Happy 4th of July / le feu d'artifices

« Je crois que je vais jeter l’éponge sur le hot-dog et opter pour un wrap au fromage, juste là. » informa Joddie à sa compatriote de la soirée. Sasha tentait tant bien que mal de suivre des yeux l’index tendu par la jeune femme en direction des différents mets affichés au-dessus du guichet de la cabane. « Ok ! C’est pas une mauvaise idée le wrap. Je vais te suivre. » Rétorqua Sasha, ne sachant que prendre en guise de souper. Il n’y avait plus que quatre clients devant elles. Un homme solitaire qui était certainement venu chercher les ravitaillements pour sa famille restée assise afin de ne pas perdre leur place. Un groupe de trois adolescents, riants aux éclats en se remémorant la journée qu’ils venaient de passer ensemble. L’attente se faisait moins longue, mais le jeune employé à la casquette marquée du logo de l’entreprise de Fast-Food semblait avoir du mal à suivre la cadence. « Quels sont tes plans pour l’été ? Tu as entendu parler de la croisière programmée en août ? » Demanda Joddie tout en fixant Sasha de ses yeux dorés par les derniers rayons du soleil, les bras croisés sur sa poitrine. « À vrais dire, comme chaque été depuis quelques années, je vais bosser à plein temps au Miss Favela, histoire de mettre un maximum de côté pendant les vacances d’été. ». Il fallait dire que Sasha n’avait pas les moyens de partir en voyage et encore moins de s’octroyer une pause qui aurait eu pour conséquence de créer un énorme trou dans son revenu salarial. Par moment, elle regrettait cette vie qui la contraignait à ne jamais s’arrêter. Mais elle se rassurait en se répétant que ce n’était que temporaire, que « les sacrifices d’aujourd’hui feraient le bonheur de demain » et que ces quelques années de dure labeur lui permettraient d’obtenir le poste dont elle avait tant rêvé au sein la police scientifique de New York, d’ici la fin de ses études. Et puis, ses sorties à répétition, où l’alcool coulait à flot et où les bouffées « d’herbe » se faisaient fréquentes étaient son échappatoire. Son évasion. D’autant plus qu’avec son caractère bien trempé et sa ténacité, Sasha savait exactement quand s’arrêter. Pour elle, il y avait un moment pour tout. Et les fêtes étaient réservées aux soirs de weekend, exclusivement. « Oui, j’ai beaucoup entendu parlé de ces croisières. ça à l’air vraiment super ! J’aurais adoré pouvoir y aller… Et toi alors ? Tu pars cet été ? ». Au fond d’elle, quelque part, Sasha espérait que Joddie lui annonce, qu’elle aussi, serait tenue de consacrer son temps de vacance clouée à New York. D’une part, parce qu’elle ne voulait pas se sentir constamment la seule de son entourage à ne pas pouvoir s’envoler vers d’autres cieux. D’une autre part, parce qu’elle espérait secrètement pouvoir passer plus de temps avec la métisse. Il y avait cette attraction qui s’installait progressivement depuis leur dernière rencontre formelle. Sasha se sentait inextricablement attirée par cette jeune femme si complexe. À la fois forte et pourtant si fragile, encore meurtrie par les récents événements tragiques de sa vie. Il y avait cette facette inaccessible chez Joddie qui donnait envie à Sasha d’en apprendre plus. Évidemment, il était impensable à ce stade d’imaginer une quelconque romance avec l’aborigène. Mais une relation plus intime était entrain de naitre, qui dépassait les simples rencontres formelles justifiées par le travail que devait rendre Sasha à l’université quelques semaines plus tôt. Les deux jeunes femmes s’appréciaient et, par la force des choses, le destin avait décidé qu’elles fêteraient le 4 juillet ensemble. Mais Sasha souhaitait plus qu’une simple soirée, survenue au hasard, auprès de Joddie. « Je me suis inscrite à des sessions d’études pour rattraper mon retard. » , Sasha avait connaissance de la situation académique de la jeune femme. « Oui, tu as bien fait. Au moins tu es sûre de pouvoir assurer ta rentrée cette année ». Joddie enchaina : « Avec le championnat de Novembre à Macao, je ne peux pas me permettre de rester les bras croisés cet été. ». Le championnat… Sasha avait complètement oublié. Dans un sens, elle se sentait rassurée que sa « nouvelle amie » continuait d’aller de l’avant et puisse persévérer à vivre sa passion. Mais ne le faisait-elle pas plus par obligation ? Pour faire plaisir à d’autres personnes qu’à elle-même ? Ne continuait-elle pas à s’investir à corps perdu dans ce sport pour ne pas avoir le temps de penser à l’accident qui lui avait arraché son bien-aimé ? Au fond, Joddie n’avait sûrement elle-même aucune des réponses à ces questions. Mais Sasha tenta tout de même d'aborder le sujet sensible. « Tu gères comment tout ça ? Les études, les championnats et… ce qu’il t’arrive dans ta vie privée ? ». Elle observait de façon attentive son acolyte, comme si elle cherchait à percer au grand jour le secret de sa détermination. Joddie avait la bougeotte et semblait mal à l’aise quant au fait de devoir rester debout à attendre et, en regardant sa montre, elle démontrait le signe qu’elle craignait de rater les feux d’artifices, raison pour laquelle elle était venue ici, en solo, à la base. Cette impression fut confirmée lorsqu’elle ajouta : « J’espère que nous n’allons pas devoir profiter du feu d’artifice en faisant la queue ! ». Au même moment, les trois adolescents finalisaient leur commande et Sasha en profita pour remédier à l’inconfort de Joddie. « Tu sais quoi ? ça va être à nous dans peu de temps. Vas t’asseoir quelque part, je m’occupe de prendre la commande et je te rejoins ». Pour une fois, Sasha ne se montrait pas attentionnée par simple intérêt mais bien parce qu’elle voulait réellement faire plaisir à Joddie. Elle voulait se montrer sous son meilleur jour auprès d’elle, comme si elle souhaitait lui prouver sa valeur et ainsi gagner quelques galons en estime à son égard. Plus Joddie l’estimait, plus Sasha se sentait valorisée.

