life doesn't have to be so planned. just roll with it and let it happen / mila

Il préférait passer son vendredi soir ailleurs, chez sa sœur, à regarder un film chez lui, même chez son ex-femme avec leurs filles, n’importe où ailleurs qu’au lavomatique. Malheureusement si Matthew est ici c’est qu’il n’a pas le choix. Sa machine à laver est trop petite pour cette couette et demain est son weekend avec les filles, impossible donc de faire autrement. La machine n’est commencée que depuis dix minutes qu’il râle déjà d’être encore ici. Il a pourtant emmené un livre pour s’occuper, mais ça ne fait pas pareil que de le lire chez lui, sur son canapé. Là où il voudrait être maintenant. À la place il est installé sur une chaise en plastique à fixer la machine pour que celle-ci aille plus vite. Ce qui, bien évidemment ne fonctionne pas. Il retourne à son livre non sans pousser un soupir, un chapitre, puis deux et il est de nouveau déconcentré, à vouloir regarder le temps qu’il reste. Encore une demi-heure, sans compter le temps de séchage. Il se demande pourquoi il n’a pas proposé à Lauren de l’accompagner. Ce n’est pas la meilleure activité à faire avec sa jumelle, mais au moins il ne serait pas seul. Elle lui tiendrait compagnie, se moquerait sans doute de le voir ici, mais il ne serait pas seul. Le temps passerait beaucoup plus vite avec elle à ses côtés. Reposant son livre pour la troisième fois en dix minutes, il observe les lieux. Plusieurs machines sont occupées, mais personne d’autres que lui n’est sur place. Il aurait sans doute pu partir aussi et revenir à la fin, mais l’idée ne lui a pas parue franchement bonne. Et ceux même si ce n’est rien de précieux ou du linge personnel. Alors en attendant il est coincé ici pour encore un bon moment. Il essaie de reprendre sa lecture, lit quelques pages avant de décrocher. Lire en public ce n’est pas forcément son truc, il préfère être seul pour s’immerger totalement dans sa lecture. Alors il finit par sortir son téléphone de sa poche, envoie un message à sa sœur pour se plaindre avant de le ranger. Tout ça pour gagner quelques secondes à s’occuper. Matthew déteste ne rien faire et attendre. Forcément pour lui ce soir, c’est un peu de la torture et ceux malgré l’excellent livre qu’il a emmené avec lui. Il tente de se replonger dedans, s’arrête régulièrement pour regarder le temps restant sur sa machine, trouvant que celui-ci ne diminue pas très vite. Et puis d’un seul coup il la voit. Mila. Aussitôt il replonge dans son livre, ou plutôt il se cache derrière. C’est complètement puéril, mais c’est la seule chose qui lui vient à l’esprit sur le moment. Derrière son livre il la regarde aussi discrètement possible. Lui qui trouvait sa soirée déjà difficile, ce n’est rien comparé au fait de tomber sur elle ici. Impossible de se sauver, sa machine n’est pas encore terminée. Il n’ose plus bouger, n’a pas envie qu’elle le voit, ni de lui parler. La vérité, c’est que même un an après, il lui en veut encore. Et alors qu’il se penche légèrement pour la suivre du regard, son livre tombe faisant un bruit impossible à ne pas entendre. Et par la même occasion il est complètement à découvert, presque face à elle ce qu’il voulait éviter par-dessus tout.

