Can line up shots til it all goes bad ♠ Eileen & Caleb

J'étais complètement défoncé. Ivre n'était qu'un euphémisme pour me désigner actuellement. J'avais mélangé un nombre incalculable d'alcool, sans doute un peu trop. Ce qui expliquait également mon état actuellement. Sans compter qu'il devait être passé trois heures du matin et que je me trouvais ici depuis environ 21h. Calia n'était pas là, elle était partie en weekend avec des amies à la montagne. Elle m'avait écrit pour m'annoncer qu'elle était bien arrivée, je lui avais répondu et lui avais souhaité une nouvelle fois un bon weekend, puis j'étais sorti de l'appartement pour me mettre l'une des plus grosse mine de toute ma vie. Je buvais volontiers un verre ou une bière avec des potes, mais j'avoue que je n'étais pas un consommateur régulier non plus. Pourtant je crois pouvoir dire que j'avais plutôt pas mal tenu l'alcool. Il fallait également avouer que j'avais bien mangé avant de venir. Ma cuite n'était pas prévue, bien au contraire. La preuve était qu'habituellement je ne sortais qu'entouré de mes potes. Je m'en étais fais quelques-uns depuis mon arrivée à New York, grâce au boulot sans doute. Bien que depuis le décès de Lucas, je faisais attention à ne pas trop me rapprocher de collègues. Ce qui était sans doute un peu bête de ma part. Mais on ne se refaisait pas.

Le bar allait sans doute bientôt fermer ses portes si on en jugeait l'hésitation avec laquelle la serveuse m'avait servi. A moins que ce soit une vague hésitation liée à mon niveau d'alcoolémie qui était assez impressionnant, sans vouloir me vanter. Le pire était que je ne savais pas trop comment j'allais rentrer. Mon téléphone n'avait plus de batterie, j'étais sûrement destiné à courir sur la route en espérant attraper un taxi. Ces enflures de conducteur qui regardaient droit devant eux malgré le fait qu'ils soient libres, alors que tu te démets des épaules à force de leur faire signe. En retournant m'asseoir sur un tabouret, je renversai un peu du précieux liquide sur le sol. J'adressai un sourire d'excuse à la serveuse qui haussa les épaules, l'air de dire qu'elle n'en n'était plus à ce genre de détails. C'est vrai que c'était assez animé par ici. De nombreux groupes d'amis fêtaient l'arrivée du weekend, rigolant et buvant joyeusement. J'avais parlé à quelques-uns d'entre eux, je crois même avoir offert une tournée à certains. Je ne m'en souvenais plus trop, mais je ferai sans doute la gueule en voyant mes factures de carte bleu demain matin.

Je n'avais pas verbalisé mentalement les raisons de l'état dans lequel je me trouvais actuellement. Mais au fond de moi, je le savais très bien. Il avait bien sûr toujours cette espèce de traumatisme liée à la mort de Lucas et de ce qu'il s'était passé en Syrie. Naturellement. Même si grâce à ma psy j'allais déjà beaucoup mieux. Mais il y avait également Eileen et ce pauvre mec qu'elle se tapait, c'était évident. Mais j'évitais d'y penser, alors en parler... C'était hors de question.

Comme je m'en doutais, la fermeture du bar arriva peu après. Bien que j'eus le temps de me recommander un autre verre en attendant. Les gens s'évaporaient autour de moi petit à petit et moi, ne sachant pas où aller... Je décidai de m'installer simplement devant les fenêtres du bar. Les jambes étalées devant moi, le visage tourné vers les étoiles.

J'avais l'étrange impression que le monde s'était brusquement arrêté autour de moi. Ce n'était pas vraiment désagréable pour être tout à fait honnête. C'était comme si mon cerveau avait bloqué tous les bruits de la ville qu'on pouvait entendre habituellement à cette heure-ci de la nuit. Des bruits de voitures pour la plupart. On pouvait aussi entendre des bruits de musique étouffée, chez des particuliers puisque les bars commençaient à fermer. La lune brillait paisiblement au-dessus de moi, complètement inconsciente des différents drames qui pouvaient se jouer au-dessous d'elle. Je me demandais d'ailleurs combien d'autres personnes dans le monde se trouvaient dans la même situation que moi actuellement. Allongés sur le sol à regarder les étoiles en étant complètement bourré. On devait bien être plusieurs, encore que ce n'était sûrement pas pour les mêmes raisons. Quoique les histoires d'amour devaient être pour beaucoup dans les tentatives d'hommes à se bourrer la tronche pour essayer d'oublier. Mais j'espérais également que j'étais le seul à avoir à la fois perdu la femme que je pensais être la femme de ma vie ainsi que leur meilleur ami. Et qu'en plus ils se sentent coupables des deux pertes. Et qu'ils ne pouvaient s'en prendre qu'à eux-mêmes.