_ Je ne sais pas si je gère vraiment, exprima l'Aborigène avant que ses yeux ne viennent danser sur le pourtour des pupilles de sa vis-à-vis un instant, le silence trônant quelques secondes sur leur conversation, sinon je ne pense pas que j'aurais besoin de cours particuliers, enchaîna-t-elle, l'esquisse totalement absente mais le plissement de ses paupières expressif d'une légère touche de sympathie. Bien qu'elle n'eut le courage d'exclamer un peu plus de moquerie, face à sa remarque Joddie prouvait une fois de plus son détachement face à la popularité. D'une nature plutôt effacée, ceci lui avait permis de rester humble et proche des autres qu'importaient les différences financières qui découlaient de leur monde respectif. Toutefois, malgré son envie de se sociabiliser davantage, elle peinait encore à s'ouvrir entièrement sur ses réels sentiments lorsque ces derniers touchaient de trop près son intime, ses craintes, ses peurs; ses pleurs. Elle restait prisonnière inconsciemment des faits qui lui étaient, -et continuaient de lui- tomber dessus. _ Je n'ai pas encore pensé au suicide, c'est que ça ne doit pas aller si mal, essaya-t-elle une nouvelle ironie malheureusement plus noire que la précédente, elle grimaça alors, se sentit gênée de son manque de tact tant et si bien qu'elle se mit à rougir.
Elle décida de dévier son regard d'abord sur l'affiche en hauteur, puis sur sa montre. La tentative d'évasion fut chaotique, tout comme le mouvement de sa tête qui paraissait vouloir faire tomber sa chevelure, attachée en une queue de cheval à mi-hauteur, histoire de cacher le rosé de ses pommettes. _ J'espère que nous n'allons pas devoir profiter du feu d'artifice en faisant la queue, ne bégaya-t-elle même pas quand ses pensées étaient plutôt tournées vers cette chaleur interminable qui enflammait ses joues. La réponse de Sasha ne se laissa pas attendre et les lippes de la jeune femme eurent soudainement un attrait particulier pour les billes dorées de la pilote automobile. L'intonation de la brune n'avait rien d'un reproche, ni d'une déception à moitié dissimulée, encore moins d'une plaisanterie. Non, Sasha proposait réellement à la métisse de s'occuper de leur commande, d'elle. Joddie fut touchée, -et comment n'aurait-elle pu l'être ? Quelle avait été la dernière personne à lui avoir recommandé de ne s'occuper de rien ? Elle-même ne semblait pas être capable de s'en souvenir. Elle œuvrait tant pour son père, s'affairait beaucoup pour rendre fier son entraîneur, se sentait concernée par les soucis de ses colocataires, avait obéi à Joa. Comment répondait-on à la générosité ?
_ Je..., finit-elle par oublier cette phrase qui, pourtant, s'était mise en route toute seule, d'accord, n'eut-elle pas cessé de porter son regard sur le faciès de sa comparse de soirée; et là, le sourire, simple et libre. _ Les lesbiennes, ça m'donne envie d'gerber, articula à haute voix un homme, à trois ou quatre enjambées de là, avant de cracher au sol avec dédain, les billes dégoûtées plantées sur Sasha et Joddie. Cette dernière ne releva pas automatiquement que le sujet de cette haine était le duo qu'elle formait avec la Tchèque dans cette file d'attente, tout du moins pas avant que le serveur coincé dans son camion et quelques passants ne pointent leurs pierres sur elles. Elle les dévisagea avant que d'autres mots ne poursuivent les premiers par la bouche insolente de l'homophobe. Bien qu'elle aurait pu clouer le bec à cet empoté, de vive voix ou par les poings, elle ne le fit pas, profita plutôt de pousser Sasha vers le comptoir du véhicule afin qu'elle débute leur commande. Elle ne connaissait pas assez la demoiselle à ses côtés pour savoir si elle savait garder son sang froid ou si elle démarrait au quart de tour; et elle ne voulait pas d'ennuis, Joddie. Qui plus est, l'Aborigène ne prenait rien de ce qui avait été avancé pour insulte, -être lesbienne n'en était pas une.
