welcome to my world ▬ Jiji

C’est tellement difficile en ce moment. J’ai l’impression d’avoir le monde contre moi. Franchement, celui qui vient me dire en face que l’argent ça fait le bonheur, j’pourrais le foutre mon poing dans la gueule. J’ai juste comme ce ressenti au fond, ce sentiment d’être comme… brisé. Tout ça à cause d’elle. Ça me fait douter de moi-même et j’ai vraiment pas l’habitude de ça. Et depuis cette histoire entre nous, j’ai du mal à avancer. Mais bon, je dois quand même garder la tête haute et faire semblant de sourire pour que les clients me voient heureux. Après tout, un patron qui fait la gueule, ça ne donne pas envie. Et pour ce soir, il est temps de remettre le masque.

Les lumières de la rue me permettent de voir les visages de ces personnes, formant une ligne si longue que je ne voudrais pas être à cette place. J’entends derrière moi les voitures qui passent dans la rue. Mon portable n'arrête pas de vibrer, sûrement pour des messages du genre Hey y’a moyen de nous faire rentrer ? Bah non, vous faites la queue, comme les autres.

Plongeant la main à l’intérieur de ma veste, j’en sors une petite boire en métal. Dedans, de quoi rendre ma soirée un peu moins stressante et sûrement plus marrante. Ce que l’on peut qualifier de cigarette qui fait rire. Une allumette craquée rapidement et j’allume ce poison, prenant directement une grande bouffée. Normalement, j’ai totalement arrêté de fumer, surtout ce genre de connerie, mais bon, comme je sais qu’elle déteste ça, j’en profite.

Puis en relevant les yeux dans la file d’attente devant moi, je reconnais la fille juste en face. Pour dire vrai, je ne lui ai jamais parlé, j’sais juste qu’elle connaît Nolwen. Elle m’a déjà parlé d’elle. Du coup, comme toujours, étant quelqu’un de curieux, j’me dis que je vais aller lui parler. Après tout, elle semble vouloir rentrer dans ma boite, autant lui rendre la tâche plus facile. J’arrive juste à côté d’elle et lui envoie un sourire. Je pense que de toute façon, elle doit savoir qui je suis. “Tu veux rentrer ? Je t’offre un verre si tu veux.”

Au moins, je ne me suis pas trompé, c’est une bonne chose. C’est bien la bonne personne. C’est assez étrange en fait, car je n’ai jamais eu l’occasion de lui parler avant ça, mais pourtant elle fréquente Nolwen depuis un petit moment. Peut-être était-elle même de son côté à elle, venant ici pour me surveiller ou je ne sais pas. Quoi qu’il arrive, je ne vais pas être différent de d’habitude et je pense que j’aurais sûrement une réponse à un moment ou un autre durant la soirée.

Heureux de voir qu’elle ne refuse pas ma proposition, je lui tends la main pour la faire sortir de la file et venir avec moi. Le plus drôle, c’est sûrement de voir le visage des gens, qui semblent être plutôt contrariés de voir que je la fais venir avec moi, passant devant tout le monde. Mais après tout, qu’est-ce que j’en ai à faire, je suis chez moi ici.

Enfin, nous arrivons à l’intérieur. Je passe bien entendu juste devant le mec qui fait la sécurité, qui me fait un signe comme pour me souhaiter bonne soirée. Et en passant cette double porte, nous voici à l’intérieur. Musique, lumière, mais surtout des gens partout. Une bonne soirée, comme d’habitude. J’avoue que sur le coup, je prends les devant et je lui attrape la main pour la guider à travers les gens, histoire de se faire un chemin jusqu’au bar.

Par galanterie, je l’invite à s’installer en première, une habitude chez moi. J’sais pas pourquoi je veux toujours jouer au charmeur. En plus je ne suis pas certain que ce soit la meilleure personne avec qui faire ça. Mais je ne suis pas du genre à avoir peur de quoi que ce soit. Encore moins sur mon territoire. Je lance un regard au barman et lui fait un signe de la main. Il semble être surpris et arrête tout ce suite ce qu’il fait pour arriver en vitesse. C’est aussi quelque chose que je commence un peu trop à apprécier. Le pouvoir. Ça va forcement me retomber dessus un jour. Je tourne alors le visage vers elle, sourire en coin. “Si je ne me trompe pas, toi c’est Ji..ae c’est ça ? Je ne veux pas écorcher ton prénom.” avec un petit côté incertain. Puis je reprends. “Alors dis-moi, qu’est-ce que je peux t’offrir ?”

