may it be ✧ freya

« Je vais prendre le risque de répondre oui. » En tout cas, Iain imagine que c’est le cas, qu’il est assez normal qu’une journée au travail semble être moins épuisante qu’une soirée à gérer un enfant. Deux dans son cas. Être parent n’est pas une chose facile, Iain l’a plus ou moins appris à ses dépens. Si au départ son ex-femme était là pour l’aider, ça n’a pas duré très longtemps. Bien plus vite, il a dû apprendre à gérer le bébé qu’était MJ à l’époque. Ses pleurs, sa faim, ses couches, ses coliques, ses caprices … Iain a tout encaissé par amour pour ce petit être qui fait partie de lui à tout jamais. Après la naissance de Parker, ça aurait pu être difficile mais rodé comme il l’était, il a réussi à tout assurer même si la fatigue n’a fait qu’augmenter. Maintenant il peut apprécier un peu plus, ses enfants étant plus grands, néanmoins il n’est jamais à l’abri des moments difficiles. Il suffit que sa journée à la caserne ait été difficile pour que le moindre caprice de sa fille ou de son fils le mette en colère. Alors, Iain estime parfaitement normal de trouver une journée de travail plus reposante. « Faut bien y trouver un bon côté. » Qu’il confirme, son sourire s’élargissant un peu plus. Et puis, il ne va pas s’en plaindre non plus de cette série. Même si lorsqu’il a signé son contrat sa réputation n’était plus à faire, elle lui a tout de même permis d’avoir une vie plus que satisfaisante. Sans se retenir de rire, il lève les mains en signe de reddition. « Je ne parlais que pour moi. Je suis certain que beaucoup de personnes en sont capables, pas moi. » La vérité est surtout que l’Écossais n’a jamais essayé. Il n’a eu aucune raison de tenter de faire du yoga lui préférant des heures à travailler ses muscles. A ses yeux, c’est le plus important dans son métier même s’il est persuadé que Freya pourrait lui trouver des preuves que le yoga pourrait être tout autant utile. Il n’y a qu’à l’entendre et la voir défendre son métier pour ne pas en douter. « Ce n’est sans doute pas plus mal. Il y a quelques personnes qui ont besoin d’être remis à leur place comme il faut pour comprendre les choses. C’est dommage mais c’est comme ça. » Il est déjà arrivé qu’un pompier – parfois lui-même – se voit forcé de s’énerver contre une personne sur les lieux d’un accident ou d’un incendie. Pris de panique, l’être humain peut en faire des conneries, crier c’est par moment la seule façon de remettre les idées en place à une personne. « J’aimerais bien confirmer mais non. On a souvent des cas. Des personnes qui pensent mieux savoir et qui nous causent quelques problèmes au cours d’une intervention. C’est tentant de perdre patience, mais j’essaye d’éviter et de les remettre en place comme il faut. L’avantage d’une équipe c’est qu’on est soutenu et aidé dans ces moments. » Lui ne se plaindra pas de sa seconde famille. Iain sait qu’il peut compter sur eux à tous moments. « Et hormis le yoga que je promets de ne plus jamais critiquer, d’autres occupations ? Je suis curieux. » Sans compter qu’il sent qu’il pourrait passer des heures à discuter avec Freya sans s’en lasser.

