Les visites médicales avec Nancy étaient devenues un procédé habituel : une croix sur l'agenda de la semaine, à laquelle Lisa prêtait toutes les attentions du monde. Il était évident que plus elle grandissait, plus les signes de sa
condition se manifestaient- et les choses avaient si vite changé dans la maison ces derniers mois, que chaque crise de la petite était comme un rappel à l'ordre, une alarme qui résonnait dans la tête de la mère de famille, avec cette inquiétude grandissante. Peut-être que si elle encadrait tout mieux, l'autisme de Nancy ne se développerait pas aussi vite, aussi fort ; peut-être qu'ils n'auraient pas besoin de passer près de deux heures à l'hôpital chaque semaine, à faire des exercices, à
évaluer tout ce qui avait des chances de mal tourner. Difficile, vraiment, de comprendre et de se sentir compris. Luke avait du travail, Luke n'avait pas été là pendant toutes les premières années de la vie de leur fille, alors c'était à elle surtout et encore aujourd'hui, que Nancy s'accrochait le plus. Elle qui devait s'occuper de tout ce pan de sa vie- ou
elle qui se forçait à le faire. Probablement par culpabilité. Officiellement, la brune était prête à déclarer que de toute manière, elle avait plus l'habitude, qu'elle comprenait mieux toutes ces histoires que son mari, que c'était
plus facile comme ça, avec son agenda si facilement adaptable. Il y avait des jours où tout allait bien, où on pourrait presque oublier le futur compliqué et presque
morne que certaines statistiques, certaines estimations, offraient à Nancy et à leur vie de famille. Mais les mauvais jours remettaient toujours tout en place : ils rappelaient inlassablement ces périodes désastreuses où tout était allé mal. Et on avait beau lui répéter, à Lisa, qu'il n'y avait
scientifiquement aucune preuve que ce soir son attitude, son stress constant, son manque de repos pendant sa grossesse qui avait précipité Nancy dans cette situation, elle n'arrivait pas à s'y faire. Sourire était parfois difficile, même quand la petite en avait particulièrement besoin, alors qu'elle avait encore des larmes humides sur les joues et que tous ses instincts de mère, à Lisa, lui disaient de la calmer. Ce n'était pas compliqué, souvent. Après près de deux ans à devoir gérer tout ça toute seule, la brune avait appris tous les filons, toutes les astuces : ce qu'elle savait avant tout, c'était que ça irait mieux, une fois qu'elles rentreraient à la maison.
Elle avait été en bon chemin pour ça, tenant sa fille par la main alors qu'elles démantibulaient dans les couloirs, que Nancy s'était faite distraite par le médecin avec une balle de couleur qu'elle tenait encore dans sa main. Lisa avait promis qu'elles la ramèneraient la prochaine fois-
dans pas longtemps, parce que tout pouvait si vite échapper à leur contrôle. Les bruits qui résonnèrent dans les couloirs, au premier abord, n'eurent rien de spécial ou sortant de l'ordinaire : Dieu seul savait ce qu'il pouvait se passer dans un hôpital, et pour avoir travaillé dans ce milieu pendant de nombreuses années, la Jennings était bien placée pour le savoir. Elle ne s'en inquiéta pas, alors, pendant de longues minutes, et ce alors-même que le bruit se rapprochait : miracle, Nancy ne semblait même pas y prêter attention, pour l'instant. Mais sur le chemin, elle se fit agripper le bras par une inconnue – une
brune qui l'emmena vers une pièce voisine et ferma la porte derrière elles. Elles, quatre femmes, et Nancy- trois inconnues, que Lisa dévisagea pendant quelques secondes, avant de venir prendre sa fille dans ses bras. Encore maintenant, Nancy était trop occupée à tripoter sa balle de couleur pour s'intéresser à quoique ce soit d'autre de ce qui se passait autour. Heureusement, hein ? «
Claustrophobe, non, mais j'aimerais quand même savoir ce qu'il se passe. » qu'elle déclara sans détour, son regard appuyé sur la brune qui les avait amenées là- apparemment, les autres n'avaient pas vraiment eu leur mot à dire, comme elle. Qu'est-c'que c'était que cette histoire, maintenant ? «
Qu'est-ce que c'est, là-dehors, et est-c'qu'on est vraiment enfermées, là ? » c'n'était que maintenant qu'elle vit l'inconnue essayer de tripoter la poignée- quelqu'un avait verrouillé derrière elles. Est-c'que c'était une blague – pour mieux s'en assurer, Lisa vint elle-même essayer de pousser la porte, activer la poignée, rien n'y fit. Pour sûr, ça, c'était la dernière chose dont elle avait besoin.
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