drunked sailor (cameron)

Feu orange, puis rouge, je m’arrête devant en regardant les passants. La nuit est tombée depuis un moment maintenant, et ce soir j’avais préféré aller me dépenser à la salle plutôt que courir. Seulement, je me suis tellement défoulé que rentrer en vélo me fait extrêmement mal. Alors, je béni chaque feu rouge qui stoppe ma course et me force à faire une pause. Mon regard s’arrête devant une silhouette familière qui sort de se bar. Elle titube, manque de tomber par terre, mais se rattrape sur un poteau. Je fronce les sourcils, en étudiant ce visage que je reconnais malgré les éclairages fébriles de la ville. « Cameron ? » Il semble complètement soûl, et ne sait sans doute plus où il va. Autrefois, je serai descendu de mon vélo pour rejoindre mon meilleur ami et lui prêter mains fortes, mais aujourd’hui, je ne le fais pas. La culpabilité, la rancœur – je sais que je ne serai pas le Bienvenu pour l’aider. J’ai trop fait souffrir sa sœur. Ça fait des années qu’on ne sait pas parler…alors je suppose qu’il n’est plus mon problème. Et pourtant…j’ai suivi ce qu’il avait vécu dans les journaux. Son accident, la perte d’Oliana, ses flasques. Visiblement, le nouvel article d’Oliana et lui parut dans les journées ce week-end ne lui réussit pas. Je me fais klaxonner par les voitures qui me doublent alors que je n’ai pas repris mon chemin, au vert…je soupire. « Putain, Cameron. » Je me mets à pédaler en sa direction et m’arrête un peu près à côté de lui. Vélo tenu d’une main, j’avance pour l’interpeller mais il tangue trop et manque de se péter la gueule. Je le soutiens malgré le coup de poids que je devrais recevoir pour ça, je le sais. « T’as trop bu, mon pote. Laisse-moi t’aider » Je ne sais pas si sa réaction sera violente ou non, mais à vrai dire, je ne peux pas le laisser se débrouiller seul dans cet état. J'ai trop d'estime pour lui, pour le laisser dans la merde. Manquerait plus qu'un paparazzi soit sur son chemin pour faire de sa vie un enfer.

« T’as bien assez bu pour ce soir, Winston. Donne tes clés ! » Mon regard fusille André. Du moins je pense qu’il le fait mais je n’en suis pas certain. Etant donné les verres de whisky et de vodka que j’ai enchaîné, je ne suis plus sûr de rien. J’ai même des doutes quant au fait de m’appeler Winston. « Va te faire foutre. » Je bafouille un peu en prenant appui sur le comptoir pour descendre de mon tabouret. Dieu que le monde tourne, est-ce normal ? Une grimace passe sur mon visage et je hoquette, près à renvoyer tout ce que je viens d’avaler. André fait le tour de son bar, m’aide à me redresser et il me faut quelques minutes pour comprendre qu’il me fait les poches. « Eeeeeh, dégage ! » Je le pousse sans force et titube jusqu’à la sortie du bar sans l’entendre me dire de prendre un taxi pour rentrer. L’air un peu lourd de cette nuit ne me fait aucun effet et je galère à marcher droit ou tout simplement à rester debout. Au milieu du trottoir, je réalise que je ne sais même pas si je prends la bonne direction vers chez moi. Je ne sais même pas où se trouve la maison et tourner sur moi-même pour tenter de le deviner n’est pas une bonne idée. Je me retrouve sur un pied, perds l’équilibre et le retrouve par miracle quelques secondes – je crois – avant que des bras ne me redressent. « T’as trop bu, mon pote. Laisse-moi t’aider » Lui, je le connais. Je le connais très bien et mon taux d’alcoolémie ne suffit pas à faire taire ma rancœur et la pointe que j’ai dans la poitrine en voyant sa gueule. « Lâche-moi, enfoiré ! » Je tente de le repousser, ce qui ne sert à rien. Je n’ai même pas assez de force pour repousser celui qui était supposé être mon meilleur ami, un frère même, mais qui a trahi l’une de mes sœurs de la pire façon qui soit alors je soupire.