_ Vous devriez penser à vous d'nner la mort, pétasses, s'exclama-t-il, un peu plus fort, sa canette d'alcool en mains. Bien que cette situation paraissait bien fâcheuse, l'Aborigène ne montra aucun signe de honte, ni même d'énervement. _ Lèche-minous, trouva-t-il amusant de relater tout type de synonymes bien familiers à emboîter les uns après les autres. Joddie tint le bras de Sasha de ses longues et fines phalanges afin qu'elle reste concentrée et la rassura. _ Le Karma fera ce qu'il faut pour cet imbécile, murmura-t-elle d'une voix paisible et neutre, un jour, il se fera agrandir le trou par un homme fort de caractère, et j'te promets qu'il adorera ça, commenta-t-elle, les traits moqueurs; comme Pontagnac, il se retrouvera être le dindon de la farce : pris à son propre piège. Le comble, c'était qu'elle n'avait aucune idée de la position de Sasha face à tout ça. Était-elle aussi homophobe ? Elle n'espérait pas, Joddie comptait défendre les opprimer, notamment parce qu'elle comptait de nombreux amis dans cette communauté. Elles n'avaient jamais eu l'occasion de parler d'autres choses que des devoirs de la Tchèque, jusque-là. Et qu'en était-il de son orientation sexuelle, maintenant qu'on y pensait ?

921 mots @Sasha N. Pierce

Quelque part, Sasha éprouvait une certaine mélancolie à l'égard de Joddie. C'était le genre de personne qui, lorsqu'on la regardait bien, donnait l'impression d'avoir épuisé toutes ses ressources. Tel un personnage de jeu vidéo dont la jauge de vie serait pratiquement vide. Le poids qu'elle portait sur ses épaules avait fini par l'écraser au point de lui ôter cette fameuse "joie de vivre" que certains avait le don d'exubérer aux yeux du monde entier.
La grande différence entre les deux jeunes femmes était que Sasha, elle, avait passé ces cinq dernières années à "jouer à la fille heureuse et épanouie". La mort de son père avait laissé une marque au fer rouge, douloureuse et difficile à trimballer, tout comme celle de Joddie. Mais sa manière d'affronter le monde consistait à ne jamais rien laisser paraitre. Joddie, quant à elle, donnait l'impression d'en avoir rien à faire du paraitre. Les gens pouvaient parfaitement percevoir sa tristesse, mais cela lui semblait égal.
Sasha se sentait quelque peu démunie face à cette attitude. Elle qui mettait tout en oeuvre pour dissimuler sa peine, faisait désormais face à son parfait opposé. Alors quand Joddie lui répondit qu'elle ne "gérait pas vraiment" et qu'elle employa l'ironie sous la thématique du suicide auquel elle n'avait pas encore pensé, Sasha ne pu faire autrement que d'être submergée par une vague de compassion. Elle n'avait alors pas vu d'autres solutions que de faire ce qu'elle savait le mieux faire envers les gens auxquels elle tenait : prendre soin d'eux.
Après-tout, la jeune Tchèque avait peut-être excellé dans la constitution d'une armure de superficialité qui laissait penser qu'elle n'était rien de plus qu'une bimbo séductrice, fêtarde et intouchable, mais au fond, elle pouvait tout donner pour les gens qu'elle aimait. C'était à la fois sa force et sa faiblesse, l'amour et le dévouement pour ses proches.
Elle s'envoya satisfaite que Joddie accepta qu'elle s'occupe d'elle. Sur le moment, Sasha s'était déjà faite à l'idée qu'elle devrait insister, mais visiblement, Joddie en avait besoin.

À cet instant, l'homme au discours homophobe - se trouvant à quelques mètres d'elle - continuait d'enchainer les propos disgracieux, lourds et carrément scandaleux. En voyant la réaction de Joddie, Sasha comprit rapidement qu'elle ne voulait pas plus de problèmes et qu'elle n'accordait pas d'importance aux propos d'un crétin archaïque dénué de respect et d'humanité. Mais pour Sasha, c'était tout autre chose. Certes, Joddie ignorait sans-doute les orientations de la brune, mais elle ne pouvait pas laisser passer de tels propos. D'une part, parce que Sasha ne supportait pas l'injustice et pouvait réagir avec beaucoup d'agressivité face à cela. D'une autre, parce qu'elle était directement concernée et, même si son coming-out s'était très bien déroulé, elle savait ce que la plupart des gens de sa communauté pouvait endurer. Elle-même avait parfois dû se battre, au sens physique du terme, pour faire valoir ses droits. Même en voulant respecter son acolyte, elle ne pouvait se taire. « Joddie, je vais lui casser la gueule à ce sale type ! ». « Lèche-minous ! ». Sasha se retourna et fixa l'homme, sourcils froncés et pupilles dilatées. Elle ouvrit la bouche dans une inspiration afin de lui hurler ce qu'elle pensait sincèrement au fond d'elle, au moment où Joddie lui saisit le bras et lui donna sa vision des choses et du Karma. Sasha ne pu s'empêcher d'esquisser un sourire. Son visage se fit plus détendu. Joddie avait une bonne influence sur elle. Mais peut-être était-il temps d'avouer ses orientations ?
