parce qu’elle avait constamment la tête sur son épaule par réflexe. Et alors qu’elle tentait de trouver du boulot pour survivre, elle s’est réellement demander si sa vie ne méritait pas mieux de finir à ce moment précis. Elle ne sait pas trop comment elle fait pour se sortir la tête de l’eau, mais un jour elle a fini par s’inscrire à l’académie de pompier. Et aujourd’hui, elle retrouve ce sentiment puissant qu’elle avait lorsqu’elle prenait une mission. « T’avais déjà prévu de jouer l’infirmière ? » « J’ai surtout entendu le coup. » dit-elle en venant s’asseoir près de lui. « Laisse-moi regarder » Elle saisit sa main avec douceur, et l’examine un peu, voir si rien n’est cassé. Elle la repousse sur sa cuisse pour prendre une compresse et de l’alcool. « Tu tiens le coup ? » Haussant les épaules, elle est concentrée sur ce coton qu’elle applique délicatement, ce qui le fait légèrement sursauté. Ça doit bien piquer. « C’est la vie » ajoute-t-elle en guise de réponse. Elle aurait bien pu dire qu’elle a vu pire comme atrocité et comme injustice. Main noire, elle avait longtemps été celle qui les déclenchait à vrai dire. Fidèle compagnon de la mort. Mais, elle n’en dit rien. « C’est plutôt à toi qu’il faut poser la question » Prenant un autre coton pour essuyer le sang supplémentaire, elle finit par récupérer un léger bandage pour y enrouler sa main. « Les victimes qu’on n’arrive pas à sauver te hante toujours » Il allait répliquer, mais elle ajoute : « Ne dis pas le contraire, je sais que c’est faux. »
La main en sang, ça ne le dérange pas plus que ça. Son esprit reste que trop focalisé sur la perte qu’il vient de subir. Cette gamine, pourtant, il ne la connaissait pas et ce n’est toujours pas le cas. Tout ce qu’il saura jamais d’elle c’est qu’elle va laisser un vide dans la vie de plusieurs personnes et qu’elle était bien trop jeune pour mourir. Iain sait qu’il pense trop comme un père et pas assez comme un pompier. Difficile de faire autrement lorsqu’on est qu’un simple être humain. Frapper le mur n’était pas malin, mais c’était sa façon à lui d’extérioriser autant sa frustration que le sentiment d’injustice qui le ronge encore un peu. « J’ai surtout entendu le coup. Laisse-moi regarder » En silence, il laisse Kate prendre sa main et observer les dégâts. Il pourrait lui dire qu’il ne s’agit que de coupures, qu’il n’a rien de cassé, mais ce contact entre eux il n’a pas envie de le rompre. Et il l’observe alors qu’elle repose sa main, attrape de quoi le soigner et s’occupe à nouveau de lui. Un léger sursaut au contact de l’alcool sur ses blessures puis il serre les dents. « C’est la vie » Regard toujours posé sur elle, il fronce les sourcils. « Peut-être mais tu as le droit de dire lorsque les choses ne vont pas. Je ne serais pas de ceux qui te jugeront.» Ça serait hypocrite de sa part en plus de ne pas lui ressembler. Savoir ce que pense ses collègues, les membres de son équipe, c’est aussi quelque chose qu’il aime. Ils forment une famille et s’entraident, ça passe aussi par le fait de parler quand ça ne va pas. « C’est plutôt à toi qu’il faut poser la question » Iain pourrait jouer l’idiot et lui demander ce qu’elle entend par-là, seulement elle soigne sa main, digne preuve de l’état dans lequel il s’est mis. « Les victimes qu’on n’arrive pas à sauver te hantent toujours. Ne dis pas le contraire, je sais que c’est faux. » Pas même le temps de répliquer qu’elle l’a coupé dans son élan. Sa main bandée, il la ferme et la rouvre pour s’habituer au bandage. « Je suis humain, me détacher complètement ça ne fait pas partie de mes compétences. » Explique-t-il doucement. « Mais les enfants ... je suis père de deux gamins, me mettre à la place des parents c’est beaucoup trop facile pour moi. Il me faut simplement le temps d’encaisser. » Comme à chaque fois, hormis que celle-ci est plus difficile. Tellement difficile qu’il pense sérieusement à appeler la baby-sitter ne serait que pour entendre la voix de MJ et celle de Parker. « Et un verre aussi, mais on a encore douze heures à tirer, le mur était une meilleure idée. » Tente-t-il de plaisanter en essayant de chasser l’envie de passer une mèche de cheveux blonds derrière l’oreille de Kate. Ce baiser échangé dont ils n’ont jamais parlé ne doit pas être l’ouverture vers trop de familiarités entre eux, il le sait. Pourtant ça l’obsède.
