LIBRE | desperate soul

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Mardi 7 janvier 2020

« Tu m'emmerdes, Camelia, lâche-moi un peu. »

Spoon n'avait pas l'habitude d'être aussi grossier. Il n'avait pas pour habitude de mal parler comme ça, surtout pas à des gens présents pour l'aider. Il n'avait aucune excuse pour ces paroles et il le savait. Il se sentait agacé, irrité, et même un peu déprimé. Pour aucune raison valable. Il l'avait pourtant prévenue, il avait prévenu de sa mauvaise humeur. Mais elle en avait fait fi, continuant alors à le suivre comme un petit chien. Derrière lui, elle couinait son nom pour qu'il s'arrête alors que Spoon prenait de la distance jusqu'à la semer enfin.

Voilà ce dont ses parents avaient le plus peur. Une amnésie rétrograde était perturbante. Spoon avait décidé de quitter la maison familiale pour rejoindre son appartement. Les conséquences d'une amnésie étaient terribles. Non seulement il y avait l'oubli de toute sa vie, littéralement. Mais en plus de ça, son esprit était fragilisé. Si, en général, Spoon s'en sortait bien, relativisait, il y avait des jours, des périodes où ça ne passait pas. Où le garçon se sentait seul et incompris, où le comportement des autres l'agaçait. Le pire, dans tout ça, c'est qu'il n'avait strictement aucun refuge où se cacher, personne à qui parler et qui pourrait le consoler.

Dans son désespoir, Spoon trouva une rue calme et profita de ce calme pour aller s'asseoir sur l'une des marches présentes. Il prit soin d'éteindre son téléphone après avoir ignoré les appels de Camelia. Il rangea son cellulaire et ramena ses genoux contre son torse, les entourant de ses bras. Enfin tranquille, il laissa ses larmes glisser le long de ses joues dans un silence pesant, seulement brisé par les sons de la rue adjacente.

Dim 12 Jan 2020 - 20:18

@Spoon Lawson La journée de travail venait de se terminer. Elle avait été rude et complètement fatigante. Alors que je franchis le pas de la porte qui me ramène à la réalité new-yorkaise, je pousse un soupir de soulagement. Même si l’ennui ne fait pas vraiment partie de mes passions, les journées compliquées non plus. Elles sont stressantes et tout le monde sait que le stress n’est pas très bon pour la santé. Je remonte le col de mon manteau et réajuste mon écharpe. Le temps n’est pas très froid mais assez pour éviter de se promener sans avoir de quoi se couvrir. Un léger mal de tête m’avait envahi depuis le début de l’après-midi et je n’étais donc pas apte à supporter le « brouhaha » incessant du métro de la grande ville. Ayant deux bonnes jambes en parfaite santé, je décide de parcourir la distance qui sépare mon travail de l’école de ma fille, à pied. Rien de mieux qu’un peu d’air frais pour vous changer les idées et reprendre un peu force.

Voulant éviter les rues trop bruyantes à mon goût, je décidai de prendre l’itinéraire habituel par les rues secondaires, plus calmes. De nature solitaire, je n’aime pas vraiment les gens et je préfère les éviter un maximum, surtout dans des endroits où la foule peut se montrer assez importante. Les écouteurs dans les oreilles, j’écoutais calmement la musique tout en fredonnant l’air qui me trottait dans la tête. Je marchais tout en regardant le sol pour voir où je mettais les pieds. De temps en temps, il m’arrivait de relever la tête afin de couvrir l’espace du regard et éviter de percuter quelque chose ou quelqu’un. C’est à cet instant que je vis une silhouette, un peu plus loin dans la rue, recroquevillée sur elle-même. Plus je me rapprochais d’elle et plus je pouvais remarquer que la personne n’avait pas l’air bien. J’ignore si c’est mon instinct maternel qui me jouait des tours mais je ne pus m’empêcher de me rapprocher de ce garçon. Depuis la naissance d’Emy, il m’arrivait parfois d’être plus sociable qu’avant et de tenter d’aider les gens qui en avaient vraiment besoin. Je reste très sélective sur les gens que je décide d’aborder ou non. Et en cet instant précis, il m’est impossible de passer sans même m’arrêter. « Bonjour. » proclamais-je timidement sans vouloir effrayer cet inconnu. « Est-ce que tout va bien ? » Je m’attendais à une réaction assez froide me disant d’aller ailleurs et de me mêler de mes affaires. Sans doute que ce serait la réaction que j’aurais eu si j’avais été dans la même situation mais que les rôles sont inversés.