Sans trop réfléchir, Sasha se devait de fournir des explications à l'Aborigène. Après-tout, elle ne voulait ni passer pour celle qui s'énervait pour rien, ni avoir à se justifier plus tard de l'éventualité d'un débordement de violence.
« Ecoutes... Il faut que tu saches que je ne peux pas laisser passer ce genre de comportement et pas seulement pour une simple question de manque de respect. Tu l'ignorais sûrement, mais je ne suis pas seulement attirée par les hommes... ». C'était chose dite.
Sasha tentait de déceler dans le regard de Joddie une quelconque réaction anticipée. Elle était habituée à tout type de réaction lorsque les gens s'apercevait qu'elle était en réalité bisexuelle. À cet instant précis, tout ce qu'elle espérait, c'était que ça ne les empêcherait pas de pouvoir tout de même passer ce moment devant les feux, comme prévu. Et qui sait, peut-être qu'une telle révélation ouvrirait une porte alors encore impossible à envisager jusqu'ici pour la jolie métisse.

Joddie ne voyait pas l'importance de répondre à ses injures. Elle avait toujours eu pour habitude de ne jamais être le carburant qui attiserait la braise. L'Aborigène en avait connu, des hommes et des femmes qui l'avaient rabaissée tout au long de sa vie pour les choix qu'elle avait fait, et le silence avait été son arme la plus puissante. Aujourd'hui, alors qu'elle continuait à prouver au monde qu'une femme n'était pas une moins que rien, elle avait fait taire bon nombre de ceux qui n'avaient jamais cru en elle et au pouvoir de la gente féminine. Il y avait encore des résistants, mais comme disait le fameux dicton : il n'y avait que les cons qui ne changeaient pas d'avis. Alors, pour ne pas paraître aussi débile que ces gens, elle ne leur accordait aucune importance, ne leur devait, de toute façon, absolument rien, si ce n'était peut-être l'envie de toujours faire mieux.
Elle avait pensé pouvoir transmettre ceci à Sasha, mais cette dernière pensait tout autrement. Et si Joddie ne comprit pas en quoi cet homme dénué d'intelligence pouvait avoir une certaine influence sur l'énervement de la brune à ses côtés, cette dernière ne mit pas grand temps à lui partager la raison. La métisse tenait toujours la Tchèque de ses phalanges, afin qu'elle ne puisse répondre par la violence, et plongea ses quartz dans les siens au moment où ses lèvres articulèrent un aveu. L'Aborigène avait toujours vu sa comparse attirer les hommes, être entourée du masculin, peut-être se réjouir de tout ça, un peu aussi. La bisexualité n'avait jamais traversé l'esprit de la pilote, si bien qu'elle se tint un peu stupéfaite et resta muette devant la confession. Que pouvait-elle dire, de toute façon ? Comment devait-elle réagir, maintenant ? Qu'attendait-elle de sa part ?
Le contrecoup ne tarda pas à la réveiller, et elle arrêta de fixer intensément le portrait de sa vis-à-vis, se trouva même terriblement mal à l'aise, espéra intérieurement que Sasha ne la pense irrespectueuse et phobique de ceux qui aiment l'un et l'autre des sexes. _ Oh, murmura-t-elle en baissant ses billes sur le bras qu'elle encerclait, enleva ses doigts de l'épiderme de l'étudiante d'un geste vif, je vois. C'était la première fois qu'une personne lui avouait directement ses préférences amoureuses, et il était déjà très compliqué pour elle de s'intégrer dans une conversation que ce sujet lui semblait trop personnel, trop intime, pour qu'elle sache y répondre. Contrairement à beaucoup de personnes de son âge, elle ne s'était jamais posée la fameuse question sur sa sexualité, avait été attirée par Joa et ça avait suffit. Ça lui avait suffit, qu'en était-il aujourd'hui ?
Elle avait fait abstraction de l'homme qui avait été amené un peu plus loin par d'autres citoyens de la Grosse Pomme, qui pensaient pouvoir le calmer ou lui sommer de déguerpir. _ C'est cool, répondit-elle, afin que sa réaction ne soit pas interprétée négativement. Cool, vraiment ? Joddie était paumée, ne connaissait pas la manière d’interagir face aux confidences, avait encore tellement à apprendre. La sociabilisation faisait son chemin, lentement mais sûrement. _ Ce n'est pas une maladie, ajouta-t-elle pour l'avoir entendu maintes fois dans son entourage, je crois que c'est ce qu'on dit souvent, plissa-t-elle les yeux. Oui, c'était ce qui se disait beaucoup, mais peut-être pas les paroles que Sasha voulait entendre de sa bouche. Trop banale, cette phrase passe-partout ne concordait pas avec la personnalité de Joddie, et cette dernière eut la crainte de décevoir sa nouvelle amie.