J’ai beau avoir mérité de tout perdre pour ce que j’ai osé faire : ma fiancée, ma vie de famille, mon meilleur ami. Je n’ai pas le cœur de le laisser comme ça dans la rue, même si je suppose qu’il va me rejeté. Il reste important à mes yeux, même si on ne s’est pas parler depuis une éternité. Et avec ce qu’il vit en ce moment, je suppose qu’il a besoin d’un simple ami. C’est dans cette optique que je finis par descendre de mon vélo et que je vais jusqu’à lui pour le soutenir. Il marche définitivement pas droit, il doit avoir bien bu. Mais sa réaction ne tarde pas à arriver : « Lâche-moi, enfoiré ! » Je garde ma poigne alors qu’il tente de me repousser, en vain. Il est trop bourré pour ça. « Pas tant que tu sois bien rentré. Tu peux m’en vouloir toute ta vie, Cameron, mais je te laisserai pas dans cet état » Parce que j’ai beau merdé avec tous les gens que j’aime vraiment, je ne resterai pas les bras croisés s’ils ont besoin de moi. Malgré ma promesse de ne plus les approcher pour ne pas les bousiller plus qu’ils ne le sont. Malgré la haine qu’ils peuvent me vouer. Je reste et resterai là s’ils en ont besoin. Et Cameron a besoin de quelqu’un ce soir. Il titube un peu plus et s’arrête afin de mieux prendre appuie sur un mur. La dernière fois que je l’ai vu aussi mal, ça a été un peu après l’accident avec Oliana. Je venais de foirer avec Maxyne, et de m’engueuler sauvagement avec lui. Pourtant, je n’avais pas réussi à garder mes distances lorsque j’avais appris pour eux deux. J’avais réussi à venir le voir à l’hôpital, mais j’évitais de venir pour ne pas croiser sa sœur. Lorsque j’avais finis par le recroiser, chez lui, c’est parce que tout le monde s’inquiétait : Oliana avait perdu la mémoire, et avait oublié leur relation. Alors, j’avais pris les devants et malgré le fait que je savais qu’il allait me renvoyer, j’avais débarqué chez lui. Tout était dans un état, résultat d’une fureur monstre. Il était assis par terre, à travers les débris, une bouteille à la main en marmonnant des choses incompréhensibles. Ce soir, j’eus un bel œil au beurre noir, mais je lui ai surtout tendu la main. Une main qu’il a sans doute oublié, parce qu’il avait trop bu et était trop mal. Ce soir, je compte être de nouveau là, même si…je dois rester dans l’ombre.

« Pas tant que tu sois bien rentré. Tu peux m’en vouloir toute ta vie, Cameron, mais je te laisserai pas dans cet état » Je grogne. Pour ce qui est d’être éloquent, de bien lui faire comprendre que je préfère encore tituber des heures et dormir dans la rue plutôt que d’accepter son aide, ce n’est pas trop ça. J’y réfléchirai à deux fois la prochaine fois que j’aurais envie de boire comme un trou. Avec un peu moins d’alcool j’aurais été capable de vraiment le repousser et de lui en coller une. C’est ce que j’ai envie de faire mais je ne suis pas certain que ça soit réellement contre lui cette fois. Appuyé contre le mur le plus proche, je peux encore sentir sa présence alors que je ferme les yeux et tente de calmer mes maux. La seule chose que je parviens à faire est de vomir mes tripes au pied du mur et de tousser lorsque la brûlure suit. « C’est tout ce que je mérite, être laissé dans cet état. » Je souffle, la tête toujours penchée en avant juste au cas où. Je n’ai pas envie de me confier à lui mais puisqu’il est là et qu’il semble déterminé à me faire chier, autant qu’il serve réellement à quelque chose - ou peut-être que j’ai juste envie de retrouver mon meilleur ami et confident alors que je suis au plus mal. Finalement, je me redresse lorsque mon estomac semble être d’accord pour me laisser un peu de répit et je me tourne vers Warren. « Je t’ai bien laissé dans ta merde quand j’aurais pu t’aider, tu devrais en faire de même avec moi. » Je l’ai jugé directement comme étant un gros connard de première, j’ai pas été plus loin que ça alors pourquoi prendrait-il la peine de m’aider alors que je l’ai rejeté et traité comme un paria ?