Il n’y a rien de pire que d’être coincé dans un lavomatique, à attendre, un vendredi soir. Du moins pour Matthew. La patiente n’est pas un de ses points forts, bien au contraire. Malheureusement il n’a pas d’autres choix que d’attendre que sa machine veille bien se terminer. Et après cela il lui faudra encore attendre que cette couette sèche. Autant dire que les prochaines heures s’annoncent comme de la torture à ses yeux. Et ceux même s’il a emmené un livre pour s’occuper. Il n’arrive de toute façon pas à se concentrer suffisamment pour plonger réellement dedans. Il n’a même pas terminé son chapitre depuis qu’il est arrivé. Parfois il doit relire la même phrase tellement il ne fait pas attention. Il aurait mieux fait d’emmener Lauren avec lui, ou même ses filles, elles auraient réussi à le distraire sans aucun souci. Nul doute qu’avec elles à ses côtés la soirée aurait été beaucoup plus intéressante. Mais il n’a pas voulu leur infliger ça. Même si elles sont chez lui une semaine sur deux, Matthew n’a pas voulu gâcher une soirée pour les emmener ici. Tant pis pour lui, il est le seul à souffrir, attendant que le temps passe. Et malheureusement celui-ci ne passe pas très vite, voir presque pas du tout à ses yeux. Il n’a de cesse d’observer le temps restant indiqué sur la machine, a l’impression que celui-ci ne diminue pas. Et la soirée qu’il pensait déjà pénible, devient carrément horrible à ses yeux en apercevant Mila. Immédiatement il a le réflexe idiot et puérile de se cacher derrière son livre pour qu’elle ne puisse pas le voir. Même plus d’un an plus tard il ne parvient pas à penser à elle sans être en colère, alors la voir... Pourtant quelque part il est heureux de pouvoir l’observer du moment que cela ne l’engage pas à devoir lui parler. Il n’a pas eu de nouvelles depuis qu’elle l’a quitté, n’a pas cherché non plus à en avoir bien trop vexé pour cela. Et puis, alors qu’il essaie d’être le plus discret possible, il finit par faire tomber son livre. Bien évidemment ce n’est pas un livre de poche, mais un livre épais, avec une couverture rigide. Pour la discrétion c’est complètement raté. Pour qu’elle ne le voit pas aussi. Il s’en veut, ronchonne dans sa tête, mais ne bouge pas. Il ne peut pas s’enfuir ça serait complètement ridicule. Il est adulte après tout, et doit gérer cela comme tel. Même si là tout de suite, il ne sait pas vraiment ce qu’il pourrait lui dire. Bien trop déconcentré il ne tente même pas de récupérer son livre, incapable de détacher ses yeux de Mila. Il tend sa main pour prendre son livre qu’elle vient de ramasser, se sentant un peu stupide. « Toujours un livre pas loin à ce que je vois. » Ça lui fait comme un électrochoc, lui rappelant que trop bien ce qu’il a perdu à cause d’elle. Et même s’il a tout autant sa part de responsabilité dans l’histoire, la blâmer elle est beaucoup plus facile. « Je ne me serais pas attendue à te rencontrer là. » Il n’a encore pas décroché un mot, repose le livre sur le siège à côté de lui avant de se décider à enfin parler. « Merci. Pour le livre. » Volontairement il ne relève pas ses remarques même s’il est tout aussi surpris de la trouver ici. Quelles étaient les chances après tout ? Infimes. Et pourtant. « Tu t’attendais à me trouver où ? Dans une salle de cours ? » C’est complètement injuste, stupide, mais il ne parvient pas à décolérer.

Comme si sa vie n’était pas assez catastrophique en ce moment, il fallait en plus qu’il tombe sur Mila ce soir. Comme s’il ne pensait pas déjà suffisamment à ce qu’il perdu avec cette histoire, il faut qu’elle soit ici, à quelques mètres de lui. La voir le met en colère. Pas parce que c’est elle qui a décidé d’arrêter leur relation, ça il a fini par s’y faire. Mais bien parce que son poste de professeur lui manque, et qu’il estime que c’est de sa faute. Même un an plus tard pour Matthew elle reste la fautive de son renvoi. Alors forcément la voir, le met de mauvaise humeur. Lui qui n’était déjà pas très heureux d’être ici, à devoir faire une machine un vendredi soir, il est maintenant d’une humeur exécrable. Injuste aussi envers Mila, mais toute cette histoire lui semble encore trop proche, trop sensible. Il déteste être agent immobilier, ne passe pas un jour sans regretter enseigner. Alors là voir, la trouver là devant lui, c’est trop pour lui. Il ne peut s’empêcher de lui faire une remarque, totalement injustifiée, qui ne le met même pas de meilleure humeur. Il déteste être ainsi. En règle générale il est quelqu’un de sympathique, chercher les autres ce n’est pas vraiment son genre. Mais ce soir, il ne parvient pas à passer outre sa colère. Il pourrait essayer de se concentrer sur autre chose, comme le fait de la revoir après tout ce temps. Mais la seule chose à laquelle il est capable de penser c’est qu’il a perdu son emploi parce qu’il sortait avec elle. « Non pas dans une salle de cours. Mais je ne sais pas, juste pas dans une laverie. » Lui non