the last of the real ones / jamal

« J’espère que le pauvre vieux va s’en sortir. » Sorti du camion dans un saut, ses pieds retrouvent la terre ferme, les yeux de Iain se pose sur l’un des membres de son équipe. Lui aussi l’espère. Accident de la route de ce que le policier sur place leur a dit. Un motard qui a probablement voulu trop en faire sans penser au fait que le verglas est de plus en plus fréquent en cette période de l’année. Résultat, il a glissé et sa moto est allée percuter un mur avant de lui tomber dessus. Ses blessures n’étaient pas très belles à voir mais il était encore conscient lorsqu’il a été mis dans l’ambulance. Maintenant, le sort décidera pour lui. Iain et le reste de l’équipe ont fait leur travail. Cela dit, ce n’est jamais simple de passer directement à autre chose. Ils ne sont pas des robots et il est plus facile de s’inquiéter que d’être totalement détaché. Ses chaussures échangées pour celles qu’il porte dans la caserne, il se défait de sa tenue qu’il va ranger à sa place, suivit par les autres pompiers puis tous prennent la direction de la salle commune. Une journée habituelle pour les membres de cette caserne. Certains s’installent devant la télévision, d’autres prennent place à table pour lire le journal. Tous trouvent une occupation en attendant l’intervention suivante jusqu’à la fin de leur service. Iain, lui, pense surtout à la caféine dont il a sacrément besoin. Passant près de Kate sur le chemin, il se rappelle une fois encore des règles qu’ils se sont imposés. Rien à la caserne. Rien qui ne pourrait éveiller les soupçons de leurs collègues. Continuant donc sa route jusqu’à la cafetière, il commence à se servir lorsqu’une tasse apparaît dans son champ de vision avec une main. Main qui appartient visiblement à Jamal. « T’es un grand feignant. » Râle-t-il en posant sa tasse pour attraper celle de son collègue et la remplir à son tour. Ceci fait, il la lui redonne, prend la sienne et s’appuie contre le meuble pour regarder leurs collègues. « Enfin, vu que dernièrement tu arrives extrêmement fatigué on va dire que t’as une excuse. » Plus espiègle encore, il sourit en lui lançant un regard, sa tasse à quelques centimètres de ses lèvres. Il boit une gorgée du café brûlant et rajoute : « Loin de moi l’idée de te juger, je suis pas plus sage que toi, mais tu sais que le corps humain a des limites j’espère ? » Oui, il se permet. Iain, il passe son temps à enchaîner les conquêtes. Sur bien des points Jamal et lui se ressemblent. Divorcés, ils préfèrent profiter de la joie de la vie de célibataire sans même se priver ou s’en cacher. Et c’est pour ça qu’il se permet de l’emmerder sur ça. Comme toutes ces fois où il est arrivé en retard mais avec une expression tellement ravie sur le visage qu’il se fait railler par tous les collègues. Personne n’est dupe et Iain aime beaucoup trop l’emmerder pour se priver.

Pas d’intervention pour l’équipe dans laquelle il est aujourd’hui, pas encore du moins. C’est rare, mais ça arrive. Au fond, c’est plutôt bon signe pour la ville de New York mais pour lui et ses coéquipiers, ce n’est pas passionnant. Surtout pour lui, qui supporte très mal l’ennui. Tellement qu’il avait participé au nettoyage d’un des camions, avait rempli l’inventaire de certaines trousses. Certains avaient même fait un peu de paperasse mais ça, très peu pour lui. Au lieu de ça, il avait rejoint la salle commune et s’était installé dans un canapé avec un café à la main, en attente d’un appel qui signifierait qu’il pourrait prendre l’air aujourd’hui. D’autres camions sortent et rentrent, pour différentes interventions et lui, il s’endort à moitié devant un vieil épisode d’urgences. A croire que les pompiers aiment les séries médicales. Enfin pas lui, ça a plutôt tendance à l’endormir. Il ne sait même pas combien de temps il sommeille, mais il lui semble que Clooney a réussi à sauver le patient. Tant mieux pour lui. Comme il ne souhaite pas se rendormir, il quitte le canapé, sa place étant rapidement reprise. Il vide sa tasse froide dans l’évier, et se dirige vers la cafetière pour la remplir de nouveau. Devancé par Iain qui est déjà devant l’appareil, il se contente de tendre son mug vers le lieutenant. Face à la remarque qu’il lui fait, Jamal se contente d’hausser les épaules. Feignant, il l’est très certainement, pour certaines choses du moins, et ne l’a jamais caché. « Merci de le reconnaître. » Des excuses, Jamal peut toujours en trouver. Il est doué pour ça d’ailleurs. Tant qu’il obtient quelque chose en retour. En l’occurrence ici, une tasse remplie de café sans avoir eu à soulever la cafetière. Il sourit en entendant Iain parler de sa vie sexuelle sans le faire directement. S’il savait… Enfin il s’en doute tout de même, et est informé d’une bonne partie, puisque Jamal ne manque pas de se vanter de ses exploits. « Les limites sont faites pour être testées non ? » Peut-être pas, mais Jamal trouve ça bien plus amusant, bien plus excitant. « C’est pas parce que tu es un vieux croulant qui ne connait que la position du missionnaire que tu dois être jaloux. T’es plutôt bien conservé pour ton âge. » A peine plus vieux que lui, Iain subit pourtant les railleries de son cadet régulièrement. Il est habitué. « Et puis… » Il porte la tasse à ses lèvres mais, jugeant le liquide trop chaud, Jamal la pose sur la table, et s’assoit sur une chaise. « C’est presque plus fort que moi. Quand on trouve une partenaire qui vous convient si bien, ça serait dommage de ne pas en profiter. Tu vois ce que je veux dire ? » Jamal n’en est pas certain pour Iain. En général, il préfère passer de femmes en femmes, comme le brun le faisait aussi. Le fait toujours, dans une certaine mesure. Mais avoir une femme aussi régulièrement dans son lit, ça n’arrive pas souvent.

