Tonight we are young ▬ Isis

Toujours le mot pour rire, c’est quelque chose que j’apprécie. Même elle n’est pas certaine de pouvoir me ramener. Bon d’un côté, c’est normal, j’dois dire que j’suis pire qu’une souche quand j’ai un peu trop bu, donc pour me déplacer, c’est pas facile. En de plus ça, elle semble être dans l’idée de me revoir vraiment mort ce soir. Si on continue comme ça de toute façon, c’est certain que je ne vais vraiment pas être clean quand on va rentrer. “C’est déjà pas mal si je peux avoir le canapé dans la rue hein. Mais tu me laisses une petite couverture quand même ?” Je lâche un petit sourire après cette idiotie. Faudrait pas non plus que j’attrape froid si je dois dormir dehors.

Puis elle vient finalement me dire qu’elle n’allait pas me laisser dehors. Heureusement, d’un côté, j’avoue que je n’en avais pas envie. Pas du tout. Mais je dois dire que je venais d’être un peu étonné avec ce qu’elle venait de dire par la suite. Dormir dans son lit ? C’est idiot, mais on se connaît depuis tellement de temps, elle que je pourrais presque considérer comme quelqu’un de ma famille, mais pourtant, il me semble que je n’ai jamais dormi avec elle. J’imagine que c’est une proposition totalement innocente, parce qu’il n’y a pas autre chose entre nous. Mais quand même, ça fait bizarre. “Oh bah, si c’est proposé comme ça, je ne vais pas dire non ! On va bien voir en rentrant lequel de nous deux prendra la place côté toilette dans ce cas.” Sait-on jamais, si elle est dans un état pire que le mien, c’est peut-être elle qui aura besoin des toilettes. “Pourquoi tu voudrais que ça me dérange ? Enfin… Je sais pas, on parle juste de dormir hein !” Je rigole en passant ma main derrière ma tête, avec cette petite blague, mais qui est quand même légèrement embarrassante.

C’est vrai que d’ordinaire, quand vous sortez ensemble pour ce genre de soirée, si je dois dormir chez elle, je prends toujours le canapé, et quand on termine chez moi, je lui laisse mon lit. J’avoue que c’est bien la première fois. Mais bon, de toute façon, j’imagine qu’il ne va rien se passer de plus. C’est pas notre genre.

Quand elle enlève sa veste, moi qui prends une gorgée de mon verre, je vois ce type juste derrière qui ne peut s’empêcher de la regarder. C’est normal, en même temps, il faut dire que c’est une très belle femme. Mais j’sais pas pourquoi, ça me dérange. J’ai toujours eu ce côté protecteur avec elle, donc de voir un vieux gars comme lui qui est presque en train de baver, ça m’énerve. “Oh que oui, tu peux être sûr que je suis la pour te défendre.” Un sourire que je lui envoie, car elle sait très bien que je suis comme ça. “T’en fais pas, même avec des litres d’alcool dans le sang, je garde un œil sur toi.” Peut-être même un peu trop protecteur par moment. Mais je ne peux vraiment m’en empêcher. “Tu dis ça avec tellement de certitude, Isis Bukowski. Fait attention quand même. Tu sais que je peux aller très loin !”

Puis elle décide de nous lancer dans un petit jeu. Et elle le sait très bien que j’adore ça, que je ne vais pas dire non. “J’suis partant. J’aime bien ce jeu.” Je fais signe au barman pour qu’il nous rajoute un verre de plus sur le côté. “Tu veux commencer ? Honneur aux dames, comme on dit.” En plus de ça, de mon côté, j’ai déjà ma cible en vu. Mais j’attends de voir comment elle va se débrouiller.

Elle sait taper là ou ça fait mal. Je ne parle pas de son coude qui est venu me heurter, car ça, il faut dire que ce n’était presque rien, mais plus de ce qu’elle venait de dire, concernant… mon âge. Comment ose-t-elle. “Vraiment, j’me fais vieux ? Tu vas voir toi, si je ne tiens plus aussi bien qu’avant !” Elle veut me prendre au mot, je pense que ce soir, rien ne pourra m'arrêter. Même si demain matin, je risque de le regretter. Enfin moi non, mais surtout mon foie. Puis vient cette affirmation de sa part. Dormir. Uniquement dormir. Je ne sais même pas pourquoi j’ai pensé à autre chose que ça pour dire vrai. C’est pas du tout notre genre, ce n’est pas comme ça entre nous. Non, je retire vite cette idée de ma tête et j'acquiesce avec un oui de la tête. J’ai pas envie de dire plus histoire de ne pas m’enfoncer ou laisser sortir quelque chose qui risque encore une fois de me mettre dans l'embarras.