plus. Tomber sur elle était bien loin de ce à quoi il aurait pensé ce soir. Ou même un autre jour. « Je ne m’attendais probablement pas à te croiser du tout. » C’est comme si elle avait lu dans ses pensées. « Moi non plus. » Cette fois il ne dit pas ça pour être méchant, mais par pure vérité. Il aurait préféré ne pas la recroiser, mais ça Mila a déjà dû s’en rendre compte. Il se retient de faire une autre remarque qui n’arriverait qu’à rendre la situation encore plus gênante si cela est possible. Poussant un soupir, il passe une main dans ses cheveux avant de se lever pour aller regarder sa machine là laissant là. C’est totalement inutile puisqu’il pouvait déjà parfaitement le voir de là où il était assis, mais cela lui permet de s’éloigner un peu d’elle. Ce dont il a besoin actuellement. Encore cinq minutes, sans compter le temps de séchage. C’est un enfer, cela ne va jamais se terminer. Il reste planter là devant sa machine, essayant d’ignorer la présence de Mila non loin de lui. Il sait d’avance que c’est peine perdu. Alors finalement il se dirige vers elle, sans savoir quoi lui dire ni quoi faire. Mais il sait qu’il ne peut pas rester en colère ainsi contre elle en permanence, ce n’est pas bon pour lui. « Et sinon qu’est-ce que tu deviens ? » Ça sort presque de nulle part, mais il a envie d’essayer de faire un effort au moins le temps qu’ils leur restent à être ici. Et puis il est aussi forcément, un peu, curieux même s’il ne voudra pas l’admettre.

De tous les endroits où il aurait pu tomber sur elle, Matthew aurait préféré que cela se passe ailleurs. Un endroit où il aurait été plus à son avantage, qu’ici. Un endroit où il aurait été occupé, et non énervé de devoir attendre que sa machine se termine. N’importe où ailleurs. Ou mieux, il aurait encore préféré ne pas la revoir. Elle lui rappel trop de mauvais souvenirs. Des souvenirs qui ne sont malheureusement pas encore derrière lui. Des souvenirs encore trop récents, et trop douloureux pour lui. Elle en revanche elle semble aller bien. Ce qui l’agace d’autant plus. Sa vie n’est plus la même depuis qu’il n’enseigne plus, et il déteste ça. Alors forcément revoir Mila qu’il considère comme responsable c’est trop pour lui. De plus, cela associé au fait qu’il ne s’attendait pas du tout à la revoir, il est de mauvaise humeur. En colère. Contre elle, contre lui, contre sa machine qui est bien trop lente à son goût. Rien ne lui va, tout le rend agressif. Et il n’aime pas sa Matthew, ce n’est pas son genre habituellement. Il aurait largement préféré régler cela de façon plus mature. Prétendre que toute cette histoire est derrière lui, et que la revoir ne lui fait rien du tout. Malheureusement il s’est montré grossier envers elle dès le début. Incapable de ne pas lui faire ressentir qu’il est toujours en colère. Elle ne le mérite sans aucun doute pas, mais c’est plus facile pour lui. Plus facile de la blâmer, de s’en prendre à elle. Alors que si sa vie n’est pas des plus glorieuses en ce moment, Mila n’a pas grand-chose à voir là-dedans. Il le sait, mais ne parvient pas à agir en adulte. Malheureusement pour eux deux il est encore coincé ici pour un petit moment. Il pourrait l’ignorer jusqu’à ce qu’il reparte, prétendre ne pas la connaître, retourner à son livre, mais il sait d’avance qu’il n’y arrivera pas. Parce qu’au-delà de sa colère, il est aussi un peu curieux de pouvoir savoir ce qu’elle devient. Ils ne sont pas sortis ensemble très longtemps, mais suffisamment pour vouloir savoir ce qui se passe dans sa vie actuellement. Dans les grandes lignes bien évidemment. Il doute pouvoir tout entendre. Il se sent un peu con maintenant de s’être énervé après elle, une fois la surprise passée. « Hum pas grand-chose à vrai dire. J’ai eu mon diplôme et puis voilà. » Il fronce légèrement les sourcils en entendant sa réponse. S’il s’attendait à une réponse peu détaillée, il ne s’attendait quand même pas à si peu de chose. Apprendre qu’elle a eu son diplôme ne l’étonne pas, mais il aurait pensé en apprendre plus sur ce qu’elle fait maintenant. Il se sent pourtant assez mal placé pour lui faire la remarque. Mila n’a peut-être pas non plus envie de lui parler finalement. « Et toi qu’est-ce que tu deviens ? » Il s’était attendu à ce qu’elle lui retourne la question, mais cela l’énerve un peu quand même. Parce qu’il ne peut pas s’abstenir de penser à ce qu’il a perdu. « Je suis agent immobilier. » Inutile de préciser qu’il travaille pour sa sœur qui est l’unique raison pour laquelle il fait cela, ou de lui dire qu’il déteste son métier actuel. Il n’est pas fait pour ça, il est d’ailleurs assez mauvais. Le silence retombe entre eux, et Matthew se sent gêné. Il ne sait pas de quoi ils pourraient bien parler honnêtement. Peut-être que finalement il aurait mieux fait de l’éviter. « Et après ton diplôme ? » C’est sorti avant qu’il ne puisse s’en empêcher. Ce n’est pas une vraie réponse de lui dire qu’elle a été diplômée.

