Our Wednesday night: a moment just for us (FT Jessie Wyndham-Price)

Jessie n’avait pas forcément eus envie de parler de ça ce soir, mais on dirait qu’elle n’avait pas réellement le choix. Même si elle comptait tout de même garder une partie pour elle rien que pour éviter de mettre Cassandre en danger. Qu’elle risque son cul parce qu’elle l’avait décidée, c’était son problème, mais pas question de mêler sa meilleure amie à ça. De toute façon, la rousse avait bien compris qu’elle n’avait pas de chance dans la vie, et que même si elle pensait que tout s’arrangeait, à l’instant où elle se sentait vraiment bien, il fallait qu’une couille arrive histoire de lui rappeler que la vie était loin d’être toute rose. Mais c’était bon maintenant, elle l’avait bien compris ça, qu’elle ne pourrait jamais être heureuse plus que quelques instants. Elle l’avait même trop bien compris, depuis le temps.

« Et alors ? Il va mal, parce qu’il a passé trois putain de piges en prison. »

A cause d’elle, mais ça, elle n’avait pas besoin de le préciser. Elle s’en voulait bien assez comme ça, sans parler qu’elle avait découvert toute la vérité qu’il y avait autour de ça aussi. La vérité qu’elle ne pouvait pas lui dire parce que c’était beaucoup trop dangereux. Alors elle lui dirait le minimum, sans lui parler de ce qu’il s’était réellement passé. Du moins, pas avant que toute cette histoire soit réglée, parce qu’elle la dissuaderait certainement de faire ce qu’elle voulait faire. Et Jessie n’avait pas envie, parce qu’elle devait aller jusqu’au bout. Elle devait bien ça à Elias qui avait passé trois ans en prison pour rien par sa faute.

« Je l’ai revue et… J’étais en colère contre lui, et lui il était en colère contre moi aussi et… »

Elle n’arrivait même plus à parler. C’était ses mains qui étaient venues se poser sur son visage alors qu’elle se retenait de pleurer. Elle s’était promis de ne plus le faire à la mort de sa mère, et ce n’était clairement pas maintenant qu’elle allait rompre cette promesse. Pleurer c’était pour les faibles. C’était son père qui disait ça, elle s’en souvenait encore aujourd’hui. Et c’était bien la seule chose provenant de lui qu’elle prenait encore en compte. Elle n’avait pas le droit de pleurer, elle ne pouvait pas. Parce qu’en plus tout ça, c’était de sa faute. Si Elias n’avait jamais croisé son chemin, il n’aurait pas atterri en prison, et il aurait très certainement terminé ses études, rencontré une gentille fille, et obtenu un boulot stable. Il en serait clairement pas là si leurs chemins ne s’étaient pas croisés, et rien que pour ça, elle s’en voulait, parce qu’elle avait littéralement gâchée la vie de quelqu’un.

Jessie se sentait légèrement à bout de ce qu’elle pouvait ressentir actuellement. Elle savait que le moment de craquer finirait par arriver à force d’accumuler des choses, et pourtant, encore maintenant, elle se refusait de pleurer à tout prix. Parce qu’elle était buttée, et qu’elle restait toujours persuadée que c’était une faiblesse. Elle se refusait la moindre larme, ne laissant donc pas sortir complètement toutes les choses qu’elle pouvait ressentir, et gardant le mal enfouit en elle, alors qu’elle savait que c’était mauvais. Mais elle se laissait quand même aller contre sa meilleure amie pour y retrouver un minimum de réconfort. Elles avaient toujours été là l’une pour l’autre, à se soutenir, depuis qu’elles se connaissaient. Même s’il était clair que ça avait été beaucoup plus Cassandre qui avait soutenue Jessie que l’inverse. Mais la rousse savait que son amie était au courant qu’elle lui rendrait la pareille si elle le devrait, et avec grand plaisir d’ailleurs. Même si elle espérait que la brune ne vivrait pas des horreurs semblables aux siennes.