Je dois être franc, j’adore quand on se lance des petites piques comme ça. C’est quelque chose qui est la depuis toujours entre elle et moi et je pense que je ne pourrais jamais m’en passer. C’est un sourire qui vient se mettre sur mon visage, quand elle me dit qu’elle pourrait me défendre. Je viens ensuite lui tapoter l’épaule deux fois avec ma main, comme pour lui dire que... Non. “Si jamais tu dois me défendre, tu peux faire mieux que le coup de coude que tu viens de me mettre s’il te plait ?” Il faut dire que j’ai envie de rentrer en vie quand même. “Laisse moi le role de garde du corps, c’est mieux je pense. Contente toi juste de me ramener, c’est déjà pas mal.” Elle continue sa phrase et la, encore une fois, c’est une attaque qui fait mal. J’me tue à faire du sport toute la semaine, mais elle ose quand même sortir ce genre de phrase. Va savoir pourquoi, mais mon unique réflexe est de soulever un peu ma chemise et taper avec ma main sur mes abdos, histoire de lui montrer qu’elle se trompe. “Du gras ? Je ne vois pas de quoi tu parles ? Regarde bien, c’est totalement faux.” Et j’en profite au passage pour mettre ma main sur son bras, et avec deux doigts, je la pince, mais sans pour autant lui faire mal, juste histoire d’attraper un peu sa peau. “Et toi alors, y’a pas un peu de laisser aller en ce moment ? Parce que tu parles de moi hein…” Je pense que je risque de prendre la fureur du dragon en pleine face et pourtant j’me suis senti obligé de lui retourner son attaque. Même si c’est bien entendu faux et pour plaisanter.

Et c’est ainsi que le jeu commence. Elle semble être tellement certaine de gagner que je pourrais presque en rire. Mais je n’ai pas envie de la froisser, pas tout de suite. J’ai tellement envie de la voir faire, que je la laisse parler. “Prouve-moi donc ce que tu avances Miss Bukowski. J’ai vraiment hâte de terminer à genoux.” Elle se prépare et moi je regarde son téléphone, ou elle vient de mettre le minuteur. “Promis, pas de triche. C’est pas marrant sinon.” Et elle se lance, en appuyant sur le bouton, pour partir à l’attaque. En regardant la scène de loin, je commence à rire tout seul. En même temps, qu’est-ce que je peux faire d’autres. Elle utilise toutes les techniques habituelle d’une femme pour le faire craquer. Comme si elle avait besoin de ça en plus. Le mec en question n'arrête pas de la regarder depuis que nous sommes arrivés ici. Et bien entendu, sans surprise, le mec sort son téléphone, pour avoir son numéro. J’vais pas dire le contraire, elle est douée, ça c’est certain. Et maintenant que son but est accompli, elle revient rapidement à côté de moi et s’empresse d'arrêter le chrono. “C’est un temps plus qu’honorable, je dois l’admettre. Même si t’approches de la trentaine, t’es toujours aussi sexy !” Je rigole tout en la regardant, si heureuse de sa performance. “J’en sais rien, mais j’peux te dire que je vais essayer.” J’attrape son téléphone, prends un screen de son temps, juste au cas où, et le remet ensuite à zéro. J’enlève ma veste et histoire de faire bien, je détache un bouton du haut de ma chemise. Je la regarde, fais craquer mon cou en le penchant sur la gauche, puis la droite. Je suis prêt à faire de mon mieux. Le minuteur s’enclenche et je me lève rapidement pour aller vers une femme que j’avais déjà remarquée au moment où on est arrivé.

Ce genre de femme, je connais bien. C’est typiquement celle que je peux croiser au Playground. J’sais comment ça fonctionne, j’sais comment faire. C’est pas difficile en fait. Je m’approche d’elle et commence à lui sourire, avant d’engager la discussion. Je profite surtout du moment ou son amie, qui était avec elle vient de partir pour faire je ne sais quoi de l’autre côté du bar. Mais je ne sais pas pourquoi, elle semble être à moitié intéressé. Du genre à me regarder, m’analyser de haut en bas, me renvoyer ce sourire, mais sans plus. Je passe ma main dans mes cheveux, histoire de les arranger un peu sur le côté, tout en laissant mon regard, insistant, planter dans le sien. Et elle me sourit encore plus. Pour moi, je pensais vraiment que c’était gagné, jusqu’à ce qu’elle lève la main en ma direction, pour me montrer cette bague, autour de son doigt. Une bague qui veut tout dire. Une bague qui signifie que c’est mort. Plus que mort. Qu’elle n’est plus sur le marché. La, je dois dire que j'en perds mes mots, si bien que je m’excuse juste, rapidement, avant de me retourner pour partir. Mais malgré ça, juste avant de commencer à marcher, elle m’attrape par le bras. Elle sort un stylo de son sac et marque son numéro de téléphone sur une serviette en papier, qu’elle vient ensuite me tendre, avec un énorme sourire. Je dois dire que je suis sur le cul. Encore plus parce que je suis certain que de son côté, Isis à  du voir la scène. Elle me dit de ne pas hésiter à l’utiliser ce numéro, si jamais je veux la revoir, puis elle se lève pour partir d’ici.