Il est partagé entre son envie d’ignorer Mila ou d’en savoir plus sur ce qu’elle devient. Finalement c’est la deuxième option qui l’emporte et il se retrouve rapidement de nouveau près d’elle. Cette fois aucune remarque ne sort de sa bouche, il essaie d’être poli. Ils semblent être ici tous les deux pour un moment alors autant essayer de rendre cela moins pénible. Ça lui coûte à Matthew de faire l’effort parce qu’il lui en veut toujours, reste en colère contre elle. Mais cela ne servira à rien de lui rappeler constamment, si ce n’est le mettre encore plus en colère. Et il n’aime pas ça, ce n’est pas son genre habituellement. En contraire Matthew est quelqu’un de plutôt sympathique, à ne pas chercher à se compliquer la vie. Mais bien sûr il y a des exceptions, comme ce soir. La réponse de Mila le laisse perplexe, il n’apprend pas grand-chose alors que c’était ce qu’il voulait. Savoir ce qu’elle devenait. Pas dans les moindres détails, il n’est pas complètement fou, mais au moins apprendre quelque-chose. Là, elle ne lui donne rien, ou pas grand-chose. Et quand son tour de répondre à la question arrive, il fait un effort pour ne pas faire de remarque. De toute façon accabler Mila ne changera absolument rien à sa condition, si ce n’est peut-être finir par l’énerver elle aussi. Il peut voir la surprise sur son visage quand il lui apprend être agent immobilier désormais. Très loin de professeur, ou de footballeur qu’il voulait être enfant. « Oh, mais c’est super ça ! » Il rigolerait presque si le sujet n’était pas aussi sensible pour lui. Ce n’est pas le métier de ses rêves, loin de là. Il n’aime pas ça, et quiconque le connait un peu doit être au courant. Mais en attendant cela lui permet de gagner sa vie, de pouvoir continuer de s’occuper de ses filles et de s’occuper tout court. Sans cet emploi il est presque sûr qu’il aurait sombré dans la déprime la plus totale. Sa vie n’est déjà pas forcément très joyeuse actuellement. Sûrement parce qu’il passe son temps à regretter et à penser à ce qu’il a perdu, que d’essayer d’aller de l’avant. Alors il ne répond pas, ne relève pas. À quoi bon de toute façon ? Cela serait mentir que d’admettre qu’il adore son nouveau travail, et Mila est bien la dernière personne avec laquelle il a envie d’en parler. Il préfère relancer la conversation sur elle, ne pouvant pas s’en empêcher. « Oui et bien… c’est une bonne question ça. A laquelle je n’ai pas encore tout à fait répondu. » Finalement leur situation est peut-être plus similaire qu’il n’aurait pu le penser. Les circonstances ne sont pas les mêmes, mais en vue de sa réponse, elle semble elle aussi perdue. « On va dire que pour l’instant je suis en réflexion. Je ne fais pas partie de ces gens qui ont toujours su ce qu’il voulait faire de leur vie. » Il ne peut pas prétendre comprendre, lui a toujours su. Quand son genou l’avait empêché de pouvoir faire carrière dans le football, il ne lui avait pas fallu longtemps pour se rediriger vers la littérature anglaise. « Ça ne sert pas forcément. » Il parle pour lui bien évidemment, il est bien loin de ce qu’il a toujours voulu être. « Je n'ai jamais voulu être agent immobilier, et pourtant... » Il tente de lui adresser un léger sourire, un peu mal à l’aise. Il ne pensait pas être aussi franc avec elle.