Je mis quelques secondes à réaliser qu'on s'adressait à moi. C'était une image complètement parlante pour le coup, si je disais que l'information s'était perdue en route et qu'elle avait mis du temps avant d'arriver à mon cerveau. Je fini par tourner la tête dans la direction de la voix, pour me retrouver face à Eileen. Un amusement incompréhensible se prit de moi et je ne pus retenir un ricanement en la voyant en face de moi. C'était en partie suite à ce qu'il s'était passé avec elle que je me trouvais dans cette situation et la voilà en face de moi. Il ne manquerait plus que Lucas revienne d'entre les morts. « On ne peut mieux Princesse » répondis-je ironiquement en me redressant légèrement pour m'asseoir en tailleur. « Qu'est-ce que tu fais ici toute seule? Ton mec est tellement pressé de te retrouver sous ses draps qu'il ne prend pas le temps de t'accompagner dehors? » J'avais parlé en me relevant et je sentis le sol tanguer sous mes pieds, à tel point que j'en chancelai et dû me tenir au mur pour ne pas tomber. « C'est pas très maner de sa part, il faudrait peut-être que je lui explique comment se comporter comme un homme? » J'avais vu cette image sur Instagram et j'avais cherché à en savoir plus sur ce mec. Inutile de préciser que j'avais immédiatement trouvé qu'il avait une sale gueule en plus d'avoir l'air particulièrement prétentieux.

La scène devait vaguement ressembler à une mauvaise série américaine, mais on ne se refaisait pas. Peut-être avais-je un côté drama queen caché, qu'est-ce que j'en savais au final? Je ne savais plus grand chose actuellement, mis à part que j'allais sans doute me réveiller avec la pire gueule de bois de toute ma vie demain matin. Contrairement à ce que j'aurais pu penser si j'avais eu les idées claires, Eileen ne répondit pas franchement à mes provocations. Ou du moins elle ne chercha pas à m'en coller une, ce qui m'aurait peut-être rafraichi les idées. A moins que cela me mette dans le coma pour quelques jours, c'était moi qui l'avait formée et je savais qu'elle avait une très bonne droite. Je n'hésitai donc pas à me ficher complètement du coureur de jupon qui lui servait apparemment de mec désormais. « C'est exactement ça, je ne sais pas choisir mes mecs, c'est bien connu. » J'aurais pu mal le prendre, mais j'étais honnêtement tellement occupé à me relever sans me retrouver allongé par terre que j'en oubliais complètement de lui répondre quoique ce soit. Je n'hésitai cependant pas à lui lancer une nouvelle pic lorsque je me retrouvai plus ou moins sur mes deux jambes. Je n'aurais pas l'audace de parler de stabilité pour le moment.

Je parvins néanmoins à en obtenir une, grâce à l'aide d'Eileen. Mon état d'ébriété avancé ne m'empêcha pas de me retrouver envahi par l'odeur de son parfum et par une vague de nostalgie du même coup. « Si j'ai envie qu'il disparaisse du jour au lendemain, je te promets que je te l'enverrai pour des conseils... en attendant, on rentre. » Je lâchai un grognement moqueur mais la laissai m'embarquer sans réellement résister. « Je doute qu'il ait les couilles pour se retrouver en Syrie » fis-je remarquer avec un brin d'ironie. « Son truc à lui c'est plus Instagram non? » Je n'avais pas réellement le droit de parler de mes missions, mais les verres que j'avais dans le nez me le faisaient oublier. Encore qu'Eileen était au courant. Il s'agissait plus de se méfier des éventuels passants, encore que ces derniers devaient avoir autre chose à faire. « Tu sens bon. » fis-je remarquer au bout de quelques pas, l'alcool me rendant plus ouvert et bavard qu'à l'ordinaire. Il paraitrait que cela nous fait parler avant de penser, pour ce que j'en savais... Je n'avais jamais été dans cet état là. Ivre peut-être un peu, mais j'avais toujours su garder le contrôle de moi-même. « On va chez toi? » demandai-je peu après, regardant autour de nous. Je ne reconnaissais pas le quartier, elle aurait très bien pu décidé de m'emmener au port pour me jeter à l'eau que je n'y verrais que du feu.