Alors, de ses prunelles, elle contourna le faciès de celle qui se tenait face à elle, s'obligea à arrêter de réfléchir dès lors qu'elle eut l'impression de lire sur ses traits une certaine contrariété. Elle fronça les sourcils, inquiète, et s'autorisa à agir sur le coup de l'état d'urgence que sonnaient ses neuro-capteurs. Elle fit un pas vers Sasha pour réduire la distance qui les séparait. Toutes deux de la même taille, notamment grâce aux talons que portait la Tchèque, Joddie plongea dans les pupilles de la brune avant que ses pierres ne viennent à se préoccuper de ses lèvres. Tout se passa très vite, si bien qu'en quelques secondes, les croissants de l'Aborigène ne firent qu'un avec les lippes de sa partenaire de soirée. L'Europe et l'Amérique s'allièrent une nouvelle fois, le Vieux Continent et le Nouveau Monde s'embrassèrent avec une certaine timidité, une certaine incompréhension.
Les ourlets s'écrasèrent, malgré que Cupidon était aux abonnés absents. Les paupières de Joddie s'étaient fermées pour faire le vide, peut-être pour profiter sensiblement du contact qu'elle n'avait pas eu le droit de poser depuis près d'un an. Puis elle se détacha dans un élan semblable à celui qu'elle eut usé pour se lier à Sasha. Elle ne savait pas ce qui l'avait poussé à donner son baiser de l'année à une femme, encore moins à celle qui l'avait étrangement harcelée pour un devoir, mais elle lui sourit fébrilement. Était-ce pour lui prouver son soutien ? Pour l'informer qu'elle n'en tenait pas forcément rigueur ? Peut-être pour la calmer et lui faire oublier les paroles du malotrus ? Qu'importait réellement, l'embrassade avait été sincère, bien que plus amicale que sentimentale, mais c'était l'authenticité, la spontanéité et la simplicité qui comptaient le plus, n'était-ce pas ?
La pilote professionnelle plongea ses mains dans les poches avant de son bas et haussa doucement les épaules quand ses lèvres se soudèrent. Un bref silence s'installa entre elles deux, temps qu'elles utilisèrent pour se cerner davantage. _ Je crois que c'est à nous, coupa-t-elle leur mutisme. Et effectivement, les personnes du devant de la file avaient passé commande, et l'arrière attendait que l'émoi des demoiselles s'estompe. _ Je t'attends un peu plus loin, rappela-t-elle le plan, comme si rien ne s'était passé, comme si ce n'était qu'une vieille histoire sur laquelle il ne servait à rien de s'arrêter. Elle recula alors de quelques pas pour laisser la brune gérer leur collation respective, suivit le long de la rangée d'attente et trouva une place en retrait où elle s'assit sur l'herbe sèche, inattentive à ce qui pouvait se passer tout autour. Ciel, que s'était-il passé ?
1122 mots @Sasha N. Pierce

Face au mutisme de sa compatriote, Sasha se mit à anticiper toutes sortes de réactions possibles. Tel un calculateur d'algorithmes, elle envisageait les probabilités d'une réponse où Joddie se braquerait et déciderait de la repousser. Cherchant désespérment une quelconque lueur de réponse dans les yeux de l'Aborigène, sa respiration se faisait courte et le silence interminable. Elle cherchait à briser la glace lorsque, soudain, Sasha sentit Joddie devenir mal à l'aise. Sur un geste de rétractation, celle-ci stoppa l'étreinte de sa main et abaissa son regard en direction du sol. C'était évident, Sasha en avait trop dit. Sur l'instant, la brune comprit qu'il ne s'agissait pas d'une forme de rejet de la part de la pilote, mais plus d'une perplexité face à une telle révélation. Joddie ne savait pas quoi répondre et il y avait de quoi. Ce n'était pas le genre de confidence que l'on balance habituellement du tac-au-tac, sortit de nul part. Pourtant Sasha s'était sentie obligée de justifier sa colère en raison des insultes de cet inconnu homophobe. Et pour cause, elle était elle-même directement concernée par ce genre d'insultes et dieu sait combien elle en avait déjà entendues depuis son coming-out ! Elle était arrivée à un stade où elle ne tolérait plus cet outrage et cette discrimination affichée publiquement. S'il y avait bien une chose dont rêvait Sasha secrètement, c'était de pouvoir un jour aimer la personne de son choix sans jamais avoir à se cacher. Elle voulait vivre au grand jour et refusait de se taire face à ses détracteurs. Selon elle, se taire revenait à accepter ces comportements néfastes et ségrégatifs. Il ne fallait pas les accepter et la première des réactions à l'attaque verbale était d'y répondre en signe de protestation. C'était son combat, mais également le combat d'une minorité qu'elle se devait de défendre. Une famille à laquelle on appartient malgré-nous. Une famille que l'on a pas choisi et qui nous incrimine pour autant.