« Si j’en suis la cause, justement. Et j’ai rien fait pour l’aider. »

Sauf qu’elle ne pouvait pas tout lui dire. Elle ne pouvait pas lui dire que Liam était derrière tout ça, que c’était pour ça qu’elle avait peur de lui, mais qu’elle devait tout de même rester avec lui, continuer à le laisser la toucher alors que rien que d’y penser elle en avait des frissons, pour qu’elle puisse aider Elias à récolter des preuves contre lui. Après tout, elle lui devait bien ça, après tout ce qu’il avait dû subir en prison parce qu’elle n’avait pas assez fouillée pour le retrouver. Elle le lui devait.

« Je te dis qu’elle finira pas avec lui. »

Têtue était son deuxième prénom, et oui, elle insistait sur le dénouement, parce qu’elle était persuadée qu’elle avait raison. Puis au moins, ça lui faisait penser à autre chose, ce dont elle avait grandement besoin quand on regardait bien. Elle avait besoin d’oublier ce qu’il se passait en ce moment dans sa vie, et de simplement passer une bonne soirée entre copines. Le reste, elle pouvait le garder pour ses insomnies.

« Tu le dragueras quand même s’il est canon. »

Elle l’aurait fait aussi d’ailleurs si elle s’était sentie un peu plus en forme, en couple ou pas. Enfin plutôt en couple avec Liam ou pas, parce que de toute façon, elle l’avait déjà trompé même s’il n’était pas au courant. Ouais, peut-être qu’elle était une garce, mais à la base, elle avait prévu de sortir avec lui seulement quelques mois pour qu’il la laisse tranquille avant de le larguer, et elle n’avait pas eu envie de se priver de certaines opportunités, alors… Voilà.

Un sourire se dessina sur les lèvres de Jessie alors qu’elle recevait son coussin en pleine tronche. Même si elle n’était toujours pas au meilleur de sa forme, en même temps, ce n’était pas en cinq minutes de temps qu’elle allait y arriver, elle se sentait déjà un peu mieux. Enfin, elle pensait se sentir un peu mieux, vu qu’elle n’avait jamais été vraiment très douée pour savoir ça. Il faut dire que grandir avec des parents violents n’avait clairement pas aidé pour qu’elle sache réellement ce que c’était de se sentir bien. Et c’était d’ailleurs certainement pour ça qu’elle s’embarquait dans des merdes pas possibles alors que la plupart des gens verraient le truc arriver à quinze mille kilomètres. C’était chiant d’être dans sa peau, mais malheureusement elle ne pouvait pas y changer grand-chose.

« Si tu te le tapes juste une fois ça m’étonnerait ! »

Il fallait voir sur le long terme dans ce genre de situations. Comme elle l’avait un peu fait avec Liam en acceptant de sortir avec lui quelques mois, parce qu’elle serait une menteuse si elle disait qu’elle ne profitait pas un minimum de son argent. Surtout qu’elle n’avait même pas besoin de lui demander pour qu’il lui achète des trucs, à croire qu’il essayait justement de la garder avec son argent. Mais Jessie n’était pas le genre de nana qu’on attrapait comme ça, surtout qu’elle gagnait largement assez bien sa vie toute seule avec son boulot. Son indépendance, elle y tenait, mine de rien, parce qu’au moins elle pouvait quitter une relation sans avoir trop de soucis à se faire, mis à part celui de se remplir l’estomac toute seule.

Et justement, les sushis venaient d’arriver, à son plus grand bonheur. Cassandre s’était dévouée pour aller ouvrir, et potentiellement draguer le serveur s’il était canon. Mais vu à la vitesse à laquelle elle était revenue dans le salon, c’était visiblement raté son histoire.

