where's the good in goodbye ? / avery

Rien de tout ça n’avait été une surprise. Il avait même eu le temps de s’y préparer. Pour autant, ça n’est jamais facile. Voir Avery n’est jamais facile. Romeo avait vu son nom dans la liste des serveurs pour cette réception organisée par le Met. Réception pour laquelle il était inscrit en tant que chef cuisinier. Une occasion de faire une bonne action, et aussi et surtout d’après le propriétaire du restaurant où il travaille, de faire de la publicité. Préparer le menu et organiser tout ce qui incombe autour n’avait pas été difficile pour Romeo. Il en a l’habitude, et les organisateurs de la soirée étaient ravis. Ce qui avait été plus compliqué, ç’avait été de se faire à l’idée qu’il allait revoir Avery. Il se souvient très bien de la dernière fois qu’il l’a vue, par hasard au coin d’une rue. C’était juste avant son mariage. Avec ce qui se passe entre Erin et lui, il se dit désormais qu’il aurait dû prendre ça pour un signe. Qu’il n’aurait pas dû l’épouser. Mais la vérité, c’est qu’il aurait été incapable de faire autrement. Il était amoureux après tout. Tout comme il l’avait été d’Avery. Alors dire au revoir à une femme qu’on a aimée sans limite n’est jamais facile. En revoir une non plus. Pourtant, Romeo avait réussi à faire preuve de détachement quand la soirée avait commencé et qu’ils s’étaient salués poliment. Et même si son regard s’était posé parfois sur elle, il avait été tellement occupé en cuisine que la soirée était arrivée à son terme sans même qu’il le réalise. Après avoir été remercié chaleureusement par quelques convives, il retourne en cuisine pour rassembler ses affaires et s’assurer que ses employés pour la soirée rangent bien tout. Voilà une partie du travail qui ne lui manque absolument pas. Il y a de nombreux avantages à être monté en grade, et celui-ci en est un grand. Il sort donc rapidement des cuisines et s’apprête à se diriger vers la sortie quand son regard se pose sur Avery, encore occupée à débarrasser des coupes de champagne. Il regarde la porte, puis à nouveau son ex-femme, avant de finalement la rejoindre. « Tu as besoin d’aide ? »

Il se surprend lui-même à faire en sorte qu’ils passent plus de temps ensemble. A proposer son aider pour quelque chose qu’il n’a pas besoin de faire aussi. Ça ne lui ressemble pas. Depuis leur divorce, Romeo a plutôt évité de passer trop de temps avec la brune. Trop douloureux. Trop difficile de se souvenir. Hannah est toujours dans ses pensées, mais encore plus lorsqu’il se trouve avec Avery. Comme si elle était là, dans les mots qu’ils n’osent pas se dire. Mais derrière tout ça, Romeo sait qu’il y a autre chose. Il a toujours ce goût amer quand il pense à sa deuxième ex-femme, parce qu’il a toujours l’impression que les choses ne s’étaient pas bien terminées. Ou qu’elles n’auraient pas dû se terminer. Et peut-être que le divorce qu’il est en train de vivre le rend encore plus nostalgique. Ou le fait s’interroger. Avery semble surprise de sa proposition en tout cas, mais ne la refuse pas. Elle ne lui fait pas entièrement confiance cela dit, et elle a peut-être raison. Il n’a jamais eu à faire ce genre de choses. « Je vais plutôt remplir ton plateau à toi alors. C'est plus sûr. » Et il accompagne ses mots de gestes, alors qu’il prend des coupes vides ou presque vides pour les mettre sur le plateau qu’Avery tient fermement. « Pas tout à fait non. Mais l’avantage d’être le chef, c’est que je peux déléguer. Tu dois le faire aussi, non ? » Il sait qu’elle est montée en grade, elle le lui avait dit la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Une conversation polie. Banale. C’est sans doute tout ce qu’ils sont capables de partager désormais. Et ça le rend triste, forcément. « La soirée s’est bien passée ? »

« Comme quoi, je suis capable d’être sage. » Il sourit, comme si c’était une plaisanterie alors qu’il ne sait même pas à quoi il fait référence. Avery l’a connu sous de nombreux aspects différents. Collègue, séducteur, amoureux… homme brisé. Et malgré tout ça, ou peut-être bien à cause de tout ça, il est gêné de se retrouver avec elle. Pourtant, rien ne l’obligeait à venir lui parler ce soir. Ils auraient très bien pu se contenter du bonjour poli qu’ils avaient échangé tout à l’heure, et il aurait pu rentrer chez lui sans autre formalité. Au lieu de cela, il est en train de l’aider à charger son plateau de coupes de champagne dans lesquelles il n’a même pas bu. Mais pour elle aussi, ce genre de travail doit être inhabituel désormais. Ils ont tous les deux évolué dans leur carrière. « C’est toi qu’ils auraient dû prendre comme chef. » Non pas que la personne engagée n’était pas compétente. Mais Avery aurait forcément été un meilleur choix. Enfin ça ne semble pas la déranger d’avoir à faire tout ça. En tout cas, elle ne le montre pas. Romeo continue de poser des verres parfois encore presque plein sur le plateau, avant d’interroger Avery sur sa soirée. Des questions banales. Sans risque. Mais frustrantes aussi. Il y a tellement plus de choses qu'il pourrait lui dire. Et à la fois, rien ne lui vient. Il sait juste qu’il voudrait plus. Au moins, elle a passé une soirée correcte. Et sa remarque suivante fait sourire Romeo. « Merci, ça me fait très plaisir, surtout venant de toi. » Il hausse doucement les épaules, plus habitué à recevoir des compliments de la part d’Avery. « Enfin tu n’y as pas goûté, alors je ne sais pas trop ce que ça vaut comme compliment. » Son sourire s’étire un peu plus, comme pour bien montrer qu’il plaisante. Il a envie que les choses soient un peu plus naturelles entre eux. Mais il sait que ça sera difficile. Sans doute beaucoup plus que ça ne l’avait été avec Victoria. Tout était différent. « Comment tu vas alors ? J’ai l’impression que ça fait une éternité qu’on ne s’est pas vus. » Forcément, si on compare à la vie qu’ils avaient prévue, où ils devaient être ensemble chaque jour, aujourd’hui, c’est le néant.

