sweat first, then get answers (freya)

« Bon alors faut que je te laisse. » « Où est-ce que tu vas ? » « Bosser. » répond-t-il, adressant un clin d’oeil à sa coéquipière avant d’attraper son sac de sport, la serviette qu’il a pensé à emporter au cas où. La salle de sport, il ne s’y rend pas énormément d’habitude. Au Centre, il a été formé dans des locaux spéciaux et des extérieurs conçus pour son entraînement spécifique. Là, il ne sait pas trop à quoi s’attendre, mais Roman l’avait assuré que ce devait être assez semblable. Remarquant la curiosité de sa collègue qui ne demande qu’à être assouvie, il finit par souffler doucement avant de lui avouer « Je vais faire du yoga. » et la blonde qui ne peut pas s’empêcher d’esquisser un sourire moqueur. Voilà, c’est pour ça qu’il était pressé de partir. Quoiqu’il en soit, il referme la porte du van derrière lui et s’engouffre dans la foule et jetant un coup d’oeil à sa montre, il décide de gagner la salle de sport à pied.
Poussant la porte de l’enseigne une bonne demie heure plus tard, il scrute les environs à la recherche d’une certaine jeune femme. Non il n’aurait pas décider sur un coup de tête de se lancer dans un cours de yoga. Enfin il ne voit pas pourquoi il le ferait. Le yoga… c’est probablement trop doux pour lui. Pour Gabe, il faut que ça tape, que ça fasse mal. S’il est là, c’est comme il l’a dit à Eden un peu plus tôt, pour bosser. Il a rendez-vous avec son coach de yoga du jour, une demoiselle qu’il a rencontré la semaine dernière ici même et à qui il a demandé une session d’essai. Il n’a pas encore réfléchi au pourquoi, aux raisons, le contexte de l’histoire si jamais elle lui demande mais il est sûr que l’illumination lui viendra naturellement. Mais il n’a pas besoin de sortir un grand mensonge. Si son équation est bonne, il n’aura pas besoin plus d’un cours étant donné qu’il n’est pas là pour recueillir des informations sur la prof de yoga elle-même, mais sur un des clients de la salle. S’avançant dans les lieux, il sort sa bouteille d’eau, profitant de ce petit moment de désaltération pour balayer les environs du regard, scrutant les visages des différents étudiants, employés, hommes d’affaires qui s’affairent un peu partout, quand finalement ne regardant même plus en face de lui, il manque de heurter quelqu’un et tombe nez à nez avec … « Freya ! » dans la surprise, il s’arrose légèrement d’eau. Il s’essuie la bouche du revers de la main et machinalement, d’une logique imparable, passe une main frénétiquement sur son t-shirt comme si cela allait améliorer ou cacher sa bêtise. « Je me sens un peu bête... Je ne t’avais pas vu, t’es sortie de nulle part... » de vrais talents d’espionne tiens « Donc on peut dire que c’est en parti de ta faute. » plaisante-t-il finalement.