« En espérant que personne ne va nous tomber dessus parce qu’on a osé dire tout haut la vérité. » Freya lève les mains, feignant l’innocence. Elle a toujours pensé que les parents qui semblent tout maîtriser tout le temps sont juste de meilleurs acteurs que les autres. C’est impossible de ne pas être fatiguée, de ne jamais en avoir marre. C’est humain, c’est tout. Mais la vérité, c’est qu’elle n’aurait pas osé ce genre de remarque avec n’importe qui. D’ordinaire, elle est plus à l’aise avec les femmes mais dans le cas des parents, peut-être que la tendance se renverse. Iain est plus honnête que n’importe quel parent qu’elle ait pu rencontrer. En plus de ça, il est loin d’être déplaisant à regarder, et la conversation se fait facilement. Ce rendez-vous entre enfants risque de ne pas être aussi ennuyeux que prévu. « C’est une affaire de pratique, tout le monde peut y arriver. Et ça peut être utile d’être souple. » Peut-être un léger sous-entendu là-dedans. Dans tous les cas, c’était assez innocent pour qu’il ne remarque que s’il y pense aussi. C’est vrai que le yoga permet d’autres possibilités sexuelles, c’est un fait connu de beaucoup. Freya est étonnée qu’il s’inquiète de clients un peu lourds. Certes, elle n’en manque pas, mais c’est rare que ce fait vienne à l’esprit de personnes non concernées par le problème. Encore moins d’un homme. « Pour certains, ça ne suffit même pas malheureusement. Le plus souvent, ce sont ceux qui débordent de confiance en eux alors qu’ils sont juste ignobles et trop poilus. » Bref, tout pour eux. Freya déteste ce genre d’hommes, et elle ne manque pas de le leur faire savoir. Le problème, c’est qu’il lui faut une raison pour le faire, au risque que son patron lui tombe dessus. Aussi chiants soient-ils, ça reste des clients. Elle est étonnée de voir qu’Iain est aussi confronté à ce genre de choses dans son travail. Freya n’aurait pas pensé, mais maintenant qu’il le dit, elle peut imaginer. « L’égo des gens fait vraiment devenir complètement idiot. Même face à un pompier venu les sauver, certains pensent tout de même avoir inventé la poudre de perlimpinpin, c’est fou. » Freya ne comprend pas toujours la connerie des autres. Mais peut-être qu’aux yeux d’autres personnes, elle aussi est idiote, elle n’en sait rien. Enfin elle ne pense pas l’être. La curiosité d’Iain est flatteuse, même si leur discussion reste dans les limites du raisonnable. « Au risque de paraître ennuyeuse, pas grand-chose… Je travaille beaucoup d’heures par semaine, et le reste du temps, Zach est avec moi. J’essaye d’écrire de temps en temps, mais le temps me manque. » Avec tout ça, les courses, le ménage et parfois devoir nettoyer après sa sœur, Freya n’a pas tellement de temps pour elle, mais elle sait que ça pourrait être pire. « Moi, je suis curieuse de savoir ce qui motive un ancien acteur à devenir pompier... Pourquoi pas policier, puisque tu connaissais le rôle ? »

« On devrait être tranquille, personne ne peut monter ici sans mon aval … pas même un canard. » Pourquoi un canard ? Il ne sait pas, c’est tout simplement le premier animal qui lui est venu à l’esprit, nouvel obsession de Parker d’ailleurs. Toujours est-il que c’est lui qui décide de qui peut monter ou non chez lui, l’avantage d’avoir dépenser une petite fortune pour acquérir cet immense penthouse. Ça lui assure pas mal de tranquillité même si ça n’a pas empêché son ex-femme de s’introduire chez lui pour son plus grand désarroi. « Oui … oui, j’imagine que la souplesse peut être très utile selon le domaine. » Son esprit sans doute un peu pervers ne peut s’empêcher de penser à un domaine particulier. Lui qui profite des joies du sexe, bien sûr qu’il a immédiatement pensé à ça. Et, malgré lui, il ne peut que penser au fait qu’en tant que professeur de yoga, Freya doit être sacrément souple. Mais il se reprend, se souvient que ce n’est vraiment pas le genre de pensées à avoir maintenant. « Trop poilus ? On parle pas de singes j’espère ? » Iain grimace un peu en imaginant des hommes trop poilus. Non, ce n’est vraiment pas attirant, surtout en les imaginant en sueur en plus. Beurk. Son whisky l’aide à chasser cette horrible image de son esprit. « Peut-être que glisser un laxatif dans leur boisson ça les calmerait un peu ? Sans vouloir passer pour un mauvais gars, mais les grands moyens ça aide parfois. » Dit-il en levant les bras en signe de défense. Bon d’accord, il n’a pas de très bonnes idées et c’est une chance que les enfants soient dans une des chambres en haut et non pas dans le salon à écouter l’Écossais raconter n’importe quoi. Et puis il rit légèrement en écoutant Freya. « Ils auraient l’air plus malins en disant avoir inventé la brouette plutôt que la poudre de perlimpinpin quand