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« Peut-être mais tu as le droit de dire lorsque les choses ne vont pas. Je serais pas de ceux qui te jugeront » Elle songe à toutes ces années où elle a appris à masquer ces émotions. Pour elle, c’est une chose naturelle de ne pas divulguer ce qu’elle ressent. Si elle a beaucoup changé ces dernières années, c’est une chose qu’elle a encore du mal à lâcher. La seule personne avec qui elle y arrivait est mort sous ses yeux. De quoi lui faire sous-entendre que s’ouvrir, c’est tout aussi mortel qu’une balle entre les deux yeux. Elle acquiesce une seconde avant de finir par dévoiler : « Je ne suis pas du genre à confier ce que je ressens » Il le sait sans doute maintenant. Dans l’équipe elle est l’une des plus réservé. Si elle rit parfois de bon cœur, si ses pompiers sont devenus sa véritable famille, il n’en reste que parler d’elle et de son passé lui est interdit. Alors, avec le temps, elle s’est inventé une vie, une toute autre histoire qu’elle répète par mécanisme, simplement par habitude maintenant. « Je suis humain, me détacher complètement ça fait pas partie de mes compétences. » Elle déglutine. Au fond d’elle, sa noirceur se réjouit. Est-elle humaine, elle ? Comment arrivait-elle à se détacher toutes ses années ? « Mais les enfants…je suis père deux gamins, me mettre à la place des parents c’est beaucoup trop facile pour moi. Il me fait simplement le temps d’encaisser. » Léger sourire au coin en guise de compréhension, elle range le matériel, en pensant que ça, elle ne sait pas ce que c’est. Avoir une vraie famille, s’inquiéter, imaginer qu’il puisse leur arriver quelque chose. Alex a été comme un père pour elle, mais il l’a façonnait à sa manière. Etait-ce vraiment de l’amour qu’elle avait pour lui ? Ou simplement une dette envers lui ? Elle ne saurait dire. « Et un verre aussi, mais on a encore douze heures à tirer, le mur était une meilleure idée. » « Faudrait penser à installer un punchingball, si se défouler devient une habitude. Ou simplement des gants, je peux bien encaisser » Elle continue à boxer dans son temps libre, ça la défoule. Et ça lui permet de ne pas oublier qui elle est à vrai dire, mais au fond, elle peut combattre les yeux fermés tant son corps est habitué à se défendre. « Je peux facilement te mettre au tapis » dit-elle en se levant, prête à sortir de son bureau. Elle n’était venue que pour le soigner, rester ici serait presque incorrecte.
« Je ne suis pas du genre à confier ce que je ressens » Ça, il l’avait remarqué. S’il n’est pas forcément très doué pour cerner les gens, il a tout de même remarqué assez vite que Kate n’est pas du genre à parler. De loin la plus effacée de l’équipe, c’est sans doute pour cette raison qu’elle éveille autant sa curiosité. Ça et cette autre chose qui l’a poussé à l’embrasser. « Peut-être que ça changera … » Se permet-il de dire, un léger sourire en coin. Après tout, il a le droit de rêver non ? Personne n’est à l’abris d’un peu de changement, pas même elle, pas même en essayant de rester la même. Iain, il a changé, il sait que c’est possible alors pourquoi pas elle ? Oh, il ne s’attend pas à ce qu’elle le fasse dans les prochains jours, mais il ne refusera jamais de l’entendre se confier à lui. Il en serait même assez fier. Plus que d’avouer à quel point il peut être faible dès que les victimes sont des enfants. Dans son cas ça se comprend. « Faudrait penser à installer un punchingball, si se défouler devient une habitude. Ou simplement des gants, je peux bien encaisser. Je peux facilement te mettre au tapis » Il arque un sourcil, ne se cache même pas d’être surpris. Il sait qu’elle n’est pas une petite chose fragile mais l’idée de se battre contre elle, il ne se voit pas le faire. « Je pourrais jouer le mec fier et dire que j’en doute, mais je suis certain que le simple fait que tu m’en colles une me mettrait KO. » Iain est sportif, endurant et fort, là n’est pas le problème, mais se battre ? Ce n’est vraiment pas son truc. Mettre une droite à une personne qui l’a trop cherché, il peut le faire. Cogner un mur aussi mais la boxe ou n’importe quel autre sport de combat ça n’est pas sa tasse de thé. « Kate, une minute. » À son tour de se lever. Rattrapée avant qu’elle ne quitte son petit bureau, il se penche près d’elle, attrape la porte qu’il referme, les enfermant tous les deux. « Je voulais te parler de ce qu’il s’est passé l’autre soir. » Toujours près d’elle, il pourrait reculer mais n’en a pas envie. Son regard baissé vers Kate, il garde la main sur la poignée de la porte. « C’était déplacé de ma part et je tenais à m’excuser. » Sauf qu’il ment. Il n’est pas du tout désolé. C’était déplacé, oui, mais s’il l’a embrassé – même sous l’effet de l’alcool – c’est parce qu’il le voulait. Mais étant un homme à femmes, il n’a pas envie qu’elle pense qu’il lui manque de respect..
