sometiemes we need to talk || Christian

Christian était en train de ranger dans la sacristie lorsqu'il entendit un bruit provenir de l'église, plus précisément, la porte se refermant brutalement, il en sortit donc et aperçut un jeune homme, qu'il connaissait bien. Malheureusement, il en avait fait la connaissance dans des situations bien dramatiques. Le pauvre avait perdu son petit-frère, puis sa mère, en très peu de temps. Il n'avait pas beaucoup parlé, et n'était jamais réellement revenu jusqu'à présent. Du moins, Christian ne l'avait pas vu, ni à la messe, ni en dehors. Peut-être était-il passé dans des moments où le prêtre ne se trouvait pas dans l'église. Cela faisait déjà deux ans. Et pourtant, il s'en souvenait, comme si c'était hier. Il avait été là pour Uriel, du mieux qu'il le pouvait dans ce moment difficile, même si l'homme ne s'était jamais réellement ouvert.
D'ailleurs, ledit garçon vînt à sa hauteur, et s'adressa à lui. Chris sourit, chaleureusement, de façon sereine.
"Bonsoir Uriel. Vous ne me dérangez pas du tout." déclara-t-il dans un premier temps afin de rassurer son interlocuteur. S'il était là, c'était qu'il se sentait sans doute prêt, quelque part, à tourner la page, à chercher à en parler. Il n'était certainement pas là 'parce qu'il passait dans le coin' comme il semblait le dire.
"Comment vous sentez-vous?" demanda-t-il simplement, tout en indiquant un banc de la main, afin qu'il s'y installe. Ce serait sans doute plus confortable pour discuter.

Il est tard ou tôt, mais je ne le dérange pas. Je hausse un sourcil surpris par sa réponse. Il est toujours aussi gentil. Je me souviens de son soutien quand mon frère et ma mère sont morts. Il a été là pour moi et je ne l’ai jamais remercié. Je ne sais pas pourquoi je suis revenu ce soir. Je passais vraiment devant l’église, mais je ne pensais pas y entrer. Comment je me sens ? Je n’en sais absolument rien et le seul mot qui me vient à l’esprit c’est :

« Vide … »

Je me sens vide et épuisé par tout ça, par cette vie triste. Un jour je finirais comme eux et visiblement ça sera plutôt que je le croyais. J’en ai toujours été convaincu et je sais que j’irai en enfer. Je n’ai jamais été très croyant, non parce que je suis gay, enfin bi même si au fond je sais que je préfère les hommes et il semblerait que ça ne soit pas très bien accepté en religion.

« Je … »

Je le regarde sans savoir ce que je suis sensé lui dire. Je me souviens de chaque seconde des deux enterrements, mon frère d’abord, que j’ai tué parce que je conduisais cette foutue voiture et ma mère ensuite qui est morte par ma faute. Si mon frère n’était pas mort, jamais elle ne serait partie. Je revois leur cercueil partir après la cérémonie et j’ai voulu aider à les porter. J’ai insisté parce que ça me semblait important de les accompagner. Je me retrouve à genou sans savoir comme je suis arrivé là et des larmes roulent le long de mes joues.

« C’est de ma faute. Je les ai tués … »

Je ne me suis jamais pardonné d’avoir roulé ce soir-là et encore moi d’avoir tué réellement mon père.

Vide. Le pauvre Uriel se sentait vide. Et Christian pouvait le comprendre. Le deuil était long et difficile chez la plupart des personnes. Certains religieux disaient qu'il fallait se réjouir et prier car les âmes rejoignaient le Seigneur. Mais l'abbé Everwood était plutôt enclin à dire qu'il fallait les pleurer. Beaucoup les pleurer, pour évacuer une tristesse énorme et légitime. Lui, il avait perdu une fiancé, et un enfant. Un parent qui perd son enfant peut comprendre mieux le deuil que quiconque. D'ailleurs, il existe un mot spécifique pour un enfant qui perd ses parents, l'on parle d'un orphelin. Mais il n'y a aucun mot pour désigner un homme qui a perdu sa progéniture.
Christian laissa simplement parler son interlocuteur, prenant place à côté de lui sur le banc de bois, dans l'allée. Uriel avait du mal à extérioriser ses sentiments, jusqu'à ce que les mots sortent enfin de sa bouche. La culpabilité. La culpabilité le rongeait jour après jour. Après tout, c'était normal. Souvent, on culpabilisait, de ne pas avoir dit à la personne certaines choses avant son décès, de ne pas avoir été assez présents, d'avoir ratés des moments de complicité. Pour Uriel, c'était plus grave. Il pensait être un monstre, cause de leur mort.
Christian posa simplement une main contre son épaule, dans un geste bienveillant. "C'était un accident, et je suis certain qu'aucun d'entre eux ne t'en aurait voulu pour ça. Tu n'as pas voulu faire du mal, les accidents arrivent." indiqua-t-il simplement. C'était peut-être idiot, mais sur le coup, il n'avait pas eu d'autres idées pour remonter le moral de son interlocuteur.