on sait que c’est un remède parfaitement inefficace. » Oui, il a un minimum de culture générale le garçon et connaît certaines choses qui sont pourtant totalement inintéressantes. A qui ça va servir de savoir que la poudre de perlimpinpin n’a jamais été efficace hein ? « D’écrire ? Une romancière ou rien à voir ? Mais je comprends, être parent célibataire c’est souvent un métier sauf qu’il n’est pas payé malheureusement. » Curieux une fois encore, il s’installe sur le canapé, à une distance respectueuse de la jeune femme, son verre toujours en main. « Disons que … être acteur ça allait pendant un temps mais niveau de famille il y a mieux, sans parler du fait que ça me rappelait trop mon ex-femme. » Et son ex-femme, il veut en être éloigné autant que possible depuis des années. Sur le point de reprendre, son portable se met à vibrer. Sorti de sa poche, il tente rejeter l’appel mais sa touche refuse de réagir. Alors il s’énerve en tapant sur l’écran jusqu’à parvenir à ses fins. Fichu portable de merde. « Pardon … il a tendance à déconner par mal en ce moment, mais je n’ai pas le courage de changer. » S’excuse-t-il en se raclant la gorge. « Et donc, c’est peut-être parce que j’avais une idée du quotidien d’un flic et que ça ne m’attire pas. Et pompier, c’était comme un rêve de gamin. J’aime aider mon prochain, je trouvais ça plus facile de le faire en tant que pompier. »

En l’entendant dire que personne ne peut monter sans son accord, Freya réalise qu’ils sont tout de même différents. Pas dans le même monde, même s’ils sont parents tous les deux. Elle a souvent eu de mauvaises surprises en ouvrant sa porte ou en souhaitant rentrer chez elle. Elle n’a pas exactement le même voisinage qu’Iain. Mais elle n’a pas envie de se plaindre, surtout que ça n’apporterait rien. Il a été acteur, il doit avoir de l’argent. Ce qu’elle, elle n’a jamais eu. C’est tout. Au lieu de ça, elle préfère défendre son sport de prédilection, et glisser un petit sous-entendu. Elle ne sait pas si Iain y répond ou si sa remarque est innocente. Il est encore trop tôt pour le dire. « Il faudra essayer alors. » Peu importe qu’il ne comprenne pas, ça amuse la blonde de continuer son petit jeu. Cet homme lui plaît, et ils sont coincés l’un avec l’autre pour un petit moment, alors pourquoi ne pas en profiter ? Même si la suite de leur conversation est un peu moins sexy, puisque justement, elle parle d’hommes top insistants et qui ne lui plaisent pas du tout. « J’avoue que parfois, en voyant leurs manières, je me pose la question. » Entre singes et humains, il n’y a qu’un pas. Elle rit à la proposition que lui fait le pompier. Pas très professionnel comme remarque mais après tout, ça ne met personne en danger. « J’essayerais de suggérer le laxatif au serveur de smoothies, bonne idée. » Pas sûr que ça fonctionne, ou que son patron ne la fasse pas virer en l’apprenant. De toute façon, ça reste une idée qu’elle n’appliquera jamais. Tout à innocent donc. « Encore faudrait-il qu’ils soient assez malins pour savoir comment fonctionne une brouette. » A vrai dire, elle n’en est pas non plus sûre à cent pour cent, mais elle n’a jamais été très scientifique. Tant que ça touche au corps humain, elle maîtrise, parce que ça fait partie de son métier, mais toute la technologie et autres physiques et chimies, elle n’y comprend pas grand-chose. Ce qui ne veut pas dire qu’elle est idiote pour autant. L’intérêt que lui porte Iain lui fait plaisir, et elle se plaît à continuer la conversation, à parler de choses dont elle ne parle pas habituellement. Forcément, il est curieux de savoir ce qu’elle écrit et Freya hésite à mentir ou à dire la vérité. « Oh non, je suis loin des romans. J’écris un peu sur internet, sur ma vie de parent justement, et le reste. Un peu comme un journal intime. » Finalement, elle décide de ne pas avoir honte. Après tout, c’est quelque chose qu’elle aime faire, alors pourquoi ne pas en parler ? Même si elle préfère que son blog reste anonyme, puisqu’elle parle souvent de choses qu’elle ne raconte à personne d’autre. Et c’est à son tour d’interroger l’écossais, pour une question qui l’intrigue vraiment. C’est rare de voir un acteur complètement arrêter sa carrière pour quitter le monde d’Hollywood. Elle hoche la tête en l’écoutant, pivote un peu vers lui quand il s’assoit sur le canapé. Elle essaye de ne pas le regarder trop souvent, de ne pas trop le fixer. Ça pourrait devenir gênant s’il s’en apercevait. Il est interrompu par son téléphone. Téléphone qui semble avoir du mal à coopérer. Finalement rangé, il s’excuse et continue de lui expliquer son nouveau choix de carrière. A l’opposé du premier, Freya comprend tout de même ses raisons. Elle non plus ne se serait pas imaginé prof de