« La prochaine fois sera peut-être la bonne. »

Même si elle en doutait. Des livreurs canons, elle n’en avait pas croisée des masses dans sa vie, c’était juste des fausses images véhiculées par les films pornographiques, comme pas mal de choses dans ce genre de films, en réalité. La rousse n’arrivait pas trop à comprendre pourquoi les gens regardaient ça, même si elle ne jugeait pas ceux qui le faisaient. Après tout, elle avait bien essayé elle-même une fois quand elle était ado avant de se rendre compte que ce n’était pas du tout sa tasse de thé. Et encore, peut-être que maintenant, avec quelques années de plus, elle apprécierait, qui sait. Mais ce n’était très certainement pas ce soir qu’elle allait faire cette expérience.

La jeune femme attrapa alors le verre de vin que sa meilleure amie venait de lui servir, et même si elle avait une folle envie de boire et de manger, elle prit quand même le temps de trinquer.

« A nous ! »

Et un verre sur le bord de ses lèvres qu’elle avait ensuite posé pour commencer à remplir son estomac. Il fallait bien, sinon elle allait encore atterrir à l’hôpital comme la dernière fois, et cette fois, on ne la laisserait pas repartir aussi facilement. Donc il fallait qu’elle mange, qu’elle arrête de se faire du souci, et qu’elle trouve une solution à tous ses problèmes, même si c’était clairement plus facile à dire qu’à faire.

« C’est une invention divine ça. »

Elle adorait les sushis, depuis toujours. Enfin, depuis la première fois qu’elle en avait mangée chez ses parents adoptifs, et pourtant, au départ, elle n’était vraiment pas emballée par l’idée. Et en fait, elle n’était pas emballée par pas mal de nourriture quand elle était arrivée chez eux. Il faut dire qu’elle vivait de restauration rapide depuis toujours, et encore, quand elle avait quelque chose à manger. Elle avait été adoptée maigre comme pas possible, et rien que physiquement, tout ça avait été une grande reconstruction et un apprentissage sur plusieurs années.

Les deux jeunes femmes avaient commencées à manger, et Jessie se sentait déjà refaite rien qu’avec une seule bouchée de sushi. Elle adorait vraiment ça, et si elle pouvait s’en nourrir tous les jours, elle le ferait. Mais il faut bien avouer que c’était un peu trop cher pour une consommation journalière. Peut-être qu’un jour, si elle devenait riche, elle y penserait, mais pour l’instant ce n’était pas le cas, alors elle se contentait de son repas de sushi une fois par semaine avec sa meilleure amie, et c’était parfaitement bien comme ça. Surtout devant une petite série, à discuter avec sa meilleure amie, et un boire un putain de bon verre de vin qui descendait décidément trop vite. Mais elle avait pris cette méchante habitude de ses parents biologiques, de boire quand elle allait mal. Alors qu’elle était totalement contre ce genre de pratique quand elle ne déconnait pas. Mais bon, fais ce que je dis, pas ce que je fais, c’est bien connu. Puis, il paraissait que l’alcoolisme était héréditaire, alors… Elle était clairement mal partie de base pour y échapper, si elle n’occupait pas ses journées.

« Ouais, je me souviens, mais ça fait tellement longtemps que tu m’en as parlé que je pensais que l’idée t’étais passé. »

Ce n’était pas du tout un reproche qu’elle lui faisait là, vu qu’elle avait été dans le même genre pendant un temps, surtout à leur entrée à la fac. Elle n’avait pas toujours voulu devenir éditrice, en fait, pendant un certain temps, elle ne savait pas vers quoi se diriger, et elle s’était inscrite à de nombreux cours, avant de changer, et d’encore changer jusqu’à finalement trouver ce qu’elle voulait. Elle avait cru faire péter un plomb à ses parents adoptifs d’ailleurs à cette période, mais elle avait fini par se calmer de ce côté-là. Même si ça lui arrivait encore de commencer quelque chose sans l’achever, mais c’était beaucoup moins important que ses études maintenant. Et encore, en ce moment, elle n’avait carrément pas le temps de se lancer dans un nouveau projet à abandonner.