Moi de mon côté, je retourne vite fait bien fait à côté d’Isis et j’arrête le minuteur. Mais j’avoue que j’suis vraiment mitigé sur la situation. Même si j’ai quand même bien envie d’en rire. “Bon, j’avoue que ton temps est mieux hein…” Je regarde le minuteur. “Quatre minutes et douze secondes.” Mais j’avoue que je ne peux m’empêcher de tourner la situation à la plaisanterie. “Après… J’ai quand même eu le numéro d’une femme mariée, c’est pas un bonus ça ?” Même si je ne vais jamais l'utiliser, car ce n'est pas du tout mon genre, j'ai quand même bien enfin de voir la tête qu'elle va faire.

Ce qui est une certitude, c’est qu’avec elle, je sais à quoi m’attendre. Au moins c’est quelque chose qui ne changera jamais, je pense, cette relation qu’on a tous les deux, une amitié que beaucoup de personnes voudraient avoir. Quelque chose qui peut surmonter un grand nombre d’épreuves. C’est pour ça que c’est une personne qui compte beaucoup pour moi et que j’adore, parce que je sais qu’elle est capable de faire un tas de choses avec moi. Des souvenirs que j’ai envie d’enregistrer à jamais dans ma mémoire. Comme ce soir en fin de compte, une soirée comme celle-ci, surtout en pensant à ce qui va arriver après, cela fait longtemps que je n’ai pas eu l’occasion d’en passer une pareille. D’accord, il est vrai que je peux beaucoup boire quand je travail à la boite, mais la c’est totalement différent, je suis ici pour m’amuser avec ce qui pourrait être l’une de mes meilleures amies, et ça, je dois dire que ça n’a pas de prix.

Et je pense qu’elle le sait, vu comment elle me traite. Puis faut aussi dire que depuis quelque temps, elle est presque aussi forte que moi en terme d’alcool. Je pense même qu’elle est capable de me plier et de me faire rentrer à quatre pattes, ce qui de toute évidence semble être son plan, quand je l’entends parler et me sortir des petites attaque du genre. “Mes genoux, ils sont prêts, pas de problème. Mais tu sais très bien que tu vas finir k.o avant moi, c’est pas la première fois ma grande.”

C’est ainsi que notre petit jeu de drague se termine, se soldant par une victoire de la belle. Ce n’est pas étonnant en même temps, même si cette remarque pourrait paraître un peu machiste, je pense que c’est bien plus simple pour une femme d’arriver à gagner ce genre de bataille. Puis en plus, on est pas la, caché devant un site de rencontre, clavier et souris en main, regardant des profils tout aussi ringard les uns que les autres. Non, dans la réalité, la drague, c’est vraiment autre chose. Mais j’avoue que je ne me sens pas tellement fier d’avoir récupéré ce numéro de mon côté. Une femme mariée, sérieusement… Bon, de toute façon, ce n’est pas du tout mon genre de faire ce genre de chose, je pense qu’Isis le sait très bien. Certes, j’ai ce petit côté tombeur, mais j’avoue que je ne suis pas prêt à faire ça avec quelqu’un qui a la bague au doigts, c’est comme m’envoyer une claque à moi-même. “Oui elle est partie. Je pense que c’est mieux, je n’ai pas envie de la recroiser.” Un soupir que s’échappe de ma bouche avant de reprendre. “Tu te doute que, j’ai pas envie que tu commences à me faire la morale, parce que bon, ce numéro, je ne compte pas du tout l’utiliser. Je ne suis pas comme ça tu le sais.” Non, je ne compte vraiment pas le sauvegarder dans mon téléphone, c’est pas possible. Le morceau de papier, je le prends dans ma main avant d’en faire une boule et de le jeter dans une poubelle qui se trouve non loin de la porte d’entrée. “C’est bon Bukowski, savoure ta victoire. On va dire que je t’offre un petit gage pour ça, tu l’as bien mérité.”

Puis quand elle se lève de son siège, en parlant d’un nouveau bar, j’ai bien compris que notre temps ici touche à sa fin. Il est grand temps de changer d’endroit et d’ambiance. Le truc, c’est que je n’ai pas du tout d’idée pour notre prochaine destination. On va dire que le vent nous portera et on va bien voir ou est-ce qu’on va terminer cette fois-ci. Je m’approche de la porte que j’ouvre en lui montrant la sortie d’un signe de la main. “Après vous mademoiselle.” avec un grand sourire. J’espère que de son côté, elle a une petite idée de notre prochaine destination.