yoga quand elle avait commencé ses études. Mais la vie en avait décidé ainsi, et elle estime ne pas avoir à se plaindre. Il y a toujours pire que soi. Et sa vie, aussi compliquée soit-elle parfois, elle l’aime. « Tu as l’air d’avoir fait le bon choix en tout cas. Même si ça a dû être un sacré changement. » Non pas qu’elle le connaisse suffisamment pour en être sûre, mais ça semble lui plaire. Et avec sa carrure, elle peut parfaitement l’imaginer en uniforme, en train de sauver des vies. Oui, elle peut très bien imaginer l’uniforme. Un fantasme pour bien des femmes. Elle l’a déjà vu habillé en policier à la télévision, mais elle ne serait pas contre l’uniforme de pompier. Sauf qu’ils ne se connaissent pas assez pour qu’elle puisse lui demander ça. Surtout une requête aussi étrange. « Pour ton téléphone, tu ferais mieux de le changer s’il plante comme ça. J’ai travaillé dans une boutique d’électronique, et les portables finissent toujours par avoir des problèmes. Après, je te conseille de ne pas parler de tes problèmes de téléphone quand tu prospectes pour le nouveau. Si tu donnes l’impression que ce n’est pas pressé, tu auras plus de chance d’avoir une réduction. » Elle n’avait pas vraiment aimé cette époque, mais si ses conseils peuvent servir, juste un petit peu, autant les donner. Elle boit une gorgée de son verre d’eau, avant de regarder à nouveau Iain. « C’est normal qu’on entende si peu les enfants ? Cet appartement est grand ? » A vrai dire, elle préfère ça que de les entendre crier, mais elle préfère se rassurer un peu. Même si elle apprécie bien trop la compagnie du pompier pour s’inquiéter réellement.

Iain n’est pas certain que ça soit vraiment normal de sentir une pointe de désir s’éveiller en lui. Peut-être qu’il voit des sous-entendus où il n’y en a pas ? Toujours est-il qu’entendre Freya insister sur le fait d’essayer le yoga pour devenir souple ça lui fait un certain effet. C’est dans de tels moments qu’il est ravi d’avoir été acteur aussi longtemps, ça lui permet de cacher tout ça et de paraître aussi normal que possible. Pourtant, face à une femme comme elle, autant dire qu’il pourrait facilement avoir des pensées impures. Sauf qu’il se reprend en se souvenant qu’elle est la mère d’un camarade de sa fille. Non pas que ça l’arrête vraiment, mais c’est une excuse suffisante pour ne pas trop forcer. Pas aujourd’hui en tout cas. Rien ne les empêche après aujourd’hui de décider de se revoir. Seuls de préférence. « Ravi d’avoir pu aider en tout cas. » Affirme-t-il sans se départir de son sourire. Iain n’est pas convaincu qu’elle le fasse, mais c’est une idée qu’il trouve amusante tant qu’il n’en est pas victime. Si en plus de ça, ça peut lui permettre de remettre certains types à leur place, c’est un plus. Légitime défense si jamais elle veut se défendre. Revenant à quelque chose de plus sérieux cette fois, l’Écossais l’écoute avec attention. Pas de roman, mais un blog sur lequel elle confie sa vie de tous les jours et donc sa vie de mère. Bien que ça ne soit pas le genre d’articles que le pompier lit, il est certain que ça doit être intéressant et que ça peut même aider certaines femmes en recherches de réconfort ou même de conseils. « C’est quand même très bien, surtout de nos jours. Les gens cherchent facilement des informations sur internet sans oser poser directement la question. Je suis convaincu que ton blog doit aider et rassurer pas mal de parents. » Qui sait, il pourrait bien aller fouiller pour le trouver et lire certains détails sur sa vie ? Ça pourrait lui apprendre de nouvelles choses sur Freya, de quoi alimenter de futures discussions, il en est sûr. « S’adapter c’était un peu difficile oui, mais j’aime à croire que je suis plutôt bon caméléon. » Même si être pompier ce n’est pas un jeu, ce n’est pas un rôle qu’il endosse, c’est sa vie. C’est sérieux. Le plus dur a été d’être pris au sérieux mais désormais, les membres de sa caserne sont devenus une seconde famille. Il n’y a pas un jour où il regrette son changement de carrière. « J’y penserai alors, merci du conseil. » Nouveau sourire et il termine son fond de whisky. Son téléphone, il faut réellement qu’il pense à aller le changer avant de le lancer par la fenêtre ce qui serait une solution pour le moins radicale. Puis, t’entendant l’oreille alors qu’elle lui demande s’il est normal de ne pas entendre les enfants, il acquiesce. « Les chambres sont à l’étage, dans le fond. Mais on devrait peut-être aller voir s’ils ne sont pas en train d’utiliser Parker comme cobaye. » Pourtant, il n’a pas envie de briser le moment et de mettre fin à ce petit tête-à-tête avec Freya. Preuve en est le fait qu’il ne se lève pas tout de suite et prend même le risque de continuer à la regarder.