Joddie brisa finalement ce silence par quelques mots choisi maladroitement. Sasha pu ramener son souffle à un rythme normal et ne pu s'empêcher d'esquisser un sourire. Il était clair que la jeune femme cherchait à lui montrer sa sympathie. Joddie, par sa maladresse, acceptait de ce fait Sasha telle qu'elle était. C'était tout ce qui comptait pour la jeune Tchèque. Une approbation, un soutien et un minimum de compassion. « Non, je te rassure, ce n'est pas une maladie et encore moins contagieuse ! » affirma Sasha sur un ton léger, tout en levant un sourcil. Néanmoins, Joddie ne semblait savoir que répondre à une telle plaisanterie. Elle observait scrupuleusement Sasha, raison pour laquelle elle fronça les sourcils, comme pour tenter de comprendre ce qui était entrain de se tramer dans la tête de l'Aborigène. C'est à cet instant que se produisit l'inattendu. En un bref instant où le temps se figea, Joddie déposa un baiser doux et spontané sur les lèvres d'une Sasha complètement abasourdie. En une seconde, la pilote d'automobile s'était approchée et avait lié ses lèvres à celles de la jeune femme, tout en fermant les yeux. Trop surprise par ce geste, Sasha n'eu le temps de fermer elle aussi ses paupières. Elle vécu donc la scène de l'intérieur, les yeux grands ouverts, rivés sur son amie. Qu'était-il entrain de se passer ? Pourquoi faire ça ? Mais surtout, y'avait-il la possibilité que cette situation ait pu offrir à Joddie une opportunité de se révéler, ce qui ne s'était jamais produit jusqu'ici ?
Une fois cette marque d'affection terminée, Sasha continuait de fixer la métisse, sans dire un mot. Fallait-il véritablement dire quelque chose ?
Ce qui l'étonna le plus, fut l'aisance avec laquelle Joddie désamorça l'événement qui venait de se produire. Comme si ce qui venait d'arriver avait été la chose la plus normale au monde. Elle reprit exactement là où elles s'étaient arrêtées. Sans avoir réellement le choix, la Tchèque s'avança au comptoir pour passer la commande et se préparer à régler la facture. Elle jeta un oeil à Joddie qui était allée s'asseoir, attendant patiemment qu'elle revienne, repas en main, prête à regarder les feux de la fête nationale, comme cela était convenu. Elle ne pouvait en rester là. Peu importe le malaise que cela pourrait créer, il fallait crever un abcès qui était visiblement présent.
Sasha rejoignit sa compatriote du jour, lui tendant affectueusement sa commande. Les deux jeunes femmes entamèrent leur souper sans croiser leur regard ou même s'adresser un mot. Au bout d'un moment, Sasha s'essuya le coin de la bouche à l'aide d'une serviette et prit son courage à deux mains. Elle avait besoin de savoir. « Joddie... Ce baiser, est-ce que c'était ton premier avec une femme ? ». Il fallait reconnaitre que la soudaineté de ce geste pouvait être interpréter de deux façons. Soit Joddie était elle-même bisexuelle mais ne se l'avouait pas encore. Soit Joddie découvrait sa bisexualité en présence de Sasha. Dans les deux cas, la Tchèque avait un rôle à jouer et elle était la personne la mieux placer pour en débattre avec l'intéressée. Mais ce n'était pas tout. Sasha savait pertinemment dans quelle situation sentimentale se trouvait l'Aborigène. Elle ne tarda donc pas à poser LA question fatidique. « Est-ce que c'était ton premier baiser avec quelqu'un d'autre que Joa, depuis... son départ ? ». La réponse à cette question avait son importance. C'était une étape cruciale dans le processus du deuil... et en agissant de la sorte Joddie s'autorisait le droit d'aimer et d'être aimée à nouveau. Evidemment, Sasha savait pertinemment qu'il n'y avait pas lieu pour parler de sentiments amoureux entre elles. Mais Joddie l'avait choisie ELLE pour tourner la page, et ce n'était pas anodin.

Assise non loin d'un rebord de pierres, Joddie avait préféré retrouver le naturel d'un tapis d'herbes sèches, probablement tondu la veille. Les jambes croisées en indien, elle stagna en une seule et même position quand ses pierres fixèrent les allées où avaient pris place les spectateurs. Certains commençaient à trouver le temps long, d'autres n'en avaient que faire puisqu'en agréable compagnie. Pour autant, tout ceci n'eut aucune importance pour l'Aborigène qui s'était enfermée dans sa bulle. Consciente à peine de ce qui venait de se passer, elle avait tenté de faire abstraction du baiser furtif qu'elle eut partagé avec la Tchèque, en vain. C'était étrange. Bien trop étrange pour qu'elle cesse subitement d'y penser.
Les aiguilles tournèrent dans le cadran sans qu'elle ne puisse savoir combien de ronds elles eurent pu faire. Ce qui sonna l'arrêt d'une réflexion nulle de toute réponse fut le retour de sa partenaire de soirée, et de ce wrap, emmitouflé dans une serviette en papier, affectueusement tendu. Elle leva ses quartz sur le dîner et sourit légèrement en portant ses doigts dans les airs jusqu'à l'agripper. _ Merci beaucoup, fit-elle à la brune qui ne tarda pas à la rejoindre, et perdre de la hauteur. Côte à côte, l'atmosphère semblait pesante. Aucune des deux jeunes femmes ne prirent le temps d'ouvrir les lèvres, si ce ne fut que pour croquer dans le sandwich. Leurs billes ne se croisèrent pas une seule fois, occupées à patienter en plongeant dans le ciel noir qui n'attendait que d'être éclairci par le feu d'artifice tant promis.