Effectivement, être propriétaire me donne certains avantages. C’est quand même agréable de se dire que je possède un des clubs les plus huppé de la ville. Mais surtout que je peux y faire ce que je veux. Puis en plus, je suis loin d’être un patron horrible, je fais tout pour rendre la vie facile à ceux qui travaillent pour moi. Du coup, c’est vrai qu’ils se plient tous en quatre quand j’ai besoin de quelque chose, sans forcément que je leur demande. Ce qui est un peu le cas avec le barman, il faut le dire. Un regard et un signe de la main me suffisent pour le faire venir. Parfois, je me dis que ça fait un peu trop monsieur je me la pète, surtout que bon, j’dois dire que c’est pas trop trop mon style, mais autant en profiter au maximum.

Mais j’avoue que j’ai toujours cette question dans la tête. Est-ce qu’elle est ici pour Nolwen ? Pour me surveiller, ou j’en sais rien ? J’suis tellement parano en ce moment à cause d’elle. C’est vraiment en train de me pourrir la vie, comme si je n’étais pas capable de passer à autre chose, alors que pourtant, c’est bien ce que je veux. En plus de ça, tout ce que je sais, c’est qu’elles sont amies. J’suis peut-être en train de faire une erreur, mais bon, comme j’ai toujours eu cette curiosité en moi ainsi qu’un certain goût pour le risque, autant juste ne plus y penser. “Je sais pas si j’ai envie d’être comme tout le monde, j’peux p’tet utiliser Jiji ?” tout en souriant.

J’sais même pas pourquoi j’ai dit ça. Après tout je suis comme ça, je prends facilement mes aises avec les gens. Mais peut-être que c’est un surnom qu’elle déteste. Peut-être que je vais me faire incendier pour ceci. Le goût du risque, comme toujours. “Mademoiselle est joueuse. J’aime bien.” Je me tourne ensuite vers le barman. “Tu peux nous faire deux mojito s’il te plaît ?” puis je me retourne vers elle. “J’espère que c’est un bon choix pour toi. Je sais pas pourquoi, mais j’ai une période mojito en ce moment.”

Puis, en attendant qu’il prépare les deux cocktails, j’me suis dit que je peux continuer la discussion et p’tet en savoir un peu plus. “Alors dis-moi, qu’est-ce qui t'amène ici ce soir ?” Au moins, je vais peut-être avoir des réponses, car j’me fais sûrement des idées pour rien. Et c'est finalement nos deux verres qui arrivent sur le comptoir. Je fais glisser son verre juste devant elle et j'attrape le mien, puis plonge mon regard au fond du sien. "Santé, à notre rencontre."

Bon, c’est déjà un bon début, ce petit surnom que je venais de lui donner ne semblait pas du tout la déranger. J’avoue que c’est assez facile de discuter avec elle, je n’ai aucun mal à plaisanter, à sourire, à être moi-même en fin de compte. Pas besoin de mettre un masque, pas besoin de faire semblant d’être une autre personne, comme j’aurais pu le faire avec certains client qui se montrent parfois un peu trop… casse couille. “Continuons avec Jiji alors.” Je me demande bien pourquoi Nolwen ne m’avait jamais présenté cette jeune femme. Peut-être avait-elle peur ? Après tout, elle est toujours méfiante quand il s’agit de mes fréquentations. Pire que ma mère.

Cette petite blague qu’elle venait de faire concernant la boite venait de me faire sourire. Au moins, je ne peux pas en dire le contraire, elle semble avoir de l’humour et c’est toujours un plaisir de discuter avec quelqu’un comme ça. En plus de ça, elle n’a pas tout à fait tort, si j’ai donné ce nom à cet endroit, c’est réellement pour que les gens aient un endroit où venir s’amuser. Véritablement un bac à sable, mais version adulte. Par contre, je ne vais pas le cacher, ce qu’elle venait de dire en terminant sa phrase venait réellement de me faire tiquer. Est-elle en train de parler de moi quand elle sort homme séduisant ? Est-ce qu’elle est en train de me faire du rentre dedans là ? D’habitude, je dois dire que je suis assez sûr de moi pour ce genre de chose, mais pour le coup, là, je ne savais pas du tout quoi penser. “C’est le but, tu sais. J’ai toujours adoré faire la fête, avec des gens, dans un endroit avec une bonne ambiance. Du coup, j’ai voulu monter cet endroit, faire quelque chose à mon image, si je peux dire. Et j’en suis plutôt fier.” Puis bien entendu, j’en profite pour rebondir sur ce qu’elle venait de dire, histoire de. “Et c’est vrai que, sans te mentir, c’est plaisant de croiser de très jolie fille dans le coin.” En disant ça, je n’arrivais pas du tout à sortir mes yeux des siens. Autant dire que le message est plutôt clair, si elle ne comprend pas que je parle d’elle, je ne sais plus quoi faire.