Freya n’a pas souvent l’occasion d’avoir de telles discussions, ou d’avoir le temps tout simplement de se poser et de parler de tout et de rien. Cette conversation lui fait plus plaisir qu’elle ne l’aurait imaginé en venant ici aujourd’hui. Elle ne s’attendait pas à ça, c’est certain. Mais Iain est un homme séduisant, un père prévenant, et le fait qu’il semble s’intéresser à elle, ça anime quelque chose au creux de son ventre. Peut-être qu’elle se fait des idées. Peut-être qu’il est juste poli. Mais non, Freya préfère se dire qu’elle lui plaît, parce que cette sensation lui fait du bien. Elle est habituée à voir les hommes se retourner sur son passage, elle entretient assez son corps pour savoir qu’il plaît. Mais là, c’est différent. Elle se sent écoutée, et parfaitement à l’aise avec Iain. Ce qu’elle n’a pas forcément l’habitude de ressentir. « Aider est sans doute un bien grand mot. En tout cas, moi, ça me fait du bien d’écrire, de mettre des mots sur tout ce que je vis au quotidien. » Et c’est vrai qu’elle a pas mal de lecteurs, de plus en plus d’habitués, ce qui lui fait d’autant plus plaisir. Freya n’a jamais eu la carrure pour donner des conseils, être écoutée, mais, en ligne, derrière un pseudo, elle se sent puissante. Vivante. Elle ignore si elle aurait été heureuse en tant que journaliste, comme elle l’avait initialement prévu en commençant ses études, mais ce qu’elle fait lui plaît. Pas de quoi envisager un changement de carrière pour autant. Pas comme Iain qui a bousculé toute sa vie et s’est lancé à coeur perdu dans un nouveau rêve. C’est sans doute plus facile à faire quand on a de l’argent et donc une certaine sécurité. Freya n’a jamais eu ça. Mais elle n’a pas de raison de le jalouser. Elle aussi considère qu’elle a trouvé sa voie. Pas celle qu’elle aurait pensé, mais elle est heureuse. Tout comme Iain semble l’être d’être devenu pompier. « Tant mieux alors. » Elle sourit. Peu importe que le changement soit important, tant qu’il lui convient. C’est le plus important. Intéressée par leur conversation, Freya en avait presque oublié les enfants. Il est étonnant de ne pas les avoir entendus depuis tout à l’heure, ou même qu’ils ne soient rien venu réclamer ici. C’est tant mieux parce que ça veut dire qu’elle peut discuter tranquillement avec Iain, mais ça l’interroge tout de même un peu. Il propose d’aller les voir, mais ne bouge pas tout de suite. Elle tourne la tête et réalise qu’il la regarde. Leurs regards se croisent et elle sourit avant de remettre une mèche de cheveux derrière son oreille, un peu gênée. « Ça sera l’occasion de me faire visiter. » Et elle est un peu curieuse. Elle se penche pour poser son verre sur la table basse et se lève, prête à suivre l’écossais.