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« Peut-être que ça changera… » Elle en doute sincèrement. D’elle-même, son cœur refuse de s’ouvrir. La seule personne qui en a pu profiter est morte. Peut-être qu’un jour elle rencontrera une personne qui arrivera à faire tomber ses barrières, mais pour le moment, comme un glacier polaire, elle se refuse à toute immersion. « Je pourrais jouer le mec fier et dire que j’en doute, mais je suis certain que le simple fait que tu m’en colles une me mettrait KO. » Un rire s’échappe de la jolie blonde, incapable de se retenir devant une telle vérité. Il est loin d’en avoir conscience ; de tout ce qu’elle peut faire, tout ce qu’elle sait faire. « Donnes-toi un peu d’honneur. T’arriverais quand même à te défendre…. » Elle marque une pause, avant de sourire de nouveau : « …pas très longtemps, cela dit. » Si elle continuait à s’entraîner c’était pour ne pas oublier d’où elle venait principalement. Et puis, ça la tiens en forme. Tout autant que son métier. Finissant par se lever, elle était prête à sortir de son bureau, mais il l’en empêche rapidement. « Kate, une minute. » Il se penche, ferme la porte mais reste proche d’elle. A cette simple distance, elle peut sentir son parfum d’hommes qu’elle aime tant. Ses yeux bleus la regardent intensément avant qu’il n’ouvre ses lèvres pour ajouter : « Je voulais te parler de ce qu’il s’est passé l’autre soir. » Pourquoi ici ? pensa-t-elle. Pourquoi maintenant ? Comme elle venait de le dire, elle n’aimait pas se dévoiler, alors parler de ce baiser volé de l’autre soir lui faisait sans doute perdre un peu trop ses moyens à son goût. « C’était déplacé de ma part et je tenais à m’excuser » Raide comme un piquet, Kate ne bouge pas, masquant sa confusion comme elle sait si bien le faire. Si son corps refuse de reculer pour mieux réfléchir, elle ose finalement répondre : « Ce n’est rien » Sa voix est remarquablement douce, chose qui surprenante. « Je crois qu’on en avait envie tous les deux. » Regards plongés dans le sien, elle appuie ses propos, avant de finalement revenir à la réalité trop rapidement. « Mais je pense que pour le bien de l’équipe, mieux vaut s’arrêter là. » Il restait son lieutenant. Mêler une tension sexuelle – parce que pour lui c’était tout ce qui semblait s’immiscer entre eux – n’était pas une bonne chose. Mieux valait qu’il reste juste amis pour ne pas tout compliquer.