Encore plusieurs heures avant la fin de sa garde et, étrangement, il souhaite déjà repartir en intervention. Certes, ça veut dire remplir d’autant plus de rapports, mais en choisissant de passer lieutenant il savait à quoi s’attendre. Beaucoup plus de paperasse que lorsqu’il était simplement pompier. Alors que la plupart peuvent s’installer tranquillement en salle de repos, lui il a toujours un tas de trucs à remplir et correctement de préférence. A l’administration, ils n’aiment pas quand les rapports ne sont pas précis, un détail qui agace souvent Iain. Sauf que là, tout est calme et après s’être nettoyé, il ne trouve rien de mieux à faire que de boire un café. Ça le réchauffera par ce temps hivernal et ça grappillera quelques minutes. Plus qu’il ne le pensait en voyant une tasse apparaître comme par magie devant lui. La réponse de Jamal l’amuse et il secoue la tête. « Pas de quoi. » Café servi pour les deux pompiers, Iain se tourne pour faire face à son collègue, non sans le taquiner. Ça ne rate jamais avec Jamal et c’est ce qui est le plus amusant. Ils peuvent se chercher sans arrêt tous les deux, ils ne s’en lassent pas. « J’accepte le compliment, par contre je t’assure que le missionnaire n’est pas la seule position que je connais. Le vieux croulant que je suis en connaît d’autres. » Son sourire s’élargit. Il est presque trop fier de lui. Et c’est vrai. Bon d’accord parfois le missionnaire semble être bien suffisant, mais Iain n’est jamais contre l’idée de tester d’autres choses tout en veillant à ce que sa partenaire soit d’accord. Il en connaît une qui n’est jamais contre les découvertes et s’efforce de ne surtout pas regarder vers elle. A la place, il part s’asseoir à table suivit de Jamal. « Attends une minute … tu te fais toujours la même ? T’es pas en train de t’assagir là ? Nos conversations vont être moins intéressantes si c’est le cas. » Le pompier en doute, il est simplement trop facile de l’emmerder sur sa potentielle stabilité pour passer à côté. Et puis, il est certain que Jamal ne s’est pas arrêté à une seule, ça ne lui ressemble pas. En lui posant la question, Iain ouvre un peu plus la conversation c’est tout. « Pour revenir aux limites, faudrait pas que ça te porte préjudice au boulot, ça serait con que tu merdes parce que t’as trop forcé la veille. » Ce qui est tout aussi vrai pour l’Écossais qui n’est pas plus sérieux que ne l’est son collègue.