Rarement avare en compliments, il pense toutefois ce qu’il dit concernant le blog de Freya. Son expérience personnelle, le fait qu’elle en parle ouvertement et qu’elle puisse être lu, ça doit aider plus qu’elle ne l’imagine. Peut-être pas à trouver des solutions mais au moins à reprendre un petit peu confiance lorsqu’on sent le poids du monde peser sur les épaules. Iain sait que, souvent, il aurait aimé que quelqu’un le rassure, ne pas avoir à affronter un monde totalement inconnu seul. Au début il y avait Ryleigh, puis il a dû apprendre à gérer tout seul deux enfants en bas âge. Il aurait pu craquer un nombre incalculable de fois et lorsqu’il y pense, il est assez surpris de ne pas l’avoir fait. Les propos de Freya l’auraient aidé, il en est sûr et certain. « Ne jamais mettre en doute le pouvoir que les mots peuvent avoir. » Il a l’impression de sortir un dicton qu’un vieux pourrait dire, mais il le pense. Les mots ont du pouvoir, un fait trop souvent ignoré. Ils peuvent remonter le moral, donner confiance ou briser une personne. Il suffit de les employer de la façon souhaiter pour en faire une arme. Oui, les mots peuvent même être dangereux et mettre une personne dans une situation délicate. Une simple parole dite de travers ou sortie de son contexte peut poser des soucis. Concentré sur le fait de regarder Freya plus en détails, il y a ce petit moment de flottement au cours duquel ils se regardent sans rien dire, puis elle remet une mèche derrière son oreille et tout disparaît. Iain devrait se sentir gêné d’avoir été surpris en train de la regarder mais il sourit, pas le moins du monde dérangé. Sauf qu’ils sont supposés bouger du canapé pour aller s’assurer que tout se passe bien à l’étage. « Il faudrait la journée pour tout visiter. » Plaisante-t-il en trouvant le courage de se lever. Il tend la main vers Freya, pure galanterie, pour l’aider à se relever à son tour. « J’exagère. En revanche, je suis certain que Mary-Jane se fera un plaisir de tout faire visiter si on le lui demande, y compris les toilettes. » Tous les deux debout, il lui fait signe de la main de passer devant lui. L’escalier non loin, il est impossible de le manquer tant il est imposant et il préfère la laisser passer devant en gentleman … et peut-être aussi parce qu’en homme faible qu’il est, Iain n’a rien contre l’idée de regarder son joli derrière pendant qu’elle grimpera les marches.

Freya n'est pas certaine de ce qu’il dit. Elle a parfois quelques commentaires mais difficile de savoir l’impact réel qu’elle peut avoir sur ses lecteurs. Tout ce qu’elle fait, c’est raconter un peu son quotidien et, si elle apprécie de plus en plus de le faire, elle n’est pas certaine d’avoir bien fait d’en parler à Iain. Elle n’ira pas jusqu’à lui donner le nom de son blog et donc il ne risque pas de le trouver, puisqu’elle a pris soin que rien ne le relie à elle. Mais c’est la première fois qu’elle en parle à voix haute, et peut-être que ça aide qu’elle ne connaisse pas vraiment Iain. Ils seront sans doute amenés à se revoir si leurs enfants continuent de faire du sport ensemble, et deviennent même des amis, mais pour l’instant, Iain reste un étranger. Un étranger qui lui plaît fortement, et à qui elle a l’impression de plaire aussi. Seulement, la situation n’est pas idéale pour flirter, sachant que leurs enfants ne sont pas très loin. Quelques sous-entendus tout de même, qui permettent à Freya de tâter le terrain, sans être complètement certaine du résultat. Cet appartement est-il donc si grand ? Elle n’en serait pas vraiment étonnée. Comment peut-on se payer ce genre d’endroit à New York ? Clairement, ils n’appartiennent pas au même monde, car elle, elle galère parfois à payer un loyer qui doit être ridicule à côté de celui d’Iain. Enfin il est sans doute propriétaire. « Les toilettes ? Enfin si elles sont aussi luxueuses que le reste de l’appartement, je peux comprendre qu’elle veuille les montrer. » Enfin pas sûr que ça intéresse Freya pour autant. Elle ne serait pas contre visiter la chambre du pompier, mais ça serait un peu trop direct. Et elle ne voudrait pas froisser le père de MJ parce que Zach semble vraiment attaché à la petite fille. Debout, Freya suit ses indications, et le devance dans l’escalier qui paraît gigantesque. Elle ignore s’il la regarde ou non, mais elle fait attention à chacun de ses pas. Autant mettre ses fesses en avant, c’est tout ce qu’il peut voir là. Arrivée en haut, elle se retourne, et croise son regard. Un léger sourire aux lèvres, elle voudrait lui demander s’il a apprécié le spectacle. Seulement, ça risquerait d’être déplacé. « C'est par où ? » Cette fois, à son tour de suivre le jeune père, qui lui montre quelques pièces, toutes plus grandes les unes que les autres, avant d’arriver à celle où se trouvent les enfants. Ils jouent calmement aux Lego, et Freya sourit quand Zach lève la tête vers elle. Pas de souci à se faire de ce côté-là. Seulement, ils ne pourront pas retourner à leur conversation tranquille, puisque MJ profite de leur présence pour décréter que c’est l’heure du goûter. Et les trois enfants laissent les Lego derrière eux pour dévaler les escaliers. « Je crois qu’on n’a plus qu’à les rejoindre. » Elle hausse les épaules, un peu déçue que ce tête-à-tête soit terminé, avant de faire le chemin inverse.