Il a du mal à s’imaginer combattre contre Kate. Ce n’est pas uniquement le fait qu’il n’a jamais été pour frapper les femmes – et qu’il ne comprendra jamais que qui que ce soit puisse le faire – c’est aussi qu’il sait très bien qu’elle pratique la boxe. Ce qui n’est absolument pas son cas à lui. Certes, il fait beaucoup de musculation comme le prouve son corps bien bâti mais Kate sait probablement où frapper pour le mettre à terre. « Donnes-toi un peu d’honneur. T’arriverais quand même à te défendre… pas très longtemps, cela dit. » Iain laisse l’amusement apparaître à la fois dans son regard et sur ses lèvres. Au moins ils sont d’accord sur ce point même si, encore une fois, un coup bien placé suffirait à le mettre au tapis avant même qu’il n’ait pu essayer de l’atteindre. « Oh mais ce n’est pas une question d’honneur, simplement de réalisme. » Assure-t-il en bombant le torse pour paraître plus sûr de lui et passer moins pour une victime. Ça ne le touche pas plus que ça parce que son égo, il sait le mettre de côté lorsque c’est nécessaire. Il se sait humain après tout et reconnaît facilement ses torts et ses faiblesses. De toute manière il apprécie beaucoup trop la franchise. « Je ne fais définitivement pas le poids contre une personne qui boxe. » Insiste-t-il en levant les bras comme pour se rendre. Et puis il trouve ça aussi très séduisant, sexy même, que de l’imaginer boxer et se défendre par elle-même. Ce qui lui rappelle immédiatement ce qui s’est passé entre eux et son besoin de s’excuser d’avoir franchi une limite. Pourtant, même la porte fermée, il reste trop proche d’elle. Si proche que son parfum l’enivre rapidement. « Ce n’est rien. Je crois qu’on en avait envie tous les deux. », « Oui … » Est-ce qu’il a vraiment admis ça à voix haute ou l’a-t-il simplement pensé très fort ? Iain ne saurait dire mais l’un ou l’autre, c’est la vérité : il avait envie de l’embrasser, c’est toujours le cas. « Mais je pense que pour le bien de l’équipe, mieux vaut s’arrêter là. » Sauf que ça, ça le ramène bien vite à la réalité. Son regard toujours posé sur la blonde, il se détache un peu plus d’elle, ne peut s’empêcher de regarder le dortoir derrière elle pour s’assurer que personne n’a pu les voir aussi proches. « T’as sans doute raison, mais je suis quand même désolé de t’avoir mis dans cette position, qu’on en ait eu envie tous les deux ou pas. » Un léger sourire apparaît sur ses lèvres. Aussi sincère qu’il soit en s’excusant, ça ne change pas qu’il affirme encore une fois en avoir eu envie. Terriblement envie.
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« Oh mais ce n’est pas une question d’honneur, simplement de réalisme. » Avec sa carrure, elle n’en est pas si certaine. Il suffit de lui montrer quelques mouvements pour qu’il puisse rapidement prendre le dessus. Enfin, pas contre elle. Elle, elle a y a été habitué. Mais face aux hommes de son club, il a toute ses chances. « Je ne fais définitivement pas le poids contre une personne qui boxe » se justifie-t-il. « T’as même pas essayé » Elle hausse les épaules. « Je suis persuadée qu’avec un peu d’entraînement, tu pourrais tout aussi mettre ko n’importe qui. » mais elle pouvait aussi comprendre que la boxe reste quelque chose que certains ne cautionne pas. Ça reste violent. Ça reste primitif. Tout ce qu’elle aime, à vrai dire. Mais elle décide de laisser couler, prête à partir avant qu’il ne la rattrape définitivement. « Oui… » souffle-t-il en guise de réponse. Ils en avaient tous les deux envies ce soir-là. Et peut-être seraient-ils aller plus loin si elle n’avait pas eu un flash de Dimitri en pleine tronche. Elle avait fini par fuir, prétextant une pauvre excuse. Ça lui arrivait de croiser le chemin d’un homme, le temps d’une nuit, comme deux âmes qui ont besoin de compagnie quelques instants. Mais jamais elle n’avait vu le visage de Dimitri s’afficher aussi clair comme cette fois-là. Ça l’avait chamboulé et ça avait ravivé cette douloureuse blessure. « T’as sans doute raison, mais je suis quand même désolé de t’avoir mis dans cette position, qu’on en ait eu envie tous les deux ou pas. » Il s’était légèrement reculé, mais lui souriait maintenant. Elle en fit de même alors que la sonnerie rugissant dans les locaux. « Ambulance 55, Camion 119. Accident de voitures, sur Marcy Avenue. » Elle soupire de nouveau en croisant son regard. « Oublions ça, veux-tu ? » Elle n’attend pas forcément sa réponse, ouvre la porte et se dirige vers le hangar pour enfiler comme ses équipiers son équipement. Quelques secondes, le camion s’élance à vive allure. De là où elle est, elle peut voir le reflet de Iain dans la vitre de devant. Elle a beau faire semblant, se persuader que ce n’était qu’une erreur, il y a quelque chose chez lui qui lui rappelle Dimitri. Ça l’attire comme l’effraie.