@freya goldstein    

Quel plaisir de pouvoir profiter d’une courte douche en milieu de journée. Les salles ont beau être climatisées, la chaleur finit forcément par vous atteindre quand vous effectuez des postures compliquées ou faites du RPM devant un groupe nombreux. D’ordinaire, elle n’a pas tellement le temps de prendre de douche, là c’est la deuxième de sa journée. Avec l’été, les vacances et la chaleur, il n’y a plus rien de très régulier au niveau de la fréquentation de la salle de sport. Certains habitués sont à l’étranger, ou ne prennent pas le temps de venir parce qu’ils sont déjà trop en sueur en rentrant du travail. A l’inverse, d’autres débarquent seulement depuis quelques semaines et viennent très souvent pour être en forme pour aller pavaner sur les plages de leur destination de rêve. Freya, elle, ne part pas. Pas pendant l’été du moins. Et elle n’a jamais pris de vraies vacances, tout simplement à cause du budget que cela représente. Si elle veut quitter la ville un peu, elle emmène Zach de l’autre côté du fleuve, dans le New Jersey chez ses parents. Elle espère pouvoir se permettre de voyager un jour, mais pour l’instant, tout ça lui convient. Et avec certains collègues partis, elle peut parfois travailler une demi-journée de plus, et donc faire grimper son compte en banque un peu plus haut que le zéro.
La musique sortant de son téléphone s’interrompt pour lui signaler qu’il est l’heure de sortir. Elle a un cours particulier dans une dizaine de minutes, elle ne doit pas traîner. L’eau s’arrête de couler et elle se sèche et se rhabille dans les vestiaires réservés au personnel. Elle brosse rapidement ses cheveux, les attachant en une queue de cheval un peu brouillon, mais qui laisse tomber quelques gouttes d’eau dans son cou. Elle lace ses chaussures, et fin prête, elle ressort et verrouille la porte derrière elle. A peine se retourne-t-elle qu’elle fonce dans quelqu’un. Décidemment. « Oups, par… » Elle n’a pas le temps de finir parce que l’homme qu’elle a percuté dit son prénom. Elle le regarde, puis suit sa main qui essuie l’eau sur son t-shirt. Imagine peut-être un peu ce qui se trouve en dessous. Oups, on se concentre. « Ça va, ça te fera une excuse pour quand tu finiras en sueurs ! » Non pas qu’elle imagine ce que ça donnerait. Ou peut-être un peu. La plupart de ses collègues vouvoient les clients, mais pas Freya. Surtout pas quand le client commence par la tutoyer. « Puisque tu es déjà en tenue, on y va ? » Freya, toujours motivée. Peut-être que ça a à voir avec la douche qu’elle vient de prendre. Comme si elle recommençait la journée. « Tu sais que c’est super rare qu’on me demande un cours privé de yoga ? Enfin parfois en petit groupe, mais rarement tout seul. Enfin c’est mieux pour méditer, dans le calme, donc maintenant, j’trouve ça presque plus logique. »

Arrivée de nulle part. Non il ne l’a pas vu arrivée. Elle aurait pu faire une excellente espionne. Niveau surprise, elle avait tout bon. Si bien qu’il a eu droit à sa petite douche à sa manière. Rafraîchissante tout de même. Il retient un petit rire à sa remarque. « Parce qu’on peut suer en faisant du yoga … ? » Probablement l’une des nombreuses remarques que l’on peut entendre sur le sujet. Il y a quelques années de ça, personne ne se serait douté que cette pratique encore peu connue du grand public connaîtrait un tel succès. Il se tait un instant, conscient de l'a priori qu’il vient d’émettre. Surtout ne pas juger avant de connaître, qu’il se répète, il pourrait bien être surpris. « C’est que c’est… tellement… lent et… gracieux...   » qu’il explique son point de vue en prenant un ton plus reposant et diminuant le débit drastiquement pour appuyer ses propos. « Quoique je remarque que tu as du bien transpirer... » sourit-il au final. Peut être a-t-il tort sur toute la ligne après tout. « Je te suis ! » répond-t-il avec l’entrain communicatif de la jeune femme qui lui tira un sourire sur le visage. C’est toujours agréable de voir des personnes motivées par ce qu’elles font, et il s’engage dans cette séance de yoga avec un bon pressentiment, quand bien même il n’est pas réellement là pour ça.
Alors qu’ils marchent vers une salle de cours, il écoute attentivement la jeune femme lui avouer qu’il est rare qu’on lui demande un cours privé. Comment ne pas lui avouer lui qu’il ne lui avait demandé que pour pouvoir avoir des informations sur certains clients. Il décroche un discret sourire. C’est vrai que d’un côté ce devait être peu commun de demander un coaching privé pour du yoga. Il hausse légèrement les épaules, regardant droit devant lui, le temps de trouver une réponse convenable à donner. « Disons que pour ma part... c’est thérapeutique. On m’a conseillé d’essayer. Apparemment c’est censé m’aider à aller de l’avant. » Les bons mensonges sont faits d’une part de vérité, non ? Il aurait pu se contenter de ne pas lui répondre, mais quelque part, Freya a cette aura qui fait qu’il a bien envie de lui parler, de communiquer, pour une fois. Alors qu’ils s’approchent d’une porte, Gabriel la pousse d’une main afin de laisser passer la jeune femme avant de s’y engager à son tour. « Je tiens juste à préciser que ma souplesse à des limites. » souligne-t-il en posant son sac sur un banc près de la porte.
 