« C’est tout ce que je mérite, être laissé dans cet état » Les paroles de Cameron sont comme un écho lointain de ce que je pensais de moi-même. Deux fois à vrai dire. La première lorsque j’ai appris être responsable de la mort de mes deux meilleurs amis, ce qui m’a conduit à une sombre période. Sans doute encore pire que celle que Cameron est en train de vivre. La seconde a été quand j’ai perdu Maxyne, ma fiancée. Seulement, si j’avais bien merdé pour mériter ça, j’ai perdu aussi mon meilleur ami, mes amis et la garde principale d’Izzie. J’étais une telle merde que je méritais d’être dans un sal état. Hélas, j’avais même pas le droit de boire à ce point, parce que j’étais encore en convalescence. Une période difficile où j’aurai aimé avoir quelqu’un pour m’aider, quelqu’un comme je veux l’être pour Cameron. Il me relâche, s’aventure jusqu’au mur et finit par vider toutes ses tripes. J’attends simplement le cœur serré avant qu’il ne me balance : « Je t’ai bien laissé dans ta merde, quand j’aurais pu t’aider, tu devrais en faire de même avec moi » Je devrais. Mais c’est toute contre mes principes. Je m’avance alors, et dépose une main sur son épaule : « J’abandonnerai jamais un frère » Je l’ai déjà fait auparavant, et je refuse d’être de nouveau ce lâche. Je capte son regard, surpris et rempli de douleurs. A cause de ses remords envers moi ? Ou d’Oliana ? Ma main resserre son épaule avant d’ajouter : « Viens, je te ramène. Tu n’es définitivement pas en état puisque tu partais dans la mauvaise direction. » Je n’étais pas certain qu’il accepte, mais je l’espérais. Parce que je serai prêt à l'assommer et le porter sur mes épaules pour le ramener chez lui en toute sécurité s’il refusait. J’espérais juste que je n’en arriverai pas là.

« J’abandonnerai jamais un frère » En d’autres circonstances je lui aurais ris au nez. Ce soir j’ai trop bu pour le faire, pour laisser le cynisme prendre le dessus. Je suis une telle merde que de toute manière je ne serais pas capable de mettre un mot sur chaque émotion qui se bousculent en moi. Néanmoins, je sais qu’il y a une pointe de douleur qui s’éveille et elle n’a rien à voir avec Oliana. C’est ce que Warren me dit et la sincérité que je ressens à travers ses propos. Enfin je suis tellement fait que je pourrais croire une pute me dire être le meilleur coup de sa vie donc bon … « Viens, je te ramène. Tu n’es définitivement pas en état puisque tu partais dans la mauvaise direction. », « Je le savais ! » Répliqué-je trop vivement en ayant du mal à tenir sur mes pieds. Je ne le savais pas du tout. Je ne sais même plus où je me trouve dans New York. Manhattan ou Brooklyn ? Peut-être même le Queens ou le Bronx qui sait. Putain mais pourquoi se préoccuper autant de moi alors que je ne le mérite pas ? J’ai envie d’être un bon gros enfoiré et refuser … je ne le fais pas. Parce qu’il y a ce manque que je me suis imposé en le bannissant de ma vie qui revient me foutre mal puisque je ne l’étais pas déjà assez comme ça. « Comment tu sais où je vis ? » Que je lui demande d’une voix un peu pâteuse. La dernière fois qu’on s’est vu j’étais encore dans l’appartement que nous avions avec Oliana. Cela dit mon père - si on peut appeler ça comme ça - a dû lâcher l’info en lui amenant sa fille, du genre en lui disant qu’entre ratés on devrait se soutenir et se comprendre. « Je le déteste. » Je souffle même si pour Warren ça doit sortir de nul part mais oui, je déteste Jacob Winston autant que je me déteste.

« Je le savais ! » Non, il n’en savait rien, mais ça m’arrache un sourire. Il a beau avoir coupé il y a trois ans quand j’ai merdé avec Maxyne, je resterai toujours présent s’il avait besoin de moi. Parce que je reste trop loyal pour lui tourner le dos à un moment aussi terrible de sa vie. « Comment tu sais où je vis ? » J’hausse les épaules en lui avouant : « Ozalee, en me racontant pour son mec. » Le monde est bien trop petit, forcément. Il faut que le mec de ma sœur jumelle, enfin qu’importe ce qu’ils sont en ce moment, soit le nouveau colocataire de Cameron. Je l’aide à se mettre en marche, et repart de l’autre côté, abandonnant mon vélo attaché à un poteau. Je viendrai le chercher plus tard, tant pis. « Je le déteste » dit-il à bout de souffle. Pas besoin de savoir de qui il s’agit. Je sais que c’est le père d’Oliana, son parrain qui lui a arraché la seule chose qui le rendait vraiment heureux. « Tu le vois pas maintenant, Cam, mais ça finira par s’arranger. » Parce que j’ai beau essuyé des erreurs avec mes relations, un amour aussi sincère et aussi intense que Cameron et Oliana, c’est forcément une destinée. Et j’ose espérer qu’ils finiront par se retrouver, parce que sinon…il y a de fortes chances que la plupart des célibataires endurcis comme moi finiront leur vie seul, à jamais. « Allez viens, on rentre. »

THE END.