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Qui était-il ? Même lui ne le savait pas. Depuis cet accident, il ne savait plus rien. Et tout le monde avait l'air de le connaître mieux que lui-même. Ce qui n'était pas faux... Mais ce n'était pas totalement vrai non plus. Il était sur-protégé. Et il détestait ça. Ne fais pas ça, ce n'est pas bon pour toi. Je sais que tu n'aimes pas tel aliment alors je t'ai cuisiné autre chose. Personne pour le laisser respirer, personne pour le laisser se connaître par lui-même. Et il en avait marre. Peut-être qu'il réagissait comme un ado en pleine crise d'adolescence mais il n'y pouvait rien. Il n'arrivait plus à faire semblant.

Alors il avait fui. Que pouvait-il faire d'autre de toute façon ? Il avait fui cette assistante indiscrète qui fouinait un peu trop et qui le protégeait tout autant. Mais pour aller où ? Depuis quelques temps, il avait pu se balader à travers la ville mais elle était si grande qu'il ne pouvait pas tout mémoriser. Alors il se réfugia dans une ruelle assez tranquille, s'effondrant contre un mur, ramenant ses jambes à lui. Enfin, il pensait être tranquille. Jusqu'à ce qu'une voix l'appelle. Une voix qu'il ne connaissait pas. Son corps se crispa automatiquement. C'était une voix douce, une voix féminine, mais une voix inconnue. Lorsqu'elle lui demanda si tout allait bien, Spoon hésita à répondre. Il frotta son visage contre ses genoux pour essuyer ses larmes et releva la tête vers la personne à côté de lui. Elle était toute mignonne et toute menue, et son sourire avait tendance à rassurer. Alors Spoon soupira, baissa de nouveau la tête et la secoua.

« Non... Pas vraiment. » De nouveau, il soupira. Ses mains vinrent frotter ses yeux à leur tour. Se confier à une inconnue, peut-être que ce serait bénéfique ? « Vous vous êtes déjà sentie agacée parce que les autres attestent mieux vous connaître que vous-même ? »

Lun 27 Jan 2020 - 19:47

@Spoon Lawson Je marchais dans le seul but de rentrer chez moi le plus vite possible. J’avais tellement hâte de retrouver le cœur de toutes mes attentions et serrer ma fille dans mes bras. Depuis mon arrivée à New-York, elle est le seul être qui me préoccupe vraiment et dont je suis le plus proche. Changer de vie n’est pas le plus facile surtout quand on est mère célibataire et que l’on ne sait pas vraiment où la vie va me mener. Mais j’ai réussi et aujourd’hui je n’ai plus peur de l’avenir et de ce que la vie me réserve, à condition que je la passe avec ceux qui me sont proches et qui ne sont pas nocifs pour moi. Je marchais tête baissée essayant de regarder où je mets les pieds. Je fredonne la musique qui voyage au creux de mes oreilles. Rien de bien entrainant mais plutôt quelque chose de relaxant. Certes je n’écoute pas de la musique classique, je n’aime pas ça mais j’essaye toujours de me vider la tête dès que je quitte le travail. Cela me permet de laisser derrière moi les soucis et de pouvoir me donner à cent pour cent pour le reste.

Tout en levant la tête mes yeux se portèrent sur un jeune homme qui ne semblait pas aller bien. Instinctivement, je pris l’initiative d’aller vers cette personne. Je ne sais pas vraiment ce qui me pousse à tenter d’améliorer la situation. Peut-être que si ma fille se retrouve un jour dans une situation similaire, j’aimerais qu’un inconnu vienne lui proposer son aide. Certes, on ne sait jamais sur qui l’on va tomber et je me préparer à ce qu’il me repousse. Après tout je m’introduis dans son intimité et cela pourrait le gêner. Je m’en voudrais s’il lui arrive quelque chose et que je poursuis mon chemin sans même m’arrêter un peu. Sa réponse négative me rassura sur le fait que j’avais eu raison de venir près de lui. Il ne faut jamais rester seul quand on ne va pas bien même si parfois c’est plus facile de rester dans son coin. « Vous vous êtes déjà sentie agacée parce que les autres attestent mieux vous connaître que vous-même ? » Sa question me surprit. Mais elle était très pertinente et me fit réfléchir quelques instants. « Je pense que ça arrive au moins une fois dans la vie de chacun d’entre nous. » Souvent les gens pensent tout savoir, même sur votre vie et souvent plus qu’on ne le sait nous-même. Faut il pour autant prêter attention aux dire de ces gens ? Je l’ignore. « Est-ce que ça te dérange, si je m’assieds un peu près de toi ? » Je le tutoyais pour détendre l’atmosphère. Je n’étais plus aussi pressée de rentrer et j’avais envie de parler. Et avec un inconnu les discussions peuvent être très intéressantes. « Et tu penses que ces autres personnes ont raison ou qu’elles se trompent sur qui tu es vraiment ? »

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