Etant donné qu’il est là pour un cours privé de yoga, Freya s’étonne un peu de sa remarque. Enfin il n’est pas rare que les gens pensent cela. Après tout, le yoga n’est pas considéré comme un sport, et pourtant, tout est question de souplesse et de volonté. Ce que tout le monde n’a pas. Gabriel doit remarquer son étonnement, puisqu’il se reprend, aussi bien qu’il le peut. Cela fait sourire Freya. « Disons que les débutants ont tendance à plus transpirer, mais c’est le manque de souplesse du début, c’est normal. » Freya ne peut pas s’empêcher une petite remarque, même s’il s’agit d’un client. S’il se vexe pour si peu, elle ne s’en voudra même pas. Elle fronce un peu les sourcils quand il dit qu’elle a sué, avant de réaliser que ses cheveux sont encore mouillés. Au moins, ça ne risque pas d’être l’odeur. « Je viens surtout de prendre une douche. » Forcément, elle ressent le besoin de se justifier. Elle ne voudrait pas qu’il croit qu’elle sue autant quand même. Ils prennent rapidement la direction de la salle réservée pour leur cours, parcourant quelques couloirs. N’aimant pas les silences, et aimant surtout discuter, Freya ne peut s’empêcher une remarque. Elle espère surtout que ce n’est pas la honte qui pousse Gabriel à demander un cours privé, plutôt que de participer aux cours collectifs qu’elle donne le plus souvent. Ou que ce n’est pas non plus une façon de l’accoster. Combien d’hommes rient bêtement quand on parle de cours particulier, pensant évidemment aux films pornos qu’ils regardent un peu trop souvent. Thérapeutique, ça, elle peut comprendre. Elle est un peu curieuse de connaître les raisons exactes, mais elle ne posera pas la question. S’il ne donne pas de détails, c’est qu’il ne souhaite pas en donner. « Personnellement, j’ai toujours trouvé que ça aidait à se vider la tête. Et encore plus quand on a du mal à tenir une position, parce qu’on se concentre tellement sur celle-ci qu’on ne peut plus penser à rien d’autre. » Plaisante-t-elle alors qu’il pousse la porte devant eux. « J’espère que ça fonctionnera pour toi aussi. » Freya, elle adore le yoga alors forcément, elle est heureuse quand d’autres personnes découvrent cet art et commencent à l’adorer à leur tour. C’est toujours mieux de transmettre à des personnes à qui cela plaît. « On a tous des limites, mais avec de l’entraînement, on les repousse toujours plus loin. » La souplesse, ça se travaille, comme tout. « Mais on va commencer tranquillement, ne t’inquiète pas. » Elle allume quelques lumières de la salle, ainsi qu’une musique légère, importante pour se détendre. « Tu devrais enlever tes chaussures, c’est plus confortable. » Dit-elle en faisant la même chose. Rien de mieux que le contact des tapis sous les pieds. Puis elle s’assied en tailleurs et invite Gabriel à faire pareil. « La première chose à savoir avant de faire du yoga, c’est qu’il faut respirer. Le plus lentement possible, pour calmer tout notre corps. Et sentir l’air qui traverse nos muscles et tout le reste. » Freya, ça l’amuse toujours de dire tout ça, parce qu’elle imagine très bien le regard dubitatif des personnes à qui elle le dit. Pourtant, tout est bien vrai. « Donc pour commencer, tu vas juste poser une main sur ton ventre, et l’autre sur le thorax, et prendre le temps de respirer. »