Je ne savais pas réellement quels souvenirs j'allais garder de cette soirée, ni même si je me souviendrai d'avoir été aussi franc et direct que je l'étais actuellement. Le Caleb sobre aurait sans doute tenu sa langue et se serait enfermé dans un silence contenu et discret. Mystérieux peut-être. J'avais un côté emporté mais il fallait me chercher sur des sujets bien particuliers pour me faire vriller. Cependant je n'avais apparemment pas l'alcool violent. Il n'y avait rien de pire que ça, je crois. « Oh Caleb... Le tien c'est de stalker ton ex ? Apparemment entre deux verres. » J'eus un nouveau rire et je haussai les épaules, un peu trop violemment peut-être. Je me sentis perdre l'équilibre une fraction de seconde mais n'y prêtai pas spécialement attention. « Plutôt 20 je crois. Ma carte bleue nous répondra demain matin » répondis-je avec un sourire ironique, sans même prendre la peine de démentir ce qu'elle avait dit en début de phrase. Je n'étais pas un bon menteur en étant sobre, je préférais ne même pas tenter le coup en étant ivre. Peut-être allait-elle prendre cela pour un aveu. Et si c'était le cas, elle avait entièrement raison.

Son odeur était enivrante, presque autant que les verres que j'avais descendu durant la soirée. « Merci, j'aimerais en dire autant de toi... » J'avais l'impression qu'elle souriant au son de sa voix, mais notre position ne me permettait pas de m'en assurer. « Si j'avais su qu'on finirait la soirée bras dessus, bras dessous, je n'aurais consommé que des cocktails fruités » répondis-je joyeusement, avant de m'inquiéter de notre destination. Je savais où elle habitait puisque je l'avais ramenée chez elle il y a quelques jours, mais j'avais soudainement perdu toute notion du temps. Un comble quand on savait que ma première spécialisation à l'armée avait été d'être explorateur. « Oui parce que si on va chez toi, Calia te frappera tellement fort en te voyant comme ça que j'ai peur que tu ne te réveilles jamais. » Ma soeur jumelle adorée. Je n'aurais peut-être pas fini dans cet état si elle n'était pas en weekend, ou alors je n'aurais pas eu le courage de rentrer jusqu'à ce que je sois plus ou moins sobre. « Elle n'est pas à la maison » expliquai-je en me passant une main sur le visage. « Weekend entre nanas, maquillage, vernis à ongles et compagnie » Enfin j'imagine que c'était ce qui était prévu. De toute manière si elle m'avait fait part de leur programme, j'étais incapable de m'en souvenir actuellement.

Je faisais le maximum pour ne pas laisser tout mon poids aller contre Eileen, mais je devais bien avouer qu'elle était une excellente béquille. « L'alcool réveille ton intérêt pour moi ou pour instagram, j'hésite. » J'eus un petit sourire amusé, alors que si elle m'avait posé la question il y a quelques heures j'aurais détourné la conversation. Ou je n'aurais tout simplement pas répondu. « Tu sais très bien que je n'ai pas besoin de l'alcool pour ça » répliquai-je en la pointant du doigt. Enfin, je crois. Peut-être étais-je en train de désigner un bâtiment derrière elle, mais l'intention y était. « Et je ne parle pas d'Instagram » ajoutai-je avant de lui adresser un clin d'oeil joueur. Regardant autour de moi une nouvelle fois, il me sembla reconnaître le décor autour de nous. « On est arrivés! » fis-je en plissant les yeux pour essayer de lire le numéro de l'immeuble qui se trouvait à quelques mètres de nous.