Sans doute que tout cela lui paraitra toujours étrange. Pourtant, avec Victoria, il arrive à être lui-même, sans être gêné ou sans trop en faire. Mais la situation est différente. Et quand on a aimé quelqu’un plus que tout, repartir en arrière, ou même plus que ça, ça n’a rien de naturel. Et Romeo avait aimé Avery. Peut-être plus que n’importe qui. Mais il avait dû faire son deuil. De leur fille, et de leur amour. C’était pour cela qu’il ne faisait pas en sorte de la croiser. C’était pour cela aussi qu’il était venu lui parler ce soir, alors que rien ne l’y obligeait. « C’est bien alors, tout le monde était content comme ça. » Surtout Avery. S’ils n’ont pas réussi à trouver leur bonheur ensemble, Romeo lui souhaite de le trouver de son côté. Comme lui pensait l’avoir trouvé avec Erin. A croire que le bonheur, ça n’est pas fait pour lui. Pourtant, il ne pense pas être trop compliqué, ou en demander trop. Il veut juste ce qu’il n’a jamais eu en grandissant. Une famille stable, aimante. « Ah si les assiettes étaient vides, alors je veux bien te croire. » Il sourit, estimant que c’est une preuve suffisante. Bien sûr, il aurait préféré avoir l’avis réel d’Avery. Non pas qu’il ait besoin d’approbation, lui qui a parfois tendance à se croire sorti de sa cuisse de Jupiter quand il est dans une cuisine, juste que ça lui aurait rappelé un peu le passé. Ces moments où il cuisinait pour elle, et juste pour elle. Ces moments partagés où elle était heureuse grâce à ses petits plats, et grâce à tant d’autres choses. Mais cette époque est révolue, peu importe à quel point il la regrette. Il interroge ensuite la brune sur sa vie, ce qui semble normal quand on n’a pas vu quelqu’un depuis longtemps. Mais sa réponse l’étonne un peu. Très générale. Aucun détail. Surtout qu’il n’a aucune idée de ce qui compose le train-train d’Avery. Ce n'est plus le cas depuis quelques années. Mais après tout, que peut-il y faire ? Il ne va pas s’énerver et lui reprocher sa réponse, il n’est si soupe au lait que ça. Alors qu’il se demande s’il ne ferait pas mieux de lui fausser compagnie, pour ne pas la déranger plus que ça, elle ajoute quelque chose qui le fait sourire. Rien de spécial pourtant, mais qui signifie qu’elle n’est pas trop dérangée par sa présence. Peut-être même un peu heureuse aussi. Et ça lui fait forcément plaisir. « On pourra le remercier alors, même s’il n’en a sans doute pas fait exprès. » Après tout, ça semble peu probable. Romeo avait été approché pour cette soirée, mais il ne sait pas si Avery a postulé ou si on lui a proposé de venir. « Et s’il le savait, il ne l’aurait sans doute pas fait. Quand on sait ce que ça a donné la dernière fois qu’on a travaillé ensemble. » Fait-il sérieusement référence au fait qu’ils aient couché ensemble peu de temps après leur rencontre, au restaurant ? Avec ça, il ne fait pas rire les mouettes, c’est certain. « Je crois qu’on ne peut plus mettre des verres sur ton plateau là. » Il change de sujet, mais c’est aussi vrai. S’ils continuent ainsi, tout risque de finir par terre. Et ce n’est pas ce qu’ils veulent.

Au fond, ils se connaissent toujours. Avery savait comment le convaincre que ses plats avaient plu – non pas qu’il en ait vraiment besoin. Romeo sait que si elle rougit, c’est qu’elle a compris à quoi il faisait référence. Ils se connaissent toujours et pourtant, ils n’ont jamais été autant comme deux étrangers. Ils ne savent pas vraiment quoi se dire, ou comment se le dire. Peut-être qu’il y aurait trop à dire. Des choses qu’ils n’ont jamais osé dire à voix haute, et qui avaient fait qu’ils en étaient là aujourd’hui. Mais sans doute qu’il est trop tard pour ça, et que c’est ce qu’ils sont voués à être : deux étrangers. Mais au moins, ils peuvent discuter un peu, ce que Romeo voit comme un progrès. Un moment frustrant, mais aussi bon. Simple. « Savoir avec qui je travaille ne la regarde pas vraiment. » Il est peut-être un peu plus sec que prévu en disant cette phrase. Il faut dire que penser à Eirinn le met toujours un peu en colère. Il espère ne pas trop le montrer. Il n’a pas envie de parler de ça à Avery. Et de toute façon, même s’il était heureux en mariage, et non pas sur le point de divorcer, il n’aurait pas pour autant refusé de travailler avec Avery. En tout cas, l’aider à débarrasser ne le dérange pas, puisqu’ils remplissent rapidement le premier plateau. « Je vais bientôt penser que tu profites de moi, fais attention. » Il sourit, flirtant un peu avec elle. C’est innocent de toute façon. Ou presque. Et ça lui fait peut-être du bien de penser à autre chose. De penser à un ancien mariage, tout autant fichu que l’actuel. Mais au moins, la blessure est moins fraiche. « Vas-y, mais ne traîne pas trop. Si je fais tout ton travail, je vais devoir récupérer ton salaire aussi. »