Voilà ce qu’il lui faut pour s’occuper le temps d’être appelé pour une intervention. Il espère que ça arrivera bientôt, Jamal n’est pas fait pour s’ennuyer. Mais en attendant, une tasse de bon café, et une conversation avec Iain, ça lui convient très bien. Ils ne sont pas toujours dans la même équipe ces temps-ci, ce qui fait qu’ils n’ont pas toujours le temps de discuter. Mais quand ils le font, ce sont régulièrement les mêmes sujets qui reviennent. Il faut avouer que les deux hommes sont assez différents sur certains points, et à la fois, très semblables sur d’autres. « Si tu peux encore les compter sur les doigts de ta main, ça ne compte pas. Mais au moins, t’essayes, c’est le principal. » Une petite tape sur l’épaule de son ami. Il sait bien que le pompier n’est pas en reste concernant sa vie sexuelle, ils se racontent souvent quelques détails. Mais peut-être que Jamal pousse les limites un peu plus loin que lui. Du moins, depuis qu’il a renoué avec Calista. La jeune femme occupe souvent son lit, et est clairement la raison pour laquelle il arrive parfois un peu trop fatigué au travail. Aussi la raison pour laquelle il avait lâché ses collègues le soir de son anniversaire. Et il ne se lasse toujours pas, ne voit pas ça arrivé avant un moment. Ce qui, visiblement, choque Iain. C’est vrai que c’est assez inhabituel pour Jamal, il le reconnaît. « Oh elle n’est pas sage du tout, ne t’inquiète pas. Et je ne couche pas qu’avec elle, je ne suis pas encore fou. » Enfin s’il faut être complètement honnête, il pourrait se contenter de Callie. C’est un choix que de ne pas le faire. Même si effectivement, c’est souvent elle qui l’épuise assez pour qu’il ait des courbatures au travail. « Pas besoin de me servir ton baratin de lieutenant. Tu me connais Iain, je n’irais pas mettre quelqu’un en danger si je suis trop fatigué. » Ce qui pourrait être faux. Il est souvent allé travailler alors qu’il n’était pas en forme, parce qu’il refusait d’admettre qu’il était malade. Mais il ne va pas dire ça à Iain, qui est tout de même son supérieur maintenant. « Et toi alors ? Elle ressemblait à quoi ta dernière conquête avec qui t’as tenté le missionnaire ? »

C’est toujours agréable de discuter avec Jamal, réellement. Iain peut très bien prétendre le contraire, mais il apprécie leurs conversations les fois où ils bossent ensemble à la caserne. Même si généralement elles tournent énormément autour du sexe et de leurs conquêtes. Il faut admettre que c’est leur gros point commun à tous les deux. Divorcés et refusant de se poser une nouvelle fois. Leur mariage raté à suffit à les vacciner de la vie de couple. Et c’est agréable de pouvoir discuter avec une personne qui le comprend aussi bien. En revanche, l’Écossais ne se gêne pas pour grogner en levant les yeux au ciel lorsque Jamal insinue qu’il ne connaît pas tant de positions que ça. « Va te faire voir. » Réplique-t-il et en toute gentillesse. De toute manière il a l’air bien assez amusé pour que son collègue comprenne qu’il l’emmerde de façon amical. Qui aime bien châtie bien à ce qu’il paraît. C’est sans doute très vrai pour les deux hommes puisque Iain continu de le charrier, s’inquiétant de manière exagérée du fait que Jamal soit presque sage et exclusif avec une seule et unique femme. « Oh tu sais la folie n’est jamais très loin, mais je te fais confiance. Tu n’oserais pas m’abandonner seul dans le club très fermés des divorcés coureurs de jupons. » Cela dit, si un jour il décide de se ranger et qu’il tombe dans les filets d’une femme qu’il aime, Iain sera ravi pour lui. D’accord, il l’emmerdera sans doute bien plus qu’il ne le fait déjà, mais ça sera en toute amitié une fois encore. « Eh, je suis bien obligé ! Je n’ai pas envie de me faire remonter les bretelles par le chef parce que je n’ai pas fait mon travail. » Il hausse les épaules, incapable de faire disparaître son air amusé de sur son visage. Il le cache derrière sa tasse tandis qu’il boit une gorgée du café bouillant qu’il s’est servi. « Ça serait quand même con qu’on mette sur ta tombe "est mort parce qu’il avait trop baisé et qu’il n’a pas pu assurer" … » Bien sûr qu’il en rajoute une couche, ça ne serait pas drôle autrement. Tâchant de ne pas regarder dans une direction précise à la question de Jamal, il s’enfonce contre le dossier de son siège. « Blonde. J’aime bien les blondes, ça me change de mon ex tu vois … Je préfère essayer un autre genre et je ne voudrais surtout pas avoir à leur demander de porter une perruque. » Sans compter que ça pourrait facilement le faire passer pour un pervers dérangé. Certes il est pervers, dérangé en revanche, il ne faut pas exagérer.