Sasha fut la plus courageuse. Après avoir été plongées dans le silence oppressant, brouillé par les discussions environnantes, la demoiselle Pierce se laissa aller à la curiosité. La première question n'eut d'effet que de faire gagner l'attention de Joddie, qui tourna son faciès vers la Tchèque. Le visage neutre qu'elle eut porté sur sa comparse ne traduit pas la tension qui subsistait à l'intérieur. Il n'y avait aucune honte, pas même de regret. Juste de l'incompréhension subsistante qui rythma son myocarde, et un peu de peur aussi qui fit fuir son regard, Elle le détourna sur la foule, ses lippes ne bougèrent pas, surtout parce qu'elle ne savait pas comment répondre à la question. La suite l'y aida fortement, elle vainquit la nervosité ainsi.
_ Il n'y a jamais eu personne, à part Joa, se força-t-elle à articuler, ni avant, ni après. Et ce fut de cette façon qu'elle avoua indirectement n'avoir jamais embrassé une fille, n'avoir jamais posé ses lèvres sur aucune autre bouche que son défunt compagnon. Le baiser avait été prompt entre les deux femmes, mais avait semblé marquer chacune d'elles. Cela n'avait pas été voulu, Joddie avait pensé qu'il n'aurait pas été interprété, pas d'une importance capitale tout du moins. Mais, à y réfléchir, et maintenant que Sasha avait pointé un fait n'ayant jamais traversé l'esprit de l'endeuillée, l'Aborigène acceptait de s'intéresser aux raisons qui l'avaient poussé à choisir Sasha. _ Je suis désolée, ajouta-t-elle, ça n'aurait pas dû se passer comme ça.
Elle reprit une bouchée du wrap, comme pour gagner un peu de temps. _ Je pensais simplement t'apporter un peu de soutien de cette façon, expliqua-t-elle, dans l'espoir que sa voisine ne s'imagine pas plus. A dire vrai, Joddie n'avait pas à l'esprit de remettre en cause son hétérosexualité, avait d'autres choses plus conséquentes en tête que de s'avouer possiblement attirée par les femmes, - par une femme. Elle n'avait pas le temps, pas la force, de s'embêter avec ça. Elle transportait énormément de problèmes sur ses épaules, et ne voulait en aucun cas les transmettre à une autre personne. Joddie pensait pouvoir agir seule, désirait à tout prix s'en sortir sans l'aide de quiconque, et elle savait que la Tchèque portait aussi ses maux. _ Je ne pense pas pouvoir m'ouvrir à quelqu'un, de toute façon, avoua-t-elle.
C'était trop tôt, et elle avait peur. Personne ne pouvait imaginer ô combien il était compliqué pour elle de s'imaginer revivre les mêmes instants que ceux qu'elle avait connu avec le fils Grahams. Il y en avait eu, certes, de très bons, mais il lui restait la terreur de ces soirs où il s'était emporté contre elle, évacuant le stress de la popularité et des disputes qu'il connaissait avec les membres de sa famille. Elle se savait effrayée des rapprochements, du sérieux des relations amicales et amoureuses. Son état psychologique avait été bousculé, elle avait perdu le contrôle de ses réactions et l'équilibre mental. Alors, pour se protéger, pour rester en sécurité, elle s'interdisait de tomber amoureuse. Homme ou femme, ça n'avait aucune importance à ses yeux. Hétérosexualité ou bisexualité, il n'y avait aucune raison pour elle de s'attarder sur cette question.
Pour rester saine, pour garder le peu de fierté qui lui restait, elle finira probablement seule. Et ça valait mieux pour tout le monde.

882 mots @Sasha N. Pierce

En peu de temps le jour s'était suffisamment assombrit pour donner place à un premier spectacle de lumières, celui de la ville et de sa vie nocturne. Ça et là apparaissaient dans la pénombre du crépuscule des carrées teintés d'une aura jaunâtre, donnant un air de Tétris géant à la grande pomme. Tout en observant le phénomène, Sasha ne pu s'empêcher de penser aux gens qui allaient pouvoir admirer les feux depuis leur appartement. Une chance qu'elle n'était pas prête d'avoir, puisqu'elle ne faisait pas partie l'Upper East Side New Yorkais. Mais elle n'était pas déçue. Au fil du temps et au fil des épreuves, elle avait appris à quel point ce qui avait le plus de valeur se trouvait juste sous nos yeux. Malheureusement pour elle, Sasha ne s'autorisait plus à saisir ce qui se trouvait justement à portée de main. Plus depuis Alli... Et encore moins depuis la mort de son père. Et c'était sans-doute pour cette raison qu'elle affectionnait tant Joddie. Sans pouvoir réellement se l'expliquer, elle s'était sentie proche de l'Aborigène dès leur premier contact. Peut-être n'étaient-elles pas si différentes finalement ? Peut-être avaient-elles toutes deux abandonnés l'idée d'aimer et d'être aimée par peur de cette vulnérabilité qu'entraine de tels sentiments. Au fond, elles s'étaient persuadées, autant l'une que l'autre, qu'elles ne seraient jamais mieux servies que par elles-mêmes. Au moins, lorsque l'on est déçu, on sait exactement pourquoi et on ne peut s'en vouloir qu'à soi-même. On ne souffre pas, on se place dans un cocon qui nous procure un sentiment de sécurité et à qui on n'offre aucune opportunité d'entrer pour pouvoir tout chambouler. Après-tout, c'était logique. Tant que leur coeur n'était mis entre les mains de personne, alors personne n'avait la possibilité de le briser. En fait, les deux jeunes femmes se comprenaient bien plus qu'elles ne le pensaient.