J'imagine que je regretterai cette soirée demain, ne serait-ce que pour la note du bar qui devrait s'annoncer faramineuse. J'en avais les frissons rien que d'y penser, mon banquier allait sans doute faire une attaque. C'était rare que je me comporte de cette manière. Avec un peu de chance penserait-il que je me suis fait piquer ma carte? Ou que j'avais organisé un enterrement de vie de jeune garçon. En tout cas j'imagine qu'il allait falloir que je me trouve une excuse plus valable qu'une peine de coeur et un décès traumatisant. « Et bien tu pourras remercier Washington de t'avoir promue et d'avoir augmenté ton salaire. » Je haussai les épaules. Le terrain me manquait mais apparemment ils estimaient que j'étais désormais mieux ici à gérer ce que je trouvais très chiant à faire, à l'époque. Mais je savais que Calia était contente de me savoir en sécurité ici, c'était une maigre consolation.

Je continuais de plaisanter avec Eileen, bien plus joyeux que je ne l'avais été depuis une bonne année maintenant. « Si tu avais fait ça, tu tiendrais sur tes deux pieds. » Elle n'avait pas tort, et sa remarque me fit rigoler. Si j'avais voulu me souler avec des boissons de nanas, j'aurais sans doute eu besoin d'un peu plus de temps que ça. « Sûrement » répondis-je simplement, avec un sourire malicieux. Mais ces boissons n'auraient pas forcément eu l'effet que je désirais alors j'en serais peut-être ressorti plus frustré qu'autre chose. Par contre j'imagine que ce genre de boissons était ce qui était au programme pour le weekend de Calia et ses copines. C'était ce que j'expliquai à Eileen lorsqu'elle me dit que Calia allait me frapper si elle me voyait dans cet état. Elle avait sûrement raison, une fois encore. « Je vois et toi du coup tu as décidé d'aller t'enivrer d'alcool... Chacun son type de weekend. » J'étais plus Netflix and chill habituellement, je pense d'ailleurs que la plupart de mes potes auraient été surpris en apprenant que j'avais décidé de sortir pour me bourrer la tronche. « Et toi tu faisais quoi dehors du coup? » questionnai-je à mon tour.

Bon je ne savais pas si elle allait me répondre ou me faire remarquer que cela ne me regardait absolument pas. Mais j'avais posé la question sans réellement penser avant, un peu comme tout ce qui passait mes lèvres depuis que je m'étais retrouvé face à elle après tout. « Justement non.. Je ne sais rien de ce qui se passe dans cette petite tête. » me répondit-elle lorsque je lui dit qu'elle savait très bien que je n'avais pas besoin d'alcool pour penser à elle. Elle avait baissé mon doigt et je la laissai faire machinalement, fronçant pensivement les sourcils. Je laissai passer quelques secondes durant lesquelles je réfléchis, avant d'admettre finalement « Moi non plus » J'étais perdu, c'était tout ce que je pouvais dire. Et le fait que l'idée de faire disparaitre définitivement ce Maël me paraisse très agréable devait en dire beaucoup.

On fini par arriver chez elle et on gagna le bon étage. Attendant qu'elle ouvre la porte, je m'appuyai contre le mur en face. « Entre, doucement... » Je fis quelques pas, à nouveau aidé par mon ex petite-amie, avant de me laisser tomber sur le canapé, la tête en arrière, appuyée contre le canapé. J'avais la même impression de fatigue que lorsque j'avais enchaîné dix fois de suite le parcours d'entraînement militaire lors de mes débuts. « Merci » marmonnai-je avant de m'asseoir de manière un peu plus correcte. Même si elle m'avait vu dans d'autres circonstances, elle avait fait l'effort de me ramener chez elle alors qu'elle ne me devait pas grand chose. « Je vais te chercher de quoi te couvrir et... de quoi désaouler un peu. » Je tournai la tête dans sa direction et souris malicieusement. « Reste tranquille, je n'ai pas froid. Et j'aurais trop peur que tu décides de me désaouler à coups de sceau d'eau froide » plaisantai-je malicieusement en me penchant sur elle, alors que son parfum venait à nouveau me chatouiller les narines. La tête désormais appuyé sur ma main dont le coude se trouvait sur le dossier du canapé, je profitai de cette position pour l'observer. Je l'avais toujours trouvée très belle, cela n'était un secret pour personne. Pas même pour elle.