« Ouais. Je suis même en train de me dire qu’on aurait dû prendre deux bouteilles. »

Ou de la tequila. Mais elle en avait déjà abusée l’autre fois quand elle avait revu Elias. Il l’avait mise dans un tel état… Elle qui pensait être passée à autre chose, ce n’était clairement pas le cas. Il lui faisait toujours quelque chose, elle était toujours attirée par lui. Et elle avait surtout ce petit goût d’inachevé qui la rendait dingue. Si seulement elle avait été moins conne… Mais pas la peine de penser à ça maintenant, surtout qu’elle n’allait pas fondre en larmes, alors ça ne servait à rien. Peut-être que ça lui ferait du bien, mais elle avait beaucoup trop de fierté maintenant pour ça. Puis elle se disait toujours que pleurer ne servait à rien d’autre qu’à la rendre faible. Boire, c’était bien, et elle était encore en train de boire son verre à une vitesse presque affolante.

« C’est qu’un bisou. Si ça se trouve il va juste se la taper, et se barrer après ! »

Comme une bonne majorité des mecs. Et elle aussi d’ailleurs, depuis un petit bout de temps. Sans parler que là elle avait clairement envie de partir draguer un inconnu, tirer son petit coup, et rentrer chez elle histoire de se détendre un peu. Même si elle savait que ce n’était clairement pas sérieux et que ça ne l’aiderait pas à faire avancer la situation. Mais peut-être que ça lui ferait oublier ses problèmes pendant quelques minutes, et ce serait déjà ça de gagné.

Jessie n’aimait pas tellement « perdre » aux devinettes de ce qu’il allait se passer dans les séries qu’elle regardait avec sa meilleure amie. Et elle essayait toujours de dire que les choses finiraient par changer par la suite et que ça n’allait pas durer, comme elle était en train de le faire actuellement. Après, ça n’allait jamais jusqu’à la dispute, parce qu’elle n’était pas de mauvaise foi à ce point, sans parler qu’elle détestait se prendre la tête avec les gens, et encore plus avec Cassandre. Des disputes, elle en avait vu bien assez quand elle était petite avec ses parents, alors plus elle pouvait les éviter, plus elle le faisait. Sauf quand on la foutait vraiment en colère et que là elle craquait, mais ça arrivait tellement rarement… En fait, ça ne lui était encore jamais vraiment arrivé pour l’instant, sauf si on comptait quand elle avait douze ans et qu’elle n’avait pas voulu aller à l’orphelinat. Mais elle était jeune à l’époque, et elle avait peur aussi, alors… Ça ne devait pas vraiment compter.

« T’es plus sur Tinder ? »

Bon, il était clair qu’elle ne pouvait pas vraiment dire la même chose de son côté, vu qu’elle avait Liam qui était plutôt un bon coup, elle doit bien l’avouer. Mais en soit, ça faisait un bout de temps qu’elle ne l’avait pas vu, et donc qu’elle n’avait pas couchée avec lui. Elles devraient vraiment sortir un soir toutes les deux, se trouver un mec histoire de, et passer du bon temps avant de rentrer à la maison, ça leur ferait très certainement du bien. Même à elle qui n’aurait aucun regret à tromper Liam, encore moins maintenant, vu qu’elle n’était pas amoureuse de lui. Mais bon, il restait le problème Elias, et ça, Cassandre l’avait bien compris.

« Y a rien de plus à dire Cassie. Il est sorti de prison, on s’est croisé, je me suis énervée contre lui, et voilà. Ça s’arrête là. »

Pour l’instant. Peut-être que quand tout serait réglé, elle lui raconterait vraiment tout, mais pour l’instant, elle ne pouvait pas, c’était beaucoup trop dangereux. C’était déjà dangereux pour elle qu’elles habitent sous le même toit avec ce qu’ils avaient prévus de faire, autant dire que la rouquine ne comptait pas en rajouter. Finir son verre de vin cul sec par contre, c’était pas trop risqué ça.

« Je crois qu’on a de la tequila quelque part. »

Et elle s’était d’ailleurs levée pour partir à la recherche de cette bouteille mystérieuse qui devait bien être quelque part dans le coin.