Si Iain a attaqué le premier, Jamal ne manque pas de taquiner son aîné. Tous les deux divorcés, tous les deux parfaitement libres – enfin si on oublie les enfants d’Iain. Leurs conversations tournent souvent autour de ce sujet, ce qui ravit toujours Jamal. Ça lui changera les idées au moins quelques minutes pendant cette garde qui s’annonce très longue. Ces derniers temps, Calista fait forcément souvent partie de la conversation, et Jamal est étonné qu’Iain n’ait jamais remarqué qu’il parlait beaucoup de la même femme. En général, il change tout le temps, c’est vrai, mais c’est parce qu’il ne prend jamais autant de plaisir avec une seule femme habituellement. Et pourtant, il est bien loin de s’ennuyer avec la blonde qui partage son lit souvent plusieurs fois par semaine. « Hors de question. Après, tu n’aurais plus de concurrence et ça serait trop facile. Tu t’ennuierais. » Même s’il couche très régulièrement avec Callie, Jamal n’envisage rien de plus. Ce n’est pas son genre. Il aime sa vie comme elle est, et il sait qu’Iain aussi. Et à leur âge, avec leur métier, plaire aux femmes n’est pas compliqué. « T’inquiète, je lui dirais que t’es le meilleur lieutenant qui ait jamais été. » Il bat des cils, comme pour gagner en crédibilité. Ça lui ressemble tellement peu que ç’en est drôle. Mais Iain se débrouille dans son nouveau rôle, c’est certain. « Il pourrait y avoir pire comme mort. Tu pourras demander à mes conquêtes de faire un éloge, ça ferait un enterrement original. » Un peu gênant sans doute pour la famille de Jamal, mais ça reste de l’ordre de la plaisanterie. Il sourit en entendant Iain parler de sa dernière conquête en date. Comparer une femme avec son ex, ce n’est jamais bon. Jamal comprend alors qu’il essaye de trouver une femme à l’opposé. Il ne sait pas s’il a vraiment un type de femme lui, il ne s’est jamais posé la question. « T’as raison, on risquerait de penser que t‘es un fétichiste sinon. » A force d’en discuter, Jamal sait à peu près ce qu’Iain aime, et sans doute inversement. « Donc ‘blonde’ ? C’est tout ce que tu me donnes ? Elle a bien des seins ? Un grain de beauté bien placé ? » Tant qu’à s’ennuyer, autant avoir quelques détails. Il souffle à nouveau sur le café qui fume toujours devant lui, puis en prend une gorgée.

Au départ, il aurait pu craindre le regard de leurs collègues à force de les entendre parler sans arrêt de ce sujet, mais au final Iain s’en moque. Ils sont habitués et parfois se mêlent à la discussion soit pour plaisanter ou parce qu’ils ont eux aussi besoin de parler de leur dernière conquête ou découverte en la matière. De toute manière, ce ne sont que des hommes et tant qu’ils assurent une fois sur le terrain, personne n’a rien à dire. Personne ne s’offusque du fait que Jamal et lui soient aussi ouverts sur la chose. Pourquoi ne pas l’être ? C’est tout ce qu’il y a de plus normal et de naturel dans le monde et c’est tellement mieux que ce que les journalistes leur rabâchent sans arrêt aux infos. « Ton inquiétude me va droit au cœur. » Assure-t-il, une main posée sur sa poitrine, juste au niveau de son myocarde justement. En vérité, il ne s’ennuierait pas tellement parce qu’il est persuadé qu’un Jamal posé et en couple parle autant qu’un Jamal célibataire et volage. Iain, lui, ne se dérangerait pas pour continuer d’en parler s’il devait se poser une seconde fois à l’avenir. Ce qu’il n’envisage toujours pas bien sûr. « Je devrais t’enregistrer quand tu dis ça, juste pour faire du bien à mes oreilles et à mon égo de temps en temps. » Ou simplement pour le plaisir d’entendre qu’il est le meilleur lieutenant venant du brun et le lui faire écouter pour lui rappeler qu’il a bien dit ça. Une autre manière de l’emmerder. Dommage qu’il n’ait pas pensé à le faire. Une prochaine fois peut-être. « Tu devrais me dresser la liste de celles qui ne t’ont pas giflé ou insulté ensuite … Je pourrais te prendre au mot et le faire. » Il n’est pas certain que ça passe très bien lors de l’enterrement, mais ça pourrait être amusant c’est certain. Loin des enterrements traditionnels en tout cas. « Fous-toi de moi. Mais oui, blonde. C’est tout ce que t’as besoin de savoir. Très bien foutue et sacrément douée avec son corps … Peut-être qu’on voit la même tiens. » Trop tentant pour se passer de cette petite plaisanterie, d’autant que Iain sait très bien que ce n’est pas le cas.