Après la révélation de Joddie sur ses antécédents amoureux, Sasha ne pu s'empêcher de prendre conscience que le geste de sa compatriote ne pouvait être qu'inconscient. Celle-ci n'avait pas mesuré l'ampleur de l'événement et très certainement qu'elle ne réaliserait pas les résonances que ce baiser pouvait soulever au fond d'elle-même. Sasha savait pertinemment qu'un acte aussi furtif et spontané que celui-ci n'était en aucun cas une promesse ou un quelconque engagement pour l'avenir. Et puis, de toute façon, elle n'attendait absolument rien sur le plan sentimental et encore moins de la part d'une femme aussi brisée que pouvait l'être Joddie. « Je n'imagine pas ce que ça doit faire d'avoir partagé une intimité avec une seule personne et qu'elle te soit arrachée du jour au lendemain... ». Ces mots étaient sincères. Pour la Tchèque, qui avait, certes, connu un seul et unique véritable amour dans sa vie, mais qui avait enchainé les relations plus ou moins sérieuses depuis ses quatorze ans, c'était quelque chose qui dépassait la réalité de son quotidien. Malgré-tout, elle comprenait la détresse dans laquelle pouvait se trouver la pilote automobile. Elle pouvait très bien concevoir que, dans de telles circonstances, il puisse parfaitement nous arriver de nous laisser-aller à des comportements "non habituels", qui ne nous ressembleraient pas. Visiblement, Joddie avait besoin d'un soutien qu'elle ne verbaliserait jamais, fière de vouloir s'en sortir par elle-même et trop effrayée de développer un potentiel attachement, qui viendrait bouleverser tout ce qu'elle s'efforçait de garder en un seul morceau. Sasha n'était pas là pour la bouleverser et elle ne s'imposerait jamais dans la vie d'une personne qui refuserait d'être aidée. Mais il était important pour elle de lui faire comprendre qu'elle était là, en tant que soutien. Tout en posant sa main sur l'un des genoux de la métisse, dans le but d'appuyer la portée de ses mots, Sasha prit un ton doux et chaleureux. « Ne t'excuses pas pour ce qui s'est passé. J'étais simplement surprise. Tu as bien fait de suivre ton instinct... Je te remercie du soutien. Je ne te l'ai ni montré, ni vraiment dit, mais je suis là si t'as besoin de quoi que ce soit. Je préfère te le dire maintenant, tant que c'est encore le moment. Et puis, je sais que tu finiras par te trouver un équilibre, seule ou accompagnée. T'es une femme forte et je t'admire beaucoup Joddie. ». Sasha adressa un sourire sans prétention à la jeune femme, un sourire qui transcrivait à la fois l'aspect solennel de ses propos mais surtout une volonté de relativiser la situation et les douleurs du passé dont il était fait question.
À cet instant précis, son attention fut détournée sur le fleuve, puisque l'annonce du début des festivités retentit sourdement des hauts-parleurs placés à quelques endroits stratégiques sur le terrain. Une voix masculine s'adressait au public : « Mesdames et Messieurs, le spectacle va maintenant pouvoir commencer. La ville de New York est heureuse de vous présenter son fameux show de feux-d'artifices annuel, accompagné d'une composition musicale originale, réalisée par l'orchestre symphonique. Nous vous souhaitons un agréable spectacle et une joyeuse fête nationale ! ». Le premier feu était lancé et venait ponctuer l'annonce du speaker. Dans une explosion de lumières, les mélodies jouées par les violons et les cuivres créaient une atmosphère imposante et grandiose. La foule, impressionnée, s'exclamait de joie à chaque nouvelle couleur qui apparaissait dans le ciel de plus en plus noircit. Le fleuve faisait un effet miroir qui reflétait chaque scintillement et rendait l'espace encore plus grand. Dans un soupir de bien-être, Sasha songeait au baiser qu'elle avait échangé quelques minutes plus tôt avec Joddie et ne pouvait s'empêcher de penser que, pour un 4 juillet qu'elle aurait dû passer seule, elle s'en souviendrait encore longtemps !