Elle avait raison, avec ce qu’elle venait de me dire, concernant la boite. C’est vrai que les cocktails sont de très bonne qualité, mais ce n’était pas le cas pour autant au moment de l’ouverture. Je me suis tapé des barmans qui ne savaient même pas préparer un simple mélange, capable uniquement de servir des bières. Ce n’était pas tout blanc, mais je dois dire que l’évolution à fait que dans l’ensemble, je peux me permettre de dire que c’est devenu l’une des meilleures boites de l’état de New-York, ce qui est une véritable réussite à mon sens. “C’est l’une des qualités de cet endroit. Après tout, si jamais il n’y avait pas d’alcool ici, je pense que l’ambiance serait tout autre. Mais depuis que j’ai trouvé une équipe qui travaille parfaitement, je n’ai pas du tout de quoi me plaindre, bien au contraire.” Ca, c’est sûr que je ne vais pas me plaindre, quand je vois le gros chèque que je me signe à chaque fin de moi. Quand je vois le loft que je possède juste au-dessus de la boite. “Je vais être franc avec toi, j’aime beaucoup la vie que je mène actuellement. Malgré le fait que je n’ai pas vraiment l’occasion de partager ça avec quelqu’un.” Sous-entendu ? Bien sûr que oui.

La situation entre nous devenait assez étrange. Des échanges de regard à droite à gauche, des choses qui n’ont pas l’air d’être dites. Je ne sais pas trop ce qui se trame dans son esprit, je dois dire, mais j’aimerais vraiment savoir. Puis vient cette question qu’elle m’envoie. La par contre, je dois dire que je n’étais pas vraiment prêt pour ça. J’ai l’habitude de faire la conversation avec les gens que je croise ici, dans la boîte. Mais généralement, c’est plus du genre simple, en rapport avec la soirée, ou ce qui pourrait se passer après. Je dois dire qu’on ne m’avait jamais demandé ça auparavant. Puis venant d’elle, je dois dire que c’est encore plus intriguant. J’attrape mon verre pour en prendre une grosse gorgée et me décide à lui répondre, avec toute ma franchise. “Je ne pense pas vraiment avoir la chance, ou encore le courage, de montrer le vrai Lukas quand je suis ici. C’est peut-être idiot, mais quand j’arrive dans la boite, j’ai l’impression de devoir porter un masque. Celui que les gens veulent voir. Celui du patron fêtard, qui aime boire et passer toute la nuit à s’amuser. Le mec qui est capable de parler avec n’importe qui, de n’importe quoi. Mais comme tu dis, ce n’est que le Lukas propriétaire.”

Je regarde un peu autour de moi, pour me rendre compte de ce que je viens de dire. Ce n’est que la vérité en fin de compte. Ici, je ne suis qu’une ombre parmi les ombres. Je profite de la coupure pour prendre une nouvelle gorgée. Puis finalement, en reposant les yeux sur elle, je reprends. “En fait, je dois dire que je n’ai pas vraiment eu l’occasion de présenter le vrai Lukas à quelqu’un. Et tu sais, quand je vois certaines filles, qui viennent me coller juste histoire d’avoir une consommation gratuite ou alors de pouvoir rentrer sans faire la queue, ça ne m’en donne pas envie.”

Mais dans le fond, je commence à m’interroger. Si elle vient de me poser cette question, c’est peut-être pour une raison en particulier. Est-ce que je m’avance trop en disant qu’elle voudrait bien découvrir le vrai Lukas ? De toute façon, maintenant que j’ai les pieds dans le plat, autant lui demander, je n’ai rien à perdre. “Est-ce que je peux te demander pourquoi m’avoir posé cette question ? J’ai presque envie de croire que tu as envie de découvrir le véritable Lukas, mais je ne veux pas trop m’avancer.” J’espère juste que je ne viens pas de faire une bourde avec ce que je viens de dire, je ne voudrais